Chapitre Un
La rue pavée était déserte. A l'exception du bruit de ses pas, le silence régnait en maître. Pas âme qui vive et aucune lumière en dehors de celle de la lune.
Drago poussa un profond soupir. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée que cela de s'être arrêter dans cette ville pour la nuit: lui qui voulait se divertir un peu avant de reprendre la route, il avait visiblement fait un très mauvais choix.
Il poussa néanmoins son exploration et lorsqu`il arriva à un nouveau croisement de rues, il aperçut des lumières. Tandis qu'il se dirigeait dans cette direction, des bruits de conversations et de musique lui parvinrent. Cet endroit n'était peut-être pas si mort que ça tout compte fait.
Un bâtiment apparut bientôt dans son champ de vision et Drago eut un sourire.
Haut de deux étages, l'intérieur semblait fortement éclairé. Une musique forte se faisait entendre par les fenêtres ouvertes et un énorme brouhaha prouvait qu'un très grand nombre de personne se trouvait là.
Voilà donc où se réunissaient tous les gens de la ville à la nuit tombée, il aurait dû s'en douter. Cela faisait bien longtemps que Drago n'avait pas mis les pieds dans une maison close.
Il poussa les portes pour entrer et se retrouva dans une immense pièce bondée. Sur sa gauche se trouvait un bar derrière lequel s'affairaient deux barmans. Des dizaines de tables en bois brut meublaient le centre et aucune chaise n'était libre. Au fond de la salle, un gigantesque escalier permettait d'accéder aux étages. Ces derniers se constituaient de couloirs où des portes fermées étaient alignées et leurs centres étaient totalement ouvert sur la pièce du rez-de-chaussée. Cela agrandissait considérablement la salle principale, en évitant aux clients d'avoir l'impression d'étouffer sous un plafond trop bas et cela permettait également d'avoir un œil sur ce qu'il se passait dans les étages, évitant ainsi d'éventuels problèmes: un très bon concept.
Le regard de Drago balaya la salle principale du regard: des femmes légèrement vêtues et des hommes, certainement tous ceux vivants ici vu leur nombre important, plus ou moins éméchés. La maison close dans toute sa splendeur.
Un élément attira alors son attention: sur sa droite, un petit escalier était aligné le long du mur et montait jusqu'à une petite plateforme perchée à mi-chemin entre le rez-de-chaussée et le premier étage. L'escalier en question se trouvait un peu à l'écart du reste et était bien moins éclairé que la salle où les clients se prélassaient. Deux hommes pour le moins impressionnants de muscles en gardaient l'accès. Intrigué, Drago se tourna vers la plateforme. De ce qu'il pouvait voir, un simple bureau de bois s'y trouvait et penchait dessus , un ravissant jeune homme. Certainement pas plus âgé que Drago, il semblait concentré sur son travail, visiblement pas perturbé par le brouhaha ambiant.
L'endroit était trop bien gardé, Drago allait devoir rusé pour y accéder.
Parcourant de nouveau la salle du regard, il avisa une chaise vide au bar et s'y dirigea prestement. A peine fut-il installé qu'une jeune femme l'accosta avec un sourire.
- Alors mon beau, s'exclama-elle, je peux faire quelque chose pour toi?
Drago se tourna vers elle en lui rendant son sourire puis lui tendit un billet de vingt dollars. Cette dernière haussa les sourcils sans faire mine de prendre l'argent.
- Tu ne crois toute de même pas que tu vas obtenir quelque chose de moi avec seulement vingt dollars? dit-elle avec dédain.
- Un renseignement? demanda alors Drago.
La jeune femme attrapa le billet, le mit en sûreté dans son décolleté puis reposa son regard sur son client.
- Je t'écoute.
Drago fit un signe de tête en direction de la plateforme dans la pénombre.
- Qui est-ce?
La prostituée jeta un œil surpris dans la direction indiquée.
- Harry? répondit-elle. C'est le grand patron.
- Et comment on le rencontre le grand patron?
La jeune femme ne répondit pas mais tendit la main vers Drago, un grand sourire sur les lèvres.
Avec un soupir, ce dernier sortit un nouveau billet et le lui donna.
- Attends ici, lui ordonna-t-elle en s'éloignant.
Drago la vit rejoindre les deux gardes au pied de l'escalier et leur parler en le montrant du doigt. Quelques secondes plus tard, l'un d'eux se dirigea vers lui.
- C'est toi qui veut voir le patron?
Drago regarda le garde de la tête aux pieds avant de simplement hocher la tête.
- Suis-moi, lui répondit l'autre en revenant sur ses pas.
Drago le suivit aussitôt.
Le garde le précéda dans l'escalier tandis que celui restait en bas ne le quittait pas des yeux. Arrivé en haut, le premier lui fit signe d'attendre puis il alla voir l'homme attablé au bureau pour lui parler à l'oreille. Le garde revint vers Drago quelques instants plus tard et lui fit signe de s'avancer tandis que lui s'éloignait assez loin pour ne pas entendre la conversation mais assez prêt pour avoir un œil sur la pièce.
L'endroit était petit mais spacieux. Quelques petits meubles de bois, croulant sous les papiers, parsemaient le décor mais on ne voyait que le bureau central.
Ce dernier avait aussi son lot de paperasse mais tout y était impeccablement rangé.
Mais tout cela n'intéressait en rien Drago. La seule chose qu'il vit, et qu'il regarda, fut le jeune homme brun, les cheveux aussi bien coiffés que s'il venait de sortir du lit. Idée très intéressante selon Drago.
Attablé à son bureau, stylo à la main, il fixait Drago de ses splendides yeux verts, le visage impassible.
Drago s'avança jusqu'à la seule chaise libre et y prit place.
- Bonjour, dit-il, ne sachant pas vraiment comment entamer la conversation sous ce regard calculateur.
Harry le regarda des pieds à la tête puis s'exclama:
- On me rapporte que vous souhaitiez me voir. En quoi puis-je vous aider? Monsieur?
Drago sentit un frisson lui parcourir le dos. Sa voix était à la mesure parfaite: un ton poli et clair, engageant mais assez brusque pour bien montrer qui est le patron dans cette pièce et qu'il n'avait pas intérêt à lui faire perdre son temps. Sans aucun doute avec un foutu caractère. Ce jeune homme était décidément très à son goût!
- Malefoy, Drago Malefoy et je recherche de quoi me divertir, répondit-il avec un sourire charmeur.
Harry haussa les sourcils puis son regard se tourna vers la salle en contre bas.
- Les services de mes employées ne seraient ils pas à la hauteur de vos exigences?
Le sourire de Drago s'accentua.
- Je ne doute pas du fait qu'elles font un excellent travail mais je ne recherche pas de femmes.
Harry hocha légèrement la tête.
- Nous ne proposons pas les services d'hommes ici, je suis désolé. Les habitants de cette ville ne demandent pas ce genre de prestation. Je ne peux donc pas vous aider Monsieur Malefoy.
Harry s'était déjà repenché sur son travail lorsque Drago dit:
- Combien?
Le jeune homme brun leva un regard irrité vers son visiteur.
- Combien pour quoi? demanda-t-il avec brusquerie.
Drago lui répondit du tac au tac.
- Combien pour coucher avec vous?
Harry explosa de rire. Il mit plusieurs secondes avant de se calmer mais son ton était toujours amusé lorsqu'il répondit:
- Je suis le patron ici Monsieur Malefoy, pas un employé. Je gère le fonctionnement de l'établissement et seulement cela.
- Voyez cela comme un nouveau moyen de faire prospérer votre entreprise. Une nouvelle source de profit. En joignant l'utile à l'agréable.
- Vous ne manquez pas de culot, chuchota Harry, un sourire en coin.
- Et ça vous plait? demanda Drago sur le même ton.
Seul le brouhaha du rez de chaussée lui répondit puis Harry s'exclama:
- Je ne vous raccompagne pas, vous connaissez le chemin.
Drago sourit jusqu'aux oreilles.
Ce jeune homme était trop appétissant pour qu'il n'y goûte pas. Il allait devoir jouer avec finesse mais il l'aurait. Il faudrait faire preuve de patience, la chasse allait être longue mais certainement exaltante et à la fin, la récompense n'en serait que bien meilleure.
Admettant sa défaite pour cette manche, Drago se leva, inclina la tête vers le patron puis redescendit l'escalier, escorté par le garde du corps.
D'un pas calme, il regagna sa chaise prés du bar, qui n'avait heureusement pas trouvé d'autre preneur.
Il fit signe au barman le plus proche et passa commande. Lorsque cette dernière arriva, un grand bruit se fit entendre vers sa droite. Comme toutes les personnes présentes dans la pièce, Drago se retourna pour voir ce qui se passait.
Un homme d'âge mur essayait visiblement d'obtenir des services d'une prostituée, sans avoir payé au préalable. Cette dernière se débattait avec fougue, donnant du fil à retordre à son agresseur.
Fronçant les sourcils, Drago s'apprêta à intervenir quand un coup de feu retentit.
Aussitôt, le silence s'abattit sur la salle tandis que l'agresseur poussait un hurlement en se tenant le bras.
Le bruit d'une arme qu'on recharge se fit entendre et d'un même mouvement, tout le monde se tourna vers la petite plateforme. Seuls les faibles pleurnicheries de l'homme perturbaient l'atmosphère.
Nonchalamment appuyé contre la rambarde de bois, Harry surplombait toute la salle, un fusil à la main. Son regard, posé sur l'agresseur, était dur et Drago ne le trouva que plus beau encore.
- Les services du personnel ne sont pas gratuits Messieurs, s'écria-t-il d'une voix forte.
La salle explosa soudain en acclamations et en applaudissements. La musique reprit aussitôt et les gens reprirent leur divertissement comme si de rien n'était. Les deux gardes qui avaient escortés Drago, vinrent chercher l'homme blessé, le saisirent sans ménagement et allèrent le jeter hors de l'établissement.
Harry suivit leur parcours du regard, le visage toujours aussi dur.
Alors que tout le monde avait repris ses activités, Drago lui ne bougeait pas. Toujours assis sur sa chaise, il ne quittait pas Harry des yeux.
Lorsque l'agresseur fut mis à la porte, Harry balaya le rez de chaussée du regard et ce dernier tomba sur Drago.
Ils se fixèrent pendant quelques secondes puis le patron se détourna et retourna à son travail.
Drago, lui, se saisit de sa boisson, un grand sourire aux lèvres.
A suivre...
