Un rayon de soleil filtra à travers les volets, caressant doucement mon visage, avant de taquiner mes paupières. Je plissai les yeux et grognai, puis rabattis ma couverture sur la tête. Ma main tâtonna le lit à côté de moi, mais je savais déjà qu'il n'était plus là, ce que me confirmèrent les draps froids. Je me retournai sur le dos, les yeux bien ouverts cette fois, et de mes lèvres glissa un léger soupir.
Je finis par m'asseoir sur le lit, fixant les volets branlants où le soleil tentait de se frayer un passage, et m'autorisai le luxe de bayer aux corneilles quelques secondes de plus, avant de m'habiller pour la journée qui m'attendait. Je finis par attacher mes cheveux bruns en queue de cheval, et jetai un regard au miroir en sortant de la chambre, constatant distraitement que mon reflet avait changé. Le temps passait vite... Déjà 3 mois.

Je descendis les escaliers de la petite maison, saluant au passage mes trois colocataires d'un geste de la main. Jinta montait la garde à la fenêtre, tandis que Momo Hinamori préparait le café en silence, et que Toshirô Hitsugaya faisait l'inventaire des armes.
Je retins un soupir, et saisis la mitraillette à côté de moi, la glissai en bandoulière autour de mon épaule, retrouvant avec satisfaction la sécurité du métal froid. Jinta me jeta un coup d'oeil, son visage s'éclairant d'un léger sourire. Je m'approchai de lui l'embrassai. Il murmura contre mes lèvres, d'une voix délibérément sensuelle :
- salut toi ...
On échangea un sourire complice, puis il se retourna vers la fenêtre, tandis que je rejoignais Momo, qui me fit un doux sourire :
H - bonjour Karin ! Bien dormi ?
Je me contentai de lui répondre d'un sourire, tandis qu'elle me tendait une tasse de café. Je grimaçai. Je ne m'étais toujours pas habituée à ce goût amer, mais ce n'était plus le moment de faire ma difficile. Les temps avaient changé ...
Une fois nos cafés vides, les armes retrouvèrent leur place au creux de nos mains, et Toshirô ouvrit la porte après s'être assuré que la voie était libre.
Je suivis mes trois amis, le doigt sur la gâchette et le regard aux aguets.
La rue était déserte, grise et étrangement silencieuse.
On se dirigea dans les rues, sans un bruit et concentrés, sachant parfaitement où on allait.
C'était l'heure du ravitaillement.

Un grondement se fit entendre au loin, nous immobilisant un court instant. Mais trop loin pour être un danger, on reprit notre marche.
Arrivés au supermarché, qui ne ressemblait plus à rien, on entra avec prudence.
Ils
venaient souvent ici.
Qd ils avaient faim.

Le rayon boucherie avait été depuis bien longtemps pillé. Ainsi que la poissonnerie.
Mais ils avaient laissé toutes les conserves et féculents.
On ouvrit les sacs avec Momo, commençant à les remplir de victuailles, tandis que les garçons montaient la garde. Soudain, je fis tomber une boîte de conserve malgré moi, qui résonna dans un tintamarre épouvantable, nous figeant tous.
On attendit des secondes interminables, pétrifiés d'horreur... Mais rien ne vint.
Lâchant de brefs soupirs de soulagement, on retourna à notre petit vandalisme, échangeant un coup d'oeil préoccupé.

Un souffle rauque se fit soudain entendre.
Bien trop près.

Je fermai mon sac sans un bruit, le remit sur mon dos en reculant prudemment avec Momo, nos mains sur nos armes, le regard fouillant la semi-obscurité du supermarché.
On entendit d'abord un léger cliquetis de griffes sur le carrelage. Puis on vit sa tête apparaître derrière un rayon de surgelés, reniflant l'air.
Il nous vit, et sa tête se pencha d'un air carnassier.

Raptor.

Mais il n'eut pas le temps de lâcher son cri de ralliement, Toshirô et Jinta l'avaient déjà criblé de balles, l'allongeant dans la seconde. Un second jaillit entre deux étalages, un peu plus loin, dérapant sur le carrelage, et subit le même sort avant même d'avoir pu se rétablir sur ses pattes.
Je resserrai ma prise sur mon arme, stressée, Toshirô poussa vivement Momo vers la sortie, tandis qu'elle prenait fébrilement quelques dernières boîtes.
H - on dégage, on a fait trop de bruit.
On courut comme des dératés vers la rue, vers notre rue, notre salut, qui heureusement n'était pas loin.
Des cris aigus se faisaient déjà entendre, plus loin.

Ils avaient entendu.

Mais on s'était déjà barricadés chez nous, haletants, les coeurs battant comme des fous.
Jinta me prit dans ses bras, posant la tête sur mes cheveux, et je fermai les yeux contre son étreinte, reprenant mon souffle ... Il m'embrassa le front, et rejoignit Toshirô, tandis que je m'accroupissais près de Momo.
Ses yeux brillaient.
Je lui caressai les cheveux, elle me jeta un regard durci par l'angoisse. Je murmurai :
- ça va aller ...
- ils sont de plus en plus nombreux ...
- Karin ...
- ... Momo ... On va devoir partir.
Elle se raidit, son regard devint désespéré :
A - non ! ... NON ! on ... on doit rester ici !
Je serrai les dents. L'idée de couper la gorge à son espoir surréaliste me donnait envie de vomir, mais on n'avait plus le choix.
- ... Momo ...
- non ! non, Karin ! C'est notre dernière chance de les retrouver !
- ... ils seraient déjà venus, s'ils étaient toujours ...
Vivants. Mais je ne parvins pas à laisser le mot glisser de ma bouche, devant son visage pâle comme la mort.
- ... non ! On ... on est en sécurité ici ... je-je veux pas partir ...
Je me relevai, le coeur brisé, la laissant prostrée, et rejoignis les garçons :
- j'peux pas ... j'peux pas.
Jinta me prit dans ses bras réconfortants, tandis que je me laissais aller de nouveau contre lui, tandis que le décoloré rejoignait sa belle, tentant sa chance à son tour.
Un grondement se fit entendre au loin, nous enveloppant d'une angoisse palpable.

Plusieurs mois auparavant, suite au réchauffement climatique, les glaciers avaient lentement fondu, certains pays avaient disparu sous les eaux montantes, les continents s'étaient réduits. Mais pire encore, avec la fonte des glaciers avait réapparu une espèce disparue depuis bien longtemps ... Les dinosaures. Ils s'étaient peu à peu extirpés des blocs de glace qui étaient devenus glaçons, avaient recommencé à respirer ... Puis s'étaient répandus partout.
Et ils se reproduisaient.
Tous.
Les humains avaient rapidement succombé en nombre, ne laissant survivre que les plus forts, les plus courageux, les plus malins.
Mais il en restait si peu ...Et chacun vivaient en petites bandes nomades, bougeant d'endroit en endroit, traqués par les carnivores. Ils adoraient la chair humaine.

J'étais au cinéma avec Jinta, Momo et Toshirô, le soir où tout avait basculé. Les dinosaures avaient envahi la ville comme un raz-de-marée, sans prévenir, fauchant toutes les vies humaines sur leur passage. On avait réussi à se mettre à l'abri dans un bâtiment fermé, et à survivre au massacre. Mais tous nos proches qui étaient dans la ville avaient péri ou avaient fui ... Les mois avaient passé, et nos espoirs de retrouver les nôtres s'amenuisaient de jour en jour. Sauf Momo ... Elle cultivait un espoir presque maladif de retrouver sa famille adoptive, Byakuya et Rukia Kuchiki, mais jusque là, rien.

Jinta me fit un sourire encourageant, auquel je répondis, sortant de mes sombres pensées :
- ... bon ... j'y retourne.

Il m'embrassa, me laissa retourner à notre chambre, qui était devenue un entrepôt d'armes et une réserve de nourriture. Et notre atelier. Depuis plusieurs jours, je pensais avoir trouvé quelque chose ... De la tête d'un spinosaure (un des plus gros), on avait extrait sa boîte vocale. Et je la grattais, la sculptais, tentant d'obtenir une sorte de sifflet ...
Sifflet capable de faire fuir les raptors et la plupart des petits carnassiers.
Ce sifflet avait déjà fait ses preuves pour d'autres tribus nomades.
Mais j'avais beau y travailler, le grondement lugubre du spino ne se faisait pas entendre ...
Après quelques heures, je reposai mon couteau, soupirai.
C'était ma dernière tentative ... Si ça ne marchait pas, je pouvais plus rien faire ...
Je portai le sifflet à mes lèvres, inspirai longuement ... et soufflai de toutes mes forces.
Le rugissement qui en sortit fit vibrer les murs de la chambre et de la maison toute entière, me hérissant les cheveux et tous les poils du corps.

Putain.
C'était parfait.

Jinta et Toshirô avaient saisi leurs fusils à la seconde même où ils avaient entendu le grondement, qui semblait être juste derrière eux, les yeux écarquillés. Mais ils me virent ouvrir la porte, un sourire fatigué mais heureux aux lèvres.
- t-... t'as réussi ?
Je brandis le sifflet en l'air, et ils semblèrent sur le point de hurler de joie, mais se retinrent, se contentant de lâcher des grands sourires ravis.
Je m'approchai de Momo, dont le visage s'était éclairé, et lui tendis le sifflet pendant au bout d'une cordelette.
- tiens. C'est pour toi.
- ... hein ? mais ... non ! garde-le !
Je souris, lui passai la corde autour du cou.
- bon anniversaire ...!
Elle écarquilla les yeux.
- on est le ...
- ... oui.
Un sourire naquit enfin sur ses lèvres, et elle me prit dans ses bras, ses yeux brillants de larmes contenues.
Le repas fut chaleureux et animé ce soir là, on s'octroya même le plaisir de bières. Puis Momo et Toshirô allèrent se coucher dans leur chambre, tandis qu'avec Jinta, on s'approchait de la fenêtre de l'étage pour monter la garde. Il me sourit :
- c'était bien ce soir ...
- oui.
- ... faut qu'on en trouve d'autres. Des sifflets.
- ... je sais. Près du parc ?
- trop risqué. La bande d'Eleanor a sûrement débarqué près du supermarché. Peut être qu'on ...
Mais je ne l'écoutais plus. A l'évocation d'Eleanor, la chef des raptors du coin, mes pensées s'étaient mises à vagabonder.
Et si ...
Jinta vit que je réfléchissais, et me regarda, sourcils froncés :
- quoi ? J'aime pas ça, quand tu fais cette tête là ...
- ... t'inquiète :)
Je l'embrassai, décidant de garder l'idée folle qui venait de germer dans ma tête pour plus tard.
Parce que songer à buter Eleanor, c'était du pur suicide.

Au petit matin, je fus réveillée par des piaillements aigus, et grognai. Jinta se redressa, sur le qui-vive.
- des compsy ...
Il se leva du lit, s'approcha de la fenêtre en silence, tandis que je me redressais à mon tour, le fixant d'un air interrogatif. Les cris devenaient vraiment assourdissants, c'était inhabituel.
Il me fit signe d'approcher, et je le rejoignis, écarquillant les yeux en voyant la rue.
Une vague de compsy envahissait notre rue, qu'on ne distinguait plus, sous les minuscules lézards grouillants.
- c quoi ce bordel ...
- ... quelque chose les fait fuir.
On échangea un coup d'oeil angoissé. Eux.
On dévala les escaliers en silence, mettant nos 2 colocs au courant. Et je regardai Momo, qui allait devoir se faire à l'idée de partir plus tôt que prévu.
Car qd ils arrivaient, rien ne restait ...
Les Spinos.
Pires que les T-Rex. Ils traquaient les hommes avec un plaisir sournois, semblant être les seuls capables de les sentir, où qu'ils soient ...
On fit nos sacs à la hâte, et une fois prêts, on lança une bombe fumigène dans la rue, pour aveugler les compsy, avant de sortir de notre repaire, et de partir en courant immédiatement.
On se suivait de près, ignorés des compsy pr une fois, que leur affolement désorientait.

Momo trébucha dans la marmaille grouillante, et se releva dans la seconde, mais 2 compsy lui avaient déjà écorché le visage.
Le silence se fit.
Ils nous avaient grillés.
Ils s'étaient tous immobilisés, nous observant.
De la chair fraîche.

Toshirô s'exclama :
- COUREEEEEEEZ !
Il lança une autre bombe, mais déjà les petits dinos se jetaient sur nous à l'aveuglette, tandis qu'on se remettait à courir, giclant les petites bêtes comme on pouvait.
Bordel ...
Cette fois c'était la fin.
On bondit dans une ruelle déserte, où seuls quelques compsy nous suivirent, avant de s'arrêter et de retourner rejoindre la file-mère.
On s'arrêta, haletants, incrédules. On avait survécu ...
On éclata tous de rire, fous de joie. On avait survécu à des milliers de compsy ... Un miracle ?!

Mais un grondement sourd, très bas, nous hérissa tous les cheveux.
Vraiment très proche.
Juste ...
A portée de main ?
On se retourna lentement, n'osant y croire.
Un énome spino se tenait là, nous fixant. Immobile comme une statue de cire. Ravi de l'aubaine.

GYAAAAAAAAH !
Jinta saisit lentement le bras de Momo, sans quitter le monstre du regard, murmurant :
- le sifflet ... Passe-le moi.
On le regarda, les yeux exorbités.
- ... t'es malade ! C'est pour les raptors ...
- on peut toujours essayer ... il bouge pas.
Momo finit par lui passer son sifflet, avec des mouvements lents. Jinta prit une grande inspiration, et nos coeurs s'arrêtèrent tous en entendant l'épouvantable grondement qu'il produisit.
Le spino releva brusquement la tête, surpris.
Ca avait marché ?...
Il secoua la tête ... et poussa un rugissement féroce, deux fois plus puissant que le nôtre, faisant trembler les murs. Des tuiles tombèrent du toit.
- ... euh ...
- ... tu l'as juste légèrement énervé là ...
- ... on court ?

MAMAAAAAAAAAAAAAN !

On fit demi-tour, retournant se jeter dans la foule de compsy, qui ne faisaient de nouveau plus attention à nous, terrifiés par le grondement qu'ils avaient aussi entendu.
Un rugissement terrifiant retentit derrière nous, tandis que le sol se mettait à trembler sous sa course.
Bon, cette fois c'était vraiment la fin.
Le spino nous talonnait, tandis qu'on cavalait comme des dératés, trébuchant sur le sol mouvant de compsy. Soudain, je reconnus la rue, et hurlai :
- A DROITE !
Jules obliqua aussitôt, suivi de près de nous 3. On s'engagea dans la ruelle étroite, juste assez large pour deux hommes. Ca n'arrêterait pas le spino, mais ça le retarderait ...
- il va nous retrouver au flair !
- par là !
On obliqua de nouveau, puis encore une fois, et on finit par se retrouver au point de départ.
La rue était déserte.
- la forêt ! dans la forêt !
Après une hésitation, on se mit à courir vers le parc de la ville, qui était devenue une jungle. Et une zone rouge.

Plus aucun humain censé ne s'y aventurait ...
C'était devenu la zone de ponte des carnivores.
Mais le spino ne reviendrait pas sur ses talons, embrouillé par nos pistes olfactives qui se croisaient.
On vit bientôt les hauts arbres se profiler devant nous, leurs cimes accrochant une brume épaisse.
On courait à perdre haleine, restant le plus silencieux possible, se dirigeant vers le terrain de basket, qui était la zone des gigantesques sauropodes, que les carnivores laissaient relativement tranquilles.

Soudain, je vis une trace sur les arbres.
Sa trace.
Eleanor.
La raptor rouge.
Elle marquait son territoire de coups de griffe sur les arbres, et sa marque était reconnaissable entre tous, avec ses 4 griffes au lieu de 3.
La raptor suprême.
Je ralentis, déglutissant.
On avait trouvé le territoire d'Eleanor malgré nous ... Le No Man's Land n°1.

Bon. Cette fois, on allait définitivement mourir.

Je butai dans le sac à dos de Toshirô, qui s'était immobilisé. J'allais le héler d'avancer, lorsque je me tus, comprenant la raison de son silence.
Des oeufs.
Un nid rempli d'oeufs.
Les oeufs d'Eleanor ?...
Impossible ...

Les garçons reprirent leur course, sans s'apercevoir que je traînais en arrière, ni que je prenais 5 oeufs et que je les fourrais délicatement dans mes poches et mon sac.
Ca nous ferait une bonne omelette ce soir ...
Cette pute l'avait largement mérité.

On finit par escalader un chêne centenaire sur le stade des brachiosaures, et on s'installa confortablement au coeur des hautes branches larges comme des fauteuils.
Et enfin, on se regarda avec des sourires.
On avait échappé aux compsy, au spino, et on avait traversé le territoire raptor sans aucun dommage ... Jinta s'exclama, excité :
- c'était le territoire de la Rouge, vous avez vu ?
Je hochai la tête avec Toshirô, qui murmura, songeur :
- curieux qu'on n'en aie croisé aucun ...
Jinta haussa les épaules, rechargeant son arme :
- le spino les avait peut être dérangés.
- sans croquer leurs oeufs ? Peu probable.
Je pouffai malgré moi, m'attirant leurs regards. Et vis avec jouissance leurs yeux s'agrandir de stupeur, tandis que je sortais de mes poches les oeufs.
Toshirô blêmit :
- ... a-attends ... t'as volé les oeufs ?
- ... les oeufs d'Eleanor ?
- t'es malade ! Elle va nous traquer jusqu'à ...
- hey.
J'avais cessé de rire.
- j'vais juste me faire une putain d'omelette avec ces oeufs. Libre à vous d'en manger ou pas.
Ils gardèrent le silence, échangeant un regard gêné. Ils savaient que j'avais un os contre Eleanor ... Un os de mammouth, même.

Elle avait tué ma petite soeur, Yuzu.
Juste pour le plaisir.
Juste devant moi.

J'avais laissé les oeufs dans un creux de sciure, sortant une casserole de mon sac et le mini-réchaud.
Toshirô avait fini par me rejoindre pour m'aider, tandis que Momo se reposait et que Jinta surveillait les alentours.
Je pris un oeuf dans mes mains, tandis que l'eau rentrait doucement en ébullition, ravie de me faire une bonne omelette de raptor !
Soudain, mon sourire s'effaca, et je regardai ma main.
Non ... J'avais dû rêver ... C'était pas ...
Un second choc fit vibrer l'oeuf.
Et merde.
Si.

La troisième fut la bonne. L'oeuf se fendilla.
Toshirô entendit le bruit, et se retourna lentement, n'osant y croire.
On vit la petite tête de lézard sortir de sa coquille ...
Un bébé raptor.
- putain ... les oeufs sont à term ...
Jinta s'approcha, prit les autres oeufs, écouta, les reposa, la stupeur se peignant sur son visage, puis hocha la tête, confirmant notre crainte.
Je gardai le silence, regardant le bébé raptor dans mes mains, qui se débarrassait difficilement de sa coquille. Jinta me regarda :
- Karin ?

- ... on en fait quoi, on les graille ?

Le bébé raptor secoua la tête, comme étourdi. Et regarda autour de lui, renifla mes mains. Puis tourna son minuscule museau vers moi.
Et gazouilla tout doucement.
Mon coeur sembla se fissurer.
Le bébé d'Eleanor.
Il gémit de nouveau, tendant sa petite tête vers moi, quêtant chaleur et nourriture.

Je devais le tuer ...
Le bébé raptor s'accrocha à mon pouce, y frotta sa tête, et baîlla, se pelotonnant entre mes doigts, enroulant sa queue autour de lui, décidant de renouveler sa tentative plus tard.

Le faire cuire et le bouffer ...
Il soupira profondément, fermant les yeux, sonné du choc de sa naissance.
J'en avais oublié de respirer, ne voulant pas briser ce moment.

- Karin ?
La voix de Toshirô me sortit de ma transe, et je déglutis, les regardant à tour de rôle. Ils me fixaient, comme pétrifiés. Il murmura :
- il faut les tuer.
Mes doigts se refermèrent imperceptiblement sur le petit corps encore humide du bébé raptor.

Non.

Il faut le tuer.

Non.

Il va grandir ...

Non !

Il va devenir comme sa mère ...

NON !

Et je finis par les regarder de nouveau, une lueur belliqueuse brillant dans mes yeux, forte de ma nouvelle décision.
- on les garde.
Pas sûrs d'avoir compris l'absurdité de ma réponse, ils balbutièrent :
- ... quoi ?
- ... que ... qu'est ce que tu veux dire ?
- ... t'as perdu la tête ?!
Je souris. Un sourire de carnassier, qui les fit frémir.
- on les garde ... et on les apprivoise.
Toshirô éclata de rire, attirant l'attention d'un énorme brachiosaure qui paissait non loin.
- t'es marrante toi ...
Mais Jinta ne riait pas du tout. Il savait que j'étais sérieuse. Et Momo le savait aussi, depuis la seconde où j'avais ouvert ma main au bébé raptor.
Toshirô redevint sérieux, explosa :
- mais t'es dingue ou quoi ? Apprivoiser des raptors ?! Ils vont nous bouffer tout rond dès qu'ils seront assez grands !
- n'importe quel animal peut être apprivoisé 'Shirô, s'il est au contact de l'homme dès la naissance. Et qu'il est bien dressé. On a dressé les plus grands carnivores de la terre ... Des hommes ont déjà dressé des compsy. Alors pourquoi pas un raptor ?
- parce que personne n'y a jamais survécu !
- les seuls qui ont eu un oeuf de raptor dans la main s'en ont fait une omelette. S'ils sont pas morts rien que pour avoir approché un nid.
- je ...
- on va être les premiers à dresser des raptors.
- t'oublies quelque chose ...

- tu veux devenir ami-ami avec les bébés de celle qui a tué ta soeur ?
Toshirô, emporté par la colère, n'avait pas mesuré la portée de ses paroles, et se tut brusquement, retenu par la main de Jinta. Il me fixa, ouvrit la bouche comme pour s'excuser, mais je lui répondis d'un pâle sourire.
- ... si ça marche pas, je serai la première à leur mettre une balle dans la tête.

Un léger bruit attira notre attention. On vit deux oeufs qui s'agitaient doucement. Momo murmura tout bas, fascinée :
- ils naissent ...

On s'approcha des oeufs, hypnotisés malgré nous.
Un autre bébé perça son oeuf, mais faillit s'étouffer avec un bout de coquille, et Jinta, après une hésitation, tendit la main pour sortir le petit lézard de son pétrin, qui émit un léger babillage de reconnaissance, s'agitant sur sa paume comme un bébé dans ses langes. Et le jeune homme aux cheveux rouges sourit légèrement, partagé entre l'amusement et la stupeur.

Un second bébé sortit ses pattes en premier de la coquille, et on entendait ses pleurs de la coquille. Momo céda à son tour, et prit l'oeuf pour dégager le bébé de sa prison.

Il en restait deux, qui commencaient à gigoter, comme appelés par leurs frères.

Le troisième finit par percer sa coquille, et en sortit tout seul comme un grand. Il finit par se dresser maladroitement sur ses pattes, avec un dernier morceau de coquille sur la tête, qui lui faisait comme un chapeau, le rendant franchement cocasse. Il fixa Toshirô, immobile, se balançant sur ses pattes.
Soudain, il bondit avec un cri, nous faisant sursauter, et fonça sur l'humain aux cheveux blancs, qui eut un mouvement de recul.
Et le bébé raptor se roula à ses pieds comme un chiot, offrant son ventre et quémandant un câlin avec des petits bruits ressemblant à un ronronnement.
On éclata tous de rire, tandis que le décoloré se penchait pour ramasser le petit bisounours, qui se lova amoureusement contre ses mains.
- il t'a adopté direct !
Toshirô eut un sourire mi-figue mi-raisin, caressant maladroitement la tête de son nouveau petit protégé, qui éternua, puis chouina, s'étant fait peur tout seul. On se mit tous à rire.

Il en restait un.

L'oeuf bougeait doucement, comme si son occupant n'était pas bien pressé de sortir de son cocon. Et soudain, la coquille se perça ... On se tut, le spectacle était inlassable.
Le bébé raptor sortit méthodiquement de son oeuf, l'attaquant stratégiquement, et finit par s'en débarasser totalement, sa queue fouettant gauchement l'air.
Il était légèrement plus gros que les autres, et plus sombre, presque rouge.
Avec 4 griffes à ses pattes antérieures ...

Un mini-Eleanor.
Il nous regarda à tour de rôle, bien campé sur ses pattes, la tête basse. Un mini-fauve prêt à l'attaque.
On le fixait tous en silence, inquiets. De tous les bébés, c'était celui dont l'attitude s'approchait le plus d'un raptor.
Définitivement un mini-Eleanor.
Il finit par tourner la tête vers moi en dernier, la pencha sur le côté en me scrutant. Il reniflait l'air, semblant réfléchir.
Soudain, il me surprit, s'approchant vivement de moi, avant de bondir sur mon genou, me faisant sursauter.
Il perdit légèrement l'équilibre, et ma main le rattrapa sans réfléchir.
Il me regarda de nouveau de ses yeux dorés, et ce fut comme s'il me disait "Je savais que tu me rattraperais".
Et il vint alors se blottir dans l'ouverture de ma veste, contre mon ventre, retrouvant la chaleur et l'obscurité de son oeuf.
Je relevai les yeux vers mes amis, qui étaient aussi incrédules que moi.
- elle t'a définitivement adoptée ...
- ... elle ?
- c'est une femelle.
- ... comment tu sais ?
- les mâles c'est le mien, celui de Momo et celui dans ta main. Celle de Jinta et ... celle là, c'est des femelles.

Je souris à Jinta, qui me rendit un sourire amusé :
- c'est bizarre ... C'est comme si c'était eux qui nous avaient choisi.
Toshirô garda le silence, et Momo me regarda, hésitante :
- tu vas pas garder les 2 quand même ... si ?
Ils me regardèrent tous.
Je grimaçai. Ils étaient petits, mais allaient très vite grossir ... 2, c'était pas gérable.
- je pense pas ... mais je sais pas comment faire. J'veux pas en tuer un ...
Elle leva les yeux au ciel. Toshirô s'exclama, agacé :
- oh j't'en prie ! ça fait 2 minutes que tu les as !

Je regardai le premier, qui dormait comme un bienheureux, tjs enroulé dans ma paume. Lui serait relativement le plus facile, à la limite ...
Pas comme l'autre ...
Je regardai vers ma veste. Ses yeux jaunes me scrutaient tranquillement, du fond de sa cachette.
Non ... Elle, ça allait être une forte tête.
Je soupirai, ne parvenant à choisir.
- ... je vais y réfléchir. On doit trouver comment on peut s'en servir.

Ils hochèrent la tête d'un air peu convaincu, sachant très bien que je ne cherchais qu'à gagner du temps, mais bon les bébés allaient pas pousser en une nuit ... Jinta releva la tête :
- dites ... les p'tites crevettes là ... elles vont vite avoir la dalle ! Et on devrait rapidement leur mettre l'idée dans la tête qu'on est pas leur casse-croûte !

Je penchai la tête, lâchant un sourire mielleux :
- de ce côté là, pas de souci ...
Ils me regardèrent tous les 3 d'un air méfiant. Ils n'aimaient pas quand je souriais comme ça ...
- ... j'ai un plan.
Et ils n'aimaient PAS DU TOUT mes plans.

Toshirô marmonna, après avoir entendu mon idée du siècle (ou pas) :
- c'est une idée de merde.
Jinta lui jeta un regard agacé, mais ne le fit pas taire. Le décoloré n'avait pas tellement tort cette fois ... Je repris :
- écoute, ils vont vite grossir. Donc va falloir qu'on aie rapidement des grosses quantités de viande, tous les jours.
- ... oui je sais, mais ça ...
- ... et nous aussi on aura de quoi grailler.
- ...

Le ventre de Momo poussa une plainte, ce qui acheva de convaincre son homme.
- ... bon. On essaie. UNE fois. Si ca rate, je m'en fous mais on cherche un autre plan.
Je souris, amusée.
- deal.
On passa la journée à élaborer notre piège, et au crépuscule, on se regarda, épuisés mais ravis.
Ca allait peut être marcher ...
- demain à l'aube, on passe à l'attaque !
Les garçons échangèrent un regard excité, et on remonta dans l'arbre, où nos bébés raptors nous attendaient, surveillés par Hinamori. Ils avaient forci, tenant sur leurs pattes à présent, et jouant les uns avec les autres.
La mini-Eleanor avait généralement le dessus, étant plus audacieuse et plus forte que les autres.

Toshirô redescendit chasser avec Jinta, et nous ramenèrent un petit edmonsaurus, qu'ils avaient trouvé mourant, la patte brisée dans une racine d'arbre. Une rare aubaine... D'autant que leur viande était particulièrement tendre.
Les bébés raptors s'excitèrent en sentant la viande cuire, et piaillaient allègrement.
On leur donna alors leur premier repas ... Qu'ils adorèrent, se bâfrant jusqu'à être repus.
On termina notre repas à notre tour, les observant à la lueur du feu. Celui de Jinta et le mien continuaient de se taquiner, cherchant à se mordre les pattes.
Celui de Momo s'était endormi en boule à ses pieds, tandis que celui de Toshirô se faisait peur tout seul avec son ombre, se flanquant des trouilles pas possibles. Et la petite rouge était blottie à mi-chemin entre le feu et mes pieds, regardant les flammes d'un oeil mi-clos.
Jinta lâcha un sourire amusé :
- on devrait leur donner des noms ...
Toshirô se départit d'un sourire sardonique, et désigna tour à tour chaque bébé :
- Grincheux, Atchoum, Joyeux et ... Simplet !
On pouffa de rire.

Momo caressa doucement le sien :
- je pense que je vais l'appeler Hope.
Jinta sourit, amusé, tandis que Toshirô prenait la relève :
- le mien ... Charlie !
On le regarda, surpris :
- Charlie ?
- Charlie Chaplin !
On éclata de rire, et le petit Charlie nous jeta un coup d'oeil, avant de se retourner et de se payer une branche. Ca lui allait définitivement bien.
Je regardai les miens, songeuse.
- ... lui ... Kid.
Jinta me fit un sourire, et réfléchit un instant, avant d'enchaîner :
- la mienne ... Maggy. Comme mon chat.
Je souris. Son bébé raptor faisait certes la taille d'un chaton ... Mais plus pour très longtemps !

On se regarda, ravis de nos petits noms. Hope, Charlie, Kid et Maggy.
Et les yeux se posèrent sur la petite dernière, qui leva la tête sur nous. Jinta me demanda :
- et elle ?

La petite raptor rouge me regarda tranquillement, les flammes dessinant des ombres sur elle, semblant attendre.
Comme si elle savait ...
Et son nom, venu de nulle part dans mon esprit, glissa tout seul de mes lèvres :
- ... Gaïa.

Le silence se fit dans notre arbre, semblant sceller le baptême de la petite rouge.
Gaïa, la Terre Première. Gaïa, celle qui les unit tous.
Je souris à la petite raptor :
- hey ... Gaïa.
Elle émit un léger grondement, et se retourna de nouveau vers le feu.
- ... elle a quelque chose, celle là ...
Je ne répondis pas.
Mais je le savais déjà au fond de moi ... Je ne parviendrais pas à la dresser. Elle était née sauvage ... Et m'avait certes adoptée, mais se contentait de nous tolérer.
Elle attendait son heure.