OS en réponse au 16e défi du Poney Fringant
Tous les personnages, lieux, années et objets sont à Tolkien...
bonne lecture ;)
Les neuf
Alors qu'il observait la petite fleur qui avait tout juste commencé à écarteler ses lourds pétales jaunes, il restait assis, la regardant pousser. Il savait qu'elle ne pousserait pas plus rapidement, qu'elle croiserait au rythme qu'il lui faudrait et que, malgré tout l'amour qu'il lui donnerait, elle finirait, un jour, par faner. Alors, les graines qui se trouvaient en son centre se poseraient sur le sol et une nouvelle fleur viendrait prendre sa place.
Depuis sa plus tendre enfance, il n'avait jamais pris l'habitude de se perdre dans ses rêves. Toutefois, il désirait par-dessus tout revivre sa lointaine jeunesse, à une époque où la guerre ne signifiait rien pour lui, à une époque où la mort n'était qu'un terme très vague pour exprimer le départ des gens. Bref, depuis bien des années, il était déchiré entre ce désir de s'abandonner à des rêveries et le désir de vivre sa propre vie. C'était en 1482.
Malgré tout, il avait appris à concilier les deux. Il avait élevé une famille qui, parmi tous les hobbits qui avaient existé sur cette terre, n'aurait pu avoir meilleur paternel que lui. Il avait cultivé la terre avec ce même amour et avait veillé à ce que la ville ne manque jamais de rien. D'un autre coté, il avait raconté de très anciennes histoires qu'il avait apprises au temps de sa jeunesse et plantait dans l'esprit des enfants, petit à petit, les graines de l'aventure que le vieux Bilbon avait lui-même planté dans le sien. Toutefois, il y avait une histoire qu'il gardait pour lui. Une histoire qu'il n'avait jamais trouvé le courage de raconter car, le jour où il avait vu les voiles quitter les havres, il s'était juré de ne jamais la partager avec nul autre. C'était l'histoire des neufs.
Tout avait commencé par une belle journée d'été où il jardinait tranquillement dans le jardin du vieux Sacquet et avait entendu, porté par le vent, d'étranges propos. C'était une histoire parlant de vie et de mort, une histoire qui parlait à la fois de ténèbres et de lumière. Il n'avait, au départ, porté qu'une oreille discrète. Hélas, la curiosité l'avait rapidement gagné. Il ne regrettait pas d'avoir risqué sa vie mais, plus il réfléchissait, plus il se disait que sa vie aurait pu être différente s'il n'avait pas cherché à en savoir plus. Il s'était approché de la fenêtre tranquillement pour discerner les paroles.
Ainsi, sans en parler à l'Ancien, il avait pris la route en direction de l'Est et avait parcouru la distance la plus longue qu'il n'avait jamais franchie. Il se rappelait avoir exploré des millions de kilomètres et avoir traversé tout autant de plaines aussi longues que l'océan et de montagnes qui pouvaient toucher le ciel. Sa quête aurait pu être extrêmement facile s'il n'avait pas été poursuivi sans relâche par l'ombre qui le suivait. Puis, alors qu'il tournait le coin d'une rue, il les avait vus : les neuf. Du moins, il n'en voyait qu'un à ce moment, mais il savait que les autres n'étaient pas bien loin. Il s'était assuré que personne ne le suivait, puis s'était risqué sur le petit chemin. Ainsi, tout juste avant que le ciel ne s'assombrisse totalement, il avait pris l'objet en question et avait ressenti toute la force qu'il contenait. Il aurait pu le garder… hélas il était tombé. La belle fleur aux neuf pétales jaune orangé avait terminé sa vie dans une mare de boue. Cette histoire, ce n'était pas seulement celle des neuf ; c'était aussi celle de son échec…
