J'avance droit devant moi dans le couloir bordé de fenêtres hautes qui l'illuminent d'une lumière douce de fin d'après-midi, donnant un air incroyablement chaleureux à cet endroit. Je marche tranquillement, l'air sereine, alors qu'en moi, je suis tout sauf sereine : j'angoisse.

Ma main frôle doucement les lattes de bois vernies qui tapissent les murs. Je n'ai l'air de rien, je suis tout simplement en train de marcher. En vérité, cet endroit me fait un peu peur, je ne veux pas être là… mais il le faut. Un nœud se forme dans ma gorge et mon ventre se tord au fur et à mesure que j'approche de ma destination. Je sens que je ne vais pas tenir longtemps, je prie pour que j'arrive le plus vite possible à mon but afin de n'avoir plus le droit de songer que je peux encore reculer. Sans m'en rendre compte, je ralentis le pas, mais la pression qu'exerce sa main dans le creux de mon dos m'encourage à continuer, il me rassure. Je lui jette un regard de biais, cherchant en lui un quelconque soutient. Il arbore une mine sévère, il n'avait pas été d'accord avec moi quand je lui avais annoncé que je voulais quand même venir, considérant que cette épreuve avait été déjà assez dure comme ça et que la revivre ne me ferait qu'encore plus de mal. Mais j'avais tenu bon, il avait fini pas se ranger à mon choix et avait tenu à m'accompagner, j'avais tout de suite accepté, heureuse qu'il ait voulu venir me soutenir. Mon mal de ventre s'intensifie et j'ai l'impression que je vais vomir, mais je tiens bon, il le faut.

Je regarde à nouveau vers lui, mais renonce à le prévenir de mon état, inutile de l'inquiéter pour rien. Nous continuons notre route, ce couloir me semble interminable. A un moment, j'aperçois quelqu'un à notre droite, une jeune fille aux trait tirés par la fatigue et la tension, ses joues sont creusées et son tient est blafard. Elle me rend mon regard alors que je la détaille avec soin. Ses longs cheveux noirs semblent ne pas avoir été coiffés et partent en tous sens. Ses yeux sont d'un gris indéchiffrable alors que son regard d'acier me scrute, elle à l'air faible et apeurée… cette jeune fille c'est moi, que j'aperçois dans le reflet de la baie vitrée.

Après avoir découvert le spectacle que je montrais à tout le monde et surtout à lui depuis ce matin, ma fausse assurance que j'avais inutilement essayé d'afficher quand je lui parlais m'a semblé grotesque. Pas étonnant qu'il n'ait pas réussi à me croire. J'avais vraiment l'air d'être sur le point de déguerpir en braillant comme une perdue. Je me suis adressée un pâle sourire avant de regarder à nouveau devant moi. Nous sommes finalement arrivés devant une porte en bois sombre, il s'est arrêté devant celle-ci et s'est tourné vers moi.

- Tu es vraiment sûre que c'est ce que tu veux, m'a-t-il demandé en me lançant un regard inquiet, je ne pense pas que ça soit une bonne idée.

J'ai poussé un petit soupir – ma respiration semblait bloquée, mes poumons n'arrivaient plus à se remplir correctement – et l'ai regardé, une petite moue exaspérée sur le visage.

- Je te l'ai déjà dis, lui ai-je répondu, j'ai pris ma décision, que ça te plaise ou non.

Il a lui aussi soupiré tout en se passant une main nerveuse dans les cheveux.

- Pourquoi maintenant ? A-t-il finalement lâché avec colère, ayant plus l'air de s'adresser à lui-même qu'à moi, ça fait deux ans ! Alors pourquoi il fallait qu'ils viennent alors que ça commençait à aller mieux !

J'ai posé ma main sur son avant bras, essayant de le calmer par ce simple geste. Ça a marché, il s'est un peu détendu tout en me regardant d'une façon étrange, à mi-chemin entre l'inquiétude et l'exaspération. Je lui ai fais un sourire que j'espérais être convaincant. Apparemment, je n'avais pas été convaincante du tout au vu du regard qu'il me lançait maintenant. Il semblait prêt à m'embarquer sur le champ pour me faire sortir de cet endroit.

- On y va ? Lui ai-je demandé, évitant de le regarder dans les yeux, de peur qu'il y lise toute la peur que cette situation provoquait en moi.

Il est resté silencieux quelques instant et j'ai eu peur qu'il n'ait changé d'avis. Mais il a finalement soupiré et s'est avancé devant la porte, frappant deux petits coups sur celle-ci d'un geste sec. Il y a eu des bruits de pas puis la porte s'est ouverte, laissant apparaitre une femme d'une trentaine d'années. Ses longs cheveux blonds étaient ramenés en arrière en un chignon sévère, mais la dureté de sa coiffure ne gâchait rien du reste, ses yeux, d'un vert pétillant était fixés sur nous alors qu'un sourire bienveillant étirait ses lèvres. Tout en elle semblait respirer la joie de vivre, de son tailleur d'un gris délavé, à carreaux, la veste étant un peu trop grande pour elle, à son chemisier d'un rouge pétant qu'elle portait en dessous.

Étrangement, je l'ai trouvée détonante dans ce bureau d'un blanc stérile et impersonnel. Elle nous a regardés quelques secondes, son sourire toujours sur son visage, puis elle s'est effacée après nous avoir salués, nous laissant ainsi le passage pour entrer. Je me suis avancée à pas lents, mes jambes se sont mises à trembler. Ma résolution fondait comme neige au soleil. Là, j'aurais pu partir en courant en braillant comme une perdue. Je me suis forcée au calme, me faisant violence pour ne pas me mettre à trembler et à éclater en sanglots. J'ai dégluti avec difficulté alors que mes jambes me portent au milieu de la pièce exigüe. J'ai l'impression de ne plus contrôler mon propre corps et qu'il se dirige de son propre chef vers cette pièce tant redoutée. J'avais envie de hurler. Elle a fermé la porte et s'est assise derrière son bureau.

- Je vous en prie, asseyez-vous, nous a-t-elle dit tout en nous faisant signe vers les chaises qui se trouvaient en face d'elle, je m'appelle Kathleen Jones.

Je hoche la tête et m'assois sur la chaise qui est devant moi essayant de ne pas montrer que cette situation ne me plait pas du tout. Elle m'a regardée quelques minutes avec un sourire rassurant. Puis elle a attendu que je m'installe plus confortablement pour s'adresser à moi.

- Vous savez pourquoi vous êtes ici ? M'a-t-elle demandé avec douceur.

- … Oui.

Elle a hoché la tête d'un air entendu.

- Vous pouvez y aller à l'allure que vous voulez, rien ne presse.

Je lui fais un petit sourire qui va, du moins je l'espère, lui montrer que je vais tenir le coup. Je sens leurs regards braqués sur moi, ça me met la pression. Là, tout de suite, une chose est sûre pour moi… je ne tiendrais pas, je vais craquer, c'est certain.

- Vous voulez que je vous raconte mon histoire, c'est ça ? Lui ai-je demandé d'une petite voix qui m'a semblée pitoyable.

- Oui.

- Très bien. Je vais vous raconter mon histoire, l'histoire d'une jeune fille perdue dans un monde fou et monstrueux. Je vais vous raconter comment la compagnie Umbrella a détruit ma vie, pris mes proches… et mon bonheur. Je vais vous raconter mon cauchemar…

Ma voix tremblait, ainsi que mes mains, je les ai croisées, les cachant à leur vue.

- ça commence le 6 janvier 2008 dans la petite ville de Shadow Hill…

Je me suis interrompue, l'émotion m'avait submergée. Penser à avant, quand ils étaient encore tous là… me donnait envie de crier de toutes mes forces. Elle m'a encouragée à continuer d'un regard, sans rien dire. J'ai pris une longue inspiration, puis j'ai continué.

- … J'avais vingt-et-un ans et je vivais encore chez mes parents avec mon frère Jared, et ma sœur Alice. Nous habitions une grande maison aux abords du centre-ville…