span lang="hi-IN" /spanUne vieille photo qu'on trouve au fond d'un tiroir, et qui nous fascine, sans trop qu'on sache pourquoi, monochrome de blanc tacheté de souvenirs...

Une photo jaunie, aux bords un peu déchirés. Il n'y a pas de date au dos, aucun moyen de deviner une quelconque époque, comme si elle était hors du temps.

Sur le papier, il y a deux silhouettes: Une fille et un garçon. Elle, elle est assise en tailleur dans la neige, son manteau blanc la rendant presque invisible malgré ses cheveux qu'on devine d'un roux flamboyant.
Lui est allongé devant elle, la tête penchée en arrière, posée sur ses genoux. Ses habits noirs tranchent sur la pureté de la neige.

Le tableau paraît idyllique.

Mais l'histoire de cette photo, de ce couple, l'est beaucoup moins.

Mais il faut bien la raconter, ou elle finira oubliée.

Du sang. Il y en a partout. Sur le sol tout autour d'eux, sur le manteau immaculé, sur son visage à lui, sur ses mains à elle. Mais surtout, il y en a sur le couteau. Le couteau qu'elle tient dans son poing fermé, maculé de taches écarlates.

Elle regarde l'homme. Son homme. Il est beau comme ça. Il a la même expression que quand il dort, cette expression apaisée, enfantine, heureuse.

Sauf qu'il ne dort pas.

Il est mort, tué par celle qui l'aimait, par cette fille aux cheveux roux, tué par la lame avec laquelle elle joue.

Elle l'aimait. Elle l'avait aimé. Elle l'aimerait. Elle ne savait plus.

De toute façon, la seule chose qui comptait, c'était ce qu'il lui avait fait.
Salaud.

Son homme...

"Il m'aime" chantonna la jeune femme tout haut.

Elle se pencha sur le cadavre et lui murmura à l'oreille :

"N'est-ce pas que tu m'aimes ... Hein, dis ... ? Tu m'aimes ?"

Elle se redressa, souriant férocement.

"Bien sûr que tu m'aimes. Et on va vivre très heureux tous les deux. On aura une maison dans la forêt et 8 enfants. On partira en voyage pour les vacances. On fera le tour du monde. Ce sera bien."

Elle s'allongea alors près du corps de l'homme en noir, le couteau toujours logé dans son poing serré.

"Mais d'abord, il faut qu'on se marie. Ce sera l'été, il fera beau. J'aurais une robe blanche, et toi un costume noir et blanc. Mon bouquet sera blanc et rouge, et tu auras une rose à ta boutonnière."

Elle lui caressa affectueusement les cheveux avec sa main libre.

"Tu sera très beau, tu verras."

Elle s'enroula sur elle même. On ne voyait plus que ses cheveux et les taches écarlates sur son manteau, sur ses mains.

Elle resta un long moment dans cette position, sans un mot, sans un bruit.

Lorsqu'elle se releva, elle pleurait. Des perles roulaient sur ses joues et venaient se perdre dans la neige.

"Mais t'es plus là, hein ! T'es plus là ! T'es parti !"

Elle hurlait à présent.

"T'es parti ! Tu m'as laissée toute seule ! Tu m'as abandonnée !"

Elle se figea d'un seul coup, et son expression devint d'une tristesse infinie.

"On aurait pu être heureux..." murmura-t-elle.

Tout doucement, elle se pencha vers le corps de celui qu'elle aimait, et l'embrassa tendrement.

Puis, elle leva la lame du couteau devant ses yeux, et d'un geste déterminé, une étincelle de folie dans le regard, elle se le planta dans le ventre.