Adolescence insolente

Comment en étaient-ils arrivés là ? Un enfant ne doit-il pas écouter ses parents ? Les croire ? Les respecter ? Leur faire une confiance aveugle ? Les aimer ? Tout du moins jusqu'à un certain âge…

Mais aussi loin qu'ils se souviennent, jamais il ne s'était comporté comme ils l'auraient voulu. Il avait fait ses premiers pas très tôt, impatient d'arpenter les murs de l'imposant manoir familiale ; n'avait pas dit un mot jusqu'à sa deuxième année, mais lorsqu'il ouvrit la bouche pour parler, ce fût pour s'exprimer clairement et précisément « j'aimerai bien un peu de lait de poule, s'il te plaît » ; avait toujours été de nature enjouée, faisant toute sorte de farces avec son frère — de deux ans son cadet - dans sa chambre.

Tous ces moments, étaient de joyeux souvenirs pour ses parents. Mais les choses commencèrent à se détériorer lorsqu'il dut apprendre à lire. Noble, pure, sa famille lui prenait des cours particuliers. Mais alors qu'âgé de seulement six ans, il montra à ses parents son refus de lire des livres de magies noires.

Si ses parents furent choqués, mais néanmoins impressionnés, si ce n'est fascinés, de voir que leur jeune enfant arrivait déjà à se former un tel avis sur de simples contes, ils passèrent l'éponge, et demandèrent au tuteur de lui faire lire un conte mettant en exergue l'importance de la pureté de leur sang. Il refusa une nouvelle fois, et convaincs, tout en finesse, son tuteur de lui faire lire un conte plus joyeux, sans prévenir ses parents.

Ses parents se laissèrent berner par sa beauté, son élégance héréditaire, et les belles manières qu'il maitrisait et mettait si bien en pratique. Son frère le prenait déjà en parfait exemple, et ne jurait que pour lui. Mais quelque chose aurait du attirer leur attention.
Jamais leur fils ne s'était bien entendu avec ses cousins et cousines, jamais il ne réussit à s'attirer les faveurs de ses tantes ; il restait distant à chaque dîner familial. Jugeant, observant. Quant à son frère, trop heureux de briller plus que aîné, il se laissait aller dans le bain de foule, aussi se dirent-ils que le pauvre restait timide. Ils congratulaient le cadet et félicitaient parfois l'ainé d'avoir impressionner les autres en famille

Oui, il avait bien réussit à tous les berner. Mais il savait qu'il allait bientôt frapper un grand coup. Car bientôt approcherait sa rentrée dans la prestigieuse école de sorcellerie.
Alors qu'en cette occasion, dans leur aveugle certitude que leur fils aîné leur apporterait toute la gloire et la fierté qu'ils méritaient, ils lui offrir la robe que son aïeul avait jadis porté en entrant pour la première fois à Poudlard. Robe qui se transmettait de génération en génération, et qu'il cacha dans sa chambre comme un vulgaire chiffon.

L'annonce fut l'effet d'une bombe. Il avait bel et bien été envoyé dans la maison rivale à sa famille depuis des siècles. Pire, il était devenu ami avec eux et prenait pour cible ceux que ses parents l'avaient fait côtoyé, ceux avec qui on lui avait dit de bien s'entendre. Il n'avait qu'onze ans.
Comment avait-il osé ? se répétait maintes et maintes fois, sa mère.

Une lettre lui parvint le lendemain : « à quoi joues-tu ? » disait-elle, ce à quoi il répondit : « Pour la première fois, à rien ». Ses parents furent fous de rage.

Comment allaient-ils gérer la situation ? Ils ne leur restaient désormais qu'un espoir : leur deuxième fils. Livré à la doctrine de ses parents, en l'espace d'un an, il devint à leurs yeux leur prunelle et plus respectable qu'un prince.
Les deux frères ne se connaissaient plus lorsqu'ils se revirent l'été suivant. Mais en bon fils de bonne famille, ils n'en parlèrent bien sûr pas, et tandis que l'un s'attirait le courroux de ses parents, l'autre en recevait des fleurs.

Ses parents attendirent toutefois la confirmation de l'envoi du cadet dans la respectable maison… Quelle fierté d'avoir réussi cet enfant !

Quant à l'ainé…ils ne savaient plus quoi en faire.

Il avait malheureusement quinze ans…un âge réputé difficile et rebelle, s'inquiétaient-ils. Depuis quelques temps déjà ils étaient de plus en plus anxieux quant à la tournure que prenaient les pensées et les prises de postions de leur fils. Il n'avait que quinze ans ! se répétaient-ils.

Les bruits courraient.

Le cadet rapportait des nouvelles. Il faisait parti d'une étrange bande. Il lançait des sorts à tout vent, qui atteignaient le plus souvent les enfants de bonnes familles. Il était insolent, ne modérait pas ses propos et profitait d'être libre de toute autorité parentale pour les humilier.
Combien de temps allaient-ils pouvoir subir cela ? Ils ne pouvaient pas encore le jeter dehors, mais comme si rien ne pouvait l'enchanter plus, il y passait son temps. Dehors. A Londres. Il flânait dans les rues, le nez effrontément haut. Ils le laissaient faire, il avait tout de même redoré son blason en rapportant d'étonnants résultats scolaires.

Ce soir là, il rentra avec une liasse de magasines à la main. Un regard inquisiteur de son père et un de colère froide contenue de sa mère plus tard, il montait dans sa chambre. Lorsque son père le rejoint, il vit avec horreurs des photos de jeunes filles en bikini collées sur son mur. Mais ce qui le choqua n'était ni plus ni moins le fait qu'elles étaient immobiles.

Il regarda son fils allongé, les mains derrière la tête, sur son lit, celui-ci savourait sa colère froide. Il y avait de quoi : Sirius Black s'était aventuré du côté moldu.