Riza posa son stylo et se massa distraitement la tempe. Depuis tôt ce matin, elle enchaînait les dossiers et venait de terminer son rapport sur une mission délicate que la Roy's Team avait effectuée quelques jours plus auparavant. Elle avait même dû travailler pendant son déjeuner. Et à 19h30, elle ne voyait toujours pas la fin de la pile de dossiers. Elle releva la tête en entendant quelqu'un frapper à la porte du grand bureau et alla ouvrir. Un caporal à l'air peu sûr de lui sursauta et salua.
-Colonelle Hawkeye ? demanda-t-il, hésitant.
Riza acquiesça, surprise que ce soit pour elle.
-Son Excellence Grumman vous demande dans son bureau. Tout de suite.
Au fond du bureau, Roy fronça légèrement les sourcils tandis que son garde du corps partait à la suite du caporal. Il ne trouvait pas de raison pour laquelle le malicieux vieillard pourrait convoquer la colonelle.
Aucun des deux militaires ne parla le long du trajet vers le bureau du généralissime. Une fois devant la lourde porte, le caporal salua nerveusement sa supérieure et partit. Riza toqua et entra lorsqu'elle entendit une réponse. Grumman, l'air grave, lui fit signe de s'asseoir. Quand elle obéit, il la dévisagea silencieusement pendant quelques minutes avant de prendre la parole.
-Bonsoir, colonelle. Comment allez-vous ?
-Bonsoir, Votre Excellence. Bien, je vous remercie.
Elle ne comprenait pas l'étrange attitude du généralissime et cela la mettait mal à l'aise. Il n'était pas dans son état habituel.
Il portait déjà le poids des années, mais aujourd'hui, il semblait encore plus vieux, fatigué.
-Vous savez, colonelle, beaucoup pensent que je n'ai qu'une fille, mais la vérité est que j'en ai deux. Mais, il y a trente-six ans, mon aînée s'est enfuie pour épouser un homme, car je désapprouvais leur relation.
Riza ne dit pas un mot, ne sachant comment réagir, ni pourquoi le vieil homme lui racontait cela.
-Je refusais leur relation car il ne pouvait rien lui apporter, ne pouvait lui donner le train de vie qu'elle avait depuis toujours. Mais à vingt-quatre ans, dans la fougue amoureuse, elle est partie, et ma femme et moi n'avons plus eu aucune nouvelle, jusqu'au jour où nous avons appris sa mort.
La tristesse et la douleur voilèrent les yeux du vieillard.
-Depuis son adolescence, la maladie menaçait de l'emporter. Avec un traitement approprié, elle aurait pu vivre, mais…
Il prit une profonde inspiration.
-Mais ce misérable alchimiste n'en avait sans doute pas les moyens.
Grumman faisait distraitement tourner son alliance autour de son doigt, le regard dans le vague. Riza était toujours silencieuse.
-Il avait un nom assez rare. Aussi, lorsque j'ai croisé une personne qui portait le même nom, j'ai tout de suite su que ce n'était pas une coïncidence. Cette personne est de sa famille. Et quand j'ai vu son âge… J'ai su que j'étais grand-père.
Le vieil homme releva les yeux vers la colonelle et la scruta alors qu'il continuait à parler.
-Ma femme est décédée il y a vingt ans, et je ne voulais pas révéler à mon autre fille l'existence de sa nièce, la fille de la sœur qu'elle a tant haïe pour s'être enfuie. Alors j'ai gardé le secret toutes ces années.
Non. Riza refusait de comprendre. Elle ne voulait pas savoir.
-Ma chère Mélissa a toujours nourri l'espoir d'être grand-mère, c'est pourquoi…
Le vieux veuf se leva et alla chercher sur une étagère un coffret en bois qu'il posa doucement devant la colonelle. Elle l'ouvrit, y plongea la main et sentit quelque chose de doux sous ses doigts. La militaire releva la tête vers Grumman, qui lui fit un mouvement de tête l'enjoignant de prendre le contenu du coffret. Elle en sortit un ourson tricoté qui la fixa de ses doux yeux bruns, un ruban de soie bleu Amestris noué autour de son cou de laine noire, ses petites pattes tendues, comme s'il réclamait qu'elle le serre dans ses bras. La gorge de Riza se serra.
-Elle aurait aimé te le donner elle-même…
Riza ferma les yeux pour empêcher une larme de couler. Elle s'était toujours crue seule et sans famille et elle avait maintenant un grand-père, une tante, peut-être même des cousins. Elle était partagée entre plusieurs sentiments. Une partie d'elle était incroyablement heureuse, mais l'autre refusait d'y croire, refusait d'accepter. C'était surréaliste. Albert Grumman, leur allié depuis des années, son grand-père ? L'orpheline-finalement-pas-orpheline releva la tête en sentant une main sur son épaule. Debout à côté d'elle, son grand-père la regardait avec des yeux brillants de larmes contenues. Elle se leva et posa sa tête sur son épaule alors qu'il la prenait dans ses bras. Et malgré tous ses efforts, une larme s'échappa.
