Disclaimer d'usage : L'univers et les personnages de Walking Dead ne m'appartiennent pas, je les ai juste empruntés, m'sieur l'agent, j'vous jure. Je les remets à leur place après, promis.
Avertissement : cette histoire est classée M en raison de langage grossier et de quelques scènes de violence. Elle est donc réservée aux enfants qui aiment le sang et les gros mots.
Préambule d'autrice du 23 janvier 2018 :
Bonjour et bienvenue sur cette fanfiction. Que vous la relisiez depuis le début, ou que vous veniez tout juste de tomber, volontairement ou pas, sur cette page : j'espère réussir à vous persuader que vous êtes au bon endroit. Elle comporte 22 chapitres au total, tous publiés.
Bonne lecture.
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Chapitre 1 : Toujours avec toi – Ouverture
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J'ouvre les yeux.
La lumière filtrant à travers les rideaux de cette chambre qui n'est pas la mienne m'informe que c'est le matin.
Ce qui veut dire que je suis parvenu à dormir plus de six heures.
Je constate avec soulagement que la migraine qui m'a cloué au lit la veille s'est presque entièrement dissipée.
Au dessus de moi, au plafond de cette chambre, se trouve un ciel entier de petites étoiles, dessinant ce qui semble être les constellations connues – je devine la Grande Ourse. Je remarque ces étoiles pour la première fois. Il doit s'agir de ces autocollants qui brillent dans le noir. Je me sentais si mal hier que je ne les avais même pas vus luire dans l'obscurité de la pièce.
Un peu étrange, pour une chambre de femme adulte, mais à la réflexion, ça donne une petite touche poétique.
Durant un moment, je rêvasse un peu, détaillant la pièce qui m'entoure. Qui était cette femme qui vivait ici ? Cette femme qui possédait une modeste collection de chaussures à talons – que je trouve assez belles, élégantes et de bon goût – dont les murs sont ornés de reproductions de tableaux de Monet et de Delacroix, et qui s'endormait en regardant les étoiles ?
Je ne le saurai jamais.
Poussés à la fois par le hasard et par une de mes fréquentes et fatidiques crises aigües de migraine, lesquelles me forcent à demeurer de longues heures immobile dans le noir, nous nous sommes installés hier dans cette maison vide, de ce quartier résidentiel désert, d'une ville morte dont je ne connais même pas le nom, au hasard de notre voyage sans destination à travers cet État du Sud désormais désolé.
C'est drôle comme tout désormais a perdu son nom.
Cette ville, cette femme, ce pays… morts, abandonnés, silencieux, ils ne parlent plus, ne vivent plus, et seul porte encore un nom leur souvenir, bientôt effacé.
Tous les noms se sont perdus dans le silence.
De façon assez ironique, avant, le monde moderne me déplaisait, car je le trouvais trop bruyant. La rumeur incessante de la ville, le brouhaha inepte des conversations, le bourdonnement sans fin des machines de toutes sortes, tout cela m'agaçait, et je rêvais de silence.
Le silence est désormais intégralement tombé sur le monde. Les machines et les hommes sont désormais muets, figés dans la mort.
C'est un silence qui n'a rien d'apaisant. Un mauvais silence, angoissant, anormal, pesant. Un silence à devenir fou.
Et désormais, c'est de sons dont je rêve.
Je sursaute en entendant la porte de la chambre s'ouvrir, mais je me rassure immédiatement en voyant Danica passer sa frimousse dans l'embrasure.
Justement, la voilà, ma petite faiseuse de bruit, une des dernières belles musiques au monde.
En voyant que je suis réveillé, elle m'adresse un beau sourire en entrant dans la pièce.
Danica sourit tout le temps. Ma belle, adorable petite Dani.
« Bonjour Jon. »
Elle parle doucement, d'une petite voix hésitante. Elle sait à quel point les agressions sonores me font souffrir lorsque je suis soumis à ces crises de migraine. À cause – ou grâce ? – à moi, Danica a toujours été une enfant très calme.
« Bonjour Dani, tu as bien dormi ?
- Oui. T'as vu, j'ai pas fait de cauchemar. »
Elle est toute fière en déclarant ça, et il y a de quoi. C'est la première fois depuis plus d'une semaine qu'elle fait une nuit complète. Et moi aussi, par la même occasion.
« C'est super, Beruška. »
Elle grimpe sur le lit, jusque dans mes bras qui sont déjà ouverts pour elle.
Je la serre contre moi et elle me rend le câlin.
Je prends un moment pour profiter de sa présence, respirant ses cheveux avant de la relâcher.
C'est étrange, ça fait des jours et des jours qu'on ne s'est pas lavé et qu'on n'a pas changé d'habits, et pourtant, j'ai l'impression que ma petite Danica sent toujours bon.
Elle a le parfum de la tendresse, de la plénitude, des longues journées paisibles, des choses familières et rassurantes. L'odeur de poussière chaude des meubles anciens que l'on aime depuis très longtemps. Elle a le parfum de la maison, d'un endroit idéal où l'on se sent chez soi.
« Les autres sont déjà debout ?
- Oui, répond-elle. On a pris le petit déjeuner.
- C'est très bien.
- Ils se sont disputés. »
Je souris involontairement. Ces deux-là se disputent sans arrêt.
« C'était pour quoi, cette fois ?
- Charly a dit un gros mot à table, alors Madame Hermann s'est fâchée », m'explique Danica.
Je lève les yeux au ciel, amusé. Il n'y a qu'eux deux pour se disputer sous un prétexte aussi futile.
« Est-ce que ta tête va mieux ? questionne Dani, inquiète.
- Beaucoup mieux. Je n'ai plus mal du tout.
- Tu te lèves, alors ?
- Bien sûr. »
Elle sourit en me voyant prendre la main qu'elle me tend.
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Je descends les escaliers et longe le couloir du rez-de-chaussée, précédé de Danica qui me tient toujours la main.
J'étais si confus hier soir, à cause de la douleur qui pulsait sous mon front, que je n'ai même pas pris le temps de détailler l'habitation. Mes souvenirs sont flous, je me souviens avoir longé ce couloir dans l'autre sens, alors qu'il faisait déjà presque nuit, m'être trainé dans l'escalier, et effondré sur le lit.
Maintenant, dans la douce lumière du matin, je constate que la maison de cette femme inconnue n'est pas dépourvue de charme. Les pièces sont meublées avec goût, et le choix des couleurs dénote une sensibilité artistique certaine. Cette femme avait de toute évidence un certain niveau de vie, me dis-je, tandis que mes doigts frôlent au passage le dos des livres nichés dans une vaste étagère du salon. Un beau salon, et une bien prometteuse bibliothèque, à en juger par l'élégance des reliures de cuir, que je devine anciennes.
« J'aime bien cette maison », dis-je, me rendant à peine compte que j'ai prononcé les mots à haute voix.
Danica se retourne et m'adresse un sourire radieux.
« Moi aussi, se réjouit-elle. J'espère qu'on va pouvoir rester un peu.
- J'espère aussi », murmuré-je en caressant l'accoudoir d'un fauteuil.
Le genre de fauteuil qui vous appelle, vous attire, avec la promesse de longues heures de lecture dans le calme. Le genre de fauteuil où j'aime me réfugier.
Je m'y imagine déjà, confortablement installé, Dani pelotonnée sur mes genoux, sage et attentive, tandis que je lui lis une histoire.
Oui, décidé-je, si l'endroit s'avère suffisamment sûr, c'est ce que nous ferons ce soir.
Lorsque nous arrivons à la cuisine, Charly et Madame Hermann sont encore au milieu de leur altercation.
La petite me lâche et grimpe sur la chaise qu'elle occupait précédemment.
« Jon, dites à cet individu de surveiller son langage en présence de Danica », déclare la vieille dame, me prenant brusquement à parti.
On a beau être en pleine fin du monde, Madame Hermann ne change pas d'un pouce. Son chignon est toujours aussi strict, et son expression toujours aussi sérieuse et sévère.
« Mais qu'est-ce qu'on en a à foutre ? » rétorque Charly d'un ton agressif.
Il se penche contre le dossier de sa chaise, la basculant légèrement en arrière, tout en faisant craquer ses doigts ostensiblement, ses nombreuses bagues argentées cliquetant les unes contre les autres. Tout dans son attitude corporelle est menaçant. Ses muscles paraissent rouler sous sa peau tatouée de dessins au goût macabre, son corps entier paraît tendu, aux aguets, comme celui d'un prédateur qui s'apprête à bondir toutes griffes dehors, et, dans son visage barbu aux traits durs, ses yeux sombres perçants mitraillent son interlocutrice sans pitié.
Du plus loin que je le connaisse, Charly a toujours été intimidant.
Du plus loin que je la connaisse, Madame Hermann n'a jamais été intimidée par lui.
« Nous en avons à foutre, Charly, que notre petite Dani vous écoute, et qu'il est de notre devoir à tous les trois de lui donner une éducation correcte », répond-elle sèchement, raide comme la justice.
Elle regarde dans ma direction, attendant de toute évidence mon approbation.
« C'est vrai que c'est mieux si on lui apprend à parler poliment, dis-je, conciliant.
- Et alors ? C'est pas parce qu'elle entend un truc qu'elle est obligée de l'répéter, c'est pas un putain d'perroquet ! » rétorque Charly.
Danica rigole ingénument de la comparaison.
« Hein, puce, est-ce que c'est pas vrai ? T'es pas un perroquet, si ? lui demande-t-il malicieusement.
- Noooooon ! s'exclame-t-elle joyeusement.
- À cinq ans, les petites filles prennent modèle sur ce qu'elles voient, intervient Madame Hermann. Il faut lui donner un bon exemple. »
J'ai un drôle de sourire. Un sourire sarcastique.
Même s'il est mon meilleur ami, il faut bien reconnaitre que Charly est tout sauf un bon exemple. Il parle de façon incroyablement grossière, est violent, impulsif, borné, perpétuellement agressif, et en plus de ça, c'est un voyou sans scrupules, un repris de justice qui a séjourné en prison plus d'une fois.
Pas le genre d'homme à qui on confierait une enfant de cinq ans.
Sauf que sans lui, Danica serait probablement morte aujourd'hui. Et moi aussi.
« La politesse, c'est des conneries, crache-t-il dédaigneusement. C'est pas en apprenant ça qu'elle va s'en sortir. Elle ferait mieux d'apprendre à utiliser un flingue. »
À ces mots, un silence de plomb s'installe soudain à table.
Et voilà.
La discussion, qui était plutôt amusante jusqu'ici, est encore en train de tourner au vinaigre.
Je commence à me sentir nerveux. Je sens déjà la migraine pointer à nouveau.
« Charly, on en a déjà parlé. C'est non.
- Reparlons-en », insiste-t-il.
La matinée avait pourtant si bien commencé.
« Non. Madame Hermann ne veut pas, je ne veux pas, et surtout, Dani ne veut pas. Ça lui fait peur, elle est trop petite. Arrête avec ça. »
La vieille dame appuie mon propos d'un hochement de tête, la mine grave.
Danica a quitté son sourire pour une expression craintive.
Charly frappe soudain du poing sur la table, nous faisant sursauter tous les trois.
« Et qui c'est qui va lui apprendre à l'faire si j'suis mort, hein !? Qui c'est qui va la protéger si tu t'fais bouffer, si vous crevez toi et la vieille ?! Elle aura pas peur, là, peut-être, quand elle sera livrée à elle-même, toute seule ?! »
Moi et Madame Hermann le regardons avec une expression choquée, tous deux pareillement stupéfaits et indignés.
Il vient de briser notre plus grand tabou. Ce dont on ne parle jamais. Évoquer notre mort devant Danica.
La migraine me vrille le crâne à présent.
Madame Hermann est si courroucée qu'elle ne peut même pas parler.
Le regard de Charly devient soudain fuyant. Il sait parfaitement la gravité de ce qu'il vient de dire.
Il lève une main et la fourre dans ses longs cheveux sales, grattant l'arrière de son crâne – geste auquel il recourt fréquemment lorsqu'il est embarrassé.
Les sanglots de Danica brisent le silence.
« Vous êtes content de vous, j'espère, siffle Madame Hermann entre ses lèvres pincées.
- Merde ! » explose Charly en bondissant de sa chaise, l'envoyant violemment contre le mur.
Ses poings sont serrés, comme prêts à frapper.
« Vous m'faites chier ! hurle-t-il. Vous m'faites tous chier, putain ! »
Danica pousse un cri d'effroi et se cache le visage dans les mains.
Simultanément, le grand gaillard et la petite fille s'enfuient de la pièce, l'un furieux en direction de la sortie, l'autre bouleversée vers la chambre.
Madame Hermann et moi nous dévisageons le temps d'un instant.
Elle hoche la tête et je m'élance derrière Danica.
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Dans le lit où j'ai dormi, sous la voûte d'étoiles, Danica pleure, cachée sous la couverture.
Je la tire hors de là et la serre dans mes bras pour la seconde fois aujourd'hui.
« Dani, ma belle, pleure pas… pleure pas, il pense pas ce qu'il dit. »
Je la berce doucement.
« Il a parlé sans réfléchir, mais il le pense pas. C'est pas vrai ce qu'il a dit. Ça n'arrivera pas. Ça n'arrivera jamais. »
Je mets dans ma voix toute la résolution dont je suis capable.
« On sera toujours là, on te laissera jamais toute seule, Danica, jamais. »
Bon sang, c'était sa première nuit sans cauchemar depuis dix jours !
« Tu ne seras jamais toute seule, mon trésor. »
Elle lève vers moi ses yeux remplis de larmes.
« Tu ne vas pas partir ? Dis, Jon, tu ne vas pas partir ? sanglote-t-elle.
- Non Beruška, jamais. Moi je serai toujours là. Je serai toujours avec toi. »
J'enfouis mon visage dans ses cheveux et je continue à la serrer, la serrer, la serrer sans fin.
« Toujours avec toi. »
