Version corrigée du 20 Juin 2008

Commentaire :

Note sur la V2 : après avoir relu le manga, j'ai rajouté des détails sur les rapports entre Yoh et Asami (y a que les idiots qui ne changent pas d'avis ) + corrections orthographiques, corrections typographiques (les dialogues sont enfin aux normes) et de style, plus ajout de quelques autres idées après relecture.

J'avais cette fanfic en projet depuis un moment mais je n'arrêtais pas de la repousser en me disant que je devais terminer Nikui avant.

L'histoire se passe avant Naked Truth et concerne… Feilong et Yoh… Spoilers sur Naked Truth 0 (chapitre paru cet été et racontant la première rencontre de Yoh et Feilong). Je ne suis pas sûre d'avoir bien respecté le caractère de Yoh envers Feilong et vice-versa. J'ai choisi le vouvoiement malgré le côté décontracté de ses propos en Japonais, car ça me semble normal qu'il fasse tout de même preuve d'un certain respect envers un type aussi rigolo et tendre que Feilong. On est pas à bisounours land quand même. Par contre j'ai gardé le « boss » qu'il emploie de temps en temps (je ne sais pas s'il est gardé en VA/VF et je m'en moque ').

Maybe I Should Die

Feilong était installé dans un fauteuil. De temps en temps, son index venait frotter sa tempe et il se laissait aller à soupirer discrètement. Son esprit était obnubilé et ce n'était certainement pas par le rapport d'un de ses subalternes, qu'il n'écoutait que d'une oreille distraite.

Il n'arrivait pas à digérer sa défaite cuisante face à Asami. Quelques temps auparavant, il s'était rendu au Japon pour intercepter des données importantes mais celui-là même qui l'avait trahi avait tué ses hommes. Et tout cela pour quoi ? Pour récupérer un sale gamin qu'il avait kidnappé. Asami n'avait même pas cherché à le tuer et il s'en était senti quelque peu… vexé. Le japonais avait accordé plus d'intérêt à cet adolescent malingre qu'à un vieil ennemi.

Oh, certes, Feilong lui-même s'était amusé à tourmenter Akihito. Il y avait chez ce dernier un quelque chose de profondément distrayant. Cela devait venir de son expression délicieuse quand on le torturait. Alors, il pouvait à la limite comprendre l'attention que lui accordait Asami… mais pas à ses dépends ! Si jamais il devait recroiser la route de ce photographe, il ferait en sorte de graver au plus profond de lui son souvenir. Et d'envoyer les restes à Asami pour le punir.

« Va-t-en, ordonna soudainement Feilong en fixant son employé d'un œil noir. »

N'importe lequel de ses hommes de main savait qu'il valait mieux ne pas traîner dans le coin lorsque il affichait cet air. Des gens étaient morts pour moins que ça.

Une fois dehors, il s'arrêta à côté de l'un de ses collègues, un grand type avec les cheveux mi-longs et qui était dans les petits papiers du patron depuis sa sortie de prison. A ce qu'il avait entendu dire, ils s'étaient connus là bas.

« Il est vraiment énervé. Il lui faudrait une fille, marmonna-t-il. T'en penses quoi, Yoh ? »

L'intéressé lui adressa à peine un regard.

« Que c'est une bonne idée si tu veux mourir jeune, finit-il par répondre. »

Yoh connaissait suffisamment Feilong pour savoir qu'il n'était pas du genre à côtoyer les prostitués. D'ailleurs, il n'était certainement pas intéressé par les femmes. La plupart de ses employés devaient s'en douter mais… ils devaient aussi éviter d'y penser, au risque de devoir se poser les questions que tout homme à l'esprit étroit finissait par avoir. Les Triades suivaient des lois rigides et, bien que la tradition fut de moins en moins respectée, la plupart des membres se sentiraient déshonorer si leur leader montrait trop ouvertement ses goûts.

Sans écouter les grommellements de l'autre, agacé d'être rembarré pour la seconde fois en moins de deux minutes, Yoh entra dans la pièce.

Feilong n'avait pas bougé de son siège et semblait plongé dans un état quasi méditatif alors que Tao lui servait une tasse de thé.

Yoh était inquiet de voir Feilong ainsi depuis son retour de Tôkyô et ce n'était pas parce que ce n'était pas bon pour les affaires. Il craignait qu'il ne commette quelques bêtises. Feilong n'était pas le genre d'homme à se suicider, par contre il risquait de se lancer dans une vendetta tout aussi meurtrière qu'inutile… et d'être tué.

Alors que Yoh s'approchait, Tao lui adressa un regard soucieux, puis se retira poliment pour laisser les deux hommes discuter.

« Que veux-tu ? s'enquit Feilong tout en levant les yeux sur Yoh. Je ne t'ai pas demandé de venir.

— Vous n'avez pas écouté le rapport jusqu'à sa fin, n'est ce pas ? »

Feilong bougea ses jambes pour les recroiser dans l'autre sens et porta son regard sur la fumée que dégageait le thé. Yoh allait sûrement le sermonner comme le ferait un père ou un grand-frère.

« Pourquoi personne n'a de nouvelles intéressantes ? répondit-il sans donner l'impression de l'avoir écouté Yoh. J'aimerais savoir ce que planifie Asami.

— Malheureusement, Asami ne semble pas très actif pour le moment. Cependant, les russes…

— Je me fiche des russes, déclara Feilong tout en se levant. »

Dans sa brusquerie, il faillit renverser le thé préparé par Tao.

Yoh se tut. Son maître avait mauvais caractère et sa rancœur envers Asami n'avait aucune limite. Lorsqu'il était obnubilé par lui, il pouvait agir de façon insensée, comme il l'avait fait en torturant cet Akihito. Yoh se doutait qu'il avait du aimer Asami pour en être arrivé à le haïr à ce point… et même si c'était s'avancer un peu, il se demandait si cette haine n'était pas causée par une certaine jalousie. En plus d'être beau, Feilong était un homme puissant, susceptible de retenir l'attention, mais Asami ne se préoccupait pas de lui et ne s'intéressait qu'à ce photographe, son amant et jouet… Du moins, Feilong croyait-il. S'il venait à apprendre la vérité sur lui, le fait qu'Asami l'avait envoyé pour le surveiller, il en serait certainement surpris. Cependant, Yoh n'avait guère intérêt à ce qu'il l'apprenne : Feilong le tuerait sans aucun doute pour cela.

« Nous faisons tous de notre mieux pour vous tenir informé des activités d'Asami, finit par soupirer Yoh. »

— Il est sûrement trop occupé à baiser cette pute. Peut-être qu'il s'affaiblit et que c'est le moment de lui porter un coup. »

Yoh suivit Feilong du regard alors qu'il s'avançait dans la pièce tout en buvant une gorgée de thé.

« Si vous comptez punir Asami de son affront, il faut attendre le moment propice. Vous ne pouvez pas foncer tête baissée. En nuisant simplement à ses affaires, vous pourriez l'affaiblir… »

Le regard noir de son employeur se posa sur lui mais Yoh ne témoigna d'aucune crainte. Ce n'était pas comme s'il subissait pour la première fois son courroux, car Feilong avait un caractère ombrageux.

« Je ne pensais pas nuire à son commerce, juste le tuer, répondit Feilong en se détournant de lui. Cependant, si nous avions cette banque de données…

— Mais nous ne l'avons pas. Cet Akihito l'a sans doute remis à Asami. Notre marge de manœuvre est faible et vous ne pouvez aller à Tôkyô sans aucun plan. »

Feilong déposa la tasse sur une table et revint vers Yoh. Il porta la main à sa joue et le considéra avec un léger froncement de sourcils. L'orage grondait et menaçait derrière le beau visage du chinois.

« Qui te permet de me dire ce que je dois faire ?

— Il est de mon devoir de vous protéger, murmura Yoh en baissant la tête. »

Il n'aimait pas cette proximité physique avec son employeur car elle lui donnait le sentiment qu'il allait se faire dévorer tout cru. La question était de savoir si ce serait au pied de la lettre ou dans des activités moins mortelles mais non moins salissantes.

« Je n'ai pas besoin de toi pour cela, rétorqua Feilong avec dureté. »

Il retira sa main de la joue de Yoh sans cesser de le foudroyer du regard. Il n'aimait pas qu'on lui dise qu'il fallait qu'il soit protégé, car il avait alors l'impression d'être l'être faible qu'il se refusait à être. Avant de devenir maître de l'organisation à la mort de son père, il avait tué des gens et supporté le mépris de son frère durant des années. Il n'avait pas besoin d'aide. De toute manière, ceux qui prétendaient l'aider finissaient par le trahir, comme Asami. Même si Yoh s'était montré d'une très grande aide, y compris après leur sortie de prison, il refusait de lui vouer une entière confiance, quand bien même se surprenait-il à l'apprécier de temps à autre.

Alors qu'il s'apprêtait à sortir de la pièce, Yoh l'interpella encore.

« Où allez-vous ?

— Je sors, répondit Feilong avec laconisme.

— Voulez-vous que je vous accompagne ? proposa Yoh. »

— Si tu veux te rendre utile, veille à ce que Tao ne m'attende pas toute la nuit. »


Les rues de Hong Kong grouillaient de monde. Feilong, debout au bord d'un trottoir, considérait cette agitation avec mépris. Il y avait dans cette rue quelques chinois mais aussi une masse de touristes occidentaux qui s'agglutinaient comme des mouches autour des vitrines tout en usant de commentaires supérieurs envers la culture du pays.

Les touristes étaient bien la race la plus imbue d'elle-même en ce monde. Ils avaient tout vu et ce qu'ils voyaient ne pouvait qu'être inférieur à ce qu'ils connaissaient chez eux. En ce cas, on pouvait honnêtement se demander ce qu'ils venaient foutre dans un autre pays que le leur, si ce n'était pour rapporter quelques trophées de colonialistes, que l'on appelait vulgairement « souvenirs de vacances ».

Alors qu'il écoutait un guide touristique énumérer quelques qualités de l'île de Hong Kong, Feilong eut un sourire sarcastique et faillit laisser échapper un rire :

« … Hong Kong a été rétrocédée à la Chine en 1997, expliquait le guide dans un anglais parfait. Depuis, les autorités n'ont eu de cesse de réduire l'activité des Triades et Hong Kong est devenue beaucoup plus sûre au fil des années. »

Qui pouvait gober ça si ce n'était quelqu'un de particulièrement naïf ? Les Triades étaient puissantes et riches, et cela faisait tout. Comme les Yakuza au Japon, elles avaient pris soin d'assurer leur survie en corrompant certains des plus hauts dignitaires du gouvernement et des membres importants de la police. La lutte contre la mafia n'était qu'une façade cachant la réalité : les organisations criminelles détenaient le vrai pouvoir. Et les quelques bonnes âmes souhaitant réellement mettre fin à ce commerce tout aussi illégal que lucratif ne représentaient pas un grand danger… On les laissait parfois gagner mais c'était simplement pour rassurer la population et mieux la contrôler.

Lassé d'écouter de telles idioties, Feilong poursuivit sa route. Un vent frais d'hiver le fit frissonner et il remonta le col de son long imperméable. Des odeurs de nourritures lui parvinrent. Bien que tentantes, il n'éprouvait aucune faim qui justifia un arrêt. Pourtant, un sentiment de nostalgie naquit en lui : cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de s'arrêter dans l'un de ces petits restaurants. D'un autre côté, il n'y avait personne avec qui il aurait pu partager un dîner, si ce n'était Tao. Il était devenu le chef d'une puissante organisation mais il se sentait seul. De plus, il ne pouvait pas faire un pas sans qu'un de ses hommes le surveille par « bonne conscience ». Comme s'il risquait quoique ce fût dans une ville où il était le maître.

Au même instant, des coups de feu lui vrillèrent les oreilles et il se retrouva précipité par terre.


« Bon sang, murmura Feilong. »

Il se redressa tout en repoussant Yoh qui, sorti d'il ne savait où, l'avait jeté par terre pour lui éviter une mort certaine. La foule autour d'eux était prise de panique et courrait dans tous les sens comme une armée de poulets sans tête.

« Est-ce que tu… vous allez bien ? demanda Yoh, assis par terre. »

Feilong ne répondit pas immédiatement. Il cherchait ceux qui avaient osé lui tirer dessus. Mais ils avaient déjà du s'enfuir, sans doute pour éviter d'avoir affaire à la police… ou à lui.

Il reporta son attention sur Yoh puis porta la main vers son bras.

« Tu saignes, fit-il remarquer avec un froncement de sourcil. »

Pour la première fois depuis plusieurs jours, Feilong se souciait de quelqu'un d'autre que lui.

« C'est juste une égratignure, lui assura Yoh avec un sourire. »

Alors qu'ils se levaient tous les deux, il perdit l'équilibre et Feilong le rattrapa de justesse en glissant un bras autour de sa taille. Embarrassé de se trouver si proche de son employeur et dans un pareil état de faiblesse, Yoh détourna la tête.


« Peut-être qu'un médecin…

— Tais-toi et retire ta chemise, ordonna Feilong tout en lui adressant l'un de ces regards noirs dont lui seul avait le secret. »

Yoh abdiqua et commença à déboutonner sa chemise tout en grimaçant. Le sang avait été contenu par le garrot que lui avait fait Feilong avant qu'ils ne rentrent mais il avait tout de même sali l'étoffe blanche de l'habit et coulé le long de son bras. Il ne savait ce qui était le plus gênant : se retrouver à moitié nu devant Feilong ou être blessé devant Feilong. Celui-ci le regardait sans ciller puis s'approcha une fois qu'il eut fait ce qu'il lui avait demandé.

« Tu as de la chance, la balle a traversé sans toucher l'os. Et ça ne saigne presque plus, fit-il tout en examinant la blessure. »

Yoh aurait quand même préféré un médecin et une chambre d'hôpital comme on en voyait dans Urgences. Ce n'était pas normal d'être assis dans le fauteuil de son chef et d'y mettre du sang. Les choses n'auraient pas dû se passer ainsi. Un homme comme Feilong ne se souciait pas des coups reçus par ses hommes de mains : ils étaient là pour le servir et ils étaient aisément remplaçables. Mais lui recevait un traitement de faveur… En prison, leur entraide n'avait rien de surprenante, car ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour survivre. Là, tout aurait dû être différent.

« Boss… commença-t-il pour être aussitôt interrompu.

— Je t'avais dit de rester ici. Tu m'as désobéi. »

Puis il ajouta : « C'est superficiel. »

Yoh baissa la tête tout en poussant un soupir. Alors que Feilong s'appliquait à désinfecter la plaie, il se demanda si tous deux auraient pu être amis si Feilong n'avait pas été le dirigeant d'une organisation mafieuse et si lui n'avait pas de compte à rendre à son pire ennemi.

« Vous ne devriez pas être autant obnubilé par Asami, commença soudainement Yoh alors que son employeur appliquait un pansement sur ses blessures. »

— Ah bon ? demanda-t-il en portant ses yeux dorés sur Yoh.

— Je veux dire que vous ne devriez pas lui accorder toute votre attention. »

Un sourire peu engageant étira les lèvres de Feilong.

« Et à quoi ou, plutôt, à qui devrais-je accorder celle-ci ? A toi ?

— Ce que je voulais dire… »

Yoh ne put terminer sa phrase. Les lèvres de Feilong scellèrent les siennes. Il écarquilla les yeux de surprise alors que son chef lui offrait un baiser passionné tout en venant presser son torse contre le sien. Il pouvait sentir les battements de son cœur, ainsi que son odeur. Jamais il n'avait été aussi proche de lui…

C'était ce qu'il avait toujours craint. Feilong était plutôt porté sur les hommes et lui… lui… peut-être qu'il n'en était pas si gêné. Peut-être qu'il en avait envie. Ce n'était pas pour rien que la promiscuité de leurs corps le perturbait tant et qu'il tentait de l'éviter par tous les moyens. Il commençait à apprécier cet échange inattendu et éprouvait le désir de serrer Feilong contre lui. Et, peut-être plus… Ses mains se portèrent sur sa taille. Il pouvait sentir son corps musclé sous ses habits et ses longs cheveux doux comme du velours lui caresser les doigts. Il n'avait pas envie que Feilong s'arrête de l'embrasser. Il aurait voulu pouvoir le goûter à un peu plus.

Mais il fut soudainement repoussé contre le dossier du fauteuil et le baiser s'interrompit.

« Je ne suis pas une femme, alors ne crois pas pouvoir me posséder comme tu le souhaites, gronda Feilong tout en s'éloignant. »

Il s'arrêta, lui tourna le dos et croisa les bras.

Yoh le considérait d'un air désappointé tout en tentant de calmer le désir qui avait commencé à naître en lui. Même s'il s'était laissé tenter, il ne comprenait pas pourquoi il lui disait cela d'un ton si dur, presque haineux. Peut-être étaient-ce ses paroles qui l'avaient conduit à l'embrasser pour le rejeter ensuite ? Avait-il cru qu'il lui faisait des avances ?

« Je voulais juste dire que les Russes sont bien plus menaçants qu'Asami et que vous devriez leur accorder votre attention, expliqua Yoh en baissant la tête. »

Sa respiration redevenait calme et il lui semblait que la sensation de chaleur avait disparu.

« Je suis certain que tu pensais à autre chose, répondit Feilong d'un ton acide. »

Yoh se leva brutalement et attrapa sa chemise pour commencer à se rhabiller, malgré la douleur que lui infligeait son bras. Feilong revint vers lui et le saisit par le poignet.

« Je vois très bien ce que tu ressens quand je m'approche de toi.

— Je ne suis pas ce genre d'homme ! rétorqua Yoh en se secouant pour se dégager. »

Mais Feilong posa la main sur son torse nu et descendit jusqu'à son ventre. Il ne put s'empêcher de frissonner. Tentait-il de le pousser à bout, dans l'espoir de vérifier son hypothèse tordue ? Cela risquait de se révéler efficace si Feilong continuait ainsi… Embarrassé, Yoh lui saisit la main et chercha à éviter son regard.

« Tu vois ? murmura son employeur avec un sourire en coin. Tu n'es pas différent des autres. Je suis sûr que si je te touches plus bas, tu vas te mettre à bander… »

Yoh le repoussa tout en le fusillant du regard. Comment osait-il penser cela de lui ? Le reléguer au rang d'un vulgaire pervers ? L'avait-il une seule fois agressé en prison ? Non, bien au contraire ! Lui avait-il fait des avances déplacées ? Jamais ! C'était Feilong qui lui avait sauté dessus comme… comme un pervers en manque ! Alors que lui s'était pris une balle pour le protéger et aurait dû à l'instant même être chez un médecin !

« Si. Je suis différent. Je suis capable de me contrôler, ce qui n'est pas ton cas. »

Il boutonna sa chemise sans un regard pour Feilong. Sa blessure l'élançait à chacun de ses mouvements mais il cachait la douleur qu'il pouvait ressentir. Il devait aller à l'hôpital pour la faire suturer. Dire qu'il avait pris une balle à cause de l'imprudence de Feilong et que ce dernier se permettait, en prime, de le traiter comme un déchet. Il y avait des jours où il regrettait qu'Asami lui ait demandé de rester près de Feilong. Sa rage était-elle qu'il en oubliait tout sens des convenances envers son second employeur.

« Où vas-tu ? lui demanda Feilong alors qu'il se dirigeait vers la porte.

— Ca ne te regarde pas… Boss… répondit Yoh tout en lui jetant un rapide regard par dessus son épaule. »

Son ton avait quelque chose de sarcastique.

« Je ne t'ai pas donné la permission de partir.

— J'en ai rien à foutre. »

Yoh savait que Feilong ne devait certainement pas tolérer pareil impolitesse mais ce détail lui paraissait si mineur qu'il ne chercha pas à s'excuser et sortit en claquant la porte.


Yoh avait passé une très mauvaise nuit.

Il était rentré de l'hôpital vers trois heures du matin et il avait peiné à trouver le sommeil à cause de la douleur et de la gêne causée par les sutures. Le médecin lui avait donné une liste d'instructions très précises : nettoyer chaque jour sa blessure avec une compresse stérile et un désinfectant, changer le pansement en même temps, ne pas mettre de l'eau dessus, ne pas faire d'activités risquant de rompre les fils… Il avait même eu le droit à une boite de calmants, car dixit le praticien, même un homme aussi solide que lui finirait par ne plus supporter la souffrance qu'occasionnait un trou dans le bras. Yoh avait songé qu'il le sous-estimait mais, une fois rentré, il n'avait eu qu'un désir : avaler tous les comprimés d'un seul coup. Il était resté allongé sur le dos un long moment, à ressasser les caprices et les attaques de Feilong, puis il était tombé dans un demi-sommeil. Il s'éveillait de temps en temps à cause des élancements de son bras.

Il savait au moins une chose maintenant : il n'y avait bien qu'au cinéma où les hommes étaient capables d'endurer blessures par balles et os brisés sans sourciller.

Yoh était toujours couché au fond de son lit lorsque plusieurs coups furent donnés à sa porte. Il entrouvrit les paupières et chercha le réveil digital du regard tout en maudissant la migraine qui commençait à le saisir.

Il était seulement neuf heures.

Les coups se faisant insistants, il trouva le courage d'enfiler un jean et de se lever.

« J'arrive, marmonna-t-il tout en se frottant la nuque. »

Il ouvrit la porte et se figea un instant en découvrant Feilong. Ses cheveux étaient attachés et il portait les mêmes habits qu'hier. Un long imperméable par dessus une chemise et un pantalon de costume trois pièces.

« Que faites-vous ici ? s'étonna-t-il tout en essayant d'occulter ce qui s'était passé durant la nuit.

— Je venais voir si tu allais bien. »

Feilong ne parut pas remarquer l'expression de colère contenue de son employé. Yoh faillit lui demander depuis quand il se souciait de quelqu'un d'autre que lui-même, mais il s'en retint, sans doute en raison de l'inquiétude qu'il affichait.

« J'ai très mal dormi, consentit-il à répondre. »

Il serra d'une main la poignée de la porte. Le métal glacé commençait à se réchauffer au contact de sa peau.

« Je t'ai réveillé ? »

Yoh haussa des épaules et les fils tirèrent sur sa blessure. Si Feilong n'avait pas été imprudent, jamais il n'aurait été blessé. Et alors qu'il avait été blessé par sa faute, il ne l'avait même pas remercié de s'être interposé. Encore une fois, un sentiment de rancœur naquit en lui. Pouvait-on avoir un chef aussi ingrat ? Lorsqu'ils étaient en prison, Yoh pouvait presque considérer Feilong comme son ami mais à présent il n'y avait plus que des rapports d'ordre hiérarchique entre eux.

« Ce n'est pas dans vos habitudes de vous soucier de la santé de vos employés.

— Tu es mon employé le plus précieux.

— Vous me l'avez montré cette nuit, ironisa-t-il.

— Tu es le seul qui ose me tenir tête et qui ne complote pas encore contre moi. »

Yoh baissa la tête tout en poussant un soupir. Il s'écarta suffisamment pour laisser Feilong entrer. Il savait qu'il était trop fier pour s'excuser mais sa simple présence ici était peut-être la preuve de ses regrets.

« La première fois que nous nous sommes rencontrés, tu m'as sauvé la vie alors que tu ne me connaissais même pas, continua Feilong détaillant l'appartement du regard. »

Yoh referma la porte derrière lui. Torse nu comme il était, il commençait à avoir froid. Il alla chercher la chemise qu'il avait laissé tomber près du canapé tout en écoutant.

« Et même maintenant, tu ne penses qu'à me protéger. Tu n'as donc aucune ambition, Yoh ? Tu es intelligent, tu pourrais être tenté de prendre ma place à la première occasion. Mais au lieu de ça, tu m'aides à chacun de mes faux pas. Je trouve ça… étrange. »

Feilong avait toujours été entouré de vipères. Son frère, par exemple, avait tenté de l'utiliser à son avantage et Asami l'avait trahi après lui avoir fait croire à son amour. Seul son père s'était toujours montré juste avec lui et Tao, qui était encore un enfant, ne connaissait pas la duplicité. Alors pourquoi Yoh agissait-il ainsi avec lui ? Il aurait pu tiré profit de leurs rapports. Avait-il quelques raisons secrètes d'agir ainsi ? Car Feilong ne pouvait croire que cela soit dû à sa bonté d'âme. Peut-être qu'il avait une idée derrière la tête, comme Asami. Et quand il aurait obtenu ce qu'il cherchait, il tenterait de le détruire.

« Tu ne me trahirais pas ? questionna-t-il en se retournant soudainement. Tu n'abuserais pas de ma confiance ? »

Yoh, qui terminait d'enfiler sa chemise, se tourna soudainement vers lui.

« Comment pouvez-vous douter de ma loyauté ?!

— Asami semblait si sincère et il m'a trahi. »

Yoh détourna la tête tout en serrant les poings. Les battements de son cœur s'étaient accélérés et il éprouvait une furieuse envie de taper dans quelque chose.

« Je ne suis pas Asami…

— Il m'a manipulé et mon père est mort à cause de lui, continua Feilong comme s'il n'avait pas écouté ce que Yoh disait. Si tu devais me trahir… je te tuerais. »

Yoh releva les yeux et le saisit sans aucune douceur par les épaules. Il ne se soucia pas un seul instant de la douleur que lui occasionna sa blessure. Seul Feilong importait. Il ne pouvait pas le laisser proférer pareilles accusations et menaces sans réagir. Il avait toujours fait preuve de la plus grande dévotion, alors comment pouvait-il lui dire cela ? N'avait-il pas appris à le connaître, depuis tout ce temps ?

Pourtant, ce n'était pas seulement les paroles de Feilong qui le poussaient à agir ainsi. Il savait qu'un jour ou l'autre, il aurait à choisir entre ses deux employeurs. Il ne voulait pas trahir Feilong. Il ne voulait pas trahir Asami non plus. Le temps qu'il avait passé avec Feilong l'avait amené à l'apprécier en dépit de tous ses défauts mais c'était Asami qui l'avait employé en premier. La perspective de ce choix cornélien l'effrayait. Plus que Feilong, c'était peut-être Yoh qui avait besoin d'être convaincu qu'il n'aurait jamais à faire ce choix, qu'il ne le décevrait jamais.

« Je ne vais pas vous trahir ! martela-t-il en détachant chaque syllabe. »

— J'ai déjà entendu ce genre de promesses, murmura Feilong tout en posant ses mains sur les avant-bras de Yoh. Des mensonges, à chaque fois. Pourquoi ce serait différent ? »

Yoh fut saisi d'une violente impulsion qui balaya toute raison en lui. Sans laisser le temps de réagir à Feilong, il captura ses lèvres. Les attaques de Feilong lui transperçaient le cœur et lui faisaient perdre toute raison. Il le provoquait, il l'insultait… et Yoh était fatigué de chercher de vains arguments. Il n'avait plus qu'une envie : obéir à son instinct qui lui soufflait de le faire taire, par n'importe quel moyen.

Parce que, même s'il refusait de l'accepter, il savait que ses doutes étaient justifiés…

Ses doigts retirèrent l'élastique qui retenait les longs cheveux de Feilong et son autre main se posa sur son dos. Il pouvait sentir son corps crispé contre le sien. Il s'attendit à être repoussé par cet hypocrite frustré, qui lui sautait dessus pour ensuite le repousser et s'offenser.

A sa grande surprise, cela n'arriva pas. Et peut-être à cause de cela, son esprit retrouva le chemin de la raison et la poussée de violence s'évanouit en lui.

Yoh éprouva une soudaine angoisse : il avait prétendu être capable de réprimer ses pulsions mais ne venait-il pas de prouver le contraire ? N'était-il pas un menteur ? Comment Feilong pourrait-il seulement continuer à lui faire confiance, après ça ? Il devait penser qu'il ne valait pas mieux qu'Asami, ou les autres hommes, et qu'il représentait un danger pour lui.

Yoh se détacha de lui sans parvenir à le regarder en face.


« Tu m'aimes ? demanda abruptement Feilong avec un visage vide de toute expression.

— Non. Vous êtes juste… un ami… tout au plus. »

Yoh se savait peu convaincant. Les amis n'embrassaient pas leurs amis. Sauf peut-être après quelques bouteilles d'alcool et dans des circonstances très particulières. Et il n'était même pas certain d'être l'ami de Feilong. Il pouvait déjà s'estimer heureux que ce dernier le considère comme un employé de valeur… Enfin, si c'était vrai.

« C'est la seule explication à ton comportement illogique. C'est pour cela que tu te montres si dévoué. Tu es persuadé de m'aimer. Dans le cas contraire, tu m'aurais déjà trahi, rétorqua-t-il d'un ton qui n'appelait aucune contestation. »

— C'est un peu plus compliqué que…

— Bien sûr. Tu crois encore que ton amour est sincère mais bientôt tu te rendras compte que ce n'est qu'une vulgaire attirance physique et tu finiras par te détourner de moi. Les hommes ne s'aiment pas. »

Sans douceur, Feilong poussa Yoh sur le canapé.

« De temps en temps… Ils peuvent coucher ensemble… »

Son cynisme laissa Yoh pétrifié de stupeur. Feilong posa un doigt sur ses lèvres.

« Tu sais que j'ai raison, chuchota-t-il à son oreille. »

Ses cheveux et ses lèvres lui caressaient la joue. Il sentait son souffle tiède sur sa peau. Yoh aurait pu se laisser absorber par leur douceur si la situation avait été différente.

« Je n'ai pas envie de coucher avec vous, protesta-t-il tout en levant les mains pour le repousser.

— Menteur. »

Feilong le saisit par les épaules et l'allongea de force sur le canapé. Installé sur le ventre de Yoh, il se pencha au dessus de lui en souriant.

« Qu'est ce que tu crois ? C'est un rapport de domination. L'un se soumet et l'autre prend. Ne crois pas que je me laisserai prendre. Mais je peux satisfaire tes autres désirs. »

L'index de Feilong vint se poser entre les deux pectoraux de Yoh. Il descendit et remonta lentement au rythme de sa respiration. Yoh s'empara de sa main et l'éloigna. Les doigts de Feilong se refermèrent sur les siens. Il étendit son bras au dessus de sa tête et s'inclina un peu plus.

Il l'embrassa et son corps épousa le sien. Yoh tenta de le repousser encore une fois puis abandonna. A quoi bon ? Ce n'était pas comme si la situation l'incommodait totalement. Feilong le désirait, il éprouvait la même chose. Il aurait juste souhaité que les choses soient différentes. Feilong ne le voulait pas par amour mais uniquement par… intérêt. Il voulait le posséder, pour prouver il ne savait quoi au juste. Ah si, qu'il se fourvoyait dans ses sentiments. Que tout n'était qu'une illusion. Et qu'il finirait par le trahir.

Cela avait des allures de prédictions et son cœur se serra de chagrin à cette idée.

Les mains de Feilong s'employaient à lui faire oublier la raison. Il ne sentait plus la douleur de sa blessure mais juste la tiédeur de sa peau. Le sourire qui fleurissait sur les lèvres de Feilong avait quelque chose de diabolique. La finesse de son visage ne faisait qu'accentuer cette impression. Il avait un visage androgyne avec ses longs cheveux et ses traits gracieux mais il était fort, autant que l'était Yoh. Son corps ne pouvait être confondu avec celui d'une femme. Il était forgé pour se battre. Lorsque l'on regardait le mouvement de ses muscles, on pouvait deviner avec quelle rapidité il était capable de frapper.

Yoh ferma les yeux alors que la bouche de Feilong se refermait sur sa gorge, léchant et mordillant sa peau. Il n'était qu'une friandise, un jouet mais c'était agréable. Sans un mot, il referma ses bras autour des épaules de Feilong. Il portait toujours sa chemise. Le tissu n'avait rien de plaisant. Il tira sur le col, arrachant quelques boutons, et glissa ses mains dans l'ouverture. Les muscles de Feilong se contractaient sous ses doigts et il lui adressait un regard irrité, comme pour lui dire de ne pas recommencer ce genre d'initiatives. Il voulait quelqu'un d'entièrement soumis, n'est ce pas ? Yoh ne voulait pas lui donner cette satisfaction. Il n'était pas une poupée passive.

Il referma ses doigts sur la nuque de Feilong et l'attira à lui. Il suçota et lécha ses lèvres, puis l'embrassa. De son autre main, il joua avec l'un de ses tétons. Il sentit Feilong se contracter encore une fois, puis se détendre comme s'il concédait cette « victoire » à son employé.

Après s'être redressé, il ôta sa chemise et Yoh s'absorba dans la contemplation de son torse. Il tendit la main et suivit le tracé de ses muscles jusqu'en bas. Alors qu'il s'aventurait entre ses cuisses, il put sentir à quel point le désir de Feilong était fort. Tout comme le sien. Alors que leurs lèvres se rejoignaient à nouveau, il fit descendre la fermeture éclair du pantalon de son employeur et glissa la main à l'intérieur. Il caressa son sexe au travers du boxer et Feilong gémit près de son oreille. Jamais Yoh n'aurait cru entendre cela un jour et son cœur se mit à battre un peu plus fort. C'était drôle. Jamais il n'avait cru que quelqu'un pourrait le rendre sentimental et encore moins un homme comme Feilong. Ce dernier partageait-il ses sentiments à présent ? Avait-il compris que sa mauvaise opinion des relations entre homme était infondée ?


Yoh ne savait pas exactement quand tous deux s'étaient retrouvés nus, car il s'était ensuite abandonné à leurs caresses mutuelles et son esprit avait été court-circuité par le plaisir. Feilong avait bien plus d'expériences que lui et savait comment flatter ses sens. Il avait l'impression d'être plus maladroit en comparaison mais cela ne semblait pas gêner son partenaire. Yoh en venait à penser que cet instant serait le plus délicieux qu'il n'ait jamais connu, jusqu'à ce que l'attitude de Feilong se mette à changer.

Feilong, qui s'était depuis un moment glissé entre ses cuisses, lui écarta un peu plus les jambes. Il ne fit qu'effleurer son sexe tendu de la main et vint à nouveau embrasser Yoh comme pour détourner son attention alors que ses doigts descendaient plus bas. Son index entra en lui et ce n'était pas quelque chose que Yoh aurait qualifié d'agréable. Feilong avait cessé de l'embrasser mais il sentait son souffle chaud et rapide contre sa joue. Yoh tenta de se détendre et ferma les yeux. Il avait accepté d'être passif. Il ne pouvait pas revenir en arrière, même si cela lui déplaisait.

Cédant à l'impatience, Feilong cessa bien vite de le préparer et s'insinua en lui après lui avoir relevé un peu plus les jambes. Yoh se crispa et rentra les ongles dans le tissu du canapé. Les mains appuyées sur les épaules de Yoh, Feilong allait et venait rapidement tout en le fixant droit dans les yeux. Il avait renoué avec son instinct dominateur et ne semblait se soucier que de son propre bien-être à présent. Si le plaisir remplaçait petit à petit la douleur que Yoh avait ressenti lors de la pénétration, il éprouva un sentiment de colère et de déception. Feilong ne faisait pas l'amour avec lui, il baisait, comme il l'aurait fait avec n'importe qui d'autre. Il n'était pas seulement cynique en parole, il l'était aussi en acte. Sa tendresse précédente n'était qu'un os jeté pour le consoler. Yoh aurait encore préféré qu'il le prenne sans préliminaire de ce genre, que les choses soient claires dès le départ. Mais peut-être que le sentiment de l'avoir manipulé et blessé le faisait plus jouir encore que de coucher avec lui.

Pourtant, Yoh ne le repoussa pas.

Feilong était bon et, quitte à être blâmé par un quelconque dieu de la vertu, il ne se sentait pas de force à refuser ce qu'il lui offrait, même si cela manquait sans aucun doute de délicatesse et de sentiments. Il était faible, comme n'importe qui d'autre face au plaisir. Chaque coup de rein de Feilong le faisait gémir. Chaque va-et-vient l'amenait un peu plus au bord de l'orgasme. Il était prêt à se damner pour que ses sensations demeurent éternellement.

Yoh agrippa soudainement Feilong et cueillit ses lèvres sans lui laisser l'opportunité de se défiler. Leurs torses humides frottaient l'un contre l'autre et le ventre de Feilong se pressait contre son sexe. Yoh enfonça les doigts dans l'épaule de Feilong alors que ses muscles étaient pris de spasmes et que le rythme de son cœur devenait erratique. Durant quelques secondes, il atteignit le paroxysme du l'extase… Lorsque celle-ci le quitta, il ne resta rien de plus qu'une sensation douloureuse de vide.


« Hum… Je vais être en retard, considéra Feilong tout en enfilant sa chemise. »

— Quoi ? »

Yoh peinait à reprendre ses esprits autant que son souffle.

Feilong glissa la main dans ses longs cheveux pour les repousser de son visage. Quelques mèches collaient à sa peau à cause de la sueur. Il se leva tout en finissant de boutonner sa chemise.

« Je n'ai même pas le temps pour une douche, ajouta-t-il sans entendre la question de Yoh.

— Où vas t-… Où allez vous ? »

Feilong se figea brièvement, puis se pencha pour ramasser son pantalon.

« J'ai un rendez-vous. A quoi t'attendais-tu ? Que je reste pour soigner tes blessures et t'apporter le petit déjeuner… » Il jeta un regard par dessus son épaule. « Au canapé ?

— Non, mentit Yoh. »

Il n'avait pas envie de perdre la face en se lançant dans un pitoyable discours amoureux. Ce n'était qu'un jeu pour Feilong et cela ne changerait pas, quoiqu'il puisse dire. Le mieux à faire, à présent, était d'essayer de l'oublier en le traitant avec le même manque d'intérêt qu'il lui offrait. Ainsi, il pourrait peut-être reprendre son travail sans plus jamais songer à ce qui était arrivé.

« Je pensais que vous en auriez encore envie.

— J'espère que tes pulsions sont assouvies maintenant, fit Feilong en éludant la remarque précédente. Et que tu as compris que tes sentiments n'étaient pas réels.

— J'ai compris. C'était amusant, ceci dit. Quoiqu'un peu rapide... »

Il fut certain de voir Feilong se figer avant qu'il ne finisse de mettre son pantalon. La pique l'avait atteint plus qu'il n'aurait voulu le laisser paraître. Puis Yoh le suivit du regard lorsqu'il se dirigea vers la porte d'entrée. Alors qu'il s'apprêtait à sortir, Feilong s'arrêta et se tourna une dernière fois vers lui, un sourire aux lèvres.

« - Encore une chose. J'attends de toi que tu m'obéisses avec le même dévouement qu'avant. Si tu tentes de me trahir, ou même de me désobéir, je te tue. »


Yoh resta un long moment immobile après que la porte se fut refermée. Il fixait le plafond, l'avant-bras posé sur le front. Il se sentait humide et commençait à avoir froid. Il finit par se lever tout en posant la main sur son pansement. La blessure le brûlait à nouveau mais cette douleur physique n'avait aucune commune mesure avec le désespoir qu'il ressentait. Il s'approcha de la table et prit la bouteille d'eau, buvant directement au goulot. Quelques gouttes roulèrent sur son menton et vinrent s'écraser par terre. Puis, il s'avança en direction de la salle de bain. Le sol était glacé sous ses pieds nus.

Lorsqu'il appuya sur l'interrupteur, la lumière l'éblouit et la migraine l'élança à nouveau. Il s'enferma dans la cabine de douche et tourna les robinets. L'eau chaude coula sur ses épaules et la vapeur envahit l'habitacle étroit. Durant un instant, il imagina que Feilong était revenu sur ses pas, s'était glissé dans la douche et lui murmurait qu'il avait eu tort de se conduire ainsi. Yoh se mit à rire de sa propre réaction : n'avait-il pas passé l'âge pour rêvasser de la sorte ? Tout était de sa faute, de toute manière, et Feilong l'avait… remis à sa place. S'accuser ne lui apporta pourtant aucun soulagement et la souffrance le domina de nouveau. Il ne savait pas si celle-ci provenait de sa blessure, de son cœur blessé ou des deux en même temps mais son poing s'abattit plusieurs fois sur le mur de la douche, jusqu'à ce que des éclats de carrelages s'enfoncent dans sa peau.