Jeu de dames

Kanna #001: We didn't start the fires

Auteur: Rain

Disclaimer: La magnifique fic qu'est Rain City est-elle canon? Non? Alors Shaman King n'est pas à moi, et je ne me fais pas de sous avec. Quel dommage. Cachez votre soulagement. XD

Soundtrack: You make me wanna die (The pretty Reckless)

Note:

Soyons honnêtes, Echecs est une vieille fic que j'ai du mal à relire. Elle a des problèmes de continuité, de logique, de cohérence. Elle est aussi associée à des temps assez compliqués pour moi, que j'ai sérieusement envie d'oublier. Donc, voilà ce que je vous propose, mes chers amis (soyons honnêtes, mes chères amies).

Ma solution est de publier deux fics en parallèle, qui s'appellent Jeux d'échecs et Jeux de dames. Jeux d'échecs est l'acte II d'Echecs, comme son nom l'indique. Vous pourrez y trouver la suite des aventures de cette petite Jeanne. Jeux de dames est un recueil d'one-shots et de drabbles placés dans l'univers d'Echecs, parce que cet univers est bien plus adapté pour des os du type "slice of life" que pour une vraie fic, en tout cas dans mon esprit.

..

Voilà donc Jeux de dames, le recueil de one-shots, drabbles et autres textes courts qui accompagne la fic Jeux d'échecs. La plupart des détails concernant cet UA est à lire sur mon profil ou dans Jeux d'Echecs.

Jeux de dames sera principalement l'occasion d'utiliser d'autres points de vue, contrairement à Echecs qui est principalement raconté par Jeanne, ou même de scènes "bonus" qui sont apparues dans la version anglaise (qui est, pour bien d'autres raisons, illisible elle aussi) ou que j'ai imaginées après avoir fini l'acte I.

C'est parti! On commence avec Kanna.


Tout était parti d'un simple pari. Un simple pari auquel elle n'avait même pas réfléchi sur l'instant, avec ce nouveau que tout le monde traitait avec une sorte de déférence indifférente. Cette... façon qu'avait tout le monde d'ignorer son ancienne affiliation aux X-Laws et de trembler devant lui à cause de son niveau d'énergie la hérissait violemment. Et cet énervement ne faisait que grandir à la vue de sa petite compagne. Déjà parce qu'elle était censée surveiller cette gosse idiote, à la place du vieux prêtre qui pourtant était le responsable de sa présence. Alors, parce que c'était elle, Kanna avait cherché la bagarre.

Tous les matins, le pauvre type qui en si peu de temps avait subjugué tout le camp allait sur le terrain d'entraînement; il y installait chaque fois des cibles mouvantes sur lesquelles il s'entraînait pendant plusieurs heures. Au départ, Kanna avait songé à se plaindre parce qu'il risquait de toucher les petites; mais d'une part, Marion se baladait avec une arme similaire à la main, et d'autre part les balles de Rackist s'arrêtaient toujours aux limites du terrain. Elle ne voulait pas avoir l'air peureuse, surtout pas. Il lui fallait donc un autre plan d'attaque.

Lors d'une confrontation avec un idiot de Britannique, quelques semaines plus tard, Kanna récupéra un pistolet. Il n'était pas aussi fin et poli que celle de Rackist, mais il lui semblait suffisamment gros et menaçant pour être efficace. Elle avait vu des hommes s'en servir: elle savait remplacer les balles dans le barillet, retirer la sécurité, appuyer sur le déclencheur. Alors elle s'était mise au travail; et un beau jour quand Rackist était arrivé près du terrain, des cibles étaient déjà installées, et Kanna, sa cigarette au bec, finissait de se préparer pour s'entraîner à tirer.

Elle ne se retourna pas pour le voir venir, mais chaque fibre de son être était attentive. Elle le sentit arriver à grands pas distraits, puis se figer à quelques pas d'elle. Elle considéra l'effort de ne pas sourire.

« Ah, t'étais là, » lui dit-elle négligemment. « Désolée, si j'avais su que tu comptais venir je n'aurai pas installé mon équipement. »

Si Rackist perçut l'effronterie de la jeune femme, il n'en montra rien. Elle sentit qu'il se redressait, qu'il prenait mesure de la bataille qui l'attendait. Mais elle fut quand même surprise quand il dit: « Je ne savais pas que tu te battais au pistolet, Bismarck. »

De l'extérieur, sa surprise ne se vit pas. Elle se contenta, en effet, de hausser les épaules, ses yeux sur les cibles. Mais intérieurement, elle s'énervait déjà. « Ca m'arrive. Faudra que tu reviennes plus tard.
- Nous pouvons nous entraîner côte à côte, » proposa-t-il avec douceur, s'avançant dans la zone de tir. Il était soit complètement bouché soit d'une arrogance déplacée. Kanna se tourna vers lui, un rictus mauvais sur les lèvres. Puis elle se reprit, s'immobilisa. « Je n'aime pas m'entraîner avec quelqu'un d'autre. Reviens plus tard. »

Ah, il commençait à comprendre, elle le voyait dans ses grands yeux de traître. Son sourire se refroidit. « Mais je ne voudrais pas que nos jeux empêchent les autres d'utiliser le terrain toute la journée. Il serait plus efficace...
- M'en fous. Plus tard. »

Il allait lui falloir être malin s'il comptait la faire bouger de là. Elle offrait un challenge, et attendait qu'il reparte la queue entre les jambes. Mais Rackist s'estima visiblement à la hauteur de la tâche et s'approcha encore. « Puis-je au moins t'observer, Bismarck...? »

Elle grogna, et perdit le contrôle de la situation. « Ne me tutoies-pas, vieux débris. On a pas élevé les poules ensemble, que je sache; et non, j'ai pas envie de –

Il lui attrapa le bras. « Alors si tu ne m'autorises même pas à faire ça, je te propose un pari. »

Elle s'était pétrifiée. Puis, violemment, elle dégagea son bras de cette poigne étrangère. Un pari? Que voulait-il parier? Le temps qu'il faudrait à la jeune femme pour le dézinguer et le mettre en morceaux?

Son questionnement dût se lire sur sa figure; il sourit. « Je veux utiliser ce terrain, tu veux m'énerver et m'humilier. C'est bien inutile puisque je n'ai pas de grande inquiétude quant à ma 'dignité', mais puisque tu y tiens: mettons-nous au défi. Celui qui tire le mieux a le droit de prendre le terrain. »

Kanna fronça les sourcils. « C'est-à-dire? »

Rackist plissa les yeux, regarda les cibles qu'Ashcroft tirait à toute vitesse le long du terrain. Il allait extrêmement vite, même pour Kanna, et elle avait déjà passé l'initiation du seigneur Hao. Pas lui. Qu'espérait-il...?

« Concentrons-nous sur une cible. » Sa voix était calme. Trop. Elle attendit la suite, et il ne la déçut pas. « Si je peux mettre une balle au niveau du crâne, du cœur et de la main de cette cible-là, j'aurai gagné le droit d'utiliser ce terrain, et tu ne m'embêteras plus. »

Elle le regarda, méfiante. Avoir un tel objectif... Ashcroft allait tellement vite! « Sans utiliser ton poulet spirituel? C'est impossible. Ashcroft va bien trop vite, pour toi comme pour tout le monde. »

Rackist, avec un air suffisant, sourit, sans relever l'insulte. Qu'il était énervant! Elle mourrait d'envie de débarrasser ce visage de vioque de cette expression amusée – deux ou trois coups de poing suffiraient. « Cela signifie seulement que tu n'as pas réussi. J'essaie? » Il lui tendit la main comme pour la serrer.

Hésitation. Elle leva son bras et lui serra la pogne, les sourcils froncés. « Essaies. Tu n'y arriveras pas, j'aurai le terrain et tu feras mes corvées de la semaine. »

Le brun acquiesça, sourit. Kanna sentit son assurance patiner un peu dans ces yeux gris. Elle avait tenté de lui broyer la main (Ryô, par exemple, évitait toute occasion de ce genre, et elle aimait voir cette douleur, cette inquiétude dans les yeux des hommes qu'elle méprisait), mais il avait une poigne tout aussi ferme. Il ne pouvait pas espérer gagner, si...? Elle se jouait de lui. Elle y parvenait parfaitement, d'ailleurs, cet idiot allait faire toutes ses vaisselles... « Tout ce que tu veux, Bismarck. Allez, éloigne-toi, que je ne t'abîme pas. »

Il la tutoyait encore! La jeune femme, méfiante et nerveuse, ne dit rien. Elle s'éloigna d'une dizaine de mètres, et s'alluma une nouvelle cigarette. Rackist passa un moment à observer Ashcroft, qui trimbalait la cible de son d'un bout à l'autre du terrain, cherchant visiblement à le perdre. Rackist acquiesça, leva une main pour poser sur sa tête nue un protège-oreilles sombre. Puis l'ancien prêtre se mit en position, les deux pieds plantés dans le sol, l'arme dans l'alignement de ses épaules, la respiration tranquille. Sans suivre la cible du bras, il attendit encore, comme pour écouter une musique silencieuse –

Et il tira. Trois coups brutaux déchirèrent l'air, et la cible vola au sol. Le prêtre se redressa sans s'inquiéter d'aller vérifier, alors que Kanna appelait Ashcroft et sa proie à elle.

Quand le fantôme la rejoignit, Kanna sentit son propre cœur faire un bond. Comme il l'avait promis, ses balles avaient touché la cible aux trois endroits prévus.

Une fois la surprise passée, Kanna sentit la rage naître dans son ventre. Son visage se ferma, et ce fut raide qu'elle rejoignit Rackist, le poussa pour prendre sa place. « Ashcroft, remets-moi une cible. » Elle sortit sa propre arme de sa poche, y glissa trois cartouches. Rackist l'observait avec intérêt, et cela redoubla son énervement. « Va faire le beau ailleurs, je peux aussi bien tirer que toi, » gronda-t-elle à son attention alors qu'elle se positionnait, visant la cible nouvelle.

Immédiatement, Rackist sût qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait: elle tenait l'arme – trop lourde pour elle – d'une seule main, visait en fermant un œil et n'avait rien pour se protéger les oreilles. « Tu devrais te proté – »

Il ne put pas finir. Elle avait tiré, une seule fois, et le recul l'avait projetée en arrière, dans ses bras à lui. Comme il tenait encore son arme et ne s'attendait pas à ce qu'elle se laisse ployer si facilement, il eut du mal à la réceptionner, et les deux adultes tombèrent sur les fesses.

Il y eut un moment de blanc. Puis Rackist soupira, récupéra l'arme des mains de l'adolescente sonnée, et retira son cache-oreilles. Ashcroft lui ramena la cible, intacte, et confirma ses soupçons: cette fille n'avait jamais tiré de sa vie. « Alors, tu comprends pourquoi je m'entraîne tous les jours? Ce n'est pas un jeu, Bismarck... » Il s'interrompit. La jeune fille se tenait les oreilles et le regardait d'un air paniqué, presque traqué. « Tu n'entends rien, hein, » fit-il en pointant ses oreilles pour mimer sa question. Elle secoua la tête. Sans réfléchir, le brun s'assit devant la jeune fille toujours choquée. Il sortit la Bible de sa poche, en déchira une page blanche, et se servit de l'objet comme d'un support pour écrire.

« Ce ne sera pas permanent, n'aies pas peur. C'était bête d'agir ainsi. Tu vas rentrer te reposer, et dans quelques jours il n'y paraîtra plus. » Il lui donna le papier, sur lequel il s'était appliqué à écrire en anglais et en dactylographié, gardant ses belles cursives italiennes pour un jour où il ne causerait pas à une fille à moitié sourde.

Kanna saisit le papier presque en tremblant. Et alors qu'elle lisait, il vit qu'elle se mordait la lèvre. Puis elle releva les yeux vers lui, et le gifla. Il y eut un moment de silence, puis Kanna se releva en fulminant. Rackist, peu impressionné, la laissa s'éloigner en haussant les épaules avant de remonter lui aussi sur les pieds.

« Ça suffit, tous les deux, » souffla une voix derrière eux. Kanna était toujours presque sourde, alors Rackist attrapa son bras, la forçant à se retourner. Hao se tenait devant eux, les bras croisés. Jeanne se tenait à côté de lui – pas derrière lui, non, elle ne se cachait pas derrière son ennemi – mais elle voulait s'entraîner, et la scène l'avait suffisamment médusée pour qu'elle mette un certain temps avant de sursauter et de s'éloigner d'Hao.

« De vrais gosses, » souffla enfin le maître des lieux, mi-amusé mi-réprobateur. L'Allemande n'entendait pas, mais elle sentit bien l'état d'esprit du Japonais, et elle baissa les yeux.

« Kanna, viens ici, » ordonna-t-il ensuite. La jeune femme sembla comprendre sans avoir besoin d'entendre. S'avançant de quelques pas, elle s'agenouilla; Hao lui toucha le front, et elle sursauta. « Voilà pour tes tympans. Ne t'avises plus de faire ce genres de bêtises. »

Rackist acquiesça, sentant bien que la remontrance était pour lui aussi. Mais s'il le prit placidement, et arrangea ses réflexions pour y inscrire cette nouvelle expérience et les règles implicites qui en découlaient (il faudrait, d'une façon ou d'une autre, les apprendre à Jeanne), Kanna se sentit terriblement humiliée.

Si Hao le comprit, il ne le mentionna pas. « Rackist, tu me rangeras ce bazar. Il est temps pour les autres de s'entraîner aussi, en particulier notre chère princesse. » Jeanne se raidit, lui lança un regard à faire tomber un chêne; sans rien dire, elle détala comme un lapin. Le prêtre acquiesça, et l'omnyôji s'éloigna, laissant la jeune femme seule dans la poussière.