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Bonjour à tous !

Bienvenue sur le premier chapitre de La Coupe du Cache-Cache.

Au programme : une compétition, des combats de boue, une carte qui ne sert à rien, un miroir mal luné, un chien qui se prend pour un psy, de l'amitié et de la romance. Le tout sur une petite dizaine de chapitres. Si le sommaire vous tente, à vos lunettes ! 8)

Merci à Doucetbete pour la relecture de ce texte.

Bonne lecture !

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CHAPITRE 1

Recrutement

« Il était une fois un Gryffondor et une Serpentard qui, après des années de rivalité, de coups bas et de désirs meurtriers, prirent le parti de sceller leur relation par le mariage. Ils s'appelaient Gordon McKinnon et Marvina Mulciber, étaient tous deux moyennement beaux, moyennement intéressants et férocement névrosés, mais d'un sang si pur que Salazar lui-même serait tombé en pâmoison.

Lorsque Gordon et Marvina prirent l'étrange décision de mêler leurs patrimoines génétiques, l'expérience aurait pu se solder par une catastrophe. Heureusement, Dame Nature se montre parfois magnanime et dans sa grande clémence, elle accorda au couple deux superbes progénitures de sexe féminin, aux visages angéliques et aux voix mélodieuses, dont la grâce n'avait d'égale que la sagesse et dont la bonté comblerait leurs parents pour des siècles et des siècles. Ils les nommèrent Marlene et Madelyn.

A l'âge de onze ans, les deux jeunes filles entrèrent à Poudlard, la célèbre école de sorcellerie. Pour fêter cet évènement, leurs parents leur offrirent une chevêche d'Athéna qu'elles nommèrent Reine de Pique. A l'instar de sa mère, Marlene fut envoyée à Gryffondor tandis qu'à l'instar de son père, Madelyn intégrait Serpentard. Ainsi va le monde : Marlene, née quelques minutes avant sa sœur, prouvait une fois de plus que le droit d'aînesse trouvait son origine dans la réalité concrète et objective. »

J'hésite un instant, puis raye la dernière phrase. Trop jugeant. Trop mesquin.

- C'est toi, Marlene ? Lily nous a dit de venir te voir.

Je relève la tête. Une élève de première année rousse à la mine boudeuse se tient devant moi, droite comme la justice. Les trois autres filles de son année viennent d'entrer dans la salle commune mais se sont aussitôt éparpillées, attirées par le désordre innommable qui règne aux alentours.

Quand j'écris, je choisis toujours la table la plus isolée. Proche de la fenêtre qui fuit, avec son pied instable et un éloignement maximal de la cheminée, elle décourage les perturbateurs potentiels. Néanmoins, il est dix-neuf heures trente et la vie bat son plein dans la salle commune de Gryffondor. Impossible de s'isoler totalement : une quinzaine d'élèves chahute devant la cheminée, d'autres jouent aux Bavboules sur le tapis, d'autres encore discutent sur le canapé de la fenêtre sud. Il y en a un qui manie une guitare, trois qui comparent leurs balais volants, deux qui font des vocalises.

Ce n'est même plus une salle commune. C'est un zoo.

Je ferme mon carnet et glisse ma plume dans l'encrier.

- Oui, c'est bien moi, répondé-je. Assieds-toi. Hé, vous, là-bas !

J'attire les gamines en faisant de grands gestes de rassemblement. Peut-être puis-je induire une forme d'influence psychique grâce aux mouvements autoritaires et peu gracieux que j'opère avec les bras. Elles nous rejoignent et s'installent presque docilement. Le brouhaha de la salle commune m'oblige à me pencher pour me faire entendre sans avoir à crier. Hausser le ton m'est formellement interdit : on risquerait de se faire repérer.

Un tel recrutement comporte quelques règles et sa mise en place nécessite toute une stratégie. J'ai répété mon discours à l'avance devant le miroir de la salle de bain du dortoir. Le miroir a adoré. Il répétait chaque phrase en prenant l'accent russe.

- Bien. Comment vous appelez-vous ?

Elles se présentent. J'oublie leurs noms au fur et à mesure.

- Merci beaucoup. Je m'appelle Marlene.

- Tu es en troisième année ? tente l'une d'elle.

- Non, cinquième.

Mais ce n'est pas grave.

Je ne t'en veux pas du tout, futur cobaye d'exercice de métamorphose humaine.

- Tu es la sœur de Madelyn, non ? lance une autre.

J'accuse le coup, tout en essayant de garder une expression neutre. L'une d'elles connaît ma Serpentarde de jumelle mais aucune ne semble me connaître, moi. Voilà qui en dit long sur ma popularité à Gryffondor. Elles vont me gonfler, je le sens venir gros comme un garde-chasse. (Expression inventée par moi-même le jour de ma rencontre avec Rubeus Hagrid.)

D'un autre côté, je ne peux pas vraiment leur en vouloir. Dotée d'une mémoire à intérêt spécifique depuis ma tendre enfance, je tends à remplacer mes fonctions cognitives manquantes par celles que j'ai développées pour les compenser : l'observation et l'interprétation. Par exemple, le capitaine de notre équipe de Quidditch, batteur de sa fonction et avare de saucisses, s'appelle Saucisse. A Serpentard, je retiens à peine les noms des élèves de notre promotion. Severus s'appelait Pervers avant que Lily ne fasse les présentations.

Maintenant il s'appelle Perverus.

- Je m'appelle Marlene, me présenté-je à nouveau, je suis en cinquième année avec Lily, la préfète. Je dois vous parler au nom de toutes les filles de notre maison. Ce que j'ai à vous dire est très important.

Je m'arrête un instant, ménageant le suspense.

Brune-à-frange bâille aux corneilles.

- A Poudlard, les garçons se battent souvent, raconté-je. D'ailleurs, je suis sûre qu'il y a déjà eu des disputes dans votre classe, notamment avec Serpentard. Vous avez peut-être constaté que les filles, malgré leurs conflits et leurs rivalités, font preuve d'une meilleure discrétion… A votre avis, pourquoi ?

- Parce que nous sommes plus matures ? tente Blondinette.

Bénie sois-tu, Ô petite née-moldue dont j'ai oublié le prénom une demi-seconde après que tu me l'aies dit.

- Oui, sûrement, mais pas seulement, continué-je. Bien. Je dois vous confier un secret que toutes les filles de Poudlard connaissent. Mais avant que je ne dise quoique ce soit, vous devez promettre solennellement de ne rien répéter aux garçons.

- Pourquoi ? demande Rouquine.

- Comment ça, pourquoi ?

- Pourquoi il ne faut rien répéter aux garçons ?

Je t'en pose, moi, des questions ?

- Oui, tu nous as demandé pourquoi les filles ne se battaient pas ! rétorque Rouquine.

Flûte, j'ai pensé à voix haute.

- C'est un secret que toutes les filles de Poudlard partagent ! répliqué-je. Il en va ainsi depuis des centaines d'années !

- Donc je ne peux rien dire à mon frère ?

- Et non.

- Et moi, je peux en parler à mon père ?

- Non plus.

- Je peux en parler à Sir Philip ? gémit Brune-à-Frange.

- Je vous dis que non ! m'impatienté-je.

- Mais il ne dira rien, c'est mon chat !

Abrutie de gamine.

- Va pour Sir Philip, mais tous les autres, c'est non ! conclus-je.

Au cas où quelqu'un se poserait la question, notons que cet interlude n'était en rien prévu dans le discours que j'ai répété dans la salle de bain. Quoique. Maintenant que j'y pense, je me demande comment se prononce « Sir Philip » avec l'accent russe.

- Alors, vous promettez ?

- Oui, on promet, répond Brune-à-lunettes.

Les autres hochent la tête. Je place ma main ouverte derrière mon oreille et elles marmonnent vaguement « On promet de ne rien dire » ou « On dira rien » ou « Merlin qu'elle est pénible celle-là… » Hein, quoi ?

- Bien ! Je continue ?

Elles hochent la tête. Trop aimables.

- Il y a des centaines d'années, les rivalités entre les filles de Poudlard provoquaient de tels conflits qu'elles durent chercher un moyen efficace et légal de régler leurs différends, raconté-je. Et elles le trouvèrent : une partie semestrielle de cache-cache nocturne poudlardesque !

Je prononce les derniers mots avec enthousiasme, sans parvenir à le communiquer.

- …qui permet d'élire une nouvelle reine, continué-je donc, laquelle conserve sa couronne pendant cinq mois et tranche dans les conflits opposant les filles de l'école… ou même les filles d'une même maison…

- Quoi, comme problème ? demande Brune-à-lunettes.

- Un exemple… réfléchissé-je. L'an dernier, Sirius Black et Malika French sont sortis ensemble. Mais Malika jugeait que Blanca, qui est dans mon dortoir, se montrait trop proche de Sirius. Comme les tensions devenaient pénibles pour tout le monde, nous les avons emmenées à l'audience de la reine pour régler le problème.

- Et qu'est-ce qu'elle a dit ?

- Heu… C'est compliqué, répondé-je, parce que la reine était Coleen Carrow à ce moment-là. Elle a décidé que Blanca pouvait être amie avec Sirius, mais je crois qu'elle voulait surtout que Blanca et Malika s'étripent encore. Ça l'amusait follement. Et donc… ce n'est pas un bon exemple, conclus-je.

- Est-ce que Sirius sortait avec deux filles en même temps ? demande Brune-à-frange d'un air intéressé.

- Non, Blanca et lui sont seulement amis ! De toute façon Sirius n'est… pas son style.

Rouquine hoche lentement la tête, pensive.

- Je suis venue vous voir parce que vous êtes désormais des Gryffondors et que vous devez concourir pour votre maison, continué-je. Je vais vous expliquer les règles rapidement. Elles vous seront réexpliquées samedi.

Je rassemble mes pensées et je me lance :

- Tout d'abord, il faut savoir que les baguettes et les objets magiques sont interdits. Au début de la partie, les Chasseresses sont désignées par un tirage au sort et les autres deviennent des Antilopes. Les Chasseresses chassent les Antilopes. Jusqu'ici, c'est bon ?

Pure formule de politesse : elles ont intérêt à dire oui.

- Chaque Antilope porte un bandeau à la couleur de sa maison. On l'appelle le blason. Si elle est attrapée, on lui prend son blason et elle devient Chasseresse. La dernière Antilope en lice devient Reine. En septembre, on couronne la Reine d'Hiver et en mars, la Reine d'Eté.

Du coin de l'œil, je vois le tableau de la grosse dame s'écarter pour dégager le passage circulaire par lequel James, Sirius et Peter investissent les lieux. Aucun signe de Lupin – il est probablement à la bibliothèque ou hors du château. Ses problèmes familiaux l'éloignent si souvent de l'école que plus personne n'y fait attention.

Les trois garçons rejoignent le groupe-cheminée sans détour. J'ai l'impression qu'ils cachent quelque chose sous leurs capes.

- Pourquoi met-on un bandeau ? demande Rouquine.

- Un blason, corrigé-je. D'abord, pour se distinguer des Chasseresses, et ensuite parce que les Chasseresses adverses gardent leurs prises pour compter les points à la fin de la partie. Les plus efficaces gagnent le droit de ne pas tirer au sort lors de la Coupe suivante. Elles deviennent donc automatiquement Antilopes et peuvent concourir pour la couronne.

- On fait comment pour devenir Reine si on est Chasseresse ?

- On ne peut pas, justement.

- Je n'ai rien compris ! se plaint Brune-à-frange.

- Il n'y a vraiment aucun garçon au courant ? s'étonne Rouquine.

- Si, un. Dumbledore. Il a tout découvert il y a des années. Il voulait absolument jouer avec nous. Il paraît même qu'il aurait essayé de négocier mais heureusement, McGonagall a refusé.

- Le professeur McGonagall participe ?

- Elle prend en charge le lancement du jeu et l'arbitrage, acquiescé-je. Faites attention : si vous répétez le secret de la Coupe du Cache-Cache à qui que ce soit, c'est à elle que vous devrez en répondre.

L'argument fait mouche. Tant mieux.

- La prochaine coupe sera décernée dans la nuit de samedi à dimanche, à la fin de cette semaine. La partie commencera samedi soir à vingt-deux heures. Dans votre dortoir, vous trouverez une boîte rouge avec les blasons dedans. Avant vingt-deux heures, accrochez votre blason autour de votre front. Vous serez téléportées sur le lieu de rendez-vous. En attendant, interdiction de parler de la Coupe sans utiliser un nom de code ! Si par mégarde, un garçon vous entend, dites-lui que vous discutiez d'un devoir de potions : c'est un sujet barbant, personne ne cherchera à en savoir plus. Enfin, sauf si c'est Rogue. Si c'est Rogue, mettez-vous à baver sur James ou Sirius.

J'hésite un instant. Un mouvement près de la cheminée attire mon attention.

- Ou lancez-vous dans une étude comparative des parfums de savons, proposé-je. L'un ou l'autre, ça fonctionne. Compris ? Ne répondez pas, ajouté-je précipitamment. Si vous avez besoin de plus de conseils sur votre devoir de potions, demandez à Lily. Pas parce qu'elle est préfète, mais parce que c'est la seule qui aime cette matière.

J'en suis à peu près certaine maintenant : Black Sélection vient vers nous.

- En Défenses contre les Forces du Mal, Rose est très forte mais ne lui demandez jamais d'aide, continué-je en parlant beaucoup trop vite. Même si votre vie en dépend. Rose est comme un bouledogue qu'on prive de nourriture et qu'on drogue. Vous voyez ? Lui demander de l'aide, c'est la mettre face à sa dose de viande quotidienne, et ne pas progresser tout de suite revient à lui interdire de manger…

Les gamines ne semblent ne pas comprendre la raison de mon changement de sujet brutal, jusqu'à ce qu'une voix masculine retentisse derrière elles.

- Bonjour tout le monde ! Marlene, une Bièraubeurre ?

Sirius me tend une bouteille décapsulée. Ses cheveux noirs tombent négligemment autour de son visage pâle. Brune-à-frange le fixe d'un air béat. J'imagine que ses neurones viennent de tomber en panne. Ou alors ils diffusent de la publicité : « Oh Merlin ! Quelle virilité ! Muchacho ! Sa chevelure de braise me consume, est-il naturellement chanceux ou passe-t-il sa vie avec un peigne pour obtenir cet effet-là ? »

Brune-à-frange, il est de mon devoir de te répondre : si je me réfère aux visages et aux cheveux des autres membres de sa famille, la première option me paraît possible. Toutefois, connaissant son goût inaltérable pour la séduction, la deuxième solution est tout aussi probable. Il y a quelques années, il ne sortait qu'avec des filles plus âgées, tu n'aurais donc pas fait partie de sa liste. Mais l'an dernier, il est sorti avec une Poufsouffle de troisième année. Tente ta chance !

- Marlene ? insiste-t-il.

- Merci Sirius, c'est gentil d'avoir pensé à moi, mais je dois travailler, le congédié-je.

Mon timbre me semble légèrement plus aigu que d'habitude. Imbécile de voix.

Si Sirius ne comprend visiblement pas ma suggestion, les Dalton détalent sans demander leur reste. Toutes, à l'exception de Brune-à-frange. Figée sur sa chaise, elle regarde Sirius en rougissant. S'en rendant compte, il sourit davantage et la gamine s'enfuit à son tour vers l'escalier circulaire qui monte aux dortoirs.

- Comment s'appelle-t-elle ? demande Sirius en la suivant des yeux.

Qu'est-ce que je disais ! Elle a ses chances !

- Brune-à-frange.

Il rit dans la bouteille décapsulée – qu'il est visiblement décidé à boire lui-même. Un petit rire agréable, loin de l'aboiement que j'entends lorsque Potter et lui viennent de réussir une blague. Très différent du mien, dont la sonorité fait penser à un piano désaccordé roulant dans un escalier. J'attrape mon carnet à histoires et le cache dans mon sac de cours pour éviter la moindre curiosité. Je l'échange rapidement avec mon livre de Défense Contre les Forces du Mal que je claque sur la table, plus fermement que nécessaire.

- Je t'ai vu avec ta sœur à la sortie du cours de Défense contre les Forces du Mal, tout à l'heure, lance Sirius. J'ai entendu parler d'une soirée dansante et d'un groupe de musique à Poudlard.

- Lily et moi avons soumis un projet d'évènement au professeur McGonagall l'an dernier, répondé-je rapidement. Nous aimerions organiser un bal réservé aux élèves en avril.

J'espérais le faire fuir, mais il sourit. Je rechigne intérieurement.

- Bonne idée, approuve Sirius, ce serait sympa. D'où vous est venue l'idée ?

- Nous nous sommes inspirées d'un évènement qui existait du temps de nos parents. Le Bal de Printemps. Nous voudrions relancer cette tradition. Qui existait du temps de nos parents, insisté-je.

D'habitude, au mot « parents », il décampe.

- Musique, banquet, fleurs, robes à froufrous, cavaliers et cavalières, résume-t-il en esquissant un sourire. J'adhère.

Bon.

Il faut savoir faire feu de tout bois. Ne nous attardons pas sur mes mauvaises statistiques siriusiennes et penchons-nous plutôt sur l'avantage de son adhésion au projet : s'il s'en mêle, toutes les filles de Poudlard seront motivées à participer. Si toutes les filles participent, avec jolies robes et grands décolletés en perspective, les garçons se précipiteront à leur tour. Le taux d'hormones va crever le plafond. Peut-être devrai-je faire un effort pour entretenir la conversation, après tout. Nous pourrions recruter Sirius pour distribuer des tracts à l'entrée de la Grande Salle. Il aurait beaucoup de succès.

Ce que je ne dis pas, c'est que le projet démarrait sous les meilleurs auspices jusqu'à ce que Madelyn s'en mêle. Mademoiselle aime organiser des fêtes et Mademoiselle a plus d'expérience que nous car Mademoiselle aide ma mère dans l'organisation des soirées mondaines qui se déroulent au manoir. Précisons également qu'elle juge son sens de l'esthétique bien supérieur au mien et que McGonagall, qui cherche à favoriser les échanges entre les maisons, voit ce partenariat d'un œil diaboliquement bienveillant.

Toutefois, s'engager sur ce sujet serait contre-productif. Si je parle à Sirius Black de mes querelles avec ma Serpentarde de sœur, nous allons finir la soirée ensemble à chanter l'hymne de Gryffondor en descendant des Bièraubeurres devant la cheminée. Mon regard retombe sur mon livre de Défense Contre les Forces du Mal. Assis face à moi, Sirius me sourit. Que veut-il, à la fin ? Je passe une partie non négligeable de mon temps libre à éviter ce genre de confrontations. Si je lui dis clairement de partir, il me demandera pourquoi et je n'irai pas jusqu'à le menacer pour le faire fuir ! Quoique…

N'oublions pas que tout le monde a le droit de changer d'avis.

- Sirius, avais-tu quelque chose de précis à me demander ? l'interrogé-je.

- Ouais, en fait j'ai entendu mon prénom quand j'étais là-bas, poursuit-il en désignant la cheminée. De quoi parlais-tu avec Mary et les autres ?

Oups.

- D'une technique pour effrayer Rogue en cas de nécessité, répondé-je. Ton nom sera désormais instrumentalisé à des fins stratégiques. Heu… Est-ce que tu écoutais notre conversation ?

C'est quoi le sortilège, déjà ? Avada Oubliettes ? Je ne sais plus.

- Non, j'ai seulement entendu mon prénom. Pourquoi ?

- Je me demandais pourquoi tu délaissais tes amis, répliqué-je. Merci pour la Bièraubeurre. Je dois vraiment travailler alors amuse-toi bien !

J'ouvre mon livre de Défense Contre les Forces du Mal, je me plonge toute entière dans ses paragraphes indigestes et ses images morbides. Pendant une fraction de seconde, le sourire de Sirius se fane presque imperceptiblement. Cependant, ce n'est probablement qu'un effet de mon imagination : un instant plus tard, je croise son habituel regard rieur. Je le soupçonne de faire partie de ces gens capables d'écarter, de leur perception analytique de la réalité, toute information susceptible de les mener à une conclusion déplaisante.

- Viens avec nous, propose-t-il. Le devoir de Défense Contre les Forces du Mal est à rendre dans deux semaines. Tu as le temps !

- Je préfère m'y mettre maintenant, je ne suis pas douée pour cette matière. Ne joue pas avec la table ! m'écrié-je en tendant les bras.

Il sursaute et manque de tomber.

- Il y a un pied cassé, justifié-je d'une voix égale. Tu pourrais te blesser ou pire, casser la table !

Mon sens des priorités est proportionnellement inverse à celui de la majorité des filles de l'école, mais j'assume.

- Pff… Mais pourquoi tu t'installes ici ? demande Sirius. Le matériel ne tient pas la route et il fait tellement froid…

- Oui, c'est parce que la fenêtre fuit.

Il me regarde comme si j'étais tombée sur la tête. Je l'ignore et me replonge dans mon grimoire. Les Sortilèges Impardonnables… J'espère que je ne me trompe pas de sujet. Winter nous donne tellement de devoirs qu'il faudrait un terrain de Quidditch pour stocker tout le travail effectué en un an. Je passe deux fois plus de temps sur sa matière que sur toutes les autres matières réunies.

- Si tu as vraiment des difficultés en DFCM, ça te dirait qu'on travaille ensemble ? demande Sirius.

Je stoppe net. Mon cœur s'emballe malgré moi.

- Quoi ? croassé-je.

- Je pourrais t'aider, argumente-t-il. C'est ma matière préférée, même si le prof est imbuvable, et avec les BUSES à la fin de l'année…

- Non merci ! m'étranglé-je.

Arrêt sur image.

Avant que vous ne pensiez que je suis hystérique, je pense nécessaire de vous expliquer pourquoi mon comportement est aussi ambivalent. Il n'y a pas de gâteau sans farine. Enfin, si, mais seulement lorsque c'est moi qui cuisine.

Peu importe.

Sirius, James, Remus et Peter sont dans ma promotion depuis maintenant quatre longues années – nous en ajouterons une cinquième au compteur d'ici dix mois. Quand nous nous sommes rencontrés, Sirius était un gosse de riche sang-pur expédié comme par erreur à Gryffondor qui cherchait son positionnement idéal de rebelle, James inspirait à grands poumons l'air de Poudlard et profitait pour la première fois de la fréquentation d'autres enfants sorciers, Remus ramenait tellement de livres de la Bibliothèque qu'il se retrouvait bloqué lorsqu'il voulait passer par le trou circulaire de la Grosse Dame et Peter était si petit qu'il fallait faire attention où on marchait pour ne pas l'écraser.

A cette époque, j'alternai entre la fierté d'étudier à Gryffondor, grande Maison de ma lignée paternelle, et la douleur de ne pas être avec Madelyn. Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd'hui, nous étions alors très proches. Nous nous trouvions séparées pour la première fois depuis onze ans.

Quatre ans ont passé. Tout a changé. Sirius a trouvé son positionnement de rebelle et semble s'être donné pour objectif de ne jamais rester célibataire plus de deux semaines. Depuis que James et Lily ont passé un Noël ensemble à Poudlard, l'an dernier, nous assistons à un spectacle de romance-comédie classique dans lequel le garçon poursuit la fille avec une tête de poisson-lune tandis que la fille se cache dans des placards pour l'éviter. Peter a grandi, grossi et pris confiance en lui, jusqu'à devenir relativement fréquentable, et Remus connaît enfin des sorts efficaces permettant de réduire le volume de ses livres, Merlin merci.

Revenons à Sirius. Il y a quelques années, j'ai moi-même fait l'expérience de son narcissisme et de son manque de considération pour la gente féminine. Je débordais de peine et de colère à la suite de cette découverte, mais Rose m'a convaincue de ne pas lui faire le moindre reproche. A quoi bon, disait-elle, il ne changera pas d'avis. J'ai suivi son conseil – davantage par lâcheté que par intelligence… Avec le temps, je me félicite de l'avoir écoutée. James et Sirius sont aujourd'hui d'une popularité à toute épreuve, leurs admirateurs sont nombreux, leurs admiratrices sont légions, et tout ce petit monde les suit et les protège au-delà de toute raison.

- On va travailler ensemble ! décide-t-il avec un sourire charmeur. Je vais t'aider. On pourrait se retrouver pour faire ce devoir… Disons… Samedi ? Est-ce que ça te convient ? Maintenant, range tout ça et viens avec moi.

Ses admirateurs sont des moutons. Je ne suis pas berger. Je ne veux pas de conflit.

- Sirius, à quoi tu joues ?

Mais parfois je craque.

- Comment ça, à quoi… je joue ?

Il fronce les sourcils. J'aimerai lui répondre quelque chose d'intelligent et neutre, mais j'ai bêtement envie de pleurer. De tous mes traits comportementaux, il y en a un que j'abhorre particulièrement : quand je suis en colère, mes glandes lacrymales se manifestent. Pour la prestance, on repassera. Je reste immobile quelques secondes, baissant la tête le temps de reprendre le contrôle de mon expression faciale, avant de ranger mes affaires en hâte.

- Mais qu'est-ce que j'ai fait ? demande Sirius en se redressant à son tour.

- Rien, je suis juste un peu fatiguée.

A sa façon de me regarder, je devine qu'il ne me croit absolument pas.

- Marlene, qu'est-ce qui te prend ? s'exclame-t-il.

Les éclats de voix, l'expression mémorable du visage de Sirius, mon air renfrogné, peut-être les trois – que sais-je – attirent l'attention de James et Peter. Je me redresse, furibonde, sa colère faisait écho à la mienne. J'ai envie de l'incendier, de renifler, de le frapper, de casser la table et de le piétiner. De préférence en même temps. J'opte pour le plan B et file vers les escaliers pour fuir cette situation désastreuse.

Je pose un pied sur la première marche quand la voix de James me rattrape :

- Hé, Marlene ! Tu écris toujours des histoires sur Sam Winter ?

Je me retourne si vite que je manque de tomber.

- Quoi ?

James me regarde d'un air agressif. Sirius le rejoint. Joute silencieuse. Le premier qui parle a perdu !

- Sam, le grand frère de Rose ! reprend Potter au bout de quelques secondes. Celui sur lequel tu écris des histoires d'amour.

Il a brisé le silence, il a perdu ! Je m'en réjouirais s'il ne venait pas de révéler un secret d'Etat.

Du haut de la première marche de l'escalier, je peine à garder un visage impassible. Il est vrai que j'aime imaginer toutes sortes de romances et j'en ai peut-être écrit deux… ou trois… ou dix, peu importe, sur Sam et moi. Et alors ? J'écris des romances sur tout le monde en vérité, mais à part mes amies et moi, nul ne sait vraiment de quoi il retourne. Mes histoires avec Sam sont censées n'être connues que de mon dortoir !

- J'en ai écrit une pour m'amuser, c'est vrai, mentis-je. Qui te l'a dit ?

- Tu en as écrit plus que ça ! m'accuse James.

- Vraiment ? Et qui te l'a dit ? insisté-je.

James fronce le nez.

- J'ai lu ton carnet, prétend-il.

Ha ! C'est impossible.

De nature secrète et réservée, terrifiée par l'idée même d'être humiliée et fondamentalement paranoïaque, je protège mes affaires de manière à décourager les curieux. Mes carnets privés sont enfermés dans une malle enchantée dont les sorts de protection sont eux-mêmes couverts de sorts de protection. Mes romances avec Sam figurent dans la partie ultra-privée. Je possède d'autres carnets, dans lesquels j'écris des histoires sur nos camarades de classe, mais seules mes amies ont le droit de les lire. Même ces carnets-là ne quittent pas le dortoir. Je me suis toujours préparée à ce que quelqu'un, malgré mes précautions, passe outre la notion de vie privée.

- James, répliqué-je, bien que cela ne te regarde pas, je vais te répondre : Sam et moi avons divorcé il y a très longtemps, sur le plan affectif comme dans la littérature. Néanmoins, continué-je pendant qu'il tente d'ouvrir la bouche, je pense que si tu avais réellement ouvert l'un de mes carnets, ce n'est pas mon histoire avec Samuel qui t'aurait marqué, mais plutôt l'une de mes romances fétiches, intitulée « De la haine à l'amour », qui parle de toi !

James s'étrangle. J'entends quelques éclats de rire dans la salle commune. Si les Gryffondors jouaient les sourds au début de notre discussion, le brouhaha a étrangement baissé. Le groupe-cheminée et le groupe-bavboules nous observent du coin de l'œil, le groupe-vocalises a cessé d'agresser nos oreilles.

McKinnon déclare son amour à Potter, venez nombreux !

- C'est une petite romance, peu originale mais vraiment d'actualité, poursuis-je. Elle met en scène deux personnages qui, malgré leurs différences et les conflits terribles qui les opposent, se rapprochent et finissent par tomber amoureux… James Potter et Severus Rogue.

Cette fois, les rires sont plus clairs et nos camarades nous observent sans détour. Malgré son air bravache, le visage de James vire peu à peu au cramoisi.

- C'est mon meilleur écrit et j'envisage de l'afficher dans la salle commune pour lancer ma carrière… J'ai ton accord bien sûr ? finis-je.

Le concerné ne répond pas et fait mine de rire avec les autres, mais quand nos regards se croisent, j'y lis une longue liste de menaces dont même Rusard pourrait s'inspirer. Je laisse tomber mon sourire de façade.

- Fiche-moi la paix, conclus-je froidement.

Je tourne les talons et monte au dortoir en laissant le brouhaha revenir, plus fort encore qu'auparavant. Je me précipite dans ma chambre, ferme la porte derrière moi et m'y adosse.

Mille milliards de gargouilles galopantes ! Qu'est-ce que j'ai fait ?

James et Sirius sont connus dans tout Poudlard pour leur talent dans l'organisation de mauvais coups, leur fierté incommensurable et leur morale flexible. Je vais sans doute expérimenter les trois. J'évoluais tranquillement dans mon école et dans ma Maison, j'écrivais pour m'amuser et rêvasser entre deux cours, je travaillais à la table dont personne ne voulait pour avoir la paix… Tout cela va voler en éclat parce que je suis une humoriste qui s'ignore. Les lambeaux métaphoriques de ma sérénité perdue s'envolent loin de la tour de Gryffondor. Plaignez-moi.

Non ?

Je dramatise peut-être un peu. Je le saurai d'ici quelques jours.

- Tout va bien ?

Je lève le nez et je remarque enfin que je ne suis pas seule dans la chambre. Six paires d'yeux m'observent sans détour. Installée sur son lit, un turban dans les cheveux, Blanca vient d'interrompre son application de vernis à ongles. Sa baguette continue de projeter du vernis, créant une flaque bleue la couette. Rose et Alice, assises sur leur lit respectif, feuillètent des grimoires d'Histoire de la Magie et de Botanique. Les trois chats du dortoir, qui ont pour coutume de profiter de leur vie de chat en s'étendant sur nos lits, ont relevé le museau à mon arrivée.

J'ouvre la bouche pour répondre quand la poignée de la porte cogne mon dos. Je grimace. J'ai à peine le temps de m'écarter qu'elle s'ouvre en grand. Je menace spontanément le nouvel arrivant de ma baguette.

Lily lève les deux mains.

- Ne me tuez pas ! singe-t-elle d'une voix aiguë.

Hilarante, cette fille.

- J'ai cru que c'était ton futur mari, soupiré-je.

- Les garçons ne peuvent pas monter dans le dortoir des filles, rétorque méchamment Lily.

Elle déteste mes blagues sur James et elle. C'est dommage car je ne m'en lasse pas. Jack entre à sa suite, un grand sourire aux lèvres.

- James et Rogue amoureux ! lance-t-elle de sa voix aiguë en entrant dans la chambre. Tu as vraiment écrit cette histoire ?

- James et quoi ? lâche aussitôt Blanca. Qu'est-ce que c'est que ça ?

Le vernis gicle jusqu'à sa tête de lit mais elle n'y prête aucune attention. Je dépasse Lily et traverse la pièce pour me jeter sur mon lit à baldaquin tandis que les questions fusent dans mon dos. Jack y répond à ma place, ce qui me va très bien. Alors qu'elle explique aux absentes la scène qui vient de se dérouler dans la salle commune, Alice range son grimoire de botanique et Blanca interrompt enfin son sortilège. Du coin de l'œil, je la vois nettoyer le lit d'un coup de baguette et retirer son turban, laissant ses longs cheveux humides retomber en cascade dans son dos. Rose est la seule à demeurer silencieuse. Elle entreprend de chasser la confrérie de chats qui vient d'élire domicile sur son lit, non sans peine.

- Si seulement Severus se défendait aussi bien que Marlene ! soupire Lily. Il ne veut pas que j'intervienne mais il ne sait pas réagir autrement qu'en leur jetant des sorts. Je lui raconterai comment Marlene a mouché James !

- Surtout pas ! interviens-je. S'il apprend que j'ai écrit une histoire d'amour sur James et lui, ou même que j'en ai évoqué la possibilité, c'est à moi qu'il va jeter un sort !

Lily médite un instant et hoche la tête.

- Pas faux, admet-elle.

- Je suis désolée, Marlene, mais il va l'apprendre, annonce Jack. Toute l'école sera au courant. James et Rogue passent leur temps à se crêper le chignon, ils agacent tout le monde et toi, tu annonces que tu as écrit une romance sur eux ? Sérieusement, tu as failli me tuer !

- Si j'avais su que ça aurait autant de succès, je vous aurai raconté ça avant, déclaré-je.

- Oh ! C'est vrai alors ?

J'hésite.

- J'ai bien commencé une romance sur eux, avoué-je, mais seulement sur quelques pages. Je ne l'ai pas terminée.

- Je peux la lire ? demande Jack avec avidité.

- Laisse-moi rédiger mon testament d'abord, répliqué-je. Je peux te garantir que James va se venger.

- S'il essaie, il aura à faire à moi, promet Lily d'une voix grave.

Elle est tellement sérieuse qu'elle me fait presque peur.

La porte du dortoir s'ouvre sur nos camarades de septième année. L'une d'elle me remercie pour l'interlude hilarant de la salle commune et me demande si j'ai réellement écrit une romance sur les garçons. Je sens que je n'ai pas fini d'entendre cette question… L'heure du couvre-feu permet à Lily de les congédier rapidement et pour une fois, je suis heureuse que nous partagions le dortoir d'une préfète. Personne n'ose venir dans notre dortoir lorsque le règlement ne le permet plus en raison de la réputation de Lily.

Alors que je me nettoie le visage, j'entends leurs voix résonner par la porte entrouverte.

- Lily, Blanca, vos chats n'arrêtent pas de remonter sur mon lit !

- Je suis désolée… Salazar ! Salazar, descends du lit de Rose !

- Tu n'aurais jamais dû l'appeler comme ça, le nom a de l'influence tu sais.

- C'est Severus qui a choisi !

- Attends Rose, j'arrive… Godric ! Viens avec maman !

- Salazar était un très joli nom pour un chat !

- Godric, descends du baldaquin tout de suite !

- Et c'est normal qu'un chat ne comprenne pas tout ce qu'on lui dit !

- Rowena comprend tout ce que je lui dis.

- Godric, Maman n'est pas contente !

- Vous vous obstinez à critiquer Salazar parce que vous n'aimez pas son nom !

- Rose, même si Rowena mangeait tes livres de cours, tu la défendrais !

- Ma critique est tout à fait objective !

La porte de la salle de bain s'ouvre pour laisser entrer Alice, ses affaires de toilette dans les bras. Elle ferme la porte derrière elle. Lorsque je fais couler de l'eau, les voix deviennent inaudibles.

Quand j'attrape mes affaires et retourne dans la chambre, quelques minutes plus tard, je suis accueillie par un silence pesant. Appuyée à sa tête de lit, Lily tient Salazar contre elle comme si quelqu'un voulait l'agresser, Blanca caresse Godric sans se rendre compte qu'elle appuie plus fort que d'habitude et Rose, impassible comme toujours, est plongée dans la lecture de son livre de chevet. Alors que je pose mes affaires sur mon lit, Rowena vient se couler entre mes jambes en miaulant d'un air câlin.

- J'ai hâte d'être à samedi, dit Alice d'une petite voix.

- Bon sang, moi aussi ! répondé-je aussitôt. S'il fait aussi beau qu'aujourd'hui, nous allons pouvoir nous cacher dans le parc ! Ce serait super !

Lily laisse Salazar s'échapper de ses bras protecteurs.

- Comment se sont passés les recrutements ? me demande-t-elle.

- Les nouvelles recrues ne m'ont pas semblé particulièrement motivées, répondé-je. Mais ça changera sûrement samedi, grâce à l'esprit de compétition ! Ou peut-être au terme d'un semestre de règne serpentardesque…

- C'est toujours très efficace pour comprendre les enjeux ! approuve Jack. Mais ce serait bien que ce ne soit pas Serpentard qui gagne, pour une fois !

- Serpentard ne gagnera pas, intervient Rose.

- C'est ton troisième œil qui te l'a dit ? demande Blanca.

- Peut-être !

- Qui gagnera alors ?

Rose hausse les épaules. Alors que les filles continuent à parler, elle m'adresse une œillade. Sa mère est voyante… Peut-être que ça vaut quelque chose ?

Je me plains souvent de ma famille. Toutefois, si nous devions décerner l'Oscar de la famille la plus excentrique, il reviendrait à Rose. Son père n'est d'autre que le tyrannique professeur de DFCM tandis que sa mère enseigne la divination du haut de son perchoir au septième étage. Ses frères aînés sont passés par Serpentard et il paraît que son père a demandé une deuxième répartition après qu'elle ait été expédiée à Gryffondor. J'ignore si cette rumeur est vraie car Rose refuse d'en parler… Quoiqu'il en soit, elle est toujours à Gryffondor.

Grande et fine, avec ses épais cheveux noirs, sa peau diaphane et ses yeux bleu nuit, Rose détonne. Je parais bien banale à côté d'elle. De taille et de corpulence moyenne, j'ai un visage ovale, une chevelure et des yeux caramel. A part cette tendance à m'assortir à moi-même, je me distingue surtout par une prédisposition prononcée pour l'ennui et un orgueil mal dissimulé.

- Marlene, ta sœur est revenue me voir pour me parler du bal, lance Lily. Elle tient vraiment à participer…

- Pff ! m'énervé-je. Je sais ! Mais elle va le serpentardiser ! Il ne faut pas la laisser faire ! Elle devrait s'occuper de son petit ami au lieu d'enquiquiner les autres !

- Qui est son petit-ami ? demande Alice.

- On ne sait pas, répond Jack à ma place. Madelyn a reçu des lettres tout l'été donc Marlene pense qu'elle a un petit ami.

- Et ça expliquerait pourquoi Lily l'a croisé plusieurs fois dans les couloirs à la limite du couvre-feu, l'an dernier, coiffée et maquillée comme une figure de carnaval, ajouté-je.

- J'ai seulement dit qu'elle était particulièrement soignée, reprend Lily d'un ton agacé.

- Tu as dit qu'elle était plus soignée que d'habitude, répliqué-je en haussant les épaules. Et d'habitude, elle est déjà très soignée…

- Elle a sûrement un petit-ami, conclut Jack. A votre avis, c'est qui ?

- Je penche pour quelqu'un qui n'est pas de Serpentard. Elle ne se cacherait pas sinon ! Ou peut-être que c'est une fille… Ma grand-mère se tuerait, je crois. Rose, qu'en penses-tu ?

Mon amie relève le nez de son livre.

- Heu… Oui, répond-elle en hochant la tête.

Mauvaise réponse. Je n'insiste pas. Depuis l'an dernier, elle est dans sa bulle.

La fin de soirée se déroule dans la bonne humeur, entre pronostics sur la Coupe et concours d'ombres chinoises au plafond. Au moment où les filles commencent à s'endormir, je tire les rideaux de mon baldaquin pour garder la lumière allumée sans les déranger. J'attrape maladroitement la petite malle glissée entre le lit et la table de chevet, la pose sur la couverture et la déverrouille d'un coup de baguette.

Mes carnets y sont rangés en pêle-mêle. Je fouille rapidement et finis par retrouver ce que je cherchais : « De la haine à l'amour. Inspirée d'une histoire vraie. ». Le titre est peut-être un peu mensonger, j'aurai dû écrire « Inspirée de personnes réelles » ou « Toute ressemblance avec des personnes ou évènements réels ne serait pas complètement fortuite » mais j'ai le sentiment que ce serait moins attrayant. Bien. Où en étais-je rendue ? Je tourne les pages et relis le dernier passage que j'ai écrit :

« James ! » s'exclama Sirius. « Nous ne pouvons être amis si tu persistes à fréquenter Severus Serpendur ! »

« Je suis désolé, Sirius ! » répondit James. « Mais comprends-moi ! Notre haine, pendant toutes ces années, était une façon de refouler ce que nous ressentions l'un pour l'autre… Aujourd'hui, nous sommes enfin honnêtes. Je ne veux pas te perdre mais je ne peux pas vivre sans Severus. »

J'ai les larmes aux yeux en me relisant. Qu'est-ce que c'est beau ! Du haut de mes douze ans, j'avais déjà un talent fou. Après une brève hésitation, je trempe ma plume dans l'encrier et griffonne quelques mots. Je suis à nouveau inspirée. Que James aille au diable ! Je m'imagine déjà donnant la suite à Rose.

James et Severus. Ces deux-là ont de l'avenir. Dans mes carnets, s'entend.

Installée confortablement sur mon lit, j'en viendrai presque à oublier la Coupe de Cache-Cache qui se profile à l'horizon, promettant de remettre en cause l'ordre établi…

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Petit carnet de Marlene McShakespeare

Jeudi 11 septembre 1975

Notes à moi-même :

- Trouver un professeur particulier pour la DCFM qui ne soit pas Sirius-regard-charmeur Black. (Même si c'est un idiot, il a raison sur un point : les BUSES approchent à grands pas…)

- Renforcer les protections magiques du carnet contre les lecteurs indésirables en vue d'une attaque imminente

- Se renseigner sur la loi sorcière concernant la vente de documents littéraires inspirés de personnages réels à Poudlard (juste par curiosité…)

- Demander au miroir comment se prononce « Sir Philip » avec l'accent russe.