Crédit : les personnages et l'univers ne m'appartiennent pas et sont la propriété de Chinomiko.
Note : c'est une fiction lié au nouveau jeu de Chino, Eldarya. La soeur de la sucrette n'est autre que la gardienne que nous incarnons dans le jeu. Ceci dit, il n'est pas nécessaire d'y jouer pour comprendre ^^.
Chapitre 1
Ma sœur est quelqu'un d'étrange. De mon point de vue, en tout cas. C'est le genre de personne capable parler de choses totalement futiles pendant une heure et d'enchainer avec un sujet des plus sérieux la seconde d'après. Un véritable paradoxe. J'ai énormément de mal à la comprendre et à la suivre, particulièrement quand elle part dans ce que j'appelle sa bulle. C'est-à-dire son univers avec ses personnages, ses aventures, ses délires. Attention ! N'allez pas croire que je n'aime pas ma sœur ! C'est tout le contraire ! Je l'adore et j'adore écouter ses histoires. Je m'amuse souvent d'ailleurs à les mettre en image. On se crée de véritables petites aventures de cette façon. Mais voilà, je la trouve bien trop immature pour son âge.
C'est souvent une cause de dispute entre nous. Je lui reproche d'être trop gamine, elle que je suis trop sérieuse. En général, ça se termine par des portes qui claquent, chacune dans sa chambre et nos parents qui essayent de nous raisonner. Il parait que c'est comme ça entre toutes les sœurs.
Etrangement, je n'ai jamais parlé de ma sœur à mes amis. Pas même à Lysandre ou Rosalya dont je suis particulièrement proche. Pourtant, je ne pense pas qu'ils la trouveraient bizarre étant donné qu'eux-mêmes le sont aussi un peu. C'est juste que… je ne sais pas. Je n'ai pas envie de leur présenter Kara pour le moment. Il n'y a que Kentin qui la connaisse et je crois me souvenir qu'ils se sont toujours bien entendu. Pour les autres, je préfère attendre mais, ne me demandez pas pourquoi, je serais incapable de vous donner une réponse satisfaisante. Je ne veux pas, c'est tout.
Nous sommes dans des lycées différents. Moi au lycée Sweet Amoris et Kara dans son académie d'art en double-cursus. Elle avait décidé d'entrer en double-cursus générale et artistiques. Elle disait qu'elle était meilleure en créant quelque chose qu'en révisant comme une forcenée et il fallait croire qu'elle avait raison. Si ses notes dans les matières générales frôlaient la moyenne, celles dans les matières artistiques étaient excellentes ! Quand elle rentrait le soir, elle était tout excitée. Elle parlait pendant des heures de ce qu'elle avait fait, des tableaux qu'elle avait étudiés. Puis elle me rejoignait dans ma chambre et me racontait ce qu'elle avait fait avec ses amis qui étaient à peu près aussi à l'ouest qu'elle. Kara n'est pas quelqu'un de bavard mais quand elle parle autant, c'est qu'elle aime vraiment ce qu'elle fait et dans ce cas, il est difficile de la faire taire.
Tiens, encore une différence entre elle et moi. Moi, je suis plutôt du genre bavard. J'aime bien parler de tout et de rien pendant des heures. Mais pour des choses plus personnelles, je peux être aussi muette qu'une carpe. C'est pour ça que je ne parle pas beaucoup de ma vie de lycéenne à ma sœur. Après tout, elle n'avait pas besoin de savoir qu'une espèce de bimbo sur-tatouée avait monté la moitié de l'école contre moi ou qu'un de mes amis avait été victime de maltraitance. En revanche, elle avait ouïe dire pas je-ne-sais-qui que j'étais très proche d'un certain garçon au look victorien. Evidemment, j'ai eu droit à une montagne de question sur qui était ce garçon, est-ce qu'il était mignon, comment s'appelait-il, comment je l'avais rencontré… J'ai tout de suite mis les points sur les I en disant qu'on l'avait mal informé.
Lysandre et moi, on est seulement ami, d'abord ! Bon, d'accord on s'entend très bien. Et il est très séduisant. Mais on est ami, rien de plus. Et je ne vais pas commencer à m'imaginer autres choses avec lui sinon je vais me faire des films sans queue ni tête. Donc non, on est seulement ami. Même si parfois… Non, non et non ! Ami j'ai dit !
Peu importe. Nous menions une vie tranquille (enfin plus ou moins en ce qui me concernait), routinière et agréable. Kara continuait d'étoffer son univers, Maman de nous remonter les bretelles quand on se dispersait et Papa de nous surveiller comme le lait sur le feu. Surtout moi. Depuis que j'avais ramené Lysandre. Heureusement que les garçons ne semblaient pas être la priorité de Kara car sinon, il en aurait fait des crises d'angoisses, le pauvre. Avoir deux filles devait être très éprouvant pour lui. Bref, je ne voyais pas ce qui pouvait venir troubler la quiétude de ma petite vie, surtout maintenant qu'il n'y avait plus de bimbo sur-tatouée ou de scandale familiale au lycée. Comme je me trompais.
Vous savez, je ne suis pas du genre angoissé. Je prends les choses comme elles viennent, je ne m'inquiète pas du lendemain. Kara, si. Elle aime quand tout est organisé. Non pas qu'elle soit une maniaque de l'organisation, sa chambre sans dessus-dessous le démontre bien. Seulement, elle aime quand les choses se déroulent normalement, qu'il n'y ait pas d'imprévu. Elle m'avait dit une fois que cela la rassurait.
« Mon bazar à moi, il m'est familier. J'arrive à m'y retrouver. Mais quand je ne connais pas, je préfère que ça soit organisé. Je sais à quoi m'attendre de cette façon et j'ai besoin de savoir où je vais. »
Et croyez-le ou non mais je l'ai déjà vu piquer de véritables crises d'hystérie quand quelque chose ne se déroulait pas comme prévu. Etrange pour quelqu'un autant dans la lune ? Ma sœur est étrange, je vous l'avais dit.
Dans ses moments d'angoisse, Kara s'isole. Elle s'enferme dans sa bulle ou bien va se promener en forêt. Il lui arrive de s'absenter comme ça des après-midis entiers. C'est pour ça que ce dimanche-là, nous nous ne sommes pas posés de questions. Elle était partie à midi, un sac-à-dos sur le dos et nous avait dit à ce soir sans plus d'information. Je me souviens avoir pensé qu'elle devait avoir des travaux à rendre ou quelque chose dans ce goût-là et qu'elle avait besoin de décompresser. Il n'y avait rien d'inhabituel ce dimanche-là, tout était parfaitement normal. Un dimanche routinier comme Kara les aime.
En début de soirée, un peu avant dix-neuf heures, mon père commença à s'inquiéter. Jusque-là, rien d'alarmant. Mon père s'inquiétait très rapidement quand l'une de nous tardait à rentrer.
« Elle devrait être rentrée, non ? dit-il.
- Il est encore tôt, laisse-lui le temps, le rassura ma mère en feuilletant son magazine. »
J'approuvai vaguement par un grognement, penchée un dessin censé représenter Alice aux Pays des Merveilles. Mon père avait tendance à se faire vite du souci, il fallait bien le dire. Kara voulait sans doute prendre son temps. Elle avait très bien pu aussi oublier la notion du temps pour peu qu'elle soit dans une de ses œuvres. Bref, aucune raison de s'inquiéter.
Juste avant de commencer à préparer à manger, mon père poursuivit son petit manège.
« Il va bientôt faire nuit quand même, soupira-t-il. Je devrais l'appeler.
- Appelle-la si tu veux, mais si elle est en forêt, elle ne captera pas.
- Je te trouve bien calme !
- Voyons Philippe, tu sais comment elle est !
- Justement. »
J'étais dans ma chambre à ce moment-là, occupée par un devoir de chimie que Mme Delauney nous avait donné à faire pour demain. J'entendis mon père décrocher le téléphone, composer un numéro et raccrocher deux minutes plus tard.
« Je tombe sur son répondeur, lâcha-t-il, agacé.
- Qu'est-ce que je te disais ! »
Je n'étais pas inquiète, en tout cas pas beaucoup. Seulement, Kara, angoissée comme elle l'était, s'avérait être une maniaque des horaires et prévenait toujours quand elle risquait d'être en retard même si ce n'était que de cinq minutes. Et là, elle avait plus que cinq minutes de retard vu qu'on allait bientôt manger. Selon toute logique, elle aurait dû nous prévenir.
Ma mère aussi commençait à sentir que quelque chose n'allait pas. Je l'entendais faire les cent pas dans le salon. Moi, je me disais que lorsque Kara rentrerait, elle allait en voir trente-six chandelles et me concentrai de nouveau sur mon devoir.
Mais Kara ne rentra pas. Elle n'était pas là à dix-neuf-heures trente, ni à vingt-heure, ni à vingt-et-une heures. À vingt-deux heures, ma mère essaya de joindre les quelques amis qu'elle connaissait. Et moi, je réalisai alors que quelque chose n'allait pas. Kara ne serait jamais rentrée après vingt-deux heures sans prévenir.
« C'est pas normal, ça, c'est pas normal ! s'exclama mon père au comble de l'inquiétude.
- Calme-toi, lui intima ma mère alors qu'elle ne l'était pas plus que lui. Sinah, tu ne connaitrais pas d'autres amis à elle ? »
Je me suis mise à réfléchir à toute vitesse. Des amis à elle ? Non, je n'en connaissais pas. Elle m'en parlait bien sûr, mais je ne savais ni leurs noms, ni leurs adresses et encore moins leurs numéros de téléphones. Quoique, après réflexion, il y en avait au moins un que l'on avait en commun.
« Kentin ? fis-je. Ils s'entendent bien tous les deux, peut-être que…
- Oh oui, le petit Ken ! m'interrompit ma mère. Je vais l'appeler, il sait peut-être quelque chose ! »
Ma mère a décroché le téléphone pour la centième fois de la soirée et a composé le numéro de Kentin.
« Allô ? dit-elle. Madame Redrens ? Oui, ici Mme Dimarion, la maman de Sinah et Kara.
- …
- Oui. Je vous appelle pour vous demander si vous n'auriez pas vu ma fille Kara. »
Papa et moi restions silencieux en retenant notre respiration. Comme si notre vie dépendait de cet appel. Et nous sûmes immédiatement quelle était la réponse de la mère de Kentin en voyant le visage de ma mère.
« Je vous remercie, dit ma mère en essayant de contrôler les tremblements de sa voix. Oui, oui, nous vous tenons au courant. Oui, ne vous inquiétez pas. Merci encore. »
Elle reposa le téléphone et se laissa tomber sur un fauteuil, le visage pâle.
« Je vais voir la police, déclara mon père. Ils doivent bien pouvoir faire quelque chose, surtout si elle est en forêt.
- Je viens avec toi, dis-je aussitôt. »
Cela me rendait malade de rester ici à ne rien faire. Il fallait que je bouge.
« Très bien, fit ma mère en reprenant un peu de contenance. Moi, je vais-je vais… Je vais continuer à passer des appels. »
J'ai attrapé mon manteau et suis sortie sur les talons de mon père. Bon sang qu'est-ce que Kara fichait ? Elle ne savait pas que l'on s'inquiétait pour elle ? J'allais vraiment la tuer pour nous avoir fait subir tout ça !
Mon père et moi, nous nous dirigions vers le parking lorsqu'au dernier moment, il me dit d'aller faire un tour en ville, juste au cas où quelqu'un l'aurait vu.
« D'accord. »
Même si je doutais qu'à cette heure, je trouve qui que ce soit, je me pliais à sa demande. Plutôt courir n'importe où que de rester immobile. Ca me faisait oublier l'espèce de poids qui m'oppressait la poitrine.
Kara, Kara où es-tu ?
Avait-elle des problèmes ? Quelqu'un lui voulait-il du mal ? Après tout, le monde est dangereux, il suffit qu'un fou passer par là et…
Mais enfin ça ne va pas de penser à ça Sinah ! T'es complètement folle ma pauvre !
Kara est vivante. Elle va bien. Elle est en bonne santé.
En tout cas, j'essayais de me persuader de ce fait. Parce qu'il était impossible, je dis bien, impossible, que quoi que ce soit ait pu arriver à ma sœur ! La malchanceuse de la famille, c'est moi ! Elle, elle a toujours eu de la chance, une espèce de bonne étoile qui lui facilitait grandement la vie. Alors il n'était imaginable que sa bonne étoile l'ait laissé tomber et qu'il lui soit arrivé quelque chose, non ?
Non ?
Je rencontrais deux-trois passants mais qui n'avaient pas pu me renseigner. Pourtant une fille avec des cheveux roux orangé et des yeux d'un bleu si clair qu'il en était presque transparent, il n'y en avait qu'une. Enfin deux, avec moi. J'allais à la pharmacie, à la superette de nuit, la gare routière. J'ai même interpellé un chauffeur de bus pour lui demander s'il n'avait pas vu une jeune fille rousse dernièrement.
Pour finir, je me suis arrêtée devant le lycée, le cœur battant à tout rompre et essoufflée.
« C'est pas possible, c'est pas possible, c'est pas possible… Où est-elle ? »
Le poids dans ma poitrine devenait de plus en plus imposant et envahissait ma gorge. D'horribles pensées et images envahissaient mon esprit.
Non ! Tu n'as pas le droit de pleurer ! Pleurer, ça voudrait dire que tu admets que c'est vrai. Et ça ne peut pas être vrai ! Ca ne le peut pas ! Je me répétais ces paroles comme une supplication.
« Sinah ? »
Un instant, le fol espoir que ce soit ma sœur m'a traversé l'esprit et je me suis retournée instantanément. Mais ce n'était que Lysandre. Dans ma panique, je n'avais même pas reconnu sa voix.
« Qu'est-ce tu fais dehors à cette heure ? Tu vas bien ? »
Je devais en effet avoir un drôle d'air car il me dévisageait avec inquiétude. Mais ma voix est restée bloquée au fond de ma gorge. Je ne pouvais pas, je ne pouvais pas lui dire ! Ca ne devait pas être vrai !
« Sinah ! »
Il m'a prise par les épaules et m'a secoué légèrement. Là, c'est sûr, je l'avais réellement inquiété. Et dire qu'en temps normal, ça m'aurait enchanté ! Kara, sois maudite ! Pourquoi est-ce que tu n'es pas là ?
« Je… Je… »
Malgré moi, mes larmes se sont mises à couler et je me suis réfugiée dans ses bras. Il les a renfermé autour de moi et m'a caressé les cheveux doucement.
« Chut, je suis là, murmura-t-il. »
J'ai pleuré pendant… je ne sais pas combien de temps. Lysandre est resté là, à me caresser les cheveux en attendant que mes larmes se tarissent. Une fois calme, il m'a relevé la tête et me dit :
« Tu vas enfin me dire ce qui t'arrive ? »
Il n'en fallu pas plus que les larmes me remontent aux yeux. Oh Lysandre, si tu savais ! Je ne peux pas te le dire, il ne faut pas que ce soit réel !
« Sinah, s'il te plait, me supplie-il doucement. »
J'enfouis mon visage dans mes mains pour ne pas ne pas avoir à affronter son regard bicolore et j'ai secoué la tête.
« Non… dis-je plus à moi-même. Je peux pas…
- Tu ne peux pas quoi ?
- Te dire… Je peux pas… Ça peut pas… ça peut pas ê-être vrai…
- Vrai ? Qu'est-ce qui ne peut pas être vrai ? Sinah, parle-moi !
- Si-si je te le dis… alors ça sera vrai ! Et ça peut pas être vrai, elle peut pas… Elle peut pas… »
Je me mords la lèvre et essuie mes yeux avant de me réfugier une nouvelle fois dans les bras de Lysandre, comme un refuge où l'horrible réalité ne peut pas m'atteindre. Et soudain, je réalise quelque chose.
Tu sais, Kara, je n'ai jamais compris pourquoi tu aimais tellement t'isoler, aller dans ta bulle. Pour moi, ce n'était pas vivre. La vie, elle est à l'extérieur, dans le monde réel. Mais maintenant, je crois que je comprends… La réalité est parfois tellement cruelle, tellement dure et angoissante ! Pour quelqu'un comme toi qui as besoin d'être rassuré, ce doit être difficile d'y faire face. Alors tu t'isoles pour te protéger, te préparer, te ressourcer. Comme moi maintenant qui me réfugie dans le déni et les bras de Lysandre pour ne pas avoir à faire face.
Oh Kara ! Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je le comprends de cette manière ?
« Sinah ? »
Lysandre m'écarta doucement de lui et je levai les yeux, encore embués de larmes.
« Ma sœur… commençais-je d'une voix faible. Elle a disparu… »
