Auteur : Anouch'

Disclaimer : tout est à Tolkien, sauf l'apparence de Frodo et l'histoire qui s'en suit bien sûr. J'ai inventé Olo Bunce, de toute façon il est pas très important…

Pairing : Frodo/Sam surtout, si vous êtes allergique, passez votre chemin…

Note : si vous avez du mal à vous imaginer la tête de Frodo, allez donc faire un tour à cette adresse : http/ c'est un dessin de moi, une reproduction d'une photo d'Elijah Wood (ben oui, je suis pas aussi douée !). Merci de laisser des reviews !

Sept ans et vingt-huit jours…

« Sept ans et vingt-huit jours. »

Samwise Gamgee se réveilla avec cette pensée. C'était idiot, il n'y avait pas pensé depuis des années. Ou plutôt il n'en avait pas pleuré depuis des années. Mais chaque année il y pensait, le jour anniversaire de sa disparition. Le jour où il crut mourir.

Ce jour-là, cela faisait sept ans et vingt-huit jours qu'il était mort, sept ans et vingt-huit jours qu'ils avaient franchi le tunnel main dans la main. Sept ans et vingt-huit jours que les orques avaient emmené son maître, sans vie, en haut de leur tour. Sept ans et vingt-huit jours que Sam avait perdu toute trace de Frodo.

Il se souvenait de ce jour comme si c'était arrivé la veille. Son maître tombant mollement sur le sol, enveloppé dans la toile de Shelob. Le corps sans vie serré dans ses bras, les orques posant leurs pattes griffues et sales sur la forme inanimée. La course folle dans la tour pour retrouver son corps, la course vaine. Le désespoir…

Puis il avait continué la quête, le cœur rongé par le chagrin, et avait détruit l'Anneau. Il n'avait pas été tenté de le garder, l'Anneau ne l'avait pas séduit, car pour lui le monde n'était plus que ténèbre. La perte de son maître le désespérait trop pour que l'Anneau trouve de quoi le corrompre. Lorsque Gollum avait tenté de l'empêcher d'accomplir la quête, Sam l'avait tué sans remord, par lassitude et vengeance. Puis il avait été secouru par les aigles…

Pendant des mois les hommes de Gondor avaient recherché le corps de Frodo, mais rien n'avait été retrouvé. Lorsque l'on abandonna les recherche et dit à Sam qu'il n'y avait aucune chance que son maître ait réchappé à la mort, il se récria, pleura, voulut chercher lui-même, mais on l'en empêcha, disant qu'il était trop faible et que son chagrin lui cachait la vérité. Tout le monde pleura beaucoup pour l'ancien porteur de l'Anneau. On l'enterra symboliquement à Minas Tirith, puis à Hobbitebourg, une fois la Comté remise en ordre. Sa mort provoqua de nombreuses questions, auxquelles Merry et Pippin répondirent. Sam s'enferma dans un mutisme perturbé seulement par des torrents de larmes. Les habitants d'Hobbitebourg jugèrent juste qu'il hérite de Cul-de-Sac, et c'est le cœur serré qu'il s'y installa.

Il épousa Rosie, parce que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire, parce qu'il était un héros, parce que tout le monde le souhaitait. La présence de sa femme le força donc à oublier peu à peu Frodo. Il s'en voulut la première fois qu'il réalisa qu'il n'avait pas pensé à lui, comme si son absence devait devenir le fil directeur de sa vie. Il était toujours triste en pensant à lui, mais il ne pleurait plus désormais… Jusqu'à ce matin-là.

Il se réveilla en larmes, sans raison apparente, il n'avait pas même rêvé de son maître. A côté de lui, Rosie remua dans son sommeil. Sam se leva, essayant d'étouffer ses sanglots, et se dirigea vers la salle de bain. Il s'aspergea le visage.

C'était une sensation étrange, il pleurait sans cesse et ressentait une vive douleur dans la poitrine. Il savait qu'il pleurait à cause de Frodo, mais il ne savait pas ce qui avait réveillé son chagrin.

Toujours en chemise de nuit, il sortit dans le jardin et tomba à genoux dans l'herbe. La nuit allait bientôt se changer en jour, et le temps était doux. Il prit une profonde inspiration et ferma les yeux ; son corps entier était secoué de sanglots. A la disparition de Frodo s'était ajouté le sentiment qu'il l'avait trahi, abandonné à son sort, et que ses pensées étaient sales…

La créature ouvrit les yeux, elle était fatigué et ne voulait pas continuer. Elle avait marché pendant des jours, s'alimentant comme elle pouvait, arrachant des racines comestibles et buvant l'eau des ruisseaux. Le blanc de ses yeux bleus électriques était strié de rouge et de longues mèches sombres lui tombaient sur les épaules. Elle grelottait dans ses haillons et ses pieds ne la portaient plus. Elle avait réussi à s'enfuir, portée par un espoir, un souvenir. Oui, elle se souvenait de lui, de celui qui l'avait aidée, supportée. La créature pensait qu'il était mort. Il était forcément mort, il ne l'aurait pas abandonnée à son sort ; il était mort, c'était la seule explication. Elle avançait difficilement, pensant à lui. Elle avait été torturée par le chagrin, la perte de celui qu'elle aimait. Et même s'il était encore en vie, comment pouvait-il accepter de la revoir ? Elle avait changé, la créature le savait, et elle n'avait plus le droit d'espérer de l'amour en retour. D'ailleurs s'il l'avait abandonnée, c'était bien qu'elle ne comptait pas tant que ça pour lui.

Elle s'agenouilla au bord d'un cours d'eau et observa son reflet dans l'onde claire. Elle était maigre, pâle, sale et cadavérique. Son corps avait perdu sa fraîcheur. Un monstre. On la disait belle, la chose était désormais repoussante. Ses larmes se mêlèrent à l'eau qui coulait paisiblement, peu soucieuse du pauvre être dont l'espoir disparaissait au fil des jours, des mois, des ans.

Elle ne pouvait pas revenir, elle aurait mieux fait de fuir, de se cacher. Sa place était en Mordor, avec les autres monstres, elle aurait du y rester, et y mourir. Mais elle ne pouvait empêcher ce besoin de retourner chez elle, de ressentir la douceur et le calme, le vrai calme. Tant pis si on la chassait, tant pis si elle n'était plus comme avant. On l'accuserait peut-être d'être mal intentionnée, de servir le Seigneur Ténébreux, mais elle savait que celui-ci avait été défait. Comment, elle l'ignorait. Le principal était que la Terre du Milieu soit sauve, qu'il soit sauf.

Elle savait bien qu'elle n'avait pas le droit de l'aimer, surtout maintenant, après ce qu'elle était devenue, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser à lui.

Son sourire lui manquait, ses paroles douces et encourageantes, ses mains fortes, et son corps qui sentait le soleil et la terre…

Sam savait qu'il n'avait pas le droit de penser à son maître de cette façon. Il se corrigeait, pensant à sa femme et à ses deux enfants, mais ce sentiment reprenait toujours le dessus. C'était comme une lutte sans fin, il savait qu'il ne vaincrait jamais. On n'aime pas son maître, surtout de cette façon contre-nature, c'était mal, Sam ne cessait de se le répéter. Mais rien n'y faisait, ses sentiments étaient trop vieux et trop profonds pour disparaître ainsi, et la mort de Frodo elle-même n'avait pas suffit à les changer.

Ses mains s'enfoncèrent dans la terre humide, et à la rosée matinale vinrent s'ajouter ses larmes.

Puis, la crise passa et ses larmes cessèrent peu à peu, il se calma et se releva. Il se dirigea vers sa chambre pour se changer. Il occupait la deuxième plus grande chambre de Cul-de-sac, en face de celle de Frodo.

Il se souvint du jour où il avait emménagé avec Rosie ; il avait eut la sensation de violer un lieu sacré. Le trou avait été nettoyé après l'occupation de Saroumane. Celui-ce n'avait, par chance ou par malice, pas occupé la chambre de Frodo. La pièce, Sam en avait la conviction, se trouvait dans l'état où Frodo l'avait laissée après son départ.

Lorsque Rosie arriva à Cul-de-Sac, elle ne comprit pas pourquoi Sam, qui était désormais le maître du smial, refusait d'investir la chambre principal. Elle proposa de nombreuses fois d'aménager la pièce, mais à chaque fois Samwise entra dans une colère terrible et lui interdit d'y poser ne serait-ce que le pied.

Lorsqu'il fut prêt, Sam alla préparer le petit-déjeuner pour sa famille. Tous les matins c'était la même routine, mais ce quotidien lui apportait un certain réconfort, une sorte d'abri qui lui permettait de porter son masque de bonne humeur et de brave Hobbit. Un brave Hobbit, c'est ainsi que tout le monde le voyait, un héros même, alors que lui-même se considérait comme un lâche et un traître.

Il était heureux avec sa famille, ou du moins il aurait pu l'être, et il paraissait l'être…