Introduction.

C'est d'un œil amusé que Justin fixait sa colocataire et amie, penchée au-dessus de son bureau et plongée dans une profonde concentration, le capuchon de son stylo coincé entre ses dents.

Arlyn était architecte, et s'était lancée à son compte lorsque Justin et elle avaient emménagé en ville. C'est souvent dans cette position qu'il la retrouvait le soir en rentrant de la galerie, en pleine réflexion dans le bureau qu'elle s'était aménagé dans la pièce attenante à leur salon. Sa longue chevelure était ramenée en un chignon haut dont s'échappait plusieurs mèches rebelles, les sourcils froncés devant un énième plan sur lequel elle travaillait, et accoudée à son bureau dans un t-shirt Winnie l'ourson probablement cinq fois trop grand pour elle.

Justin continua de la fixer tout en se retenant de rire face à son allure et de manière plus générale face à l'allure de la pièce elle-même. C'est ainsi qu'Arlyn travaillait, avait-il fini par admettre à force de la retrouver ainsi tous les soirs : des boules de papier froissés jonchant le sol, d'autres sur le bureau, les murs, accompagnés de toute sorte d'outils propre à sa profession et dont il n'aurait pas su deviner l'utilité pour certains, s'il ne lui avait jamais demandé. Des feutres éparpillés ça et là, certains orphelins de leur capuchon si ce dernier n'était pas coincé entre les lèvres de la jeune femme ou sur son oreille. Des croquis raturés, puis corrigés, puis raturés encore témoignant de son perfectionnisme extrême, que même Justin qui connaissait pourtant ce sentiment avait parfois du mal à comprendre.

Pourtant, à ce moment précis de la journée et comme souvent d'ailleurs, c'est précisément ce qui le faisait sourire. Voir la passion qui animait la jeune femme lorsqu'elle travaillait, la même étincelle dans son regard qui se trouvait certainement également dans le sien lorsqu'il peignait.

Ça, et le t-shirt Winnie l'ourson.

Alors, lorsque Justin venait de passer une journée particulièrement désagréable, lorsqu'il avait du passer des heures à tenter de convaincre le directeur de la galerie de représenter tel ou tel artiste, d'argumenter face à cet homme qui n'y connaissait foutrement rien à l'art tout en maintenant une attitude posée et calme (alors qu'il n'avait envie au fond que de lui hurler qu'il ne connaissait foutrement rien à l'art) il finissait par rentrer et découvrir son amie ainsi. Il se rappelait alors pourquoi il aimait tant son métier malgré parfois ses mauvais aspects.

William Barnes était un riche homme d'affaires, à la tête de plusieurs business très lucratifs principalement dans le domaine de l'hôtellerie/restauration. Il possédait plusieurs restaurants et boîtes de nuit dans le centre ville ; clubs dans l'un desquels il avait fini par rencontrer Justin un soir où il était de passage (de passage dans la backroom du dit-club pour être absolument précis). Le hasard avait voulu que l'homme se découvre au même moment une passion toute nouvelle pour l'art (certainement pour impressionner ses amis en prétendant y connaître quelque chose avait toujours pensé Justin) et ils s'étaient alors recroisés quelques jours plus tard lors d'une exposition organisée à l'occasion de la grande fête des arts de la ville « Convergence ».

Chaque année au mois de septembre, cette célébration était l'occasion de réunir toutes sortes de performances artistiques de tous horizons. Le Bureau des Affaires Culturelles mettait à disposition des artistes des salles de spectacles ou d'exposition, ou leur permettait le temps de la fête d'investir parcs, gymnases, ou tout autre lieu de rassemblement afin d'y exposer leurs créations. L'événement rassemblait chaque année des millions de visiteurs, et c'est en autre pour cette raison que Justin avait choisi de venir s'installer à Providence.

William Barnes s'était alors aventuré dans l'une des nombreuses galeries mises gratuitement à disposition de plusieurs artistes pour l'occasion. Il avait repéré Justin au fond de la pièce, ce dernier en pleine conversation avec une jeune brune visiblement à peine plus âgée que lui, et s'était rapproché d'eux.

Si leur première rencontre à son club (sobrement nommé « EGO ») ne leur avait pas réellement permis de faire connaissance, les nombreux déjeuners qui suivirent leur seconde rencontre à la galerie permirent à Justin de mieux cerner le personnage.

William semblait avoir tout réussi dans sa vie, professionnelle tout du moins. A l'âge pourtant encore jeune de 42 ans, il commençait à s'ennuyer fermement et était à la recherche de renouveau. L'envie d'investir dans un domaine plus artistique faisait son chemin depuis quelques temps, et bien qu'il reconnaissait humblement ne pas avoir les compétences d'un agent (et c'est bien la seule fois où Justin le qualifierait de « humble », réaliste en tout cas), il souhaitait malgré tout investir dans une galerie, et y engager quelqu'un pour gérer l'aspect artistique du travail. L'homme avait montré un réel intérêt pour le travail de Justin, et lui avait alors proposé le poste.

C'est ainsi que quelques mois plus tard, et après que William lui ait assuré maintes et maintes fois qu'il était littéralement tombé sous le charme de ses tableaux, Justin se retrouvait à la tête d'une galerie. Galerie pour laquelle son travail consistait à sélectionner les artistes qui y étaient exposés tout en devant atteindre les objectifs de chiffre d'affaire imposés par William, en échange de quoi il avait le droit d'exposer lui-même son travail en plus de son salaire.

S'il s'était longtemps demandé où se situait le piège dans cette opportunité qui lui semblait bien trop merveilleuse pour se dérouler de manière aussi simple, il le comprit très vite lorsqu'il dut gérer au quotidien le caractère absolument insupportable de William. Il avait toujours besoin de son approbation finale pour autoriser un artiste à exposer, et non content d'être totalement ignorant en matière d'art, l'homme se révélait en plus clairement obstiné et déterminé à avoir le dernier mot en toutes circonstances.

Justin avait vite réalisé que la pseudo liberté qui lui était donnée en matière de sélection des artistes n'était que du vent, et se limitait surtout à faire des propositions que William rejetait une fois sur deux. Il se consolait avec la visibilité que lui offrait l'espace de la galerie qui lui était dédié (bien que minime en comparaison de la taille de la galerie) et se contentait d'espérer que les ventes décollent. William était quasiment tout le temps absent, et il était clairement évident que la galerie n'était qu'un passe temps pour lui.

Il ne pouvait pourtant pas simplement l'envoyer se faire voir. Le peu de visibilité dont il bénéficiait était tout de même préférable à l'anonymat absolu, et en l'absence de William l'ambiance qu'il y avait était excellente.

Un nouvel employé avait été recruté peu de temps après (l'une des quelques propositions que Justin avait soumis, et qui avait été acceptée sans que cela ne nécessite trop d'argumentation), et il l'appréciait vraiment. Le fait que le jeune homme soit ouvertement gay devait jouer également (ça avait en tout cas joué lors de son recrutement, car Justin ne se voyait pas travailler en compagnie d'un « hipster tout droit sorti d'une école privée huppée, et prétendant y connaître quelque chose juste pour arriver à mettre des filles dans son lit », selon ses propres termes).

Jay était l'un des artistes qui exposait ses sculptures à la même galerie que Justin lors de la fête des arts de Providence, et il s'était tout naturellement tourné vers lui lorsque William lui avait donné le feu vert pour engager quelqu'un.

Depuis, ils s'étaient considérablement rapprochés et avait fini par nouer une véritable amitié. Jay était issu du Rhode Island Institute of Design, l'une des trois universités de Providence, et Justin et Arlyn – encore nouveaux à l'époque – avaient fini par intégrer son cercle d'amis. Le jeune homme était plus jeune qu'eux de quelques années, mais il avait très rapidement su se rendre indispensable lors de leurs nombreuses sorties dans les clubs du centre ville, et le trio avait ainsi trouvé une routine qui permettait à Jay et Justin de supporter William au quotidien.

Arlyn et Justin venaient eux tout droit de New York. Ils avaient quitté la ville il y a un an car, si les opportunités étaient nombreuses, la concurrence l'était également. New York était une ville de rêve, en tout cas une ville où tous les rêves étaient censés se réaliser, vue de l'extérieur. Mais y vivre tout en cumulant trois jobs différents dans l'espoir de payer son loyer à la fin du mois, tout en délaissant complètement sa profession initiale, était loin de l'image idéale qu'ils avaient au départ en s'y installant. Il fallait vivre, et réussir à New York. Dans le cas contraire, la ville se montrait aussi peu attractive que Pittsburgh comme le répétait souvent Justin.

Ils avaient choisi Providence pour son passé architectural, son attractivité, et son histoire avec les arts qui leur serait autant bénéfique à l'un comme à l'autre. C'est donc sans regret qu'ils avaient fait leurs valises sans un regard en arrière pour cette grande ville remplies de désillusions, et qu'ils les avaient posés quelques heures plus tard dans leur nouvel appartement.

Pour être tout à fait honnête, le manque de réussite artistique de Justin n'avait pas été le seul élément motivateur pour quitter New York. Cette ville serait également pour toujours le symbole d'un échec : le seul endroit où il avait trouvé refuge après avoir quitté Pittsburgh.

Après que Brian ait contribué à le faire dégager de Pittsburgh.

Bien qu'il ait pu vivre un temps chez un ami de Daphné, la cohabitation s'était vite révélée difficile, puis il avait fini par rencontrer Arlyn par l'intermédiaire de petites annonces de recherches de colocataires.

Sa vie aurait tellement pu prendre un tournant différent, s'il n'avait pas oublié cette foutue alarme. S'il n'avait juste pas quitté le loft. S'il n'avait tout simplement pas rencontré Brian du tout.

Six ans plus tard pourtant, il ne pouvait toujours pas se résoudre à regretter complètement cet aspect de sa vie. Certes Brian n'avait su lui donner ce qu'il espérait, et les années passant il en venait à se demander s'il avait réellement compté pour lui à un moment donné. Mais il lui avait permis de prendre sa liberté et confiance en lui, s'affranchir des règles imposées par Craig Taylor, et enfin commencer à devenir celui qu'il voulait être. Brian lui avait offert la possibilité de décider enfin pour lui même, et pour cela il lui serait éternellement reconnaissant.

Ce dont il n'avait pas eu envie en revanche, était de se retrouver sans domicile fixe à l'âge de 17 ans et de n'avoir nulle part où aller. Sa liberté avait eu un prix. Après s'être fait renier par son père, et de ne pas avoir spécialement eu de soutient de la part de sa mère, Justin ne sut vers qui se tourner après le fiasco de l'alarme oubliée. Daphné vivait encore chez ses parents et il refusait de s'imposer au sein de leur famille (il s'était déjà presque imposé chez Brian, et ne souhaitait pas renouveler l'expérience ailleurs), sa mère se devait de maintenir l'image d'une famille idéale pour le bien être de Molly donc se tourner vers elle n'était pas une option, et rentrer simplement chez lui était inenvisageable.

Fuir à New York lui avait semblé être une option comme une autre à l'époque, une option d'autant plus réalisable qu'avec la carte bancaire de Brian, il pouvait s'assurer de survivre le temps que Daphné puisse entrer en contact avec un ami susceptible de lui venir en aide.

Quelques mois plus tard, après avoir travaillé en temps que serveur dans un bar du quartier où il vivait, et après avoir suffisamment économisé, il s'occupait d'envoyer à Lindsay l'argent nécessaire pour rembourser Brian. Cela lui permettait d'être libéré de sa dette tout en lui assurant que Brian n'aurait aucune indication de l'endroit où il se trouvait, s'il lui prenait la folle envie de partir à sa recherche.

Comme s'il s'en soucie, pensait-il alors, il doit être bien soulagé d'avoir enfin réussi à se débarrasser du gamin de 17 ans qui le collait sans cesse.

New York n'avait pas eu la même saveur pour Justin, que s'il eut été amené à y vivre en raison d'une opportunité professionnelle incroyable. Au contraire, cette ville n'avait été que l'asile qui avait bien voulu l'accueillir lorsque tout s'écroulait autour de lui, et c'est bien le seul souvenir qu'il laissait derrière lui en déménageant à Providence. De nouvelles opportunités, de nouvelles découvertes, une nouvelle vie et une nouvelle ville qui semblait alors bien porter son nom.

« La terre à Justin ! ohé ! »

C'est la voix de son amie et le claquement de ses doigts devant ses yeux qui le ramenèrent brusquement à la réalité.

« T'es à l'ouest ce soir encore, tu t'es de nouveau pris la tête avec William ? J'te l'ai déjà dit cent fois Jus', c'est qu'un vieux con, laisse le parler et fais ce que tu veux ensuite » continua-t-elle en haussant les épaules, comme s'il s'agissait de la chose la plus simple et naturelle à faire.

« Et prendre le risque de perdre mon boulot ? La visibilité qu'il m'offre ? Tout ce pour quoi j'ai précisément voulu quitter New York ? »

« T'es rabat-joie ! Et tu dramatises toujours » continua la brune en levant les yeux au ciel. « William ne te virera pas du jour au lendemain fais moi confiance, il a bien trop besoin de toi pour que son business fonctionne, sans toi il ferait faillite en deux jours ».

« C'est pas comme s'il avait besoin de ça pour vivre crois moi…et tu me donnes bien trop de crédit. » lui répondit Justin en souriant sincèrement.

La jeune femme passa son bras autour de ses épaules et l'entraina vers le salon.

« Ça c'est parce que je t'aime ! Maintenant retrouve ta bonne humeur et bois une bière avec moi avant que je pète littéralement un câble devant ces foutus plans ! »

Et avec ces quelques mots seulement, Arlyn venait d'user de ses mystérieux pouvoirs magiques qui lui redonnent toujours le sourire, lorsque son esprit commençait à partir trop loin.

Il ne lui arrivait pourtant que très rarement de repenser à sa vie à New York. Principalement parce qu'il n'y avait pas grand chose à se rappeler ; mais lorsqu'il avait passé la journée engagé dans un bras de fer avec William concernant le dernier sujet du moment, il lui arrivait parfois de repenser à ce qu'il avait laissé derrière lui, ne serait-ce que pour se souvenir que sa situation actuelle ne pourrait jamais être pire.

Et objectivement, elle était loin de l'être. William avait beau n'être qu'un vieux con, selon les termes d'Arlyn, il avait ses bons côtés. Justin n'aurait surtout jamais rêvé de pouvoir exposer si rapidement ses tableaux sans son argent providentiel.

Si oublier Brian et tourner la page avait été difficile en arrivant sur New York, il avait au moins gardé quelques enseignements de sa part. Se battre pour obtenir ce qu'il voulait même si cela signifiait de devoir supporter le mauvais caractère de William, et surtout pas de regrets.

Justin sourit intérieurement. Il n'avait pas pensé à Brian depuis très longtemps, tellement longtemps même qu'il eut l'impression de penser à quelqu'un d'une autre époque, une autre vie. Cela faisait déjà six ans qu'il avait fui Pittsburgh, et n'avait par conséquent absolument plus aucune nouvelle. Il n'avait de toute façon pas cherché à en avoir.

Les souvenirs avaient été difficiles à effacer les premiers temps. Il avait été jeune et amoureux, bien trop naïf et certainement trop rêveur pour espérer que ses sentiments puissent être réciproques. Brian l'avait probablement effacé de son esprit à la seconde même où il avait franchi la porte du loft, peut-être n'avait-il même rien eu à effacer si tout n'avait existé que dans sa tête.

Vivre à New York et devoir s'adapter à sa nouvelle vie l'avait endurci, et Justin avait finit par tourner la page, aidé par plusieurs aventures occasionnelles et ses coups réguliers. Tout était bien plus facile à gérer ainsi, il partageait le reste de son temps entre ses différents jobs, et son art pour lequel il tentait malgré tout de garder un moment de la journée.

Alors ce soir là, repenser à Brian et son mantra - pas d'excuses, pas de regrets - finit presque par l'agacer, constatant qu'il n'avait visiblement pas réussi à tout effacer de cet homme.

S'il ne regrettait rien, Justin eut pourtant plusieurs fois envie de présenter des excuses. A sa mère déjà, bien qu'il lui en eut longtemps voulu. Il avait fini par réaliser que vivre des années dans l'ombre de Craig, à maintenir l'image d'une famille idéale pour finalement assister impuissante à l'explosion de cette famille, ne l'avait certainement pas aidé ni préparé à gérer tout cela. C'est en tout cas ce à quoi il avait envie de croire, et les tentatives répétées de sa mère pour revenir vers lui avait fini de le convaincre. Ils s'appelaient environ une fois par mois à présent, et ce rythme lui convenait parfaitement.

A Debbie ensuite, il aurait voulu avoir le temps de la connaître encore plus. Elle avait fait beaucoup pour lui durant cette courte période, et avait su être présente lorsque sa propre mère ne l'était pas. Il avait la sensation de lui devoir des excuses ne serait-ce que pour être parti sans prévenir. Réflexion faite Michael lui avait probablement raconté par la suite tout un tas de choses peu flatteuses à son sujet, alors ses excuses -même tardives- n'auraient finalement peut-être pas eu une grande valeur.

Justin fut à nouveau tiré de ses pensées par la télécommande de la télé que son amie venait de lui lancer.

« Choisis le film, j'ai la flemme ! » lança-t-elle « et arrête de fixer le vide c'est stressant. A quoi tu penses d'ailleurs ? »

« A Brian » lui répondit-il en haussant les épaules, lui même encore étonné de la réponse.

« Brian ? Le mec que t'as connu à Pittsburgh tu veux dire ? »

« Mmh mmh… » Acquiesça-t-il en commençant à faire défiler les chaînes. « J'avais pas pensé à lui depuis un bail, crois moi j'en suis le premier surpris. A vrai dire je pensais pas tellement à lui mais plus à quelque chose qu'il avait l'habitude de dire et ça m'a fait divaguer sur d'autres choses encore….d'où le fixage de vide » finit-il en buvant une gorgée de la bière que son amie lui avait amenée entre temps.

« Si tu veux mon avis, et je suis certaine que tu le veux, » rétorqua la jeune femme en se laissant tomber sur le canapé à ses côtés « ne regarde pas en arrière. Tu as zappé Brian ou quoi qu'il ait pu dire il y a des années en arrivant à New York, et d'après le peu que tu m'as raconté, tu as probablement bien fait. Concentre toi plutôt sur l'avenir, et quand je dis avenir je fais bien entendu référence à ton rencard de vendredi prochain ! » Finit-elle un immense sourire aux lèvres.

« C'est pas un rencard. »

« Oh c'est tellement, totalement un rencard Jus'. »

« C'est pas un…bon ok, c'est un rencard » concéda-t-il à contre cœur « mais c'est pas comme si je l'avais vraiment cherché. C'est simplement encore une idée foireuse de Jay qui s'est foutu en tête de me caser… »

« …et ce depuis que tu lui as vomi dessus samedi dernier après avoir trop bu avec ton coup du moment. » Conclut Arlyn. « Comprends le, tu as ruiné sa chemise ET son propre coup qui l'a soudainement trouvé beaucoup moins séduisant » termina-t-elle en riant. « Reconnais au moins que Jay s'est pas foutu de toi, t'avais des vues sur son ami Aaron depuis des semaines, il a juste accéléré un peu les choses. »

« C'est bien ça le truc Arlyn » soupira Justin en prenant une nouvelle gorgée de sa bière. « Je suis pas certain de vouloir accélérer quoi que ce soit. Ça me convenait très bien quand je me contentais de le trouver bandant, mais là ça devient trop concret. Il fait parti du cercle d'amis de Jay, si on sort ensemble ne serait-ce qu'une fois, je veux pas qu'il se fasse des idées et que ça en devienne gênant lorsqu'on sera amené à se revoir. Je vais clairement pas pouvoir me contenter de me le taper, tu comprends pourquoi je préfère que mes coups d'un soir restent anonymes ».

« Rien ne t'oblige à ce qu'il ne soit qu'un coup d'un soir Jus'… »

Lorsqu'elle vit que Justin s'apprêtait à lui couper la parole, son amie s'empressa de continuer tout en se rapprochant de lui, ramenant ses jambes à l'intérieur de son immense t-shirt.

« Je sais ce que tu vas me dire » dit-elle en levant la main pour empêcher Justin de parler. « Mais Aaron n'est pas Jackson. Votre relation a foiré et alors ? Tu ne vas pas t'empêcher à vie de ressortir avec quelqu'un. Tu sembles déjà l'apprécier alors laisse lui une chance, vas-y sans a priori et tu verras ce que ça peut donner ».

Justin devait se rendre à l'évidence et reconnaître que son amie marquait un point. Jackson était un garçon qu'il avait rencontré à New York, quelques mois après son arrivée. Il en était encore à un stade où il essayait d'oublier Brian, et se lancer dans une nouvelle relation lui avait alors semblé être une bonne idée pour lui permettre de passer à autre chose.

Jackson était grand, brun, terriblement séduisant et légèrement plus âgé….légèrement trop semblable à Brian, jusque dans son habitude de se taper tout ce qui bouge dès que l'occasion se présentait. En somme, tout ce dont Justin n'avait pas besoin s'il souhaitait préserver le peu de confiance en lui que Brian n'avait pas réussit à ébranler en le fichant dehors. Il devait pourtant admettre que cette nouvelle rupture lui avait mis un coup au moral. Non pas qu'il fut réellement amoureux de cet homme, mais un nouvel échec, principalement pour les mêmes raisons qui l'avait rendu malheureux avec Brian, était dur à encaisser en si peu de temps.

Dès lors Justin avait fini par se dire que Brian n'avait pas complètement tort sur toute la ligne, et que des coups d'un soir anonymes étaient certainement bien plus simple à gérer au quotidien. Accepter de sortir avec Aaron revenait à accepter de se mettre à nouveau en danger, de se montrer à nouveau vulnérable face à quelqu'un à qui il confiait alors le pouvoir de lui faire du mal, et il n'était pas certain que cela en vaille vraiment la peine.

Arlyn sembla lire dans ses pensées et l'interrompit à nouveau.

« Arrête ça tout de suite ! » Lança-t-elle. « Je t'entends penser d'ici et c'est qu'un gros tas de conneries ! Aaron n'est pas Jackson, ni Brian d'ailleurs, alors arrête d'imaginer le pire et passe simplement une bonne soirée, pas de pression. »

Justin se contenta de lui sourire et de lui tendre sa bouteille désormais vide pour lui signaler de lui en rapporter une nouvelle. Après tout, quel mal une seule soirée pouvait-elle lui faire ? Il pouvait toujours y aller et passer un bon moment, en gardant à l'esprit qu'il pourrait toujours pourrir Jay le lendemain si cela s'avérait être un désastre.

A suivre...