Chapitre 1 : Dans l'ombre d'un souvenir
"- Buenas Dias, Don Diego, lança Raquel en voyant le jeune de la Vega descendre de sa monture en face de la taverne.
Le jeune homme accompagnait de son fidèle serviteur vint à elle et lui offrit un baiser amical sur sa main.
"- Buenas Dias, senora, salua-t-il avec son sourire habituellement séduisant.
- Vous avez pu enfin quitté votre lit pour le pueblo ? Dit-elle d'un air taquin.
- Je peux enfin redevenir quelqu'un de normal, affirma Diego, et je compte bien rattraper le temps perdu.
- Mais vous devez faire attention, d'après ce que le docteur Avila a dit, vous pouvez faire une rechute.
- A croire que le docteur Avila prévient toutes mes connaissances pour me le rappeler !"
Le capitaine Toledano qui était sorti de la caserne, en voyant son jeune ami, les rejoint un sourire aux lèvres.
"- Je vois que vous avez repris du poil de la bête, ironisa-t-il pour tout salutation en serrant la main de Diego, n'est-ce pas un peu trop tôt pour revenir au village ?
- Voyons, Arturo, tu sais comment est notre renardeau favori, plein d'entrain, un désir d'action et une incapacité à rester sédentaire...je plains votre future épouse, Diego de la Vega.
- Raquel, voyons, murmura le commandant, qu'est ce que tu en sais ?
- Parce que je suis marié à un homme du même genre, répliqua-t-elle malicieusement.
Diego éclata alors de rire comprenant la comparaison et la subtilité que Raquel avait eu en décrivant à la fois le jeune renard et son mari.
"- Ah, au fait, Diego, fit Arturo en reprenant un peu plus de sérieux, lors de votre accident, nous avons pu retrouver deux objets qui vous appartiennent, à n'en pas douter. Vous les avez surement perdu lors de votre chute, si vous voulez bien me suivre.
- Bien, commandante, dit Diego en lui emboîtant le pas suivi de Bernado.
Ils entrèrent ainsi dans le bureau. Arturo fouilla dans ses tiroirs et déposa deux objets sur la table.
"- J'aurai aimé vous les restituer un peu plus tôt mais, disons, que je n'y avais plus pensé, c'est l'occasion pour vous les rendre, désormais...
"- Ma montre à gousset ! S'exclama Diego, moi qui l'avais cru perdu à jamais..."
Il la mit dans sa poche et s'arrêta sur le dernier objet : c'était un couteau en argent.
"- Je regrette, commandante, mais il n'est pas à moi, avoua Diego en jetant un oeil à Bernado qui haussa les épaules ne reconnaissant nullement cet objet comme la propriété de son maître.
- Comment ça il n'est pas à vous ? S'étonna Arturo, pourtant, on l'a retrouvé à quelques pas de votre montre.
- Je suis certain, répondit le jeune don en observant dans ses mains le fameaux couteau.
- Peut-être que quelqu'un d'autres l'ait perdu, tenta Raquel.
- Non...murmura le capitaine, cet objet est dans un très bon état tout comme la montre, la personne qui l'a perdu a du la faire tomber récemment avant la chute de Diego..."
Raquel ne l'écoutait plus, elle fixait le jeune don, inquiète. Arturo suivit son regard et vit avec horreur que son ami s'était figé, le regard vide posé sur le couteau qu'il maintenait dans ses mains tremblantes. Bernado était en train de lui tapoter l'épaule pour le faire réagir, mais sans résultats.
"- Diego ? L'appela le commandant.
Aucune réponse. La pâleur soudaine de Diego alerta le couple. Le capitaine Toledano s'apprêta à le saisir par les épaules pour le secouer mais Diego porta brusquement ses mains à sa tête en relâchant le poignard. Il gémit de douleurs, se recroquevillant. Arturo le prit dans ses bras pour le contenir et le calmer.
"- Raquel, va chercher le médecin ! S'exclama-t-il.
Elle n'eut presque pas besoin qu'il lui dise car elle avait disparu avant même qu'il finisse sa phrase.
"- Bernado, va chercher de l'eau et des serviettes, ordonna-t-il au serviteur muet sachant très bien qu'il entendait. Ce dernier s'en alla précipitement.
Le commandant soutint Diego, qui semblait se débattre contre un mal de tête, et essaya de le faire coucher sur le banc de son bureau. Il fit de son mieux pour apaiser le jeune homme qui avait sans aucun doute perdu le sens de la réalité.
"- Diego, calmez vous, murmura Toledano en posant une main sur son front fiévreux, calmez vous..."
Le docteur Avila entra dans le bureau et prit donc la suite des opérations. Il lui donna à boire quelque chose qui le détendit doucement. Diego haleta pendant un bon moment avant de fermer les yeux.
"- Ne vous inquiétez pas, je lui ai donné un léger calmant, expliqua le médecin devant le regard interrogateur du couple Toledano et de Bernado, il se réveilla dans quelques minutes.
- Que lui est-il arrivé ? Demanda Arturo inquiet.
- D'après ce que m'a raconté votre femme, je dirai qu'il vient de faire une crise de panique.
- Une crise de panique ? Répéta l'officier, lui ?"
Connaissant le secret de Diego, il avait du mal à imaginer Zorro paniqué et encore moins subir une crise de la sorte. Le docteur Avila haussa les sourcils devant sa surprise.
"- Ce n'est qu'une supposition, il se peut que je me trompe."
Bernado intervint dans la conversation en mettant sous les yeux du médecin le couteau qui avait déclenché la crise.
"- Cela a commencé quand il l'avait dans les mains, expliqua Raquel à la place du serviteur muet.
- C'est à lui ?
- Non, il s'avère que cela ne lui appartienne pas, bien qu'on l'ait trouvé à quelques pas de l'endroit où il a attéri dans le ravin.
- C'est un bel objet, seul un aristocrate comme Don Diego peut se payer ce genre de poignard, de plus, il a l'air neuf...Analysa le médecin.
Un gémissement les fit sursauter. Diego était en train de reprendre conscience, il posa une main sur sa tête.
"- Diego, comment allez vous ? Questionna Avila en s'approchant de lui.
- Ma tête me brûle...Souffla le jeune don en grimaçant.
- Tenez, buvez un peu." Le médecin lui donna un verre d'eau où il avait versé un peu de poudre blanche.
"- ça va mieux ? S'enquit-il après quelques secondes.
- Oui, merci, ..."
Diego, aidé par le capitaine et Avila, s'assit pour reprendre un peu ses esprits.
"- Qu'est ce qui s'est passé ? Demanda-t-il innocemment.
- Vous ne vous en souvenez pas ? S'étonna Avila.
- Non...enfin...si, j'étais en train de regarder le couteau...et..."
Il se tut brusquement, s'immobilisant, confus.
"- Et ? Rappela le médecin en fronçant les sourcils.
- Je...pensais...je croyais...bredouilla Diego effrayé, j'ai cru...que j'étais au bord du ravin..."
La réponse fut un choc pour les personnes qui l'entouraient. Jamais ils n'auraient imaginé entendre ça. Le docteur Avila resta cependant impassible continuant son interrogatoire.
"- Diego, répondez moi sincèrement, sans me mentir, dîtes moi, si oui ou non, lorsque vous avez quitté l'hacienda ce jour-là, vous avez décidé de mettre fin à vos jour et de vous jeter dans ce ravin."
Devant cette question auquel il ne s'attendait pas, Diego se redressa soudainement.
"- Non ! S'exclama-t-il stupéfait, non ! Bien sur que non ! Ce n'était pas mon attention ! Il est vrai que cela m'avait effleuré l'esprit...mais le commandant m'avait convaincu que ce n'était pas la bonne solution !
- Alors ce n'était qu'un simple accident de cheval ? Dit Arturo en lui faisant signe de se calmer.
- Oui..je suppose, souffla Diego.
- Beaucoup ont pensé au suicide, l'informa Raquel, pourquoi n'avez vous pas raconté en détail...
- Il n'a pas eu le temps, Raquel, interrompit Arturo, et puis je ne voulais pas le questionner alors qu'il se remettait de ses blessures.
- Diego, reprit le médecin en l'incitant à se rasseoir, ainsi ce n'était qu'un accident du à votre cheval ?"
Diego ouvrit la bouche pour répondre mais il se resaisit, hésitant, perdu, confus.
"- Je...n'en sais rien, finit-il par avouer, je n'en sais rien, docteur..je n'arrive pas à m'en souvenir...Je sais que Luna...était là mais...je ne me souviens de rien...j'ai beau essayer...je n'arrive pas...
- C'est bon, Diego, calmez vous...écoutez, je vais vous raccompagner chez vous, je pense que l'affaire de Don Diego n'est pas encore terminé, Commandante."
"- Ah, Docteur, comment-va-t-il ? Interrogea Arturo quand Avila entra dans son bureau.
- Je lui ai prescrit encore du repos, soupira le médecin en prenant place sur un siège, senora, ajouta-t-il en s'inclinant vers Raquel qui les avait rejoint, voulant elle aussi en savoir plus.
- Avez vous découvert quelque chose, docteur ? Demanda-t-elle avant même que son mari n'ouvre la bouche.
- Je pense que oui, dit le médecin l'air grave, je pense que Diego n'a ni tenté de se suicider, ni eut un quelconque accident. J'ai vu la jument de Diego, c'est un animal très calme qui aime son maître, et si j'en crois les rapports, c'est elle qui vous a mené à lui.
- Oui, c'est exact mais venant au fait, si ce n'était ni un suicide, ni un accident, qu'est ce que c'est ? S'impatienta-Raquel.
Le silence s'installa. Arturo croisa le regard nerveux du médecin.
"- Vous voulez penser à une tentative de meurtres ? comprit le commandant.
- C'est la seule qui m'ait parvenu à l'esprit, je le crains, capitaine. La trouble de la mémoire de Diego et les visions qu'il m'a raconté tout à l'heure à l'hacienda m'incite à croire à cet hypothèse et aussi...
- ...le couteau qu'on a retrouvé, acheva Arturo en frémissant.
- La lame de ce poignard correspond à l'une des blessures que j'avais traité, ajouta Avila pour appuyer ses dires, au début, vu la banalité de la coupure, j'ai cru que ce n'était qu'un simple branche ou un caillou bien pointu qui avait causé cela, mais maintenant que je vois l'arme de mes propres yeux, je ne peux que le confirmer.
- Mais qui aurait pu en vouloir à Diego ? Murmura Raquel sous le choc, il est aimé de tout le monde à Los Angeles, je n'arrive pas à le croire.
- C'est vrai que je ne connais personne qui puisse le haïr ici, approuva le médecin, mais mon diagnostic médicale indique très clairement que Diego a subi une agression qui l'a, je le crains bien malheureusement, traumatisé."
Le capitaine Toledano resta sceptique, serrant discrètement des poings. Zorro n'était pas un homme sensible, il savait qu'il était plein de sang froid , gérant n'importe quel situation.
"- Je ne peux pas y croire, dit-il enfin, je ne peux pas croire que Diego ait subi un choc traumatique.
Une lueur étrange s'alluma alors dans les yeux du Docteur Avila.
- Pourtant, la personnalité de Diego montre bien une fragilité d'esprit, fit-il.
L'officier leva les yeux vers lui. Dès lors, à travers ces paroles, Arturo comprit que le médecin était sans doute au courant de la seconde identité de Diego. Il essaya alors de le vérifier ses dires.
"- Pensez vous que Diego serait assez rusé pour découvrir qui lui veut du mal ? L'interrogea-t-il. Raquel sursauta à sa question et lui jeta des yeux effarés qu'il ignora. Mais pourtant, le médecin perçut le sous-entendu et comprit où voulait en venir le commandant.
"- Il est l'unique homme qui puisse le faire, déclara le docteur avec un sourire amical, je pense qu'il aura cependant besoin d'aide, car même un renard peut être toucher légèrement par une balle et ne pas se relever pendant quelques jours..."
