Rating: T, un peu de vulgarité. Rien de bien méchant ;)
Genres: Angst, Hurt/Comfort, Friendship, Femslash (Lavande Brown/Pansy Parkinson)
Disclaimer: JK Rowling
A/N : Je sais, je sais. La plupart d'entre vous, sur ce fandom, ne voient ces deux-là que comme les pétasses décérébrées du coin. Eh bien moi, je crois qu'il est temps qu'on leur chante des louanges, parce qu'on peut pas tous être comme Hermione Granger ou tous les personnages auxquels on les oppose traditionnellement.
En espérant avoir vos avis, bonne lecture !
Rori H. Nemuri
No Magic Mundane
- T'as eu quoi ?
Weasley hausse ses grandes épaules et la longueur absolue de ses bras s'échoue devant lui dans cet ultime geste de résignation.
- Rien de cool…
Granger lève les yeux au ciel.
- Ce n'est pas la capacité de ta magie à être « cool » qu'on teste, Ronald, soupira-t-elle avec son éternelle moue agacée, recalant une boucle rebelle derrière son oreille.
- Ouais, s'tu le dis, approuva mollement Ron en se laissant glisser sur le banc.
Dean Thomas avait eu des résultats « peu conclusifs » – ça arrive souvent, l'avait-elle entendu s'écrier à Seamus en agitant son papier dans les airs avec cet énervement hyperactif qu'ont les gens prêts à piquer une crise.
Le signe général du arrêtons tout de suite d'en parler, s'il te plaît.
Granger n'avait rien eu de particulier non plus, mais ce que l'inspecteur en charge de leurs tests avait appelé de « fortes tendances vers certains types de magie », ne retenant pas un clin d'œil approbateur dans la direction générale de leur major de promo, qui n'avait pas caché sa fierté.
Weasley avait eu Métamorphose.
Potter avait eu la dualité qui tue, Défense et Arts Noirs. Mc Go l'avait inscrit à la Summer School du Département des Aurors avant qu'il ne quitte la pièce.
Lavande Brown pensait que ces tests étaient une sacrée perte de temps – et cet état d'esprit jaloux et envieux n'était surtout pas lier à sa propre inclinaison magique envers un élément dérisoire, désuet, nul, profondément ridicule – la lettre lui rappelant ses résultats était arrivée avant-hier matin, comme toutes les autres, par l'intermédiaire des pigeons aux plumes peintes envoyés par le Département d'Evaluation et de Caractérisation Magique, ses six inspecteurs étant détachés durant le premier semestre de septième année afin d'évaluer les élèves.
Ces foutus pigeons dont le caractère officiel les différenciait des autres selon une gamme de couleur particulière: la réforme du Ministère, suite à la chute finale de Vous-Savez-Qui, s'était employée à redéfinir leur système postal à grand coup de « normalité », « moins suspect que des animaux nocturnes en plein jour », et autre « ça plaît aux moldus ». Les leurs avaient la queue et les ailes peintes dans une teinte de jaune criarde que même les volatiles avaient l'air de trouver profondément déplaisante. L'oiseau de Neville s'en était arraché quelques-unes avant de repartir, sans retenir une petite fiente qui avait atterri non loin de la table des profs.
- Ah, me dis pas que tu continues ton boudin, Lavande, la tira-t-on de ses pensées.
- Parvati, articula-t-elle, se voulant aimable mais se trouvant décidément mielleuse, sans se relever de son banc.
Le regard de cette autre qui était peu à peu devenue une étrangère glissa sur sa joue, et s'attarda sur le col montant qui dépassait de sa robe, suivant la courbe de ses épaules et tout le long de ses manches jusqu'au bord de ses phalanges que recouvrait le même pull qui cachait son cou.
Lavande ignora son scrutin avec tout le dédain qu'elle pouvait réunir, incapable d'empêcher ses doigts de tirer un peu plus sur ses manches, douloureusement au courant des longues griffures que Parvati y cherchait.
- T'as fini, Patil ? Croassa-t-elle au bout de quelques secondes, recroquevillée sur son banc minable, ses cheveux détachés épars sur ses épaules.
- … Oui, lâcha-t-on finalement à son attention.
Contrairement à Lavande, Parvati avait un don certain pour la Divination – son test avait souligné un talent pour la prescience, ce qui lui avait ouvert la voie d'un apprentissage auprès de l'estimée Sybille Trelawney (quand on vous dit que McGonagall peut aller très vite).
C'est vrai qu'elle avait toujours été meilleure aux feuilles de thé, mais Parvati était un désastre aux tarots: sûrement ses origines indiennes, avait acquiescé Sybille face au tirage sans queue ni tête s'étalant devant elle. C'était sûrement ces mêmes origines indiennes qui avaient transformé Parvati Patil en une petite peste: et peut-être aussi, dans une moindre mesure, le fait que Lavande ait été mordue par un loup-garou l'année dernière.
Et comme il fallait bien faire, son père l'avait emmenée dès sa sortie de Saint Mangouste au Département de contrôle et de régulation des créatures magiques, où ils avaient découvert qu'aucun recensement n'était en place depuis que les lois anti-loup-garou installées par Dolorès Ombrage pendant le court règne de terreur de Vous-Savez-Qui avaient été abrogées. Le vide juridique demeurant une question pleine et entière qui serait prochainement discutée, Lavande et son père avaient été sympathiquement remerciés et invités à se présenter de nouveau au Bureau correspondant une fois que la question aurait été tranchée par une assemblée constituante de sorciers animés par autre chose que de la haine. Le père de Lavande en avait déduit qu'il n'était pas nécessaire de revenir. Sa mère, plus prosaïquement, avait fait de la place dans la jardinière aromatique de rebord de fenêtre pour un plant d'aconits.
- C'est facile pour toi, entendit-elle Ronald marmonner depuis son banc, furibond.
Ginny se tenait face à lui avec toute l'assurance rebelle de la petite sœur qui a raison: des recruteurs étaient venus aux derniers matchs de Quidditch, et un contrat aux petits oignons l'attendait dès qu'elle aurait son diplôme. Et dix-sept ans.
- Fais pas la tronche, Ronnie, s'en amusa-t-elle en lui tapant l'épaule.
Se renfrognant, Ron reprit ses bouderies et laissa sa sœur et Hermione discuter de leurs impossiblement restreints choix d'avenir.
- Neville n'est pas sorti ? Lui demanda Seamus en s'asseyant à côté d'elle sur le banc.
- Non, répondit-elle en rejetant ses cheveux hors de son visage.
- Chaud, commenta-t-il, apparemment confiant à l'idée de pénétrer dans le bureau. C'est pas comme si c'était le plus compliqué de nous tous, poursuivit-il sans quitter la porte de McGonagall des yeux.
Lavande hocha la tête, n'y pensant qu'à peine: le garçon qu'était devenu Neville n'aurait pas le souci qu'elle allait avoir, aujourd'hui, demain et pour toujours. Il lui suffirait de sourire, comme cette fois avec l'épée. Rayonnant.
Notre Roi n'est pas Weasley, a-t-elle envie de se moquer, petite chose acide qu'elle est devenue.
- Il ira avec Chourave, c'est même pas la peine de discuter…
Lavande haussa les épaules.
- Pas sûr, osa-t-elle, se laissant glisser au fond du banc posé contre le mur de pierre. S'il est bon en Botanique, il peut aussi tenter sa chance en Agronomie Magique.
- Avec ton père et ton oncle ?
- Ouaip, confirma-t-elle en acquiesçant, ses yeux aussi fixés sur la porte de bois brun.
Et ma cousine, n'ajouta-t-elle pas.
Elle se rappelait encore les airs ébahis de Granger, Potter et des autres nés de moldus qui n'avaient sincèrement jamais réfléchi à la façon dont la nourriture arrivait dans leurs assiettes, à Poudlard. Ce n'était pourtant pas si différent de chez les moldus – c'était simplement plus réduit. La famille de Lavande exploitait plusieurs hectares de bonne terre au nord de l'Irlande, les pieds dans la tourbe et la fumée bleue sortant des cheminées: les plants poussaient en silence à l'arrière de la chaumière, s'étendant sur les plaines vallonnées jusqu'à atteindre la lisière de la peupleraie que son père avait fait planter pas longtemps après sa naissance.
Des cageots entiers étaient envoyés chaque semaine à Poudlard, à Sainte Mangouste et au Ministère de la Magie via le réseau d'elfes de maison: certains envois plus directs allaient aux particuliers, comme par exemple Molly Weasley qui avait ses petites habitudes (et son ardoise).
Ce ne sont jamais que quelques feuilles et des tubercules, avait-elle conclu son explication.
- Toi, des idées ? Lâcha-t-elle à Seamus, leurs épaules se touchant et sa désinvolture la gagnant peu à peu.
- Moi ? Tu rigoles, lui lança-t-il, pourtant indécis sous ses airs de bravade.
- Non, sérieux, insista-t-elle, réellement curieuse.
Il haussa les épaules.
- Avec Dean on pensait se balader un peu. Pas continuer l'école tout de suite, lui avoua-t-il sans conviction. Et toi, tu –
L'ouverture grinçante de la satanée porte les interrompit, laissant passer Neville qui sur le chemin de la sortie échangea une chaleureuse poignée de main avec McGoganall.
- Miss Brown, appela-t-elle à la suite de Londubat.
Mon avenir, songea-t-elle sombrement en entrant dans le bureau trop rouge de sa directrice de maison, consistera sûrement à enchanter du papier pour que les notes importantes du Ministère circulent d'étage en étage et apportent la bonne parole : les toilettes du sixième fuient.
A l'aide.
Les lèvres sérieusement pincées de McGonagall lui rappellent silencieusement que c'est une sentence à vie, et ses longs doigts d'araignée ont l'air des bâtons noueux qu'elle ramasse dans les champs derrière la maison après une nuit trop venteuse.
- Miss Brown, installez-vous, enchaîna-t-elle sans la quitter des yeux, son regard perçant laissant Lavande avec cette franche envie de juste partir, cet instinct inconnu qui hurlait parfois à ses oreilles –
- Je préférerais rester debout – si ça ne vous dérange pas, Professeur, ajouta-t-elle, faisant de son mieux pour rester la plus calme possible, et arrêter le tremblement maladif soudain logé dans ses doigts.
Leus warous, avait-elle lu à la bibliothèque, à la recherche d'un indice – c'était du vieux français: et face à son futur de loup-garou, c'était tout ce qui resterait au passé.
- Je vous en prie, sembla-t-elle s'excuser, poussant vers elle un bol de petits gâteaux apparemment parfumés à la vanille.
Il y a des avantages à avoir le loup en vous – mais Lavande les déteste pratiquement tous.
- J'ai pris connaissance de vos – vos résultats, lui apprit-elle en repoussant ses lunettes sur le bord de son nez, scrutant avec attention le courrier sous ses yeux, ses doigts effleurant déjà le bord de la page: tu peux la tourner dans tous les sens, avait-elle envie de lui cracher, acide. Il n'y a rien d'autre.
Rien d'autre que du papier.
- Et je dois dire que je suis étonnée – et je ne me moque en aucun cas de vous, Lavande, la félicita McGonagall, sa bienveillance sagement dissimulée derrière la fermeté de bien des années au poste de Directrice de Maison. Je trouve cela tout à fait exceptionnel qu'une personne de votre âge ait un penchant aussi marqué pour une forme de magie aussi singulière. C'est très rare, souligna-t-elle de nouveau, insistant sur le peu de positif à glaner dans toute cette histoire.
Le regard clair de McGonagall glisse sur elle, et rencontre ses yeux: plus personne n'ose, rarement Seamus, et même Parvati détourne le regard comme si ça la brûlait, tout ça.
- Assez-vous, l'encouragea de nouveau son Professeur, l'invitant d'un geste vers le tabouret face à son bureau de bois brun qui sentait encore le vernis.
L'odeur était si forte qu'en s'accrochant au bureau du bout des doigts, Lavande se sentait prête à y rester coller, poisseuse: c'est totalement sec, réalisa-t-elle sans quitter le bois des yeux.
- Miss Brown, l'appela-t-on pour récupérer son attention.
Elle leva les yeux jusqu'au Professeur, ses yeux que même ses parents ne se cachaient plus d'ignorer, comme les griffures sur son cou ou celles longeant son bras – il ne lui avait fallu qu'une demi-douzaine d'échecs avant de réussir à lancer le sort de fraîcheur correctement, pour porter ses longs sweats en plein cagnard, pour ignorer le poids lourd de l'été sur ses épaules une fois disparue dans les champs.
La bête ne s'exprime pas pareil chez tout le monde, lui avait persiflé la médicomage, avec cet air hautain qu'ont les personnes qui pensent tout savoir mieux que vous. On aurait dit Granger quand elle lançait ses séances de révision, l'air supérieur et la voix haut perchée complétant le tableau. Il y en a qui se mettent à aimer leurs biftecks saignants, d'autres qui finissent par vivre comme des animaux ou en récupérer certains traits physiques. Les deux, si vous n'avez pas de chance, avait-elle ajouté, dédaigneuse, sa pitié une brûlure cinglante.
- Je me doute de ce que vous pensez – que ce ne sera pas facile. Malgré tout, poursuivit McGonagall, je vous prie de ne pas considérer ce don comme une autre malédiction –
- Une autre ? S'étrangla-t-elle à demi, ses crocs s'enfonçant déjà dans la chair tendre de sa lèvre.
- Je ne parlais pas de votre lycanthropie, Lavande.
Elle se rassit au fond de son siège, croisant ses bras haut sur sa poitrine.
- Ne croyez pas que ce soit risible, ou juste « nul », commença-t-elle de ce ton qui lui rappelait sa mère les jours de ménage. Votre magie fait partie de vous, Miss Brown. Il ne fait pas bon rejeter ce que nous sommes.
Si ce n'était que moi qui rejetait ce que je suis, Madame, on aurait pas eu de guerre l'année dernière.
- Cependant, votre cas – reste particulier, lui précisa-t-elle, polie, cherchant toujours à paraître la plus mesurée possible. Il n'y a plus aucun maître de cette discipline dans le monde sorcier, Miss Brown: aussi, si vous décidiez de poursuivre dans cette voie, je ne pourrais vous recommander à aucun professeur. Il y a quelques ouvrages de la réserve que je peux vous mettre à disposition, et j'ai quelques noms à vous recommander – mais entendez-moi bien : il n'y a que les basiques qui vous séparent de leur niveau.
- Génial, marmonna-t-elle en s'affaissant un peu plus sur elle-même.
- C'est pourquoi je vous conseille vivement de travailler pour vos examens de fin d'années, insista McGonagall avec son meilleur regard professoral, afin de décrocher un emploi sûr. Vous n'êtes pas mauvaise en Astronomie, et vos résultats de Sortilèges et de Défense sont également bons, sembla-t-elle se rappeler, son attention reportée toute entière sur l'examen blanc du mois dernier.
Un peu fière, Lavande hocha la tête, ses cheveux détachés s'agitant follement, les boucles irrégulières et le blond terni: c'était comme si le loup était en train d'effacer Lavande, tout entière.
- Voilà qui est une bonne chose, approuva McGonagall en remarquant son sourire fugitif. Avez-vous reçu la copie de Gueule de Loup que je vous ai fait envoyer ?
- J'en ai lu quelques passages, fit-elle en haussant les épaules, le livre abandonné depuis un moment.
- Et Horace vous fournit en Tue-loup, sans faire d'histoires ?
- Sans faire d'histoires, confirma-t-elle en triturant une mèche si blonde qu'elle en était presque devenue blanche.
McGonagall la scrute à travers ses petites lunettes, ses yeux si plissés que rides et paupières ne faisaient plus qu'un: peut-être qu'il existe des chat-garous, aussi.
Peut-être qu'ils ont neuf vies, ceux-là, et qu'au lieu de devenir sanguinaires une fois par mois, comme si l'autre fois n'était pas suffisante, ils passent simplement une journée complète à dormir.
- Est-ce que je peux partir, maintenant ? Osa-t-elle d'un ton qu'elle aurait voulu moins plein d'une arrogance exigeante, ces mots jetés à son professeur à peine les siens.
- Un instant, lui refusa-t-on, la politesse évanouie pour de la fermeté presque parentale.
Déjà à demi levée du tabouret, c'est un effort de se rasseoir: d'obéir.
- Je tiens à vous faire mettre de côté les ouvrages que nous possédons sur la magie relative au papier, ne lui laissa-t-elle pas le choix, une plume signant déjà une autorisation d'accès illimitée à la Réserve qui ferait pâlir d'envie Granger. Mrs Pince vous mettra de côté les bons, mais vous êtes bien entendue libre d'étendre vos lectures...
Elle finit par lui tendre le parchemin, le papier, que Lavande touche du bout des doigts: elle peut sentir la magie qui prouve que ce n'est pas un faux courir dans chaque fibre, préciser chaque angle, se cambrer sous le trait de plume vigoureux du Professeur.
La sensation est neuve, étrangère – et Lavande ne sait pas quoi en faire. C'était comme si savoir avait débloqué cette partie profonde d'elle-même où se cachait cette magie ennemie qui aurait plus convenu à Granger ou à n'importe quel Serdaigle qu'à elle, Lavande Brown, sorcière moyenne avec des résultats moyens, aucun don particulier en vue, et s'en contentant avec l'acidité jalouse d'une femme qui finira avec un mari justement moyen, un nombre d'enfants moyens, et rien de mémorable à part sa lycanthropie, et la guerre.
- Vous pouvez y aller, Miss Brown.
Ses doigts glissèrent sans bruit sur la poignée en laiton, l'autorisation déjà froissée dans une de ses poches.
- Hey, Lav' –
Finnigan l'a attendue, et se relevant du banc semble l'attendre pour repartir vers le dortoir: ils marchent en silence un moment, jusqu'aux escaliers capricieux qui décident de ne pas leur accorder ce petit plaisir de rentrer à la salle commune sans faire le grand détour par le quatrième étage.
- Quelles putes, ceux-là, lâcha Seamus en traînant des pieds jusqu'au couloir.
Il n'ose pas lui poser la question, alors...
- Elle m'a dit que je devais bosser Sortilèges et Défense. Le papier, ça n'a pas d'avenir, apparemment, fit-elle la réponse toute seule, espérant vainement que son amertume ne transparaisse pas trop.
- Les explosions non plus, abonda-t-il dans son sens, ses mains enfoncées profondément dans ses poches.
- Hm, laissa-t-elle échapper, pas plus satisfaite que lui des résultats, et de l'absence de réponses de McGo. Pourquoi tu tentes pas la boutique de Weasley ? Si t'arrives à gérer tes pétards –
Seamus éclate de rire.
- Tu déconnes, mais j'y ai pensé.
- Et ? Le pressa-t-elle, oubliant un instant ses propres histoires de papier.
- Et…
Plusieurs hurlements lupins provenant du bout du couloir coupèrent net son haussement d'épaule, et sa baguette déjà sortie Seamus lança un sort de fumigène inoffensif droit sur le petit attroupement de Gryffs et de Serdaigles qui s'étaient cru originaux – ou drôles.
- T'inquiète, rassura-t-elle Finnigan sans quitter l'épais nuage de fumée grise des yeux. J'ai l'habitude.
- Désolé, marmonna-t-il en rangeant sa baguette dans sa poche.
- T'inquiète, lui répéta Lavande, peut-être plus elle que pour lui, tirant sa manche du bout des doigts.
Contre ça, McGonagall pouvait lui donner tous les livres du monde, lui faire lire tous les témoignages anonymes poignants d'un autre partageant sa condition que tout le monde était si décidé à juger misérable: rien n'empêcherait tout Poudlard de se moquer d'elle, de lâcher des hurlements, de la traiter comme moins qu'un être humain. Le papier, décida-t-elle en plissant les yeux à la vue de sa table de chevet et son lit encombrés de petits carrés blancs étalés comme des confettis sur toute leur surface, n'allait pas plus la protéger des ragots.
Tout ceci sentait cette peste de Parvati Patil à plein nez.
Et Lavande ne disait pas ça à cause des ricanements lui parvenant depuis l'encadrement lui aussi encombré de la porte, mais davantage à cause de l'odeur accrochée à chaque carré soigneusement découpé par son ex-meilleure amie, l'odeur de ce lait à la rose qu'elle et sa sœur se mettent sur les mains, pour qu'elles ne soient pas sèches: pour qu'elles sentent bon.
- Merci, grinça-t-elle des dents en ramassant les papiers, les tassant en une pile nette juste à côté de la lampe à huile sur la table de chevet, plus décorative qu'autre chose depuis qu'ils savaient tous lancer un Lumos.
Elle les coince rageusement sous le globe en verre dans lequel elle avait un jour cru pouvoir lire l'avenir, et le papier le lui rend bien, cette haine: et la coupure longiligne sur la pulpe de son index en dit assez pour toutes leurs années à venir.
- J'te déteste, lance-t-elle dans le vide du dortoir, le doigt déjà porté à ses lèvres.
C'est nul, a-t-elle envie de leur crier à la figure, de leur lancer les oreillers de son lit et au moins autant de Petrificus Totalus, d'Impedimenta, un bon Reducto sur leurs foutues tasses de thé et dans les globes en verre de Parvati: c'est trop nul, s'énerve-t-elle encore plus en tombant sur son lit, des larmes piquant le coin de ses yeux, son reniflement étouffé par l'épaisseur de ses oreillers rouge et or.
Poudlard n'est pas un endroit pour les gens comme toi, se rappelait-elle avoir entendu craché sur son passage, à la rentrée. Impossible de savoir qui – mais dans la foule, Lavande avait bien repéré le visage oblong d'une Poufsouffle qui ne savait pas quoi faire de ses bras, de tout son corps devenu trop grand trop vite: elle surplombait les autres d'une bonne tête, et avait penché son visage vers Lavande, qu'un coup de pied avait envoyée tête la première contre la terre molle et herbeuse faisant face au château.
Elle ne s'était jamais sentie moins qu'un être humain, avant que Niobe Creswell ne statue sur son sort.
Quel nom de merde, s'était-elle amusée à grimacer face à Seamus, la bouteille de whisky pur-feu qu'il avait piquée dans la loge de Rusard déjà à moitié vide dans ses mains rendues gourdes par l'alcool: c'était Halloween, alors, et ils avaient décidé de ne pas fêter ça de façon conventionnelle. Plus aucun d'eux ne l'était, de toute façon, et le dernier hibou de Dean contenait des choses que Lavande ne s'était pas attardée à demander.
Il reviendra qu'aux exams, s'était finalement lamenté Finnigan en remontant à la tour.
Sa mère, comme d'autres parents moldus, ne s'était pas satisfaite des excuses de tout un gouvernement invisible qui était bien ravi de les ignorer le reste de l'année, et avait fait valoir son droit d'éduquer son fils à la maison.
J'aurais aimé ne revenir qu'aux exams, moi, Lavande s'était-elle laissée aller à dire, la blague sortant mollement de ses lèvres, l'aveu doux-amer dans la pénombre du château. Ses parents n'avaient pas été d'accord, pas après l'été. Être un loup-garou ne devait pas l'empêcher de poursuivre sa vie, son éducation. Ce n'est jamais qu'un an, avait conclu sa mère avec la sévérité pesante qu'ont les adultes qui pensent avoir raison.
Lavande s'était dit, en retour, qu'elle ne rentrerait pas à la ferme l'été suivant.
Ce foutu crétin de Slughorn avait refusé de lui apprendre comment préparer la potion Tue-Loup, et rattraper seule des années de pratique salement détruites par un manque de motivation et la présence détestable de Rogue –
- Lavande ?
La seule qui vient encore, c'est Granger, gorgée de bonnes intentions comme une tomate trop mûre.
Ce serait facile de lui demander, à elle.
- Je –
Elle butte sur les premiers mots, parce que toutes les filles dans leur dortoir savent ce que Parvati fait, comme toute l'école sait que Niobe Creswell l'a fait tomber face dans la boue à la rentrée: et la plupart des jours, Lavande s'en fiche, les mots de sa mère lui rappelant toute la fatalité de sa situation.
- Je veux changer les choses, lui murmure finalement Granger, ses fesses s'enfonçant dans le matelas, juste au bord, et ça rappelle à Lavande tous les coups d'œil volés des autres sur son corps meurtri, et ceux qu'elle a jetés à la préfète en chef, à ses hanches osseuses et à son avant-bras marqué d'un mot qui les fait tous baisser les yeux de honte.
- Personne ne peut m'aider, crache-t-elle depuis les profondeurs humides de ses oreillers, moins méchamment qu'elle l'aurait voulu.
Sa meilleure amie la déteste, et l'humilie: ses parents ne sont pas décidés à entendre ce qu'elle a à dire, plus depuis qu'elle a passé une saison entière au fond des landes, à vivre à la sauvage: Poudlard, et tout ce qui vient avec, est une prison qu'elle méprise d'instinct et de conscience, et dont elle ne pourra s'évader qu'en Juin.
Lavande ne veut pas du changement – Lavande veut qu'on lui foute la paix.
- Laisse-moi, Granger, demande-t-elle, et le grondement qui résonne dans sa gorge est rauque, et animal: tout ce qu'elle ne s'autorise pas à être dans ces murs est en train de dangereusement remonter à la surface.
Lavande voudrait rentrer, et qu'on l'oublie.
- Si tu as besoin, commence Hermione en se relevant prudemment du lit: et sa phrase reste en suspens, sans jamais trouver de fin adéquate.
Lavande la suit du coin de l'œil, jusqu'au moment où Granger s'arrête sur le pas de la porte, ses doigts s'attardant sur le bois poreux de l'embrasure, sur la peinture qui s'écaille: elle l'entend prendre une grande inspiration, comme prête à dire quelque chose, puis finalement repartir sans un mot vers le brouhaha bon enfant de la salle commune.
Ses yeux reviennent sur la pile de papier, et d'un geste autant rageur que sentencieux, Lavande les fait glisser de sa table de chevet, laissant le paquet tomber comme autant de feuilles mortes sur le sol de pierre du dortoir.
- Et merde, peste-t-elle en sentant les relents de brûlé émaner du fameux tas, et elle hésite un moment à l'éteindre, hypnotisée par la couleur des flammes.
Le matou borgne de Granger ouvre un œil doré sur le brasero maison de Lavande, lové entre deux oreillers: ses griffes s'enfoncent dans le dessus de lit, et ils se regardent un moment tandis qu'entre eux danse la lueur mourante des flammes conjurées par la magie accidentelle Lavande.
Les cendres disparaissent d'un Evanesco informulé, mais l'odeur reste.
.
L'hiver se termine dans dix-sept jours: il y a eu deux pleines lunes rapprochées, en février, et il n'y en aura pas d'autres avant fin mars. Romilda Vane avait profité des deux sessions spéciales d'Astronomie organisées par le Professeur Sinistra pour observer la Forêt Interdite avec son télescope, l'enchantement gravé dans le verre de la lentille suffisamment puissant pour qu'on distingue tous les détails des courges du jardin d'Hagrid, et Mrs Pomfresh guidant Lavande Brown jusqu'à l'orée des bois.
Traditionnellement, c'est aussi le début des match retours du premier semestre, et Lavande voit déjà venir l'invitation polie mais gourde de Ronald, les mots de Granger sortant de ses lèvres encore grasses du dîner.
Et ça ne tarde pas, cette saison non plus, puisqu'il attend simplement qu'elle se lève de table pour se lever à son tour, trébucher et l'arrêter: il fait bien attention à ne pas la toucher, et lui aussi, il croise difficilement son regard malgré toute l'assurance avec laquelle il lui propose de venir voir l'équipe s'entraîner.
- S'tu veux, hein, te sens pas obligée...
Potter les observe par-dessus l'épaule de la dernière Weasley, son menton couvert de la sauce brune du rôti: aller les voir aux entraînements avait eu quelque chose de cool, avec son écharpe duveteuse remontée jusqu'au menton et quelques toasts bien tièdes et beurrés de confiture d'abricot dans les mains pendant que toute l'équipe se pelait les miches sur leurs balais.
La plafond enchanté leur joue un bel orage, et les éclairs se reflètent dans un silence de quelques secondes sur le visage trop blanc de Ronald: ses oreilles sont écarlates et il se dandine d'un pied sur l'autre, pendant que Lavande, le nez levé vers lui parce qu'il est décidément trop grand, se demande ce qu'elle pourrait bien aller faire un jeudi soir d'hiver dans les tribunes du terrain de Quidditch.
Et comment elle a pu trouver quelque chose d'attirant à ce benêt.
- Non, répond-t-elle après un moment, le dépassant: ses mains s'enfoncent dans ses poches dans un air qu'elle espère suffisamment nonchalant pour qu'il n'insiste pas, et y triture le papier roulé en boule.
Le regard de Niobe Creswell est comme une tique particulièrement récalcitrante, et la suit jusqu'aux portes de la Grande Salle où Lavande déterre ce qu'il y a dans sa poche, et elle s'arrête au pied des escaliers, ses doigts, sa magie, reconnaissant avec aisance l'autorisation que McGo lui avait signé cet après-midi.
- Qu'est-ce que je suis supposée faire de toi, marmonne-t-elle au bout de parchemin avec un sourire sans joie.
Ça lui rappelle les petits carrés carbonisés de Parvati, et l'odeur de brûlé qui la colle: et puis, il n'y a plus rien d'autre que le grincement lent d'une porte trop grande qui s'ouvre, et dans son dos l'appel vibrant de la Forêt Interdite, les soirs de chasse, le battant entrouvert sur Rusard et Hagrid discutant à la lueur des lanternes et des bougies du Grand Hall.
Il y a une vieille rumeur, à Poudlard, qui dit que des loup-garous ont copulé à la pleine lune, et que leur progéniture a été lâchée dans la Forêt Interdite: Lavande sait à l'odeur que le garde-chasse qui leur sert de Professeur de Soins aux Créatures Magiques leur laisse quelques carcasses, et que ça fait des mois que Rusard essaie de le chopper. Dans le monde magique, ce ne sont pas les Brown qui se chargent du commerce de la viande, quoique ses parents aient été prompts à s'engouffrer dans la brèche laissée par l'absence béante des Crabbe et des Goyle: Gregory Goyle avait peut-être hérité des abattoirs et de l'entreprise, mais sa mère avait déploré son manque de bon sens quand il avait refusé de leur céder une partie de ses bêtes.
Ses parents avaient envisagé de la marier à l'un des deux, quand elle était gamine. Personne n'avait voulu d'elle, la volubile petite princesse Brown qui préférait courir dans les landes et se salir dans la tourbe plutôt que de prendre le thé avec le reste des enfants de sang-pur du Royaume-Uni: maintenant, c'était plutôt l'inverse, et son père autant que son oncle s'enorgueillissaient sans fin des tentatives de Greg Goyle pour gagner les faveurs de Lavande ou de sa cousine.
Gregory Goyle Junior, plus prosaïquement, n'avait pas aimé que ses carcasses disparaissent, parce que son bétail n'est pas élevé que pour nourrir des Hommes et que le contrat qu'il a avec Poudlard stipule qu'il récupère tous les restes.
- Pas sûr qu'ils sortent ce soir, grinçait Rusard.
Et d'un coup, comme s'il avait senti le regard de Lavande posé sur eux, le vieux concierge se tourne vers elle, et la scrute un long moment du coin de l'œil, Miss Teigne sagement assise à ses pieds.
- File, lui grogna-t-il comme on pesterait après un chien.
Elle ne fait que le fixer, parce qu'il n'y a plus que le cracmole de concierge qui ose encore la regarder droit dans les yeux: quoiqu'ils soient devenus, Lavande n'est pas certaine de vouloir mettre un nom dessus. Ceux de Lupin n'avaient rien de bizarre, et aucun bouquin barbant n'avait su lui répondre: le bleu surnaturel de Fenrir Greyback ne peuplait plus que ses cauchemars.
- Bonsoir Lavande ! La salue Hagrid depuis l'embrasure de la porte, sa forme gigantesque dépassant la petite silhouette crochue de Rusard d'un bon mètre.
- Hey, Hagrid, lui répond-t-elle, trouvant son geste de la main un peu mou: et elle se sent humer l'air qui traverse le Hall, et toutes les odeurs portées à l'intérieur par le vent: celles du garde-chasse et du concierge sont noyées au milieu du fumet qui s'échappe encore de la chaumière d'Hagrid – des courges, encore, et l'odeur de citrouille est imprégnée jusque dans la laine épaisse de son pull.
- Viens donc par-là, l'invite-t-il d'un grand geste qui manque de flanquer Rusard par terre.
Le concierge en profite pour s'en aller, grincheux, marmonnant des saloperies tout bas et ne la quittant pas du regard: le jappement timide de Crockdur la distrait un instant, mais la brûlure un peu vive de toutes les moqueries la retient de s'accroupir au niveau du chien d'Hagrid.
- T'en fais pas pour eux, va, lui balance-t-il en suivant d'un regard mauvais un groupe de Serpentards qui traverse le Hall.
Lavande leur jette un coup d'œil par-dessus son épaule, pas vraiment méfiante d'eux: ils n'ont pas accès à son dortoir, où à ses affaires, et même s'ils lui jettent des regards dédaigneux quand ils se croisent dans les couloirs du château, ce n'est jamais Théodore Nott qui pousse des hurlements moqueurs dans son dos, et ce n'est pas non plus Daphnée Greengrass qui parsème des brindilles et de la terre dans ses draps.
- Viens donc avec moi, lui propose soudain Hagrid avec un large sourire grignoté par sa barbe couverte de neige.
Le parc tout entier est saupoudré de blanc, et ça la convainc encore plus de ne pas aller voir l'équipe de Gryffondor à l'entraînement: si aller dehors ne la dérange pas, c'est rester immobile qui est devenu un nouveau genre de problème.
- D'accord, accepte-t-elle après un dernier coup d'œil au Hall.
L'autorisation de McGonagall est de nouveau perdue au fond de sa poche: si elle doit courir les bois ce soir, Lavande n'a pas besoin d'un bout de papier qui l'autorise à accéder à plus de la même chose: les réponses dont elle aurait besoin ne se trouvent pas dans les livres de la Réserve, et peu importe ce que les tests disent – le papier n'est pas pour elle.
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La grosse main d'Hagrid est drapée sur ses épaules, et elle se sent frêle et osseuse sous la paume du demi-géant, à l'accompagner dans la pénombre jusqu'à l'orée de la Forêt Interdite où sa chaumière fume en blanc.
- Méfie-toi, commence le garde-chasse avant de se reprendre, un peu gêné. Ah, ah, j'oublie toujours – vas-y !
Il la pousse devant lui sans se rendre compte de sa force, mais il y a des mois que Lavande ne trébuche plus quand on la bouscule, et qu'elle ne se prend plus les pieds dans rien: Niobe Creswell et ses petits sortilèges bâtards n'avaient marché qu'une seule et dernière fois, à la rentrée. La lycanthropie touche tout le monde de la même façon et pourtant différemment à la fois, se rappelait-elle avoir lu dans l'épais tome que McGo lui avait transmis.
Aux yeux adolescents de Lavande, la lycanthropie, c'était juste une puberté à l'envers, celle qui vous reprend tout ce que l'autre vous a donné: ses cheveux sont devenus du blond terne presque blanc des princesses dans ses livres d'enfant, mais il n'y a rien de royal dans ce qu'elle a récupéré – de la même façon, ses yeux ne sont plus que d'un gris passé, sans timbre, comme si toutes ses couleurs s'étaient enfuies face au loup. Pouvoir compter les arcs de ses côtes juste en dessous de la bande de tissu informe d'une brassière devenue trop grande ne l'avait pas ravie, non plus.
Vois le positif : plus besoin de rentrer le ventre, s'en était amusée sa tante à Noël en l'aidant à se choisir une robe pour la réception du Ministère. Elle l'avait aussi piquée avec une aiguille en ajoutant les longues manches de dentelles opaques sans lesquelles Lavande ne serait pas sortie – bal ou non.
- Attends-moi là, je vais juste récupérer –
- La viande, le coupe-t-elle en hochant la tête joyeusement, et elle se sent saliver rien qu'à l'idée d'un meilleur repas que les pommes de terre rissolées de ce soir et le rôti trop cuit dont la sauce avait un goût hyper amer: l'été dernier –
Hagrid se dandine d'un pied sur l'autre, et la regarde d'un air pensif pendant un instant qui semble s'étirer à l'infini: il sait bien ce qui est arrivé, comme tous les autres, et si le demi-géant a l'habitude de traiter avec toutes sortes de créatures, des plus mondaines au plus magiques, voir une jeune femme qu'il a connue enfant, et si différente, le laisse dans le même état de surprise amère que le reste du monde.
Lavande sait pourtant tous les mots qu'on aurait pu utiliser pour la qualifier, jadis, de précieuse à peste à pute, et elle aurait aimé que la liste grossière de ses défauts d'ado s'arrête là.
- Fait bien clair, ce soir, marmonna Hagrid en la précédant, sa lourde lanterne oscillant à chacun de ses pas dans un tintamarre de vieille chose rouillée qui ne manquait pas d'alerter toute la Forêt Interdite de leur présence.
Lavande le soupçonnait de le faire exprès.
- Ça va dracher sévère, demain…
Elle lève les yeux, et c'est vrai : les étoiles sont bien visibles, lumineuses même d'aussi loin.
Il n'y a que les Black qui peuvent avoir un nom de constellation, leur avait expliqué sa tante, à sa cousine et elle, quand elle leur faisait encore l'école à la maison, avant qu'elles n'entrent respectivement à Poudlard et Beauxbâtons.
Comme nous ne pouvons avoir que des noms de fleurs, s'était enorgueillie Iris, jetant un coup d'œil à Lavande avec cet air entendu et fier qu'ont les enfants à qui on explique de grandes choses, et qui ne semblent finalement plus vouloir dire grand-chose à mesure que les années filent.
Une fois, avec Parvati, elles s'étaient amusées à faire tous ces tests de fille à la fin des numéros de Witch Weekly qui arrivaient chaque jeudi: elles lisaient le courrier du cœur en ricanant, à la lueur d'un Lumos, et essayaient de deviner qui pouvait bien en pincer pour Cassius Warrington et ses paupières tombantes, ou qui avait écrit le dernier poème à la limite de l'indécence sur Olivier Dubois (c'était d'ailleurs devenu un jeu à la mode, lorsqu'il était entré dans l'équipe de réserve de Flaquemare : écrire le poème le plus grivois possible, et si Lavande et Parvati en avaient envoyé un ou deux, disons qu'elles ne faisaient jamais que comme le reste de Poudlard…).
Et il y avait eu ce test, que Parvati trouvait vachement moldu, qui vous disait vos chances de trouver l'amour selon votre signe astrologique, et les sorciers n'y croient qu'à moitié, aux alignements des étoiles le jour où vous êtes né – il y a pourtant des gens pour demander leur thème astral, et ce sont généralement des spécialistes indépendants qui fournissent ce genre de service. Il y en a un sur le Chemin de Traverse. Lavande n'était même pas sûre que Trelawney soit capable de réaliser la bonne charte sans y ajouter sa petite touche illuminée.
Enveloppée dans les draps du lit de Parvati, elles avaient fini par se serrer et laisser tomber les questions: l'astrologie n'était, après tout, que de la Divination de comptoir.
Aujourd'hui, en suivant Hagrid à travers les épaisseurs sombres de la Forêt Interdite, Lavande se demande si son sort n'était pas écrit quelque part dans les étoiles, justement parce qu'aucune technique classique de Divination n'avait réussi à lui annoncer ça.
Alors les semaines passent, et s'emmêlent dans le flou passager et élusif des jours d'école, comme avant, et il n'y a pas grand-chose d'autre qui capte l'attention de Lavande entre les deux pleines lunes, principalement parce qu'il ne se passe rien qui ne se soit pas déjà passé –ça lui rappelle ces vers de poésie moldue française que sa cousine leur avait récités fièrement à Noël, Passons passons puisque tout passe / Je me retournerai souvent. Quitte à citer quelque chose, Iris avait le bon goût de choisir un poème intitulé Cors de chasse dont Lavande avait été suffisamment curieuse pour en demander plus à Granger. Apollinaire, avait-elle répondu avec cet air de dédain un peu fier, comme si instruire un sang-pur était sa plus grande victoire de la journée.
Lavande s'était accordée à dire qu'elle lâcherait Granger le jour où elle inventerait le remède à la lycanthropie. Là, dans ce set de conditions particulières qui la rendraient libre de cette condition, Lavande Brown autoriserait solennellement Hermione Granger à jouer les crâneuses.
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C'est un matin lent de fin Mars, un dimanche matin, et si l'école a une politique stricte sur les heures de repas, elle est souvent plus lâche les jours d'hiver qui marquent le début d'une courte semaine de vacances. Lavande préférait appeler ça un long week-end, parce qu'on est jamais vraiment en vacances quand on vit dans une école, et que le match de Quidditch de la veille n'avait rien arrangé à son petit problème de transformation les nuits de pleine lune.
- Notre histoire est noble et tragique / Comme le masque d'un tyran, commença-t-elle à se réciter de mémoire, laissant le loup s'échapper de l'étreinte de ses os, se laissant redevenir humaine.
Femme, avait-elle considéré un instant en entrevoyant son corps nu.
- Nul drame hasardeux ou magique / Aucun détail indifférent, insista-t-elle, ses lèvres un peu trop tremblantes à son goût, ses cheveux blonds épars sur ses épaules, chuchotant les derniers vers de sa prière d'enfant face à la fin d'une nuit de pleine lune : Ne rend notre amour pathétique.
Le fait qu'il fasse particulièrement brumeux ce matin avait été un don du ciel, lorsqu'elle avait émergé seule de la Forêt Interdite: la rosée roulait en gouttes épaisses le long des feuilles, et s'échouait sur son nez dans des plocs retentissants tandis qu'elle traversait pieds nus le sol d'épines et de racines.
C'était rare, qu'elle aille si profond dans la forêt – Lavande s'était souvent demandé ce qui arriverait si elle en rejoignait l'autre bout, cet endroit mythique qui ne semblait exister que pour accueillir des licornes et des centaures qu'elle entrevoyait parfois dans la pénombre.
- Hey, Crock', salua-t-elle le chien d'Hagrid, venu à sa rencontre baver toutes ses craintes du brouillard.
Parfois, des choses sortent de la Forêt avec cette brume, et n'y reviennent pas.
Lavande préférait ne pas y penser, réprimant un frisson en passant ses doigts dans la fourrure humide de Corckdur. Hagrid avait comme d'habitude pendu le ballot de ses vêtements à l'un des sapins proches de sa chaumière, mais gardait toujours sa baguette précieusement entreposée sur le rebord entrouvert de sa fenêtre. Souvent, lorsque Lavande venait la chercher, elle l'apercevait en train de ronfler dans son grand fauteuil, face aux braises encore fumantes de sa cheminée de pierres grossièrement taillées.
Il y a un chat ou deux qui hérissent le poil quand elle pénètre dans le Grand Hall du château, leurs feulements discrets et leurs queues agitées d'un tressautement agressif qu'elle regarde de haut, dédaigneuse, leur montrant un peu les crocs et jugulant ce grondement qu'elle aimerait pourtant voir sortir de sa gorge. Ça la démange, de chasser toutes les autres bestioles qui vivent avec elle dans ses murs: et s'ils se tolèrent mutuellement, ce n'est jamais simple de vivre avec l'odeur de tous ces chats, de gouttière ou de race, dans ses narines.
Le crapaud de Neville passe encore: mais le pire – le pire, ce sont les rats.
- Brown ?
Son regard croise celui, d'un vert un peu gris, de Pansy Parkinson venue collecter l'un des deux chats traînant dans le hall: son pelage est d'un orange brun, comme celui des renards, et l'épaisseur de sa fourrure lui donne des airs de sauvage. Son petit collier est une lanière de cuir lustrée, brillante, et tout pendant que Parkinson l'installe contre son épaule, ses grands yeux verts ne lâchent pas Lavande.
- Parkinson, lui répond-t-elle prudemment, ses boucles blondes encore humides de ce matin.
Pansy hoche la tête, perplexe, et elles se tiennent face à face dans le hall avec cette impression persistante de devoir se dire quelque chose.
Mais c'est dimanche, un lendemain de pleine lune, et Lavande a juste envie qu'on lui foute la paix, et de manger des toasts avant d'aller gratter la terre coincée sous ses ongles.
(Et ces jours-ci, tout le monde a l'air d'un rat.)
