J'ai une petite précision à donner pour cette histoire : elle ne tourne pas autour de la relation Mookyul/Ewon, bien qu'elle soit importante. En fait, je me suis plutôt intéressée à l'identité de Mookyul lui-même.

Mais je ne savais pas où la mettre. C'est ma première fanfiction et je n'en ai pas beaucoup lu non plus. J'espère quand même qu'elle plaira.

Sangchul était assis dans une gargote à attendre Bim, qui était allé acheter des cigarettes. Ils venaient juste de terminer un travail, une rentrée de fond pour le bureau et ils avaient décidé de manger un morceau avant de rentrer. La gargote était équipée d'une télévision à écran plat qui diffusait dans le fond sonore des informations que l'on n'entendait pas. Sang et Bim devisaient donc en buvant. Ils devaient être au bureau dans peu de temps mais depuis que leur jeune chef et Jung s'étaient mis ensemble, il valait tant que possible ne pas les déranger à l'heure du déjeuner ou on ne savait sur quelle scène très privée on tombait puisque le jeune chef n'essayait même pas de contrôler son appétit sexuel. Peut-être n'était ce dû qu'à la résistance de Jung, embarrassé comme tout être normal à devoir étaler sa vie sexuelle, que les subordonnés de Mookyul ne l'avaient pas encore vu avec Jung, ensemble, inextricablement mêlés, allongés sur l'un des bureaux de leur lieu de travail. Sangchul ne savait plus où il en était. Mookyul lui faisait confiance et le patron Lee l'avait donc chargé de veiller sur le jeune homme. Mais depuis que Mookyul était en ménage, il était heureux et paraissait avoir mis derrière lui l'étrange angoisse, la colère qui paraissait toujours tant l'étreindre.

Sangchul les voyait avec plaisir. Au début, ce ménage d'hommes le rebutait, mais il avait compris que certaines choses ne pouvaient être simplement appréhendées superficiellement.

La télévision montrait maintenant une vraie scène de carnage, une catastrophe ferroviaire en Inde avait fait des dizaines de victimes. Sangchul sirota son verre. Ces informations ne l'intéressaient pas. La gargote était bien remplie et pas très loin de lui, deux jeunes femmes, visiblement des employées d'une compagnie voisine, discutaient avec animation. Il saisissait des bribes. Elles parlaient d'amour et des beaux gars de leur boulot. L'une d'elles était un peu lourde, érotique. Elle avait un visage très plein, maquillé avec soin, juste un tantinet vulgaire. Elle devait être une sacrée commère. Sangchul la voyait de côté. Il lorgna et la soupesa derrière ses lunettes noires. Elles avaient été un peu effrayées quand il était venu s'asseoir à la table voisine et avaient vite détourné leur regard pour ne pas croiser le sien, mais elles paraissaient maintenant l'avoir oublié. La plupart des gens qui étaient là paraissaient être des fonctionnaires, le gros lot de leurs clients, ceux qui travaillaient, honnêtement, régulièrement, sans négligence, sans surprise aussi, attentifs seulement à bien faire le travail, à bien être vus de leurs supérieurs, attentifs aux promotions, aux heures sup, qui parfois se réveillaient un matin en se demandant ce qu'ils faisaient. Ils regardaient parfois le ciel, quand ils attendaient les interminables bus qui les menait au travail, le matin. Mais en cet instant, tous étaient animés. La mangeaille réchauffait les cœurs et ils étaient comme des voitures de course faisant le plein et se préparant pour un nouveau tour.

Sangchul était divorcé. C'était une histoire qui lui faisait de la peine mais c'était comme ça. Il était né avec son lot d'emmerdements et il avait tout simplement été trop immature pour saisir sa chance. Il se souvenait encore d'elle, avec de la tristesse. Il aurait pu faire mieux. Mais c'était avant qu'il ne rejoigne la mafia, quand il était encore un provincial, monté dans la grande ville pour voir si la vie y serait plus belle. Mais il ne regrettait plus grand chose. Il avait trouvé sa place, chez Saehan Credit Union. Il était devenu membre à part entière de la fratrie. Il avait maintenant des frères et un patron, beau comme un dieu et charmant comme un démon, qui du haut de sa force évidente et de sa faiblesse cachée, les couvait. Lui avait été engagé par le grand patron en personne, celui qui avait pris Mookyul sous son aile et l'avait élevé comme un fils. Et il y avait Jung Fox comme l'appelait son amant Mookyul, ce jeune homme sympathique qui avait rejoint leur groupe, forcé par son ex, et qui maintenant était l'amant du jeune chef.

Sangchul regarda l'extérieur. Bim prenait vraiment son temps, il était sûrement en train d'essayer de flirter avec la vendeuse. Un nouveau flash d'informations passait à la télé. C'était une nouvelle nationale, encore une, à propos d'un grand patron corrompu qu'on venait d'arrêter en grande pompe. Sangchul regardait distraitement, quand soudain il vit surgir une face bien connue à l'écran. C'était Mookyul, mais pas lui. Sangchul ne comprenait pas ce qui arrivait. Il se leva et s'approcha de la télé. Il n'en croyait pas ses yeux. Ce très beau jeune homme entouré par les flashs des appareils photos des journalistes était Mookyul. Mais il avait un air différent. Une bande annonça son nom : Eun Mookdahl, substitut du procureur. Mookdahl ? Le chef s'appelait Eun Mookyul et ce Mookdahl lui ressemblait comme un jumeau. S'agissait-il de la même personne ? Impossible. Mais les faits étaient là. La ressemblance était incroyable. Qui était cet homme qui avait le même nom et surtout le même visage que le jeune chef ? Mookyul avait un frère jumeau ? Non, cela faisait des années qu'il connaissait le jeune homme et il n'avait jamais entendu parler d'un jumeau. Mais alors ? Qui était cet homme qui ressemblait aussi incroyablement à Mookyul ? Ce n'était pas seulement son visage ; son corps, son maintien, ses gestes, sa voix, tout était similaire. Il lui ressemblait comme un double. Et ce titre, substitut du procureur ? Mookyul était un gangster. Cet homme-là son exact opposé.

L'information passa. Elle avait attiré l'attention des mangeurs. Pas pour ce qu'elle contenait, mais pour la beauté de l'homme qui venait de parler. Il entendit une femme à côté de lui qui s'extasiait sur ce jeune homme. Que se passait-il ? Qui était cet homme ?

A ce moment-là, Bim lui tapa sur l'épaule :

« On y va ?

- Allons-y. » Il ne savait plus quoi penser. Il fallait qu'il enquête sur cet homme.

Ils rentrèrent au bureau. Les gars étaient tous là, debout, respectueusement attendant des ordres. Le grand patron, Lee, était là. Assis tranquillement à boire une tasse de thé. Il y avait aussi Jung et chef Mookyul lui-même, assis autour de lui. Aucun ne parlait. Depuis que Lee avait finalement adopté Mookyul, les choses étaient moins tendues avec Jung. Sangchul n'était pas au courant des détails, mais il s'était rendu compte de la tension qui existait entre lui et Jung autour de Mookyul. Lui-même n'aurait pas pu honnêtement définir la relation qui liait si fortement le président Lee et Mookyul. Il savait que le président avait pris Mookyul avec lui depuis son enfance et que Mookyul était un orphelin, qui considérait le président comme son père et pourtant, il savait aussi que Lee et Mookyul avaient été amants, ou plus exactement, que Mookyul était, même jusque durant les premiers temps de sa relation avec Jung, le mignon de Lee, son enfant chéri. C'était Jung qui avait mis fin à cette relation ambiguë et malsaine. Il avait forcé Mookyul à se libérer de cet amour pratiquement incestueux.

Sangchul salua le président. Ce dernier hocha la tête. Longtemps auparavant, il avait chargé Sangchul de veiller sur Mookyul, car ce dernier était beaucoup plus fragile qu'il ne le paraissait. Il avait tout un pan caché, qui ne se dévoilait que durant son sommeil. Avant de rencontrer Jung, il faisait souvent des cauchemars et se réveillait en sueur. Il avait pris un certain temps l'habitude de boire pour dormir comme une masse, mais sans le savoir, il continuait de gémir et de pleurer dans son sommeil. Parfois, il appelait quelqu'un, il suppliait « Minsoo ! Minsoo ! Non, je vous en prie, je vous en supplie, non... Non...S'il vous plaît... Minsooooooo ! ». Oh, cette angoisse dans sa voix, ce chagrin, ça faisait mal de le voir sangloter dans son sommeil. Parfois, il dormait normalement pendant des semaines, puis les pleurs et les suppliques recommençaient.

Jamais Sangchul n'avait vu ou entendu parler de ce Minsoo et jamais Mookyul, autant qu'il le savait, n'avait prononcé ce nom quand il était réveillé. Parfois, Sangchul aurait souhaité pouvoir le questionner, mais il se rendait compte qu'il ne fallait pas le faire, qu'il y avait là un secret. Minsoo était le secret de Mookyul, mais qui était-il ? Qui était celui que Mookyul suppliait ? Et pourquoi ? Pourquoi cette souffrance ? Que s'était-il passé durant son enfance à l'orphelinat ? Sangchul pensait que quelque chose était arrivée, avant, à l'époque où Mookyul ne s'était pas encore enfui de l'orphelinat. Même le président ne savait pas qui était Minsoo. Sangchul en avait la certitude puisque Lee lui avait posé la question une fois. Mais même le président Lee n'avait pas demandé à Mookyul qui était ce Minsoo. Mookyul lui-même ne parlait jamais de ses rêves.

Mais depuis qu'il avait rencontré Jung, tout avait changé, et Mookyul ne rêvait plus qu'à son amant. Sans le savoir, Jung faisait reculer l'obscurité qui entourait Mookyul, il le faisait ressembler au tout jeune homme qu'il était réellement, puissant, grande gueule, intelligent, mais aussi enfantin, gâté, malicieux et vite esseulé. C'était un drôle de spectacle, cet antre de mafieux, avec tous ces gars à mines patibulaires, qui essayaient de se faire invisible quand le boss et son Jung Fox se faisaient des mamours. Et ça ne dérangeait personne d'avoir ces deux gars flirter comme ça en plein jour. Sangchul ne savait pas trop comment c'était arrivé, mais tous avaient très bien accepté le fait que leur beau gosse de chef était pédé, et qu'il était fou amoureux d'un autre pédé et vice-versa, et c'était très bien et très beau. De toute façon, Mookyul n'était pas du genre à accepter des remontrances, il était le chef, le gangster le mieux doué de toute la famille et savait très bien se faire obéir. Mais plus que par obéissance, c'est par amour qu'on l'acceptait pédé. Il s'était fait accepter avec ses poings, son talent pour la bagarre, son regard direct, qui ne se baissait jamais et son outrecuidance phénoménale. Avec lui, les choses étaient simples : s'il daignait vous traiter comme un chien, c'est qu'il vous aimait bien. Sinon, vous étiez ignoré tout simplement, vous n'existiez pas et ça faisait mal de ne pas exister dans le monde du semi-dieu qu'était Mookyul. Et puis, c'était le meilleur chef du monde et les gars l'adoraient. Il pouvait gueuler tout ce qu'il voulait, on savait qu'on pouvait compter sur lui en toutes circonstances. Tous savaient que Mookyul était leur grand frère, leur soutien, leur joie, même s'il était le plus jeune d'entre eux.

Et puis il y avait sa beauté. Il n'y avait rien à faire pour s'en protéger. Non pas qu'il soit efféminé, il était grand, balèze et incroyable avec ses poings, un vrai guerrier, mais il était beau, d'une beauté masculine nette et sans ambiguïté, une beauté de seigneur de guerre qui se mélangeait juste ce qu'il fallait avec ce qui lui restait d'enfance pour le rendre irrésistible. Il avait la force, la paresse et la beauté des félins et c'était une beauté parfaite. Il n'y avait aucun défaut dans ce corps d'homme tout jeune, grand et superbement fait et le visage était tout aussi irréprochable. Des cheveux noirs épais et lisses d'un noir intégral tirant sur le bleu, des yeux de la même teinte, lumineux comme la nuit à la campagne, protégés par une épaisse rangée de cils longs qui ombraient son visage quand il dormait, les sourcils dessinés comme à l'encre sur sa peau claire, un nez droit parfait, un menton carré et pourtant finement dessiné, une bouche aussi parfaite, voluptueusement marquée par l'arc de Cupidon, il était vraiment une œuvre d'art, un tigre humain, avec la même grâce langoureuse et féline, dangereuse.

Et cette beauté fascinait, d'autant plus que Mookyul lui-même s'en fichait complètement, enfin, jusqu'à ce qu'il rencontre Jung. Il était content d'être beau puisqu'il plaisait comme ça à Jung, mais sans plus.

Sangchul regardait le visage de Mookyul. Il était gai et plaisantait maintenant avec le président. Il était le seul dans toute la compagnie à oser parler de la sorte au président Lee et celui-ci l'acceptait.

- Qu'est-ce qu'il y a, Sangchul ? Pourquoi tu me dévisages ?

Le jeune chef avait remarqué son regard. Gêné, Sangchul se toucha le visage :

- Rien, chef. Je pensais.

- Continue de penser en me fixant et tu verras ce que tu verras.

Le contenu était menaçant, mais pas le ton. Mookyul était décidément de bonne humeur, mais vif comme à son habitude. Il avait remarqué le trouble de Sangchul, mais bon sang, qui était ce Mookdahl qu'il venait de voir à la télévision? Il n'osait pas poser la question, mais il devait découvrir qui était ce procureur. Il décida de se renseigner. Il remarqua soudain que Mookyul l'observait toujours. Ainsi que le grand patron. Il devait faire une drôle de mine. Il prit un air aussi dégagé que possible et baissa la tête. A ce moment-là, Jung entra dans la pièce. La tension, bien que moins forte, était toujours là entre lui et le grand patron. Ils se saluèrent du bout des lèvres. Jung essayait d'avoir l'air aussi indifférent que possible, mais il détestait réellement le patron.

Soudain, Killer Bear entra en coup de vent. Il jubilait. En voyant Lee, il s'arrêta net et salua bien bas.

- Killer Bear à votre disposition, chef, dit -il en se courbant.

- Quel bon vent t'emmène ici, Killer Bear ?, demanda le chef Lee.

Killer Bear ne pouvait retenir son sourire. Il regarda le chef Lee d'un air presque triomphant et dit :

- Je viens de voir le jeune chef à la télévision et j'ai pensé venir le saluer, chef.

- Le jeune chef ?, demanda Lee.

- Oui, c'était une interview aux infos. Je ne l'ai pas vue en entier. Mais je me suis dit, je dois aller voir le jeune chef.

Sangchul pensa : « Alors, je ne m'étais pas trompé. C'est bien le jeune chef que j'ai vu. » Mais alors, cet homme qu'il avait vu à la télévision était clairement désigné sous un autre nom, et procureur par dessus le marché. Que se passait-il ? L'annonce de la présence de Mookyul à la télé venait de soulever un brouhaha chez les gars. « Non, pour de vrai ? », « Quand ? Où ? », les gars présents étaient excités et Killer Bear, fier comme tout, attendait visiblement que les questions du chef prennent fin pour tout raconter en détail.

Mookyul souleva légèrement les sourcils :

- Moi ? J'étais à la télé ?

- Oui, chef. Je vous ai vu. Avec tous ces journalistes qui vous posaient des questions.

Sangchul observa Mookyul. Ce dernier avait l'air étonné. Non, alors ce n'était pas lui, vraiment. C'était étrange.

- Et c'était quand ?, demanda Mookyul.

- Bah, tout à l'heure, aux informations. Tenez, elles repassent en boucle. On peut vous revoir ?, demanda Killer Bear.

Mookyul le regarda d'un air pensif, les sourcils toujours levés, comme s'il n'avait pas compris la question. Il ne répondit pas. Le chef Lee dit :

- Très intéressant, voyons de quoi il s'agit.

Il fit signe à Sung Tae d'allumer le téléviseur plat qui trônait dans un coin de la grande salle. On passa à la chaîne des informations. Visiblement, le patron arrêté était quelqu'un de très connu, avec des assises chez les politiciens et son arrestation sonnait le glas de tout un trafic d'influences et c'est pourquoi l'information passait en boucle avec des analyses de fond. Les péripéties de la chaîne d'arrestations qui suivaient était décrites dans le détail et maintenant, une nouvelle séquence passait, qui ne montrait plus le jeune assistant du procureur qui expliquait la suite des événements, mais un autre assistant d'un rang plus élevé.

Tout le monde se taisait. Le sosie du jeune chef n'apparaissait plus. Tout le monde fixait la télévision, en s'impatientant. Sans trop le montrer, puisque c'était quand même Killer Bear qui les avait prévenus. On se regardait l'un l'autre et le jeune chef, imperturbable, ne disait rien. Finalement, le grand chef Lee demanda à Killer Bear:

- C'était une interview à propos de quoi ?

- Je ne sais pas, patron, j'ai juste vu le jeune chef qui parlait de quelque chose mais c'est passé très vite, je n'ai pas eu le temps de comprendre de quoi il s'agissait.

- Ah ! OHHH !

L'exclamation était unanime. Lee et Killer Bear se tournèrent vers l'écran où de nouveau, le jeune procureur Eun Mookdahl réexpliquait, d'un ton neutre, enregistré sur vidéo, les tenants et aboutissants de cette affaire de corruption. C'était la même vidéo que Sangchul avait vu tout à l'heure. Visiblement, la connaissance de ce Eun Mookdahl tendait à montrer qu'il avait lui-même travaillé sur cette affaire.

Tout le monde était ébahi. L'information prit fin dans un silence tendu que la voix de Sung Tae brisa. Il regardait Mookyul.

- Ce gars, c'était notre chef ? Mais c'est impossible ? Le nom était différent et puis, un procureur ?!

Personne ne répondit. Sang regardait aussi Mookyul, qui était visiblement secoué. Il regardait l'écran comme si l'autre y était toujours. Mais son expression changea très vite. Il se renversa en arrière et pencha un peu la tête, regardant au loin avec un air pensif. Il parut soudain s'apercevoir des regards fixés sur lui, qu'il soutint avec indifférence, d'un air un peu lointain, un peu perdu, comme s'il essayait en même temps de capter une musique, comme s'il rêvassait. Ce fut Jung qui brisa le silence :

- Je ne savais pas que tu avais un jumeau, dit-il en riant, mais son rire était un peu forcé.

Mookyul se tourna vers lui et haussa les épaules :

- Moi non plus. » Jung le regardait sans comprendre. « Si j'avais eu un frère, je t'en aurais parlé, non ? » Il regarda ses hommes, et Lee qui l'observait attentivement. « Eh bah, vous avez vu ça ? On dit qu'il y a trois gens qui vous ressemblent au monde. Ce type est probablement un de ces trois. Rien de plus. En tout cas, c'est confirmé que même si j'étais proc, je serais toujours trop beau, hein ?

Finalement, il souriait, le démon. Il avait maintenant l'air de vraiment s'amuser. Tout le monde était un peu estomaqué. Sung Tae se lança finalement le premier :

- Mais chef, ce n'est vraiment pas vous ? Je veux dire, il vous ressemble à cent pour cent.

Mookyul le dévisagea, les sourcils levés. Il souriait toujours, avec les dents cette fois.

- Ah, et depuis quand est-ce que je suis procureur ?

Son ton était toujours aimable, mais Sung Tae, comme tout le monde, sentit une pointe de mauvaise humeur. Il se tut, sachant que les colères du jeune chef n'était pas recommandées à quiconque, même pour plaisanter.

- Ça m'étonne quand même, un gars qui ose me ressembler autant, » ajouta Mookyul. Il aurait pu dire cela sérieusement, c'était dans son caractère, mais non, il y avait en lui quelque chose de retenu, d'inhabituel, qui faisait une fausse note dans sa voix. Ewon et Lee avaient aussi remarqué ce détail. Ils le regardaient avec un léger doute.

Lee demanda :

« Connais-tu ce jeune homme ?

- Non, comment le connaîtrais-je, Vieux? Mookyul avait toujours le même air dédaigneux. Il ne dit plus rien, alla simplement s'installer à son bureau. Bien, au travail, les gars !

Il montrait très clairement qu'il n'avait pas envie de s'étendre sur le sujet. Tout le monde le regardait et personne ne bougea.

- Merde, vous ne m'entendez pas ? Allez, ouste, au travail, j'ai dit. Sa voix était maintenant sèche et était montée d'un ton. Il avait l'air irrité. Lee le regardait toujours. Il dit :

- C'est étrange que vous vous ressembliez autant.

Mookyul le regarda tranquillement, puis fit une moue indifférente.

- Mouais, ça se pourrait. Mais on ne va pas y passer la nuit.

- Tu es sûr que tu ne le connais pas ? C'était Ewon qui posait maintenant la question. Il semblait inquiet.

- Mais bon sang, qu'est-ce que vous avez tous ? Je vous dis que je ne connais pas ce bonhomme. Lâchez-moi avec ça maintenant.

Mookyul fronçait maintenant les sourcils et tirait fort sur sa cigarette. Ewon ne dit plus rien. Il continuait de regarder Mookyul, puis il se tourna vers Lee. Lee avait l'air pensif et regardait Mookyul, maintenant son fils adoptif, en se mordillant la lèvre inférieure. Il se leva :

- Je m'en vais. J'ai un rendez-vous avec Goong.

- Goong, des Industries maritimes ?

- Celui-là même, oui. Il a besoin de fonds. On va peut-être conclure un accord d'investissement. Je te tiendrai au courant.

- Oui, je suis à l'écoute. Laisse-moi te raccompagner.

Mookyul s'était aussi levé. Il avait toujours la même tendresse pour son mentor, une tendresse désormais dénuée d'ambiguïté, en apparence du moins. Il s'approcha de Lee avec respect, attentif. Lee ne le dévisageait plus. Ils sortirent ensemble, laissant les hommes désorientés et silencieux. Leur départ dégela l'assistance.

- Bon sang, c'était quoi ? s'étonna Snake. J'aurai parié que c'était le patron. Ou sinon, son jumeau.

- Tu l'as dit, c'est quand même quelque chose, cette ressemblance. Et dire que le patron ne le connaît pas, ce mec, renchérit Bim.

Ewon était silencieux. Sangchul remarqua qu'il avait toujours l'air inquiet. Finalement, il se leva et sourit.

- Bon, les gars, je vais faire du café. Qui en veut ?

Les hommes levèrent la main en majorité. Ils continuaient de commenter la ressemblance du chef et du jeune procureur avec animation. Mookyul s'éternisait en bas. Et peu à peu les voix baissèrent sur des tons de conspirateur. On lançait des hypothèses, échafaudait des histoires, imaginait des secrets. Tous sans exception s'attendaient à une explication claire et logique de cette ressemblance, une explication que le jeune chef n'avait pas donnée. Dire qu'il ne le connaissait pas, c'était possible, mais ça n'expliquait rien. Et puis, Sangchul se rendit compte que les autres l'avaient aussi remarqué, Mookyul n'avait pas eu l'air trop surpris de voir cet homme qui lui ressemblait tant. La discussion n'allait pas encore vers ce détail mais elle y arrivait. Sang y mit le holà. Il renvoya les hommes à leur travail.

La journée se passa sans autre questionnement, du moins pas à haute voix. On observait Mookyul mine de rien. Ce dernier avait l'air parfaitement naturel, il agissait comme toujours, presque. Trois fois, Sangchul le surprit à regarder fixement devant lui, l'air un peu pensif. Il jouait avec son briquet mais sans l'allumer. Il ne donnait pas l'impression d'être en colère ou inquiet, mais plutôt légèrement préoccupé.

Quelques jours passèrent. Étrangement, personne n'osait plus poser de questions, bien que le comportement de Mookyul n'ait pas le moins du monde changé. Mais il n'avait plus reparlé de cet épisode, comme s'il avait tout oublié.