Sostegno

Italie.

Un bar sombre à la rumeur basse, propre et vieillot à la fois. Le côté cosy n'avait pas la moindre importance aux yeux des occupants des lieux. Tout ce qui importait, c'était l'image donnée sombre, un peu années trente, un touche de criminalité pour une belle dose de code de l'honneur.

Un sourire satisfait sur les lèvres, son chapeau fièrement vissé sur sa tête et la présence rassurante de son arme fétiche contre ses côtes, Reborn franchit le pas de la porte, le carillon tintant sur son passage. Son regard sombre balaya la salle rapidement, une légère déformation professionnelle – ou un fort instinct de survie ? – le poussant à analyser chaque détail, chaque individu et chaque potentielle issue sur les lieux. En un rien de temps, la plupart des scenarii possibles s'étaient ancrés en lui. Et ce fut d'un pas confiant qu'il traversa la salle, ses chaussures luxueuses – indispensables à son costume – claquant doucement sur le parquet vernis.

D'un geste de la main, il effectua sa commande au barman. Il se laissa tomber sur un tabouret, avec une classe indéniable, avant de lancer un regard en biais à son voisin de comptoir. Un blond qu'il ne connaissait que trop bien – hélas ! – mais qui saurait peut-être se révéler intéressant par une soirée si ennuyeuse.

Le barman déposa le whisky devant le tueur à gage, deux glaçons tintant dans l'alcool ambré.

— La politesse voudrait qu'on enlève son chapeau dans un lieu public couvert, attaqua Colonello.

Avec un air blasé, Reborn posa une main sur sa tête, couvrant ledit chapeau pour le replacer.

— Et ton bandeau ne fait pas partie de la catégorie couvre-chef ? répliqua Reborn.

— Ne me met pas dans le même sac que toi.

Ils se fixèrent quelques secondes en chien de faïences, les prunelles azur de Colonello étrangement sombres dans les lueurs tamisées de l'établissement. Ils rompirent l'échange peu amène pour se plonger dans leurs verres respectifs, laissant planer le silence entre eux durant de longues minutes.

— Comment va Lal ? demanda néanmoins Reborn, au bout d'un moment.

Le blond haussa les épaules, l'air désinvolte, mais le tueur à gage pouvait aisément deviner la tension qui habitait son compagnon, ses muscles crispés sous son tee-shirt réglementaire qui épousait sa solide stature.

— Toujours aux États-Unis, à essayer de tirer quelque chose des médecins pour son œil.

— Ça va bien se passer, énonça Reborn.

Le blond leva un regard un peu surpris, presque perdu, et son interlocuteur esquissa un sourire confiant, presqu'arrogant :

— On peut faire confiance à Lal, tout de même. Elle n'a jamais baissé les bras.

Colonello lui rendit son sourire et souffla :

— Non, elle a dit qu'elle reviendrait me botter le cul.

Donc, elle le ferait. Ils parviendraient à s'en convaincre, à chasser l'incertitude sur cette unique affirmation, une promesse voilée. Un éclat de malice illumina brièvement le regard de Reborn, qui jeta un peu d'huile sur le feu :

— Je peux aussi te botter le cul en attendant qu'elle revienne, si tu veux.

— Dans tes rêves.

Ils terminèrent leurs verres de concert et dans le même mouvement caractéristique du mafioso – cette classe surfaite pour entretenir l'image du pouvoir – ils recommandèrent une tournée.