1) Le retour à Melos
416 av J. C
Le rapprochement des Meliens à Sparte causa leur perte lors de la guerre du Péloponnèse. Je pouvais comprendre la lassitude des habitants de l'île, peuple neutre, mais elle devait faire partie de l'Empire Athénien. Elle était stratégiquement importante comme port de ravitaillement pour nos troupes, nous devions la faire nôtre, mais à quel prix...
On me sortit de mes pensées.
— Skorpio, vous m'avez demandé ?
— Logachos, pourquoi ces femmes et enfants sont-ils à vendre ?
— Que pouvons-nous bien faire d'eux ? Il serait dangereux de laisser celles sans familles au village. Nos colons arriveront bientôt et nous avons besoin d'habitations.
— Je ne veux pas qu'ils soient vendus hors des Cyclades !
— Je viens de recevoir mes ordres des stragères de notre Cité, mon seigneur.
— Vos ordres viendront maintenant soit du Leo, soit de moi-même et ce jusqu'à l'arrivée de la nouvelle administration. C'est le haut magistrat qui a fait appel au Sanctuaire, est-ce clair ?
— Tout à fait gardien.
« Comme d'habitude l'artillerie sanguinaire nous enfonce dans le chaos et le rocher sacré nous envoie pour réorganiser l'harmonie illusoire de notre société humaine » pensai-je.
Voyant l'expression ignorante de mon interlocuteur et l'aigreur dans laquelle je me trouvais, il était préférable que je change de sujet.
— Ce petit jardin fait-il partie de ce bâtiment ?
— Je pense...
— Très bien, nous en ferons notre État-major. Nous avons besoin de serviteurs, et nous aimerions les choisir nous même.
— Comme il vous plaira.
— Au fait, savez-vous à qui appartenait cette demeure avant notre arrivée ?
— Non, désolé.
— Au fait, il y a une statue dans l'entrée, déplacez-la dans mes quartiers.
Il s'inclina et partit.
Le logachos passa devant deux fantassins et leur dit.
— Vous deux ! Transportez la statue qui se trouve dans l'entrée vers les appartements de Skorpio. Ne tardez pas, il ne semble pas d'humeur à plaisanter !
Les soldats appelèrent d'autres hommes pour les aider à la bouger.
— Bougre, elle est lourde !
— Qu'est ce que le Skorpio peut bien vouloir d'elle.
L'un d'entre eux montra ce qu'il en pensa... et ils éclatèrent tous de rire. Après sueurs et ricanements, elle arriva enfin dans le salon privé de l'Athénien.
Je revins et m'arrêta songeur devant elle. Je pris un moment pour la contempler, posée si délicatement sur son socle, cette femme dont je ne connaissais rien était d'une splendeur à damner n'importe quel Saint.
— Rêverais-tu déjà Milo ?
— Regarde sa poitrine Aiolia, n'est elle pas délicieuse ?
— Milo, on nous attend.
