Titre: Amnésie, Prologue

Auteur: Nelio Maboroshi

Fiction relativement longue pour ceux qui après avoir vu tout le manga, en voudraient encore un peu. Ce n'est pas une suite. Il n'y a pas beaucoup de spoil mais il y a une allusion à un match important: contre Teikoku: à la fin de l'animé il y a le match contre Ojou, puis en suivant les scans: dinosaurs puis Teikokku alexanders. C'est un spoil mais si jamais vous lisez l'histoire après ça je pense que vous aurez déjà oublié que j'en ai parlé. M'enfin c'est vous qui voyez. J'espère me montrer à la hauteur ^^


"Au revoir, m'man!"

Il partit ainsi, en agitant la main, allant d'un bon pas vers son école. Il n'avait pas besoin de courir après tout, il serait largement à l'heure. Mais il ne pouvait simplement pas s'en empêcher. Empli d'une énergie toute matinale il accéléra la cadence et entrepris de rallier son lycée le plus vite possible, en utilisant un maximum de raccourcis mais sans se fouler. Après tout, quelle utilité d'arriver là-bas tout essoufflé et moite?

Il allait bientôt rallier la grande rue qui aboutissait à son lycée, la fermant en une sorte de cul-de-sac. Mais avant qu'il sorte de la petite ruelle étant perpendiculaire à cette grande rue, il entendit un appel. Il ralentit un peu avant d'aboutir et se retourna. Derrière lui, une troupe essoufflée avait – semble-t-il – tenté de le rattraper.

Il les attend. Ils sont cinq et lui sont complètement inconnus. Sans doute ne sont-ils pas du quartier et ont besoin d'une indication, ce n'est pas la première fois après tout. Ils finissent par le rattraper, hors d'haleine, les mains sur les genoux.

"J'peux vous aider?" [Nelio: ça m'rappelle les 2 min du peuple : les chaussures ^^]

"Je crois..."

Il attendit, soucieux qu'ils reprennent leur souffle. L'un d'eux fit quelques pas du côté de la grande rue, puis s'appuya au mur. C'était le plus grand, il le dépassait d'une tête et demie et avait l'air robuste. Le premier, le plus petit de toute la bande (qui lui était inférieur d'une demie-tête, chose rare) repris, encore haletant;

"Dis, c'est toi, hein? Senaaa... Koba-truc."

"Oui, Kobayakawa. Je peux vous rendre service?"

L'autre garçon, le tout petit commençait à aller mieux, comme les autres et comme celui qui s'était écarté, et qui venait de se rapprocher, à présent derrière lui.

"Ouais, ouais, on peut dire ça, oui."

~~~~~~ O ~~~~~~

"Hey, Monta!"

"Hein?"

"À droite, le singe!"

"Traite-moi encore de macaque et j'te fais bouffer ton r'pas avec l'assiette et l'plateau!"

"Woh, on s'calme. Nan, sérieux, t'as pas vu Sena, des fois?"

"Ah? Bah non, pas ce matin. Et pis vous êtes dans la même classe, nan?"

"Si, mais nous non plus on l'a pas vu!"

Monta resta interdit. Juumonji murmura alors, souriant:

"Il sèche?"

Ce à quoi Monta répondit, après avoir avalé de travers:

"Nan mais tu plaisantes?! Lui, sécher? C'est un modèle de bonne conduite depuis le CP!"

"Ah? Intéressant. Alors tu sais pas où il est?"

"J'viens d'te dire que non. Remarque, on peut toujours demander à Mamori-chan, si ça s'trouve, il est malade et il l'a prévenue par texto.."

"Hé, elle est pas censée manger en même temps que nous, en plus?" fit Kuroki.

"Bien vu!" fit Togano en se levant avec son plateau: il l'avait repérée. Tous partirent la rejoindre elle et Suzuna.

"Yo, salut les poulettes! Z'auriez pas des nouvelles de Sena? On l'a pas vu c'matin!"

"Comment ça? Il n'est pas au lycée?"

À en juger par Mamori, Sena était effectivement un modèle de bonne conduite depuis le CP.

"On pensait qu'il était malade et qu'il avait oublié de prévenir, un truc comme ça. Il t'a dit quelque chose, à toi?"

"Absolument pas, non... C'est curieux, il prévient toujours quand il est quelque part et il oublie rarement son téléphone... Suzuna-chan, tu as eu des nouvelles?"

Suzuna, la bouche pleine de ses nêms favoris, se contenta de nier de la tête.

"C'est vraiment bizarre, ça ne lui ressemble pas... bon, on ira voir chez lui ce soir si vous voulez."

"Okay."

Pendant les cours, les trois garçons se demandaient en rigolant ce que Sena pouvait bien faire dehors, quelque chose dont il ne pouvait pas parler.

"Il zône?"

"Naaaaan, moi j'dis qu'il a une petite copine!"

"Roh, t'es sérieux? Tu crois pas qu'il fait juste une p'tite fugue?"

"Une fugue?"

"Bah ouais, ça fait des années qu'il fait la bonne pâte, il était temps qu'il se rebelle un peu, not'petite "sainte nitouche" ! "

Ils plaisantaient ainsi jusqu'à la récréation de l'après-midi, durant laquelle ils tombèrent à nouveau sur Monta.

"Tu cherches qui?"

"Hiruma-san! On lui a pas demandé. Si Sena fait un truc pas net, je pense qu'il aurait quand même dû en toucher un mot à Hiruma, pour être sûr d'être tranquille."

"Pas faux!"

"Là-bas! Hiruma-saaaan!"

"Me dérange pas."

"Dis, tu sais pas où est Sena?"

"Pourquoi tu voudrais que je le sache? J'ai pas besoin de le baby-sitter, ce fuckin' chibi. Tu voudrais que je le surveille même aux chiottes?"

"Ah, alors il t'a rien dit, à toi non plus?"

"Comment ça, à moi non plus?"

Hiruma leva la tête de son Pc, curieux.

"Bah personne n'a de nouvelles, depuis ce matin. Bon, bah faut p'têt' demander à ses parents, mais ça risque de faire bizarre, non?"

"Dites, les punks, est-ce qu'il vous est seulement venu à l'idée de l'appeler?"

Les frères Haha s'apprêtaient à dire non mais Monta les devança:

"J'ai essayé plusieurs fois mais ça ne décroche pas, je tombe toujours sur sa messagerie.

"Ah?"

Monta haussa les épaules. Hiruma, qui tenait son Pc portable d'une main, plongea l'autre dans sa poche et en sorti un téléphone qu'il déplia d'un mouvement sec du bras. Il composa rapidement un numéro avec le pouce avant de porter le téléphone à son oreille, tout en marchant. Au bout d'un moment, il écarta le téléphone et regarda l'écran, comptant les secondes et tomba sur la messagerie.

"Alors?"

"Rien."

Il posa le téléphone sur le Pc et pianota fébrilement sur le clavier, formant une bulle avec son chewing-gum.

"Hiruma-san!" fit Mamori en arrivant vers eux. "Tu n'as pas eu de nouvelles de Sena-kun?"

Hiruma étant souvent avare de paroles quand il conversait avec son ordinateur, les autres se chargèrent de la tenir au courant, bien qu'il n'y eu aucune nouvelle.

Pendant ce temps, le geek qu'il était usa d'un logiciel de son cru. Une fenêtre s'ouvrit, ne contenant qu'une simple barre de saisie. Il y entra le même numéro qu'il avait composé sur son téléphone. Le logiciel se mit à travailler et finalement, lui indiqua une position sur une sorte d'écran radar.

"Je l'ai."

"Quoi?"

"Ouais, enfin, c'est pas tout à fait vrai. J'ai juste localisé son téléphone."

Il reprit le sien et après quelques manipulations, l'écran radar se retrouva sur son téléphone, et la manipulation s'étant faite sur le chemin menant au local du club, il y délaissa son ordinateur, son propre téléphone étant moins encombrant.

"Allez, les mouches-crottes, on va chasser du Sena!"

"Euh..."

Ils suivirent le grand manitou, son radar à la main, se demandant s'ils faisaient bien de sécher les derniers cours.

"Droit devant, matelots! La baleine n'est plus très loin!"

"Qu'est-ce qu'il a?" Demanda l'un des trois frères, ce à quoi Suzuna répondit:

"Il a but deux canettes de red bull de trop, ça le rend joyeux des fois."

"Tu serais pas en train de parler dans mon dos?"

Suzuna se figea, tandis qu'Hiruma se mit à s'esclaffer de son rire habituel (keh keh keh!) avant de piler net, et en silence. Kurita lui rentra dedans, mais Hiruma ne bougea pas: au contraire ce fut Kurita qui finit sur les fesses.

"Kess'kya?"

"C'est bizarre, il est beaucoup plus proche que ce que je pensais... Il aurait paumé son téléphone sur le chemin du lycée?.."

"Et après il aurait fugué!" s'écria victorieusement Juumonji, qui topa dans les mains de ses frangins.

"Ou il s'est fait enlever?" fit Mamori, beaucoup plus inquiète.

Hiruma était quant à lui simplement très intrigué. Que pouvait faire Sena en ce moment, et que faisait son téléphone ici? Il décida de reprendre la marche et finit par se rapprocher du lieu indiqué.

"On n'est plus très loin, c'est à une vingtaine de mètres, grand maximum..."

"Ah?" fit Monta. Puis il mit ses mains en porte-voix et s'avança:

"Senaaa! Ohé, Senaaa!"

Il fut assez vite imité. Quant à Hiruma, il finit par couper son application radar, trop imprécise sur une telle distance et donc inutile à ce stade. Il composa à nouveau le numéro de sa cible et attendit.

Il entendit une sonnerie.

Immobile, comme d'autres qui avaient entendu, il identifia son origine, sur sa gauche, à quelques mètres devant lui. Il s'avance alors. La sonnerie retenti une nouvelle fois. Il accélère le pas. Les autres rappellent Sena, interrogatifs. Hiruma aperçoit alors sur sa gauche une ruelle étroite, délimitée par de hauts bâtiments la baignant d'ombre. Le téléphone sonne depuis là-bas. Il finit par avoir un meilleur angle de vue et entrevoit une main, une manche d'uniforme, du sang.

"Non, merde, non!"

Il se met à courir sans crier gare, Musashi sur les talons.

Malheureusement, il ne peut y avoir de doutes sur la personne. Le téléphone est là, plus loin, hors de sa portée, écrasé comme si quelqu'un avait délibérément marché dessus, mais seule la coque et l'écran sont brisés, ce dernier noir, hors d'usage. Les circuits, la batterie et le petit haut-parleur sont intacts et en service, d'où la sonnerie retentissante.

Hiruma est le premier sur les lieux. Il le prend doucement et Musashi l'aide à le retourner.

Il a beaucoup de sang, il fait peur à voir. Mamori a les deux mains contre la bouche. Hiruma garde son sang-froid, détourne les yeux avant de perdre plus de temps et peste:

"Appelez une ambulance!"

Il est inconscient, mais vivant. Il respire. Mais il saigne à la tête. Il saigne du nez, aussi, et du sang a coulé d'une commissure de ses lèvres fendues.

Il fait très peur à voir.

"Sena, bordel, réveille-toi! Allez!"

Mais les petites claques qu'il lui administre n'ont aucun effet, pas même un froncement de sourcils. Rien du tout.

Hiruma reste là, sans savoir quoi faire. Mamori appelle les secours. Plus tard l'ambulance arrive et peine à tous les prendre, si bien que seuls Hiruma, Musashi, Monta, Mamori et Suzuna montent, tandis que les trois frères envisagent leurs deux roues et Kurita, Komusubi, Yukimitsu et Taki optent pour les transports en commun.

Ces derniers arrivent à l'hôpital en même temps que l'élève qu'Hiruma a fait chanter pour qu'il lui ramène son ordinateur. Désœuvré en attendant le bilan des médecins, il entreprend d'analyser ce qu'il reste du téléphone de Sena. Celui-ci signale neufs appels manqués: cinq de Monta, deux de Mamori, deux de lui-même, tous datant de cette journée. Rien d'autre. Il réfléchit. Tout ce qu'il peut déduire de plus, c'est que l'agression a eu lieu sur le chemin du lycée, le matin même. Cela explique parfaitement qu'il l'y aient trouvé.

Toutefois, cela signifie aussi qu'il y est resté sans connaissance pendant sept heures et quart, avant qu'ils ne le trouvent. Sinon, il aurait tenté d'appeler du secours...

"À quoi tu penses?" demande Musashi, très calme.

"Là, maintenant? Au taré à qui Sena doit ses blessures."

"Oui, ça m'intrigue aussi. Il n'est pas du genre à s'attirer des ennuis..."

"Tu penses à Eyeshield?" marmonna Hiruma.

"C'est la seule explication plausible, une équipe doit avoir vraiment peur de ses performances. Et toi, tu en dis quoi?"

"C'est possible, les Scorpions auraient pu le faire, s'ils avaient su de quoi on était réellement capables sur le terrain. Remarque là ils sont pas concernés et toutes les équipes ne sont pas pour autant adeptes des coups bas..."

Il vérifiait cette théorie en enquêtant sur les affrontements à venir via l'accès internet qu'il venait de pirater.

"Mais si on se trompe, qu'est-ce que ça peut être?"

"Une erreur de cible ou un truc personnel dont Sena n'aurait pas voulu nous parler. De toute façon ça nous avance pas à grand-chose de spéculer maintenant."

Il avait à peine accès aux profils des joueurs qu'il suspectait qu'une double porte s'ouvrit au fond du couloir. Le médecin-chef arrivait. Tous se levèrent.

"Bon, ben au moins il sera pas paraplégique, j'en suis quasiment sûr. Et puis pas de plâtre à prévoir. Mais d'un autre côté il a un vilain trauma crânien. Il est encore trop tôt pour savoir si ça lui portera préjudice.. on saura si c'est bénin ou grave quand il se réveillera. Mais en attendant, il risque probablement de dormir jusqu'à demain, les jeunes, alors je vous propose de rentrer chez vous.

Nombreux furent ceux qui soupirèrent.

"Par contre, il m'en faudrait un pour remplir la fiche de renseignements: nom, prénom, âge, lieu de résidence, tout ça, situation familiale... d'ailleurs, où sont ses parents?" demanda-t-il à Hiruma.

"Prévenus, mais coincés dans les bouchons. Ils ont dit en avoir encore pour une demie-heure minimum."

"D'accord. Vous voudriez bien m'aider pour cette histoire de paperasse?"

Hiruma acquiesça et le suivit. Il lui donna nom, prénom, date de naissance, groupe sanguin, nom des parents, profession, situation familiale... Aucune allergie ni détail particulier de cet ordre. Il lui donna d'autres détails supplémentaires comme son adresse, tous les numéros de téléphone y compris celui du lycée, il fit aussi des recherches pour trouver le nom de son médecin de famille (le médecin-chef fut quelque peu étonné), après quoi le médecin lui redemanda les circonstances de l'accident (Sena est tout de même resté inconscient pendant des heures et ce sans manger, de fait) et ce fut tout.

"Merci beaucoup, vous pouvez y aller."

Il sortit et trouva Musashi, seul dans le couloir.

"Les autres nous attendent à la cafèt'. Tu viens?

Hiruma ne répondit pas mais le suivit quand même, ordinateur sous le bras. En arrivant, le seul détail qui retint son attention fut l'état de tension extrême de Juumonji. Les deux autres frangins étaient assez crispés eux aussi mais le blond semblait au bord de la crise de nerf, à deux doigts de boxer le distributeur de boissons et barres chocolatées. Pour toute réaction, Hiruma lui tendit un chewing-gum. Ce n'était pas trop le truc de Juumonji, surtout sachant qu'il était sans sucre, mais il le prit tout de même.

Une fois tout le monde servi, ils restèrent silencieux deux minutes, puis Monta fit aux autres: "Je remonte". Il fut aussitôt imité et tous repartirent dans le couloir, où Komusubi poussa une petite exclamation. Ils s'arrêtèrent et le virent collé à une grande vitre donnant sur une chambre individuelle (un peu le même genre que dans Dr House). Or, Sena était dans le lit. Tous se retrouvèrent collés à la vitre et une infirmière, en passant, leur précisa qu'il leur était encore interdit d'entrer. Le moral de certains redescendit alors d'un cran, ce qui était en soi un exploit.

"Qu'est-ce qu'on fait, alors? On revient demain?" Fit Yukimitsu, un des seuls encore la tête sur les épaules.

"Faites comme vous voulez" fit Hiruma. "Vous avez tout à fait le droit de partir ou de rester, personne ne vous en tiendra rigueur. Le toubib a dit qu'il se réveillera sûrement à partir de demain, alors..."

"Mais.. mais et s'il se réveille pendant la nuit?" demanda Kurita.

Hiruma se retourna. Apparemment, la question préoccupait tout le monde.

"Bon, si vous voulez, on reste jusqu'à ce que ses parents soient là. Ils resteront à le veiller toute la nuit sans aucun doute, vous vous irez pieuter pour être en forme demain matin, pour les cours."

"Oh... et l'entraînement?" demanda Taki en conséquence.

"... Si vous êtes d'attaque. Je vous forcerai pas. Je vous fais assez confiance pour savoir qu'il vous servira pas de simple prétexte pour sécher. C'est vous qui voyez."

Les têtes se retournèrent vers la petite tête brune endormie, lovée dans un épais oreiller, un bandage lui barrant le front, entourant sa tête, Hiruma et Musashi devinant le pansement qu'il retenait.

Il avait en outre quelques pansements sur le visage et une intraveineuse.

Hiruma repensa aux circonstances de l'agression; Sena n'avait pas mangé de la journée et il ne se réveillerai probablement pas non plus pour le petit déjeuner demain matin.

"Eh, les mioches, tant que vous y êtes, vous avez prévenu vos parents d'où vous étiez?"

Quelques-un sortirent des téléphones et composèrent. Puis, se souvenant qu'ils ne pouvaient téléphoner ici, ils s'en allèrent. Plus tard, alors qu'ils revenaient tout juste Hiruma reçut un coup de fil des parents de Sena.

"Oui, le médecin a dit rien de grave, si ce n'est un trauma crânien. Il n'en sait pas plus, on doit attendre son réveil... … ..Oui, il a dit au plus tard demain... C'est ça... ouais, vous en faîtes pas, on attend... .. On attend là... Oui... chambre 214, deuxième étage. C'est le couloir de droite après l'escalier... 214... D'accord. À tout à l'heure."

Il éteignit le téléphone.

"C'était qui?" fit Suzuna, encore secouée.

"Ses parents. Ils en ont plus pour très longtemps."

"Ah, d'accord..."

"Eh... Regardez!"

Musashi indiquait Sena.

"Merde! Un médecin!" beugla Hiruma. Ce fut le médecin-chef.

"Infirmière, par ici, avec moi! Vous autres, restez dehors."

Il ouvrit la chambre avec une carte magnétique mais les autres adolescents restèrent dans l'embrasure, ne la laissant pas se refermer, au cas où. D'autres infirmiers arrivèrent en renforts pour le malade, mais aussi pour les autres ados qui, s'ils ne se retenaient pas, seraient déjà autour du lit de Sena qui peinait à se réveiller tout à fait.

"Héo, vous m'entendez?"

Sena plissa une dernière fois les paupières et les ouvrit.

"Bien, si vous m'entendez, fermez deux fois les yeux."

Sena, qui était encore à l'ouest, se contenta d'un:

"Quoi?"

Le médecin, un peu étonné de le voir parler, articula alors:

"Est-ce que vous m'entendez?"

"Je... oui..."

Sena n'y comprenait décidément rien. D'autant plus qu'il lui semblait entendre d'autres personnes, mais il ne les voyait pas. En fait il voyait surtout (et avec peine) le visage du médecin, de l'infirmière et le magnifique plafond blanc qui le surplombait. D'où la question;

"Où est-ce que j'suis?"

"À l'hôpital, ne vous en faîtes pas."

"Hein?! Quoi?!"

"Calmez-vous, ça ne vous avancera à rien de vous en faire comme ça maintenant. Bon, ouvrez les yeux, je vais pointer une lumière..."

Le médecin l'ébloui avec une petite lampe et Sena, qui commençait à être dépassé par la situation, s'efforça tout de même de ne pas bouger et de garder les yeux aussi ouverts que possible. Après quoi il cligna tout à son aise, déboussolé par tout ce qui se passait, d'autant plus qu'il entendait vraiment des voix faire un sacré raffut, juste à côté.

"Bon, notez, Isa, les pupilles sont réactives. Bien, jeune homme, comment vous appelez-vous?"

Sena mit de l'ordre dans ses idées, comprit la question et y répondit instinctivement:

"Sena. Sena Kobayakawa."

"Trèèèèès bien. Notez Isa. Bon, Sena, regarde mes doigts. Combien en comptes-tu?"

Sena, la tête moins brumeuse, n'en était pas pour autant moins perturbé. Plus les choses s'éclaircissaient, moins il comprenait. Aussi, il regarda la main du médecin et répondit, bien que l'utilité de la question lui échappait totalement:

"Cinq!.. Dont deux levés!.." avec un air complètement ahuri.

Le médecin avait eu peur, un instant, puis il se reprit et interpréta cette réponse comme une touche d'humour. "Quoique," se dit-il, "Il n'a pas vraiment l'air rassuré." ce que confirma la question;

"Mais qu'est-ce que je fais ici?" qu'il posa avec une voix apeurée.

"Là maintenant, vous êtes à l'hôpital parce que des amis vous ont retrouvé sans connaissance sur la voie publique. Détendez-vous, c'est normal que vous ne vous rappeliez pas encore de tout. C'est pas grave, restez calme." répondit-il lentement.

"Bon... d'accord..."

"Très bien. Et vous, derrière, cessez un peu ce raffut, bon sang, vous êtes dans un hôpital! Faîtes-les sortir!"

Mais même depuis son lit, Sena devinait que ça ne serait pas aisé, voire impossible.

"Où sont mes parents?" demanda-t-il tout à coup.

"Ils ne vont plus tarder, ils se sont mis en route il y a quelques temps." fit-il, un peu sur les nerfs à cause du bruit et contrarié parce que ce détail allait remettre son patient en panique.

"Laisse," dit-il à Sena: "on s'en charge. Bon, Isa, passez-moi les fiches. Sena, qu'est-ce que tu vois?"

Sena avait devant lui une fiche cartonnée avec deux traits noirs parfaitement verticaux. Il eut l'impression d'être dans un cours de maths pour CP.

"Deux droites parallèles?" proposa-t-il, se demandant encore une fois pourquoi on lui posait ce genre de questions.

"Très bien. Et là?"

"Euh.. la fiche est jaune à gauche, verte à droite."

"Parfait, parfait. Et là?"

"Bah... une spirale..."

"Bon, tout va bien de ce côté."

"Qu'est-ce que j'ai?"

"Un traumatisme crânien, mais bon, c'est pas trop grave, tu t'en tire à merveille."

Sena entendait beaucoup mieux le bruit à présent. Il tourna avec beaucoup de peine la tête de ce côté, et aperçut toute une troupe de gens apparemment hystériques, et qui le regardaient tous, l'appelant par son prénom. Ils étaient effrayants, les infirmiers peinaient à les retenir.

"Qui sont ces gens?"

"Eux? Ah, vos amis, qu'on arrive pas à faire sortir. Ce sont eux qui vous ont amené ici, ils se sont beaucoup inquiétés."

Sena étaient encore plus perturbé, à présent. "Mes amis? Comment ça?" se dit-il nerveusement, alors que les autres attendaient qu'il leur parle, tout en poursuivant leur boucan.

"Tout va bien, Sena?" fit le médecin, inquiet à son tour.

"Je... Je ne les connais pas."

"Pardon?"

"Je ne connais pas ces gens, c'est tout!"

"Vous êtes sûr?"

"Mais qu'est-c'qu'il raconte?" disait l'un d'eux.

"Dis-moi, Sena," fit le médecin, lentement, alors que le bruit avait baissé; "dans quel lycée es-tu scolarisé?"

"Mais je ne suis encore dans aucun lycée!"

Plus rien, aucun bruit. Sena tourna à nouveau la tête vers les autres adolescents, tous muets de stupeur, ce qui le mit encore plus mal à l'aise. Il répéta;

"Qui sont-ils?"

"M'enfin.." gémit l'un d'eux, dans l'incompréhension totale. Il était petit, brun, un pansement sur le nez et ne put rien ajouter de plus.

"Si je comprends bien, ce sont vos amis de lycée, n'est-ce pas?"

"Non" fit Sena.

"Oui" fit l'un d'eux. Blond, l'air grave et la figure peu engageante.

Ils avaient répondu en même temps, le médecin ne broncha pas. Il se tourna vers l'infirmière, qui le regardait.

"Notez, Isa."

Isa baissa la tête et nota.

"Sena?"

"Maman, papa!"

Ce fut une bouffée de soulagement. Quoi qu'ait pu dire le médecin, il s'était déjà redressé pour serrer ses parents dans ses bras, alors qu'il réalisait que tout son corps lui faisait terriblement mal et que la troupe s'était écartée, médusée, pour laisser sa mère et son père passer.

"Venez, vous autres." fit le médecin.

Il sortit avec la troupe qui jeta encore des coups d'oeil derrière elle avant de suivre. Sena se sentait opprimé par ces regards. C'est alors qu'il reconnu quelqu'un.

"Mamori-neechan?" murmura-t-il.

Son père se retourna et l'aperçu à son tour, alors qu'elle sortait et que Sena s'interrogea, serrant toujours sa mère et sa mère le serrant;

"Mais qu'est-ce qu'elle fait avec eux?"

"Comment?"

"Papa, je connais pas ces gens! J'y comprends rien, ils disent qu'ils me connaissent, que je suis au lycée, c'est n'importe quoi!"

"Attends, attends, calme-toi... Qu'est-ce qui ne va pas?"

"Je ne les connais pas! Je vois pas comment je pourrais les connaitre!"

"Tu ne.."

Son père s'arrêta là.

Heureusement que je n'ai aucun appareil pour biper mon rythme cardiaque, sinon il nous ferai la samba. Je l'entends résonner dans ma tête et j'ai l'impression qu'on m'a bourré les oreilles de coton. Quand au reste de mon corps, j'ai l'impression qu'il n'est qu'une seule et même crampe, qu'une seule et même courbature. Papa ne dit rien, il commence à me faire peur.

"Tu... tu ne les reconnais pas?"

"Non, je... quoi?"

Que... Papa.. non! Il... il va pas s'y mettre aussi? Il a bien dit "tu ne les reconnais pas?"

"Papa qu'est-ce qui s'passe?"

Au lieu de me répondre, il regarde maman. Je ne sais plus quoi articuler pour qu'ils me répondent. J'aimerais crier tellement tout ça me fait peur, mais.. sans mots, sans quelque chose à crier, c'est impossible. Je finis par faire

"Papa..."

Mais le médecin entre à ce moment-là.

"Je peux vous parler?"

"Qu'est-ce qu'il lui arrive?"

Comment ça, qu'est-ce qui m'arrive? C'est ces gens qui sont pas bien! Moi je vais très bien, même! Enfin, si on passe les douleurs...

"Eh bien, c'est... c'est assez gênant. Dis-moi, Sena, tu m'avais dit que tu n'étais pas encore scolarisé, c'est ça?"

"Oui, j'essaie d'entrer à Deimon."

Mais... Pourquoi maman me regarde comme ça? Mais arrête, enfin! Ou alors dites-moi ce qui se passe!"

"Mais qu'est-ce qu'il y a, à la fin?!"

Finalement, c'est l'autre monsieur qui a bien voulu me répondre.

"Je sais que ce sera difficile à entendre, mais comme je te l'ai dit, tu as eu un choc à la tête assez violent. C'est cette blessure qui t'a rendu amnésique."

Et il me dit ça comme ça.

Paf.

"Et d'après ce que j'ai noté, cela fait un an que tu es scolarisé à Deimon."

Un an que quoi? Moi? Qui, qu.. Comment ça, je suis scolarisé? J'ai réussi le concours? Je suis dedans? Je suis les cours? D... depuis un an déjà? Je... Mais... j'ai pas.. j'ai jamais...

"Mais j'y ai encore jamais mis les pieds! Sauf pour le concours d'entrée! Papa..."

Papa qui me prend les épaules (douloureuses).

"Ça va aller..."

"Comment ça, ça va aller?! Vous êtes en train de me dire que ça fait un an que je suis là-bas et que..."

"C'est normal, tu ne te souviens pas." m'a dit calmement le médecin. "Tu es amnésique sur une année, à peu près. Tu t'en souviendras probablement en temps voulu."

"En temps voulu?" fait papa. Apparemment ça lui pose problème.

"Oui, euh.. c'est là que ça se complique; on ne peut pas savoir quand, ni même si il recouvrera la mémoire. C'est là tout les problèmes d'une amnésie. Il faudra peut-être qu'il redouble."

"Que..."

Moi, ça me fait pas grand-chose, puisque j'ai jamais fait ma première année de lycée.

"Vous dites qu'il peut quand même recouvrer la mémoire, n'est-ce pas?"

"Oui, mais je n'ai pas de pourcentage. À mon avis, ça dépendra de lui."

Il me désigne du menton, comme ça, et papa se remet à me regarder. Finalement, j'aurais préféré n'importe quoi à ce moment plutôt qu'il me regarde comme ça. On dirait.. que j'ai un cancer. Papa... Mais qu'est-ce qui cloche, enfin? Dis-leur, que j'y suis jamais allé, à ce fichu lycée! Ces gens se plantent! Et cette bande de tarés dehors se sont trompés de gars, ils m'ont forcément confondu avec un autre! Papa, dis-leur, qu'ils se trompent, je suis pas fou! Papa!

"Est-ce qu'il peut.. Est-ce qu'on peut le ramener à la maison?"

"Avec un traumatisme crânien? J'aimerais mieux le garder ici en observation, il pourrai rentrer demain. Nous ferons les radios maintenant. D'accord? Pendant ce temps, vous pourriez manger quelque chose."

"D'a..d'accord, on va faire comme ça. Ça ira?"

"Oui..." je fais. Mais j'ai répondu sans réfléchir. Je comprends plus rien à rien.

"Bien, dans ce cas, signez ici et ici, il me faut vos autorisations."

Ils ont signé des papiers, maman est revenue, elle m'a fait un câlin et un bisou sur la tête. On aurai dit que je partais pour la guerre. Papa m'a pris dans ses bras, puis il est parti après avoir redemandé: "Ça va aller, hein?" Et moi j'ai répondu "Ouais" sans savoir pourquoi. Après, je me suis rallongé parce qu'on m'a dit de me rallonger. J'ai dû tirer sur certains muscles et ça m'a refait l'effet de crampes. Et j'ai attendu. Ils ont poussé le lit qui était sur roulettes et on est partis pour la salle des radios. Moi, en attendant, j'ai arrêté de penser.

Ça commençait à me faire trop mal.

"C'est pas possible."

A dit Monta, le premier à parler depuis ce qui s'était passé tout à l'heure. On est sur le parking. On s'est assis.

Personne n'a rien ajouté.

C'est pas croyable.

Le jour où.. le jour.. où je trouve cette bande de connards, ils... je vais..

Putain de merde !

Je sors un chewing-gum comme n'importe qui d'autre aurait sorti une clope.

"Il ne se rappelle rien de nous?" fait Suzuna, avec une voix de chialeuse.

"Nan, à une exception près."

Je désigne Mamori du regard. Ils finissent tous par la fixer.

"Il a dit: je ne suis pas encore scolarisé, ou quelque chose d'approchant. Tout ce qu'il lui manque, comme l'a dit l'autre toubib, c'est l'an passé à Deimon, sauf que Mamori il la connait depuis la maternelle, sauf erreur de ma part. Ou le CP, c'est exact?"

Elle baisse la tête. Je fais;

"Alors ça se résume à ça. Sena ne sais plus du tout ce qu'il a fait."

Bref silence, pendant qu'on a tous les mêmes pensées.

"Il a oublié qu'il est Eyeshield 21."


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