Il est 6h du mat, et comme tous les jours le réveil sonne :
Salle de bain
Allumer la lumière; faire couler l'eau; se regarder dans le miroir, nouveau spot. Se brosser les dents; se débarbouiller; couper l'eau; exploser le spot; maquiller le spot; éteindre la lumière.
Ouvrir l'armoire; bloquer devant; choisir une tenue; changer de tenue; rechanger de tenue; finir par enfiler les vêtements de la veille.
Cuisine
Faire couler le café; remplir mon mug; me brûler avec le café; jurer, voir péter un câble; attendre que le café refroidisse; boire mon café; le trouver affreux; remplir mon thermos avec ce qui reste dans la cafetière.
Chopper mon sac de cours; quitter la chambre; faire demi-tour dans le couloir car oublié mon thermos.
Récupérer le thermos; croiser Nicky dans le couloir; l'écouter faire une vanne; l'écouter me raconter en détail son coup d'hier soir; l'écouter faire une vanne sur son coup d'hier soir, et en rire parce que franchement, je me demande ou elle les trouve !
Arriver en salle de classe; s'installer; faire coucou aux gens qui entrent au compte-goutte; attendre le professeur; sortir ses affaires.
Le prof arrive; le prof dit bonjour à la classe; le prof débute son cours.
-Bonjour à tous, je suis la remplaçante de votre professeure de Philosophie.
Je sors la tête de mes notes.
-Mme Figeroa est en congé de grossesse. Je reprends donc ses cours jusqu'à son retour, prévu pour l'année prochaine. Je suis Madame Vause, mais vous pouvez m'appeler Alex.
Elle est grande, elle porte un pantalon à pince noire taille haute, un chemisier blanc rentrer soigneusement dans son pantalon et des talons noirs. Je la regarde, la scrute. Ses cheveux sont noir ébène, elle les porte en chignon, très soigné lui aussi, et sont posées sur son nez des lunettes noires à branches épaisses.
Canon, me dis-je.
Durant sa présentation, elle passe de tête en tête, la mienne n'y échappant pas. Je ne sais pas exactement l'impression première que j'ai donné, mais je me suis empressée de détourner le regard au moment où j'ai réalisé qu'une fois de plus, j'avais bloquée. J'ai tendance à le faire souvent, et cela me vaut des quiproquos gênants, voire parfois de l'animosité.
-Pour une question de facilité, j'aimerais les premiers temps que vous écriviez votre nom et prénom sur un morceau de papier, et les présentiez devant vous sur votre espace de travail. Il me semble que vous étudiez Camus en ce moment ? Quelqu'un pourrait-il me le confirmer ?
Déjà toute les mains masculines se levaient. Je ne pus m'empêcher de sourire à la vue de l'enthousiasme face à notre nouveau professeur.
Je profitais de toute cette émulsion pour admirer une fois de plus la classe de Mme Vause. Plus l'heure de cour avançait, plus je découvrais à son propos. Ses gestes étaient amples, et une certaine grâce en ressortait. Elle avait pour habitude de remonter ses lunettes sur le dessus de sa tête à chaque fois qu'une question lui était posée et que celle-ci demandait réflexion de sa part. Elle avait un bloc note sur lequel elle écrivait régulièrement, et lorsqu'elle devait s'assoir quelque part, c'était sûr son bureau et non pas sur la chaise disposée à cet effet.
Elle croisait ses longues jambes sur ce dernier, et se mordait de temps à autre les lèvres, tique que j'assimilais également à de la réflexion. Elle était magnifique, et dégageait assurance, et calme.
Je la contemplais et la détaillais comme un tableau dans une galerie d'art, la tête en appuie sur mes mains. J'étais perdu dans mes songes, et je fis un bond lorsque Nicky, avec toute sa délicatesse, me mit un coup de coude. La classe entière se retourna sur moi, ma professeure y compris. Nicky pouffait de rire à côté de moi, et moi je devins rouge pivoine…
Les autres élèves étaient retournés à leurs occupations scolaire, et j'essayais d'en faire de même, mais lorsque je relevai la tête pour espionner de nouveau ma professeure, je tombai nez à nez sur le regard perçant de celle-ci. Je maintiens son regard cette fois-ci. Non pas par excès de courage, mais parce que je me noyais littéralement dedans. De là ou j'étais, je pouvais tout à fait distinguer ses yeux. Ceux-ci sont verts, ils sont superbes, et son regard est profond. Je me sens tétanisée, je n'arrive pas à détourner le regard, mais cette tétanie à quelque chose de doux et de confortable. Comme une étreinte de velours, ou une paralysie après un shoot. Je plane, littéralement. Et lorsqu'elle finit par baisser les yeux et reprendre des notes sur son calpin, je mets un moment avant de redescendre de cette défonce. Je secoue la tête pour tenter de regagner de la contenance, mais en vain. J'ai l'impression d'avoir fumé un joins.
La cloche sonne, indiquant la fin du cours. Je me sens exténuée. Je range mes affaires et me dirige vers la sortie, en franchissant la porte je sens des yeux fixés sur moi. Je me retourne une dernière fois en direction de la salle et je pus apercevoir le regard de Mme Vause avant de disparaitre dans le couloir.
Le temps de midi arrive. Je suis assise à la cafétéria, Nicky est en face de moi. J'ai passé ma matinée à rêvasser à propos de ma prof de philosophie. Je suis assise devant mon assiette et je n'ai rien toucher de son contenu. J'ai des papillons dans le ventre depuis ce matin, et dès que je m'apprête à prendre une bouchée, je revis les regards échangés avec ma professeure, et les papillons reprennent de plus belle. J'ai finis par abandonner l'idée d'avaler quoi que ce soit.
Nicky elle, dévore son assiette, attestant que ses activités de la veille justifient son appétit. Je l'entends parler, mais ne l'écoute pas vraiment. Ce qui est plaisant avec Nicky, c'est qu'elle n'a pas besoin de se sentir écouté pour entretenir une conversation, mes « absences » passent donc généralement inaperçus. Généralement…
Je réalise qu'elle ne parle plus. Je la regarde, et la surprend en pleine observation de ma personne.
-Quoi ? lui dis-je
-T'es ou exactement depuis ce matin ? J'ai l'habitude de me taper des monologues, mais en règle générale tu prends au moins la peine d'acquiescer !
Elle a un sourire moqueur sur le visage.
-Rien, un peu fatiguée. Je bosse pas mal tard en ce moment. Les partiels tout ça... Je galère en philo, Fig peut pas me blairer, donc je bûche dans mon coin.
-En parlant de ça, elle est canon la nouvelle prof… Je l'imagine bien plus bas avec ses lunettes de secrétaire…
-C'est bon Nicky, passe-moi les détails de tes fantasmes tordus !
J'ai le sourire quand je lui dis ça. En règle générale Nicky et moi n'avons pas vraiment de secret l'une pour l'autre, et la pudeur ne fait pas partie de nos conversations. Mais en l'occurrence, je n'ai aucune envie de visualiser.
-Tu nous la joue prude aujourd'hui, qu'est-ce qu'il se passe ? Elle est super bonne la prof de philo !
-Nicky !
-Quoi ?!
-Bon, je dois aller aux toilettes, on se retrouve en cours ?
-Ok ok, ma ptite nonne. J'arrête, je vois bien que ça te met dans tout tes états.
Elle explose de rire, se lève et quitte la table en me faisant un clin d'œil. Je la regarde partir tout en souriant. J'adore cette fille.
Je me dirige vers les toilettes les plus proches. J'ouvre la porte, mais quelque chose me percute et je tombe au sol.
-Pardon, m'excusais-je
-C'est moi qui suis désolée, est ce que ça va ?
Je me fige. Je n'ose pas relever la tête. Je reconnais cette voix immédiatement. J'ai pensé à cette voix et son ensemble toute la matinée. Je sens quelqu'un s'agenouiller à mon niveau. Je respire, et lève la tête en direction de mon interlocutrice. Ces mêmes yeux me dévisagent, avec la même intensité. Je rougis immédiatement. Il ne s'agit pas de gène mais, cette vision me touche. Je la regarde attentivement, elle est tellement plus proche que ce matin. Ma curiosité prend le pas sur la raison, j'essaie de tous mémoriser, et cela me prend un temps qui dépasse la bienséance et les règles de politesse, pour glisser doucement sur le bizarre voir l'inapproprié.
Mais une fois de plus, je me retrouve dans cette douce tétanie. Dans cet espace-temps unique et solitaire.
Son empathie l'a conduite à se rapprocher suffisamment pour que j'arrive à analyser de nouvelles informations la concernant. Son parfum, celui dont elle s'est aspergée ce matin avant de partir de chez elle. Il est doux, lui correspond parfaitement.
-Tout va bien ?
Elle pose une main sur mon épaule, devant me sentir désorientée, tout en réitérant sa question. Le contact me ramène aux papillons. Mais ceux-ci ne se limitent plus à mon ventre, c'est dans mon corps tout entier qu'ils se propagent, et j'ai maintenant la sensation qu'une fourmilière a vu le jour à l'intérieur. La chaleur autant psychique, que physique émanant de ce contact m'est à peine supportable. Je fixe sa main posée sur mon bras, un geste si banal, me procurant tellement de sensations. Je la regarde à nouveau et perçois de l'inquiétude. Je dois en effet avoir l'air totalement paumée. Je bafouille un « Oui merci, excusez-moi. » Me relève brusquement, prenant conscience de la situation, et part le plus rapidement possible.
Quelle conne, putain, fais chier !
Je suis enfermée dans le toilettes se trouvant dans l'aile opposée à la cafétéria, et je jure contre moi-même depuis maintenant plusieurs minutes. Je rigole intérieurement malgré tout, car la situation est loquasse si on la regarde d'un point de vue extérieure.
Mes pensées se dirige à nouveau vers Mme Vause, et je rougis au souvenir de sa proximité, au souvenir de son parfum, dont j'ai l'impression qu'il me sera inoubliable.
Je soupire tout en m'accroupissant dans le petit espace.
Fantasme sur sa prof de philo… Nicky me dirait que ça ferait un bon titre pour un porno !
J'explose de rire à cette idée. Je me relève et décide de m'accorder de la tolérance.
Ça arrive à tout le monde… Reprend toi. Tu t'excuseras d'avoir réagis comme une débile à la prochaine occasion.
Je ne voudrais certainement pas qu'elle me prenne pour quelqu'un de diminué. J'ai du retard en philosophie, je vais avoir besoin qu'elle me prenne au sérieux.
Je me passe de l'eau sur le visage, et quitte les lieux.
Le lendemain, je commence une fois de plus ma journée avec une heure de philosophie. J'y ai bien réfléchis toute la nuit et je me suis dit que je partirai plus tôt aujourd'hui pour arriver en avance en cours et ainsi avoir l'opportunité de discuter avec Mme Vause.
Je sors de ma chambre et vois Nicky passer la tête par la porte de sa chambre.
-Levée tôt ?
-Tu m'espionnes maintenant ? lui dis-je avec un semblant de sourire.
-Tu rigoles ? Je t'entends t'exercer à je ne sais quel discours, depuis 5h ce matin !
-Merde, désolée…
-Tu vas ou comme ça ?
-Sérieusement ! Tu me flique ou quoi ?
-Non, je trouve simplement que ton attitude et suspicieuse depuis hier !
Elle me répond avec toujours ce sourire moqueur sur le visage. C'est ça marque de fabrique, je le sais, elle le sait, et nous savons toute les deux combien cela peut être agaçant. Mais je l'aime pour ça aussi.
Je souris à mon tour, je sais exactement ou je vais et dans quel but. Je sais parfaitement aussi, pour qu'elle raison je semble « suspicieuse » depuis hier, et à cause de qui.
Nicky le perçois tout de suite et ses yeux ainsi que son sourire s'élargissent.
-Attend, ne me dit pas que tu vas te faire baiser de si bonne heure ?
-Quoi ! N'importe quoi, tout le monde ne se tape pas l'intégralité de la gente féminine du campus tous les soirs, Nicky. Et pour infos je me sens très bien de ce point de vue-là.
Ce qui était un mensonge, cela faisait longtemps que je ne m'étais pas retrouvée sous les attentions de quelqu'un. Et physiquement, le manque se faisait sentir.
-D'ailleurs, je suppose que tu n'es pas seule, donc… A plus tard !
Je l'entends ricaner et fermer la porte derrière moi. Mais qu'elle dinde, me dis-je à moi -même.
J'arrive à proximité de la porte de la salle de cours. Je vois de loin qu'elle est entrouverte, la prof est donc déjà présente.
Mon cœur accélère à mesure que je me rapproche. Il bat si fort que je ne sais plus si cela est normal ou inquiétant. Mes mains deviennent moites, et en arrivant devant la porte je réalise que je suis en train de retenir mon souffle. Depuis combien de temps je ne sais pas exactement.
Je me passe un savon intérieur. Allez ! chochotte…
Je toque discrètement.
-Entrez !
Je pose la main sur la porte et la pousse. Mme Vause est assise à son bureau, et semble relire des notes. Elle porte de nouveau un chemisier blanc mais sans veste, et celui-ci est plus lâche que celui de la veille. Ses cheveux sont relevés en un chignon, plus souple que celui d'hier, et quelques mèches de cheveux tombe délicatement le long de sa nuque, quand d'autres dessine les lignes de son cou pour s'arrêter à la limite du premier bouton de sa chemise. Elle parait concentrée, et ne lève pas immédiatement la tête. Je reste immobile. Je l'admire, la contemple. Les papillons sont partout, dans ma tête dans mon ventre, partout. Mon cœur s'emballe de nouveau, cette vision est insoutenable de beauté. Je suis bouche ouverte devant cette femme que je ne connais pas, abasourdie et incapable de formuler une phrase cohérente dans ma tête, encore moins de faire un geste. J'ai le sentiment que mes jambes pourraient me faire défaut.
Je crois décerner un sourire au coin de ses lèvres avant qu'elle ne la relève.
Je reprends mes esprits et balbutie.
-Bonjour, Mme Vause. Je suis désolée de vous déranger, je suis dans une de vos classes et…
-Est- ce que ça va ?
Elle m'interrompt.
-Pardon ?
-Hier je t'ai posé cette question, et tu t'es enfuie en courant. Tu ne vas t'enfuir n'est-ce pas ?
Elle a un sourire sur le visage, et un air de challenge me concernant.
-Oui, euh non, je ne vais pas m'enfuir. D'ailleurs je venais pour m'excuser en réalité. Je ne sais pas vraiment ce qu'il m'a pris, j'étais fatiguée hier et…
-Piper c'est bien ça ?
Son sourire n'a pas disparu, au contraire j'ai le sentiment que plus perturbée je suis, plus grand il devient. Est-ce que je l'amuse ?
-Oui, Piper Chapman Mme.
Elle me regarde un instant, avec de la malice dans les yeux, et moi je ne peux rien faire d'autre que de sentir le rouge me monter aux joues.
Elle se lève de son bureau, et s'approche doucement de moi. J'entends ses talons qui claque sur sol, et mon esprit ne parvient pas à se concentrer sur toute les choses qu'il se passe. Je la vois se rapprocher, et ne peut m'empêcher de tout détailler, encore une fois. Ses lèvres son rouge de maquillage, sa peau est impeccable et le contraste entre cette blancheur délicate et ses lèvres pleines et colorées est délicieux. Ses cheveux sombres ondulent par le mouvement de son déplacement. Les quelques premiers boutons de son chemisier son ouvert et laisse entrevoir un peu plus cette peau semblant si délicate et douce. Je n'arrive pas à détacher mes yeux de ce morceau de torse qu'elle me présente, et finis par me mordre les lèvres en espérant que le geste soit discret et me permette de contenir toute ses émotions qui me traverses.
Elle arrive à ma hauteur, et mon regard n'a toujours pas lâché son chemiser. Je sens encore ce parfum qui m'enivre, et la chaleur dégagée par son corps qui émane et m'enveloppe.
Je vois une main bouger dans ma direction et je sors de ma transe.
Je lève la tête et m'aperçois qu'elle me tend la main. Je rencontre son regard de braise, concentré sur ma personne et certainement sur l'attirance évidente dont je fais preuve. Le sourire n'a pas quitté son visage, et une envie irrépressible me prend de supprimer ce sourire en mordant ses lèvres parfaites.
J'attrape sa main, comme une présentation officielle. Toute la douceur que j'avais imaginée texturise sa peau. Tous les papillons se sont maintenant déportés sur ce point d'impact. Un volcan est en éruption en mon intérieur.
-Tu peux m'appeler Alex, tout le monde le fait.
Elle s'arrête un instant dans sa phrase et en profite pour me dévisager son tour. Elle commence par détailler nos mains encore liées, remonte le long de mon bras et s'attarde quelques instant sur mon cou. Mon pouls est visible et je sais qu'il est rapide, trahissant toute les émotions se jouant de ma contenance. Ses yeux remontent jusqu'à mes lèvres et se stoppe à cet endroit. Longtemps, trop longtemps pour que cela ne soit pas calculé. Ses yeux sont comme des mains me caressant et me déshabillant tout entière. Je retiens ma respiration depuis un moment maintenant, refusant de la laisser devenir irrégulière en face d'elle.
Respire ma belle.
