Il y a ce train. Il aire sans but aucun, il perce le voile de brume grisâtre qui envahit les alentours, il accélère, ralentit, fait le sourd, emprunte les virages sans ralentir aucunement. Il semble flotter, glisser sur des rails qui ne lui sont finalement d'aucune utilité, là, au beau milieu de ce paysage plus gris encore qu'une photo toute de noir et de blanc imprimée. Le monde semble comme vidé de tout et de tout le monde, et c'est une bien étrange sensation que de parvenir encore à ressentir la moindre petite chose quand tout ce qui t'entoure semble dénué de toute forme de vie, quelle qu'elle soit. Le jouet de ferrailles semble comme possédé, ses wagons désormais ternes à l'instar de la mort oscillant tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche, mais jamais en même temps. Cette énième traversée des paysages anglais à destination de la célèbre école de Magie et de sorcellerie ne semble tenir qu'à un fil, à un tout petit fil de pêche qu'un homme semble agiter comme il lui plait. Ainsi le Poudlard Express se retrouva-t-il agité par une chose qui dépassait tout entendement.

A l'intérieur de la lugubre prison de fer, les passagers ne semblaient pas affectés. Pas le moins du monde. Comme à leur habitude, ils riaient, animés par cette fougue qui survient avec les folies de l'adolescence…Ah, l'adolescence, la belle époque…Une période de joyeusetés où l'on se sent intouchable, invincible, au dessus de tout et de tout le monde…Ah, vraiment ?

Regardez donc derrière vous, là, tout près. Observez bien ce bois lustré qui orne les portes, tâtez-donc du bout des doigts ces banquettes de cuir si confortables sur lesquelles vous êtes assis…Levez le bout de votre nez du sachet de dragées surprises de bertie crochue que vous serrez à vous en blanchir les jointures, et constatez-donc par vous-mêmes. Vous êtes jeunes. L'expérience, vous devez encore pour la plupart l'acquérir en grande partie, néanmoins, dans les formes…Vous êtes censés être pourvus d'un minimum de sens de survie, non ? Alors restez sur vos gardes. Perpétuellement. Tel est le mot d'ordre, telle est votre devise. On n'est en sécurité nulle part, de nos jours, n'en déplaise au vieux fou qui essaie tant bien que mal de diriger l'école qui vous mènera tous à la déchéance la plus totale. Réfléchissez-donc cinq minuscules secondes à toutes ces guerres et tentions chez les sorciers comme chez les moldus. Notez ces catastrophes « naturelles » qui se multiplient jour après jour. Notez cette sensation d'insécurité qui habitent bon nombre de personnes. Regardez-les lancer des sorts de protections en vain sur leurs biens matériaux et physiques, regarde-les prier pour la survie du peu qu'ils ont. Regardez-les lutter, comme s'ils faisaient réellement le poids. Pathétique, n'est-ce pas ? Pensiez-vous donc réellement que tout cela résultait du fruit du hasard ? Sincèrement, êtes-vous aussi stupides ? Je suis là, tout simplement. J'approche. Pas après pas. Et me voilà, d'ores et déjà. Vous ne pourrez plus rien faire, désormais.

Oh, tiens, cette petite boule de graisse et de nerfs que j'entraperçois là-bas, au fond du compartiment, ne serait-ce pas un futur poufsouffle ? Il a craqué le premier, je lui décernerais une médaille à sa mort, c'est promis. Voyez-donc la façon dont les coins de ses lèvres se soulèvent plus haut que s'en est humainement possible, tordant ainsi ses traits simplets en une grimace absolument perverse ? Ils sont utiles à leur façon, finalement, les poufsouffle. Ils sont faibles, et c'est grâce à eux qu'on découvre l'existence des maladies et autres dangers…Après tout, il faut savoir se sacrifier pour la science, n'est-ce pas ?

Il y a cette petite blonde décolorée avec des couettes, affublée d'une atroce tenue rose bonbon qui a suivi la marche, tiens. Et le grand maigre, là-bas ! Ils m'obéissent tous.

Leurs mouvements sont robotisés, mécaniques. Leur sourire inhumain. Leurs yeux éteints de toute trace de vie. Il n'y a plus que leur pouls qui bas, férocement, fermement, tressautant parfois d'une envie d'agir et de tout envoyer balader, de tout détruire en un seul passage. Ils sont prêts à tout. Vous allez provoquer votre propre fin, mes chéris, vous verrez, ce sera drôle.

Et les couleurs continuent de s'en aller, à l'intérieur même du train, désormais. Les dragées de Weasley aka le ventre sur pates aka le roux se confondent. A présent, une question, une seule et unique question se pose : Comment diable peut-on faire la différence entre les goûts crotte de nez et mûre ?

Et il y a cette fumée, toute cette fumée...Elle s'épaissit de plus en plus, c'en est presque devenu un nuage tout entier à travers lequel on ne discerne que des formes imprécises et des toussotements maladifs. N'ayez pas peur de la fumée. Ses volutes sont partout, de toute façon. Jusque dans vos poumons, au fin fond de votre frêle corps. C'est votre amie, ou votre ennemie, qu'importe, vous devrez composer avec elle. Vous n'avez jamais vraiment eu le choix.

Personne ne semble se rendre compte de quoi que ce soit, et pourtant…Tout est gris, tout n'est que mélancolie. C'est beau, le gris n'est-ce pas ? C'est une infinité de nuances, un mélange de saveurs improbables, et pourtant, elles n'ont qu'un seul et même goût. Celui de la fin. C'est la touche de noirceur qui vient sournoisement salir l'innocence d'un blanc un peu trop pur. C'est l'amèreté au cœur de votre bouche, nichée dans le creux de votre palais. C'est la petite goute d'eau qui fait déborder le vase. C'est le démon qui vient tordre tes boyaux et qui forme de lui-même la boule d'émotions à la naissance de ta gorge. C'est le moment de doute, de suspens qui précède le Cri, l'Effroyable.

- Harry… ?! HARRYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYY NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON

Que le spectacle commence… !


Voilà voilà, un tout petit prologue pour vous donner une idée d'où je veux vous emmener, en espérant qu'il y aura des voyageurs intéressés héhé.

Have fun, et laissez-moi une review si jamais vous avez cinq minutes à tuer, ou bien si vous voulez être gentils tout simplement haha.

Tempte.