Les sortilèges fusaient, éclataient autour de la tête de Molly, mais elle ne s'en formalisait pas outre mesure et renvoyait volontiers la pareille à son opposante, en face d'elle. Chaque fois qu'un des maléfices de Bellatrix la frôlait et faisait voleter une mèche de ses cheveux, elle revoyait le moment, quelques minutes auparavant, où un jet de lumière verte avait passé à un poil de lui enlever à sa jamais son deuxième enfant de la soirée. Et un voile de haine lui tombait sur les yeux et elle redoublait d'ardeur.
Molly savait que des centaines de gens les regardaient, mais elle n'avait pas une seule pensée à leur consacrer. Elle avait entendu Bellatrix lui parler, se moquer d'elle, avec sa voix qui dégoulinait d'ennui. Elle avait entendu le nom de Fred. Mais elle ne l'écoutait pas. Elle ne voulait pas. La femme qu'elle avait devant elle, à ce moment, n'était plus humaine. Elle avait tué Fred, elle avait failli tuer Ginny, elle voulait tuer Molly ; elle avait renoncé à son humanité depuis longtemps.
À ce moment, Bellatrix leva un bras en riant, comme si elle était convaincue que rien ne pouvait l'atteindre, et Molly vit sa chance. Un dernier coup de baguette, un dernier jet coloré. Celui-ci frappa la Mangemort sur la poitrine et, après un moment, comme si elle hésitait sur la marche à suivre dans ces circonstances, elle tomba.
Comme si ceux-ci lui arrivaient de très loin, Molly entendait les cris de réjouissance des gens qui l'entouraient et, plus perçant encore, un hurlement de rage. Mais elle n'était toujours pas sortie de la transe qui l'avait happée pendant l'affrontement, de la bulle qui s'était construite autour d'elle.
Elle venait de tuer quelqu'un.
La phrase tournait en boucle dans sa tête. J'ai tué quelqu'un. J'ai ôté une vie. J'ai commis un meurtre. Je suis maintenant une tueuse.
Mais il n'y avait aucun sentiment qui suivait cette affirmation. Pas de honte, pas de culpabilité, pas de peur des représailles. Mais pas non plus de fierté ni de joie à l'idée d'avoir éliminé une menace. Juste un sentiment de vide.
Etait-ce parce qu'elle croyait, en son for intérieur, que tuer Bellatrix était non seulement une nécessité mais une bonne chose ? Un geste de vengeance pour Sirius, pour ce qui aurait pu être Ginny, pour les innombrables autres victimes que cette folle inhumaine avait dérobées à la vie ? Ou était-ce parce qu'elle-même, Molly, avait perdu de sa propre humanité lors de cette action ?
Elle n'avait toujours pas bougé, les yeux fixés sur une citation latine qu'un élève avait gravée dans le mur. Cave ne Cadas. Prends garde de tomber. Ces mots lui semblaient étrangement appropriés pour la situation. Pour Bellatrix ou pour elle ? Elle ne savait pas.
Il ne s'était écoulé qu'une vingtaine de secondes, mais chacune d'entre elles lui semblait une éternité alors qu'elle essayait de déterminer comment elle devait réagir à ce qu'elle venait de faire. Elle avait toujours le bras levé, sa baguette agrippée fermement, pointée en direction d'une ennemie qui n'était plus là.
Elle semblait incapable de baisser son arme, alors elle baissa les yeux, et rencontra les yeux noisette de sa fille. Ginny. À qui elle venait de sauver la vie.
Alors seulement, Molly sentit son corps accepter ce qu'elle venait de faire. Oui, elle avait tué quelqu'un. Mais pour une bonne raison – la meilleure raison qui soit. Pour protéger quelqu'un qu'elle aimait plus que tout au monde.
Sans même savoir que c'était ça qu'elle avait attendu, Molly se pardonna. Et avec ce pardon, elle retrouva l'usage de ses muscles. La bataille continuait autour d'elle, et elle ne pouvait plus rester immobile.
Elle essuya sa paume trop moite sur ses pantalons et se détourna enfin de là où avait été Bellatrix.
