Passerouge rêvait.
Après une journée banale, insipide, le petit Passerouge était parti se coucher, dans le nid, le plus loin possible de ses frères et soeurs. Il en avait marre de sa vie, de sa routine. Il était le plus frêle de la fratrie. Il était le seul à ne pas encore savoir voler.
Et pourtant...
Il rêvait d'aventure.
Il rêvait de voyage.
Il rêvait de voler, loin, très loin.
Il rêvait de grands espaces, d'eau claire et miroitante, de cascades ruisselantes, de montagnes infinies et de ravins impressionnants.
Dans ses rêves, il volait, seul, toujours plus haut, toujours plus loin, à la découverte du monde entier. Il faisait des rencontres.
Le rêve de cette nuit n'était pas très différent. Le chétif Passerouge se réveillait en pleine nuit, et s'élançait du nid sans réveiller sa famille.
Il volait.
Cette fois, dans son songe, il partit à vers l'est. Il partit vers l'endroit où, il le savait, le soleil se levait. Il l'avait vu, tous les matins, de son nid qu'il ne pouvait jamais quitter.
Il voulait voir le soleil. S'approcher de l'horizon. Et il demanderait à cette immense boule dans le ciel de partager ses flammes, en vrai. De l'aider.. Peut-être qu'ainsi, il deviendrait plus fort, comme son père, et pourrait voler pendant des jours entiers sans s'arrêter.
Évidemment, dans ses rêves, il ne se fatiguait jamais.
Le petit Pokémon passa au dessus d'un pré. Il descendit au piqué et vola au raz du sol, entre les Ecremeuh qui dormaient paisiblement. Il faisait encore nuit, malgré tout, mais l'aube allait bientôt pointer le bout de son nez. La nature et les Pokémon allaient bientôt se réveiller.
Il arriva à l'orée d'une petit bois et s'engouffra entre les arbres, évitant les branches et les ruches d'Apitrini. Il volait à toute vitesse, démontrant toute son agilité.
Quelques minutes plus tard, il en ressortit. Il s'éleva dans les airs, euphorique. Il jouait avec les courants aériens, adorait sentir le vent sous ses ailes, cette sensation étrange entre ses plumes. Il effectuait des acrobaties en l'air, virant à droite et à gauche sans s'arrêter, alors même que le soleil se levait.
Un peu plus loin, des cris. Les Pokémon et les humains se réveillaient et commençaient leur journée, doucement, ensemble.
Le petit Pokémon oiseau redescendit et s'arrêta sur la place principale d'un village où un marché s'installait. Il picora quelques miettes près de l'étal d'un boulanger puis s'arrêta quelques instants pour discuter avec la Couafarel d'une vendeuse de bijoux. Le canidé n'avait malheureusement pas grand chose à raconter, ayant passé toute sa vie avec sa maîtresse et dresseuse. Pire encore, elle ne souhaitait pas voyager et était bien heureuse d'être toilettée toutes les semaines et de manger une pâtée insipide et malodorante qu'elle avait fait goûter au petit oiseau.
Le Passerouge reprit ensuite son voyage vers l'est et le soleil. Après avoir survolé des champs immenses aux couleurs chatoyantes - lin, blé, orge, tournesols - il arriva au dessus de la mer.
Il n'avait jamais vu cette immensité bleue. Il ne voyait même pas le bout ! Le petit oiseau restait concentré sur son objectif. L'horizon. Le soleil.
Mais le temps tournait à l'orage. Les vagues se firent de plus en plus menaçantes. Le ciel perdit sa belle teinte bleue et vira au noir. L'atmosphère devint pesante.
Passerouge était balancé par le vent et peinait à garder son cap. Il perdait de l'altitude.
Soudain, une vague le happa. Il s'engouffra dans les flots.
Et se réveilla en sursaut.
Ce n'était qu'un rêve…
Mais rêver de voyage, n'est-ce pas déjà voyager, après tout ?
