De sang, de larmes et d'encre

C'est une fic Angst comme je les aime, avec un assassinat, une enquête, des preuves, des suspects…Seule la réalité manque à l'appel !

J'ai quelque chose d'un peu pénible à admettre avant de commencer : je suis un personnage de cette histoire. Ne vous y trompez pas, je déteste autant que vous ces fics narcissiques où l'auteur se case avec un personnage, fait miraculeusement partie de la famille Fey et a beaucoup souffert dans son enfance. Pour une raison que je révèlerai plus tard, il a pourtant fallu m'inclure dans cette fic-là. J'ai néanmoins trouvé le moyen de me débarrasser de ma présence pour le moins gênante : je suis la victime, et ne dure pas très longtemps. Vous pouvez donc lire sur vos deux oreilles, aucune auteur imbue d'elle-même ne viendra vous saouler !

J'en viens donc à mon disclaimer : les personnages du jeu Phoenix Wright ne m'appartiennent pas, je m'appartiens. Tous les autres personnages présents sont fictifs, parce que je n'ai pas poussé le masochisme au point d'imaginer la réaction de ma famille et de mes proches si je venais à me faire assassiner.

WARNING : ambiance sombre. Pas de sexe, désolée. J'utiliserai les noms anglais des personnages, parce que les noms français sont très laids et que je m'emmêle dans les noms japonais (j'ai à peine réussi à retenir Ryuuichi Naruhodou pour Phoenix Wright et Reiji Mitsurugi pour Benjamin Hunter… T.T) Un petit lexique des personnages présents ou susceptibles d'être évoqués :

Phoenix Wright : Phoenix Wright

Benjamin Hunter : Miles Edgeworth

Dick Tektiv : Dick Gumshoe

Beaucoup de noms restent identiques, comme Maya et Mia Fey, Ema et Lana Skye, Manfred von Karma…Si d'autres personnages viennent à apparaître, je préciserai leurs noms en début de chapitre.

J'ai encore beaucoup parlé…Mes plus plates excuses à ceux qui se sont tapés la préface et bonne lecture à tous !


Prologue : Eclats de rêve

Dimanche 19 mars, 2017, 21h 17

Tokyo

« Il fait si noir… »

Les rues qui se succédaient étaient de plus en plus sombres et insalubres. Des murs les entouraient, très hauts, suintants d'humidité, mortellement froids. La nuit tombait vite, en cette période de l'année…Le printemps débutait à peine, le froid était intense, douloureusement lourd et humide. On inhalait à chaque respiration un brouillard glacé qui vous sciait les dents et vous figeait le sang. Mais il ne sentait pas le froid. Il sentait la peur.

Et cela le rendait perplexe.

-Tu…tu voulais me parler…Ici ? Bredouilla une petite voix.

Les deux filles, et celui qui les suivait, avaient tourné un angle et abouti à une étroite ruelle, totalement déserte. Pauvrement éclairée, elle ne comportait qu'un ou deux réverbères poussiéreux. L'adolescente jeta un coup d'œil timidement craintif au sinistre décor qui l'entourait. Elle s'appelait Kagi Ichijoji. Elle avait quinze ans. Avec sa petite taille et ses yeux trop grands, on lui en donnait souvent douze. Elle se balançait d'un pied sur l'autre avec gêne, de la buée s'échappant de ses lèvres au rythme de sa respiration. En dépit de la large doudoune beige dont elle s'était enveloppée, sa voix tremblait.

« Tu ne devrais pas avoir peur… »

Il essaya de s'approcher, de lui parler, de lui sourire peut-être, mais ne put l'atteindre.

La personne qui se tenait en face d'elle ne répondit pas non plus. Elle semblait plus âgée, sa tenue dénotait une élégance certaine, sa démarche était empreinte d'une plus grande assurance. Elle resta immobile quelques secondes, les poings crispés, puis se mit à faire les cent pas dans la pénombre.

Quelle étrange aura elles répandaient, ces deux filles debout dans la nuit…

Kagi s'était placée non loin d'un réverbère, puisant un peu de réconfort dans la faible clarté qu'il diffusait. La lumière blafarde éclairait son visage rougi par le froid, ses yeux qui ne semblaient pas savoir où regarder et qui allaient nerveusement du sol à la silhouette sombre allant et venant dans les ténèbres.

-…Tu ne dors toujours pas ?

La femme émit un bref son dédaigneux.

-A ton avis ? Répliqua-t-elle d'un ton acerbe.

Un mouvement de recul.

-Je suis désolée.

« Il ne faut pas que tu t'excuses. Il ne faut pas que tu aies peur. »

Un ricanement. La silhouette s'était immobilisée.

-Bien sûr que tu es désolée. Et qu'est-ce que ça change ?

-R…rien. Pardon…

Elle recula encore d'un pas. Ses mains avaient agrippé ses avant-bras et ne les lâchaient plus, peut-être pour se protéger du froid, ou de la peur qui lui serrait la gorge. L'autre la rejoignit en quelques enjambées rapides et lui saisit brusquement le poignet. Avec un curieux jeu d'ombres et de lumière, le réverbère redessina ses traits, magnifiques s'ils n'avaient été ravagés par l'insomnie et la colère.

-Tu dois me débarrasser de cette chose !

Sa voix tremblait. De douleur, analysa-t-il, et de rage, sans doute. Pour l'instant, elle se retenait de hurler. Il pouvait entendre les cris qu'elle s'efforçait d'étouffer, comme il percevait le cauchemar recroquevillé et la peur qui empoissait l'air.

« S'il te plaît, écoute-moi… »

Incapable de soutenir ce regard ardent, l'adolescente avait les yeux rivés au sol.

« Je ne veux pas que tu aies peur…Je voudrais que tu te calmes…»

-Dé…débarrasser ? Répéta-t-elle sans comprendre.

Quelque chose parut se rompre.

-CETTE CHOSE ! CREATURE ! CETTE HORREUR QUI ME POURSUIT DEPUIS UN AN ! PAR TA FAUTE ! TUE-LA, DETRUIS-LA, RETOURNE EN ARRIERE, MAIS DEBARASSE MOI DE CETTE ATROCITE !

Les cris qu'elle poussait se mêlant aux cris qu'elle ne poussait pas produisaient un son grinçant et douloureux, fêlé par l'insomnie, auquel la peur prêtait des accents hystériques. Il regarda brièvement la rue sombre, autour des deux filles, la rue sinistre qui étouffait les cris perçants et les privait de leur sens. La nuit était à la crainte…Il était faible. Un étrange sentiment commençait à monter en lui. Cela ressemblait à de l'inquiétude.

« S'il te plaît, écoute-moi… »

Les yeux de l'adolescente étaient étroitement clos. Ses excuses précipitées se bousculaient dans sa gorge, perdues au milieu des sanglots qui la secouaient. L'autre continuait de crier. A l'intérieur. A l'extérieur. C'était bruyant, un peu désagréable. Et cela devenait dangereux.

« Il ne faut pas que tu aies peur…S'il te plaît, laisse-moi… »

Au comble de la fureur, la femme projeta sa proie contre un mur et tendit vers elle ce qui devait être son bras droit. Kagi resta recroquevillée sous le regard qui la transperçait.

-Nemuri, je…

« …être là. Faire quelque chose. »

-MEUUUUUUUUUUUUUURS !

Un bruit de verre brisé. Il était faible. Le hurlement du cauchemar.

« K…Kagi ? »

Les yeux agrandis. Plaies ouvertes. L'odeur écoeurante, la couleur si vive du sang qui jaillissait. Cela hurlait et hurlait et hurlait. L'enfant glisse dans les ténèbres. La couleur et l'odeur du sang. Des éclats de verre.

Que se passait-il ?

Il demeura figé. Observa sans comprendre la ruelle moite, le réverbère poussiéreux et sa lumière insalubre, la silhouette de la jeune fille étendue que l'ombre d'un angle avait englouti…C'était comme s'il ne s'était rien produit d'anormal. Il y avait eu ses yeux trop grands, écarquillés, le rouge dont elle se vêtait parfois, souillant bizarrement son pull gris clair et son petit manteau beige sans manche.

Il y avait eu un cri, faible, étouffé dans un gargouillis qui l'avait fait frissonner des pieds à la tête…Pourquoi ?

Il recula d'un pas. Sa vision se brouillait. Etait-ce l'odeur du sang qui lui faisait si mal au cœur, qui provoquait ce léger tremblement maladif ? Il chancela, esquissa un autre pas en arrière. Il se sentait perplexe. Les sentiments qui faisaient réagir son corps n'avaient pas l'air de parvenir à son cerveau. Il recula encore.

Un souffle d'air le fit frissonner. Il releva la tête. Vit la femme aux élégants habits couleur d'ébène, debout dans le cercle blafard que dessinait le réverbère. Ses yeux croisèrent les siens.

Des deux côtés, l'incompréhension et la crainte. La femme sembla sur le point de parler.

Il tourna les talons et s'enfuit.

Partir. Tout était flou, les contours faussés, les sons déformés, à peine audibles. Comme dans un rêve, les rues et les murs noirs défilaient devant lui sans logique. Il ne comprenait pas. Il écoutait le faible bruit de ses pas sur le sol, c'était si curieux à entendre, et il essayait en vain de retrouver un équilibre. Que s'était-il passé ?

L'odeur si forte et si violente qui s'était emparée de ses sens. Plaies ouvertes. Du sang sur le beige. Il n'arrivait pas à comprendre. La rue insalubre s'était disloquée comme un tableau de verre, mille éclats scintillants qui ne voulaient plus rien dire. Il voulait s'éloigner. Quelque part.

« Qu…Qu'est-ce que… ? »

Où allait-il ?

Il avait perdu toute notion du temps ou de l'espace. Les rues se succédaient. Plus vite. Avait-il accéléré ? Il y avait des gens autour de lui, de la lumière. La ville et son fourmillement nocturne auquel il n'avait jamais rien compris. Des gens pressés. Ils ne faisaient pas attention à lui. C'était normal.

Est-ce qu'il marchait, courait, volait ? Il n'aurait su le dire.

Les gens, trop de gens. Les cris qu'ils poussaient et les cris qu'ils ne poussaient pas. Les bruits par centaines qui lui écorchaient les tympans, les lumières, l'agitation, les mouvements, et il n'y comprenait plus rien. Il n'avait jamais aimé les foules. Il se sentait un peu mal.

Son épaule heurta un mur. Peut-être courait-il, après tout. La ville immense s'éloignait et se rapprochait, tous les détails si précis et disproportionnés, se pouvait-il vraiment qu'il observât le monde depuis les airs ? Une musique abyssale semblait bourdonner à son oreille. Il n'aimait pas être ici. Trop de gens, trop de vacarme à ses oreilles fragiles, et il ne se sentait pas bien. Tout était flou, agressif, scintillant comme des éclats de verre brisé.

« …Kagi ? Je ne comprends pas… »

Partir. Toute cette agitation, ainsi que les relents d'une âcre et sanglante odeur qui semblait le poursuivre, tout cela lui donnait la nausée. Il allait à l'aveuglette, traversant des murs, des gens, des immeubles, heurtant des êtres et des choses, bousculant parfois des hommes et des femmes pressés qui fronçaient les sourcils, avant de sourire pensivement et de secouer la tête « J'ai dû rêver… »

« Peut-être… »

Cela avait-il vraiment pu se produire, ce sang si rouge et cette odeur si forte qui avaient surgi de nulle part ? Ce hurlement de cauchemar, la peur, le sentiment violent et douloureux qui avait empoissé l'air, brûlant comme le feu et dur comme un métal…Il ne comprenait pas. Sa tête et son cœur lui faisaient mal. Les cris et les plaintes, l'agitation, les violentes lumières, le vent glacial, la ville disloquée qui s'échappait de part et d'autre de son champ de vision comme une créature tentaculaire…Où allait-il ?

Il commençait à y avoir moins de monde. C'était bien.

Sa main suivait un mur de ciment dont les aspérités lui griffaient la paume. Le brouillard nocturne s'attardait sur toute sa surface en fines gouttelettes glacées. C'était humide.

Décidément, il faisait froid.

« Quelqu'un…Dites-moi… »

Ses doigts rencontrèrent le rebord d'une fenêtre. Ouverte. Le vent de mars le fit frissonner. Sans réfléchir, il agrippa la prise offerte et s'engouffra à l'intérieur. Alors seulement il retrouva son calme.

«…où se trouvent les frontières du rêve et du réel. »