« Roger ! Roger ! »
La jeune secrétaire de ce dernier courait à toute vitesse dans les couloirs. Enfin, dans la mesure du possible quand il s'agit de courir à toute vitesse quand on est chaussée de talons hauts et vêtue d'un tailleur en tweed. Surtout sur les parquets cirés d'un orphelinat.
« Roger ... »
Le directeur de la Wammy's consultait les bulletins du demi-trimestre dans son bureau, paisiblement installé dans un confortable siège de cuir vert.
La pièce avait une atmosphère chaleureuse, avec ses murs recouverts de bois blond, ses rangées de livres reliés et sa grande cheminée où flamboyait en flammes claires une bûche ajoutée quelques minutes auparavant .
Daignant enfin accordée quelques minutes de son précieux temps à sa nouvelle employée, il leva le nez des appréciations de Mello qui le lassait toujours pensif : ' Elève dissipé. Gâche son potentiel en farces puériles' ' Enfant doué mais enfant mal embouché'... Ou autres fadaises pédagogiques du même acabit.
La jeune femme remonta ses lunettes sur son nez retroussé, ramena une mèche de cheveu rebelle dans un chignon un peu secoué par sa course et, fait primordial, tenait un dossier sur lequel ses mains se crispaient.
« Nous l'avons retrouvé, Monsieur. »
Roger laissa retombée le relevé de l'élève le plus turbulent de l'établissement pour consulter la pochette que lui tendait la jeune femme, tout en confirmant ses doutes :
« C'est bien ... ?
Oui, Monsieur. Ceux sont toutes les informations que j'ai pu trouvé sur l'enfant dont les résultats ont dépassés ou sont équivalents à ceux de Near . »
Le vieil homme frissonna. C'était à la demande de Watari, que les tests de QI soumis aux nouveaux arrivants avaient été mis en ligne, afin de trouver -si c'était encore humainement possible- un candidat qui puisse rivaliser avec le numéro 1 et le numéro 2 de l'orphelinat, pour apporter à L de quoi trancher dans ses choix de sucession.
Roger avait été plus que sceptique à cette proposition, et il n'avait cédé qu'à la fin d'un long débat que son ami de toujours avait conclut d'une phrase qu'il le hantait alors qu'il faisait sauter les élastiques et parcouraient les pages qui révèleraient à la face du monde un nouveau génie :« Mon ami. Mon très cher ami. Il y a plus de six milliards d'êtres humains ici-bas. Un enfant né toutes les trois secondes. Tu veux bien croire qu'il y ait des génies au Royaume Uni, tu acceptes de chercher dans ce pays un sucesseur au plus grand détective de toute l'histoire et tu refuses d'essayer avec le reste du monde ? »
Et évidemment, Quillish avait encore raison.
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Pension McCurtis, quelque part en Ecosse dans les Hébrides
La directrice, Mlle Daisy McCurtis, avait du poil au menton, la peau flasque, des doubles foyers et un sale caractère. Mais un cette femme avait un don avec les adolescents les plus bornés et les plus déchaînés que lui envoyaient les clans les plus prestigieux de l'aristocratie écossaise. Bon, ses méthodes se limitaient à crier très fort et à mettre à la diète, mais elles étaient efficaces et la graine de vandale devenait entre ses mains un jeune adulte vigoureux et dur à la tâche.
Cette femme que les guerres, les déluges et les changements de politique économiques n'avaient sut ébranlée, se trouvait dans un état de dépression avancé : la meilleure de ses élèves, la plus polie, la plus travailleuse et certainement la plus pondérée, allait partir retrouvée sa riche et aritocratique famille pour les vacances de Noël. Et Mlle McCurtis a-do-rait 'cette gosse incroyable'.
Ce qui n'était pas tout à fait réciproque, aurait conclut n'importe qu'elle observateur objectif en voyant l'expression de la pauvre jeune fille quand le monstre des Hébrides, le démon des salles de retenues, enfin, l'immonde Chose Toute Molle et Pleine de Rides -la CTMPR- l'avait invitée à prendre le thé avant son départ.
Deux heures qu'elle était collée dans un siège en skaï qui ... collait. Deux heures qu'elle buvait un liquide infâme qui ressemblait très fort à du pipi de cheval. Deux heures que Miss McCurtis la couvait des yeux.
Red Watkins, depuis deux heures, avait très envie de pleurer toutes les larmes de son corps.
« Ma petite fille... commença la vieille lady, ma petite fille, une fois encore vous avez obtenu les meilleurs résultats nationaux avec mention. C'est très bien. »
Red pria très fort pour que la cheminée explose ou pour qu'un ouragan balaye le bureau exegüe, emportant dans son sillage la CTMPR avec sa pilosité en surplus et son odeur de patchoulis. Ou du moins qu'elle arrête de cacqueté en sous-entendant un possible lien de parenté entre elles deux.
Mais bien sûr, son voeu ne fût pas réalisé.
« Ma très chère enfant, afin de vous récompensez de vos efforts, j'ai décidée de vous faire un présent de votre choix -dans les limites du raisonnable, bien entendu. »
Red avait alors 10 ans. 5 ans qu'elle vivait dans cette pension chic et sordide, et qu'elle avait normalement droit à un argent de poche dont pas une seule pépette n'était venue arrondir les formes de son escarcelle. Elle resta bouche bée un bon moment, le temps de comprendre tout ce qu'impliquait les paroles de la harpie qui la dévisageait en souriant d'un air entendu.
Ce jour-là, laissant une directrice de pension sur le derrière devant une telle demande, la petite fille reçu sa première boîte à outils.
Rapidement, elle réalisa de rapides progrès en matière de mécaniques : son père, un chercheur à l'origine de la première central nucléaire du Royaume Uni, lui faisait parvenir par la poste toutes les pièces qu'elle demandait. Orpheline de mère, Veuf, ni l'un ni l'autre n'avait tentée depuis la mort tragique de leur mère et épouse de construire quelque chose qui s'apparentât à un lien d'affection dût à leur filliation, préférant rester le nez dans le cambouis ou dans l'accélérateur à particules.
Et, par coup de l'hérédité ou simplement par talent naturel, Red devint peu à peu sous les yeux vides des statues vôtives qui ornaient chaque chambre, un véritable génie dans son genre.
Ca avait commencer avec un jeu de Meccano reçu au Nouvel An, quand elle avait 4 ans. Puis des postes radios. Des engins téléguidés. Des vélos...
Jusqu'à ce qu'un jour, sa mère se suicide. Depuis, plus rien.
Jusqu'à ce qu'une vieille folle pleine d'un amour débordant à son envers lui donne ce qu'elle veut. Jusqu'à ce qu'un jour, par jeu ou par ennui, elle participe avec tous ses camarades de dortoir à un de ces nombreux tests, que l'on trouve sur internet ...
