Titre : Une heure en sursis
Auteur : ylg
Base : Death Note
Personnages/Couple : Namikawa Reiji x Midō Shingo
Genre : lime
Gradation : R-plus / M-plus
Légalité : propriété d'Ōba Tsugumi et Obata Takeshi, je ne cherche ni à en tirer profit ni à manquer de respect.
Prompt : "Death note - Namikawa/Mido (= membres du groupe Yotsuba) - effet aphrodisiaque de la peur - jouer aux échecs - Round 2 - 4 décembre sur kinkenstock
Continuité/Spoil éventuel : milieu à fin du premier arc
Notes : insiste un peu sur les "rôles sexuels" culturels
Nombre de mots : 2400 et des pépins de pomme
oOo
Kira a jeté son dévolu sur le groupe Yotsuba, et parmi les centaines d'employés, huit trônent dans le cercle des élus. Tous les huit se connaissent plutôt bien. Outre le fait de fréquenter les mêmes conseils d'administration et les mêmes événements mondains, depuis qu'ils sont liés par l'affaire Kira/Yotsuba, leurs liens se sont resserrés, par la force des choses. (Mais sans mener à l'amitié entre tous, toutefois – trop de suspicion, trop de calculs à faire.)
Ils ne savent pas tout de tous les autres, mais ont assez de renseignements pour se faire une idée de (ou parfois plutôt « des idées sur ») leur vie hors du groupe. De la passion pour la poterie de Hatori aux lunettes de Kida, ainsi que la situation familiale (au moins officielle) de chacun (plus parfois quelques échos de rumeurs...)
Parmi eux, Namikawa Reiji et Midō Shingo s'entendent bien, peut-être le mieux parmi les huit. Ils comprennent ce qui se passe autour d'eux et se comprennent l'un l'autre. Enfin, ils comprennent les autres aussi, ils savent les lire, mais eux se reconnaissent mutuellement et s'acceptent facilement. Ça ne fonctionne pas aussi bien avec d'autres...
Pendant l'affaire Kira/Yotsuba, Namikawa se retrouve à penser souvent à ses collègues, ce qui lui arrivait rarement autrefois – à moins d'une incompétence notoire, or là il n'a pas pour eux de pensée excessivement négative. (Bien au contraire, même, selon les cas.) Il effectue toujours son travail de la même manière – si ça l'avait affecté de manière prévisible, il n'aurait pas été choisi en premier lieu – mais avec les bouffées d'adrénaline depuis le contact par L son cœur bat plus fort. Il se sent pris une plus grande conscience du danger qui pèse sur eux à collaborer avec Kira.
Il vibre à l'unisson avec Midō, un peu moins avec Shimura trop froussard ou Ooi trop froid ; les autres, n'en parlons même pas. Ils entretiennent des relations professionnelles, et rien plus, aucune sympathie. Et certains se montrant même incompétent, plus ça va moins il les apprécie.
Namikawa et Midō sont tous deux des célibataires endurcis, faute de pouvoir trouver partenaire à la mesure de leurs désirs, vu leur position. Aimer son entreprise mais détester le monde de la finance, malgré cette même position, aide encore moins.
L'émission bidon sur Sakura TV made in L pour piéger Kira-Higuchi porte à son paroxysme l'étrange complicité qu'ils partagent tous deux.
L'attente à trois, avec Shimura, est quasiment insoutenable
C'est une partie d'échecs grandeur nature qui se dispute là, dans laquelle ils se croyaient des fous, des cavaliers, et se découvrent plutôt rois en danger, avec le risque grandissant de se retrouver finalement simples pions sacrifiables. Les quelques coups qu'ils peuvent jouer, ils les calculent et les mettent en œuvre avec précision.
C'est bien pire que jouer avec leurs employés, c'est encore différent de jouer avec la vie de leurs rivaux.
De ce temps, où c'étaient eux les joueurs, les maîtres du jeu, c'était excitant ; du temps où c'était juste leurs propres employés, avant de se retrouvés forcés à tuer leurs rivaux ça allait encore. Ça avait le goût de la transgression. Ça n'était pas tellement pire que toutes les magouilles obscures dont sont capables certains requins de la finance qui dégoûtent Midō, pour Namikawa c'était parfois la satisfaction de se débarrasser sans beaucoup de scrupules de subordonnés incompétents.
Mais maintenant, se retrouver soi-même sur l'échiquier, à la merci d'un inconnu, de forces qui les dépassent.
En misant sur la défaite de ce collègue-là devenu trop dangereux, c'est leur propre vie qu'ils mettent en jeu.
Une peur comme ils n'en ont jamais connue – même dans les pires OPAs où au moins, malgré des facteurs pas toujours maîtrisables, ils savaient dans quoi ils mettaient les pieds – s'empare d'eux.
Ici, ils ne savent rien des ficelles que l'on tire dans le noir.
C'est une sensation entièrement nouvelle, déplaisante d'abord ; passés les premiers moments, quand ils ont pris le temps d'y penser froidement, elle ravive leur désir de vivre, vivre, vivre, d'être libre, d'être puissant. Pas question de se laisser écraser ni par Kira ni par L ni par la peur !
La conclusion au JT plus tard, la mort de Higuchi, est un immense soulagement.
Shimura s'en retourne chez sa mère. Namikawa s'attarde encore chez Midō.
« Et toi ? Vas-tu rentrer chez toi aussi, maintenant ? »
Namikawa fait mine de reprendre sa veste, mais hésite. Il ne la renfile pas, finalement.
« Te laisser seul ? Buvons d'abord à la victoire.
- Nous n'avons pas fait grand' chose.
- Nous avons joué selon les règles de L, peut-être, mais assez finement pour tirer notre épingle du jeu. »
Et pourquoi pas le voir ainsi, effectivement… et puis, Midō n'a aucune envie de refuser quoi que ce soit à Namikawa. Il le ressert sans discuter.
Namikawa se carre contre les coussins et savoure la boisson avec un plaisir évident.
« Pas mauvais, ton Bourbon. »
Il l'apprécie d'autant plus maintenant qu'il le sirote avec plaisir. Tout à l'heure, ils ont bu surtout pour se donner une contenance, pour passer le temps, pour calmer leurs nerfs – surtout Shimura.
Namikawa maintenant philosophe :
« Prenons cette soirée comme des heures supplémentaires à faire, disons. Pour le bien de notre société.
- Pourquoi pas… mais maintenant ? » Quel prétexte prendre à cette beuverie nocturne – quoique beuverie soit un mot bien fort. Puisque ça n'est pas vraiment à la « victoire » qu'ils boivent…
Queue de fête ? après une belle partie d'échecs grandeur nature ? Peu importe désormais. Ils ont assez pensé comme cela pour ce soir.
En tout cas, après cela, Namikawa ne peut plus repartir. Ça ne serait pas sérieux, avec ce qu'il a bu, avance Midō, d'aller reprendre le volant maintenant. Quant à appeler un taxi et laisser sa voiture ici ? Ça non, Namikawa refuse.
Alors que tous deux cherchent une solution pour qu'il reparte ou une bonne excuse pour qu'il reste, le pour, le contre et les conséquences de chaque possibilité, une idée vient à Namikawa :
« Imagine... qu'L se soit trompé. Que malgré la mort de Higuchi Kira se soit échappé. Si c'était un stratagème de Kira, cette fin de soirée... Il nous contrôle. Ivre, Namikawa Reiji quitte la maison de son ami-
(Son ami ! Le cœur de Midō bondit à l'entendre prononcer ce mot – Namikawa n'y croit peut-être pas lui-même, ne le lance peut-être que pour singer ce qu'un œil extérieur pourrait penser sans savoir réellement...)
-malgré les conseils de celui-ci et se tue au volant…
- Si c'était le cas, tu serais déjà parti, à ce qu'il me semble. Ça n'est pas en restant… »
Il ne finit pas sa phrase. Il n'en a aucune envie. Il ne veut pas le voir partir.
« Je ne vivrai pas dans la peur.
- Moi non plus. »
C'est déjà fait pourtant, mais ils refusent de l'admettre. Ils ont cédé quelques jours, quelques heures, à l'angoisse, mais tout ça est bien fini, maintenant.
Namikawa jette sa veste. Cette fois au lieu de la poser avec nonchalance sur le bord du canapé, il la laisse carrément tomber avec négligence. Il défait sa cravate et Midō déglutit péniblement à cette vue. C'est un geste dont il croyait avoir l'habitude pourtant : voir un collègue desserrer un peu sa cravate pour se mettre à l'aise après le travail, quand l'atmosphère devient moins stricte... mais là, c'est complètement différent.
Il espère n'avoir pas à s'arrêter là.
L'alcool n'est pas seul à blâmer pour le feu qui leur monte aux joues à tous deux. C'est même plutôt une excuse pratique ; il n'a pas affaibli ce qu'ils ressentaient. Il aide à faire tomber les dernières inhibitions. Cette passion-là et l'envie de la réaliser, tant pis pour les conséquences, vient de tout autre chose…
Mais parce que Midō hésite juste un instant, Namikawa tente un coup osé : l'acculer. Jouer sur cette peur qui les a portés tous les deux et qui s'estompe juste.
Quitte ou double.
Cet état d'esprit exorcise sa propre peur et sublime son désir, et exacerbe aussi ce que ressent Midō.
« Imagine, reprend-il, Shimura Suguru est déjà parti et va se tuer sur la route sans pouvoir revoir sa chère maman. Et ce qu'on fait là... pas besoin d'alcool au volant. Alors « 28 octobre 2004, Namikawa Reiji et Midō Shingo vont baiser comme des brutes et s'étrangler mutuellement avec leurs cravates. Ils meurent tous les deux à 23h07 ».
- Ah ha ha !
- ...qu'en penses-tu ?
Ils n'osent plus penser, en cet instant. Plus maintenant en tout cas.
« Non, ne plaisante pas avec ça... »
Ils ne pensent plus, mais ce qu'ils savent...
Midō a toujours désiré Namikawa. Il est difficile de croiser Namikawa sans ressentir l'aura sensuelle qu'il dégage ; certains en sont jaloux, beaucoup y sont sensibles. Ce désir est exacerbé aujourd'hui. Et aussi, surtout, réciproque.
Pas de promesse d'amour, et alors ? L'amour de toute façon, ils n'y croient pas vraiment.
Dans le milieu où ils évoluent, ils savent que si un jour ils se marient l'un ou l'autre ça sera plus par intérêt. Mais il n'en est pas question ici et maintenant. Plus rien de ce qui est important pour eux d'habitude ne compte.
Dans ce salon encore empreint de leur attente fiévreuse, de leur peur mêlée d'espoir, mais également le souvenir de la présence de Shimura. Qu'il décide de négliger.
Il reprend son déshabillage. Les cravates sur lesquelles Namikawa s'est laissé aller à une mauvaise plaisanterie un peu plus tôt résistent un peu à leurs doigts rendus malhabiles par la précipitation, parce que Midō s'obstine à vouloir défaire sur place le nœud qui se présente à lui, Namikawa règle le problème en tirant juste dessus assez pour la desserrer et l'envoyer promener.
Le cou apparaît alors, avec les boutons de chemise défaits, puis les clavicules. Splendide.
Parce que Midō suspend ses gestes pour le contempler, impressionné, Namikawa marque également une pause. Et Midō prend pleinement conscience de ce qui est sur le point de se réaliser, une conscience un instant refroidie.
« Attends une minute. » Il est sur le point de protester : « Pas ici ».
Ça ne le dérangerait pas beaucoup dans d'autres circonstances. Mais là…
Peut-être vaudrait-il mieux passer au lit ; dans sa chambre ça sera plus intime ?
« Tu préfères prendre une douche d'abord ?
- Non, tant pis. »
Il n'a pas envie de perdre de temps, pas envie de se refroidir. Dans d'autres circonstances prendre une douche et retarder ainsi l'acte de quelques minutes permet de faire monter la pression, d'anticiper ; ici il craint qu'une fois éloigné sa résolution baisse. Il le veut ici et maintenant, dans le feu du moment.
Pas question de s'arrêter pour réfléchir.
Alors tant pis pour la sueur de l'excitation mentale, de la peur, tant mieux peut-être au contraire, puisque c'est justement ce qui les a menés dans les bras l'un de l'autre.
Et puis il ne veut pas attendre plus !
« Bien, exhale-t-il. Tant mieux. »
Rester là, au salon, sur le canapé trop petit pour être vraiment confortable, ça lui va mieux. Ils s'en accommoderont très bien l'un et l'autre. Namikawa n'a aucune objection à cela en tout cas.
Et les dernières réticences de Midō, il s'en débarrasse. Voir cet homme à demi nu éclipse toute réminiscence d'un collègue angoissé qui pourrait le bloquer. Juste eux deux. Plus de fantômes.
Ni de dieux de la mort. Juste deux humains, avec des corps de chair et de sang qui se pressent à la découverte l'un de l'autre.
Entre l'effeuillage général, ils savourent les gestes plus personnels : ôter les lunettes de Midō, baiser la bague que Namikawa garde au doigt. (Ça n'est pas une alliance, juste un bijou : cette pensée le remplit d'émotion.)
Les chemises fines et les costumes de prix se retrouvent abandonnés par terre, sur le luxueux tapis au pied du sofa, sans aucune considération pour le risque de les voir froissés, voire abîmés.
Pour d'autres convenances en revanche, ils mettent plus les formes…
Ils prennent un moment pour comparer leurs positions au sein de l'entreprise, lequel est au-dessus de l'autre ?
« Tu es PDG de la finance et directeur du marketing, je suis juste directeur de la première division commerciale. Tu es plus âgé que moi.
- De pas grand' chose, vraiment... Toi tu es plus grand.
- Ça ne compte pas non plus.
- Et alors ?
- Es-tu plus expérimenté ?
- Qu'en sais-tu… »
Sans doute que oui. En tout cas Midō veut le croire, ça entre dans l'image qu'il a de lui.
C'est Namikawa qui a pris les devants en tout cas. Et il les garde, au final.
Il se place au-dessus de Midō, qui l'espace d'un instant regrette qu'il ne porte pas ses cheveux juste un peu plus longs et en un catogan qu'il pourrait défaire. Quand Namikawa se penche vers Midō, ses longues mèches noires coulent directement au-dessus de leurs deux visages, sans toutefois descendre assez pour le toucher.
Namikawa l'embrasse dans le cou et murmure son nom. Son nom... Midō. Pour la première fois tout à l'heure, il a prononcé son prénom devant lui. Est-ce qu'au lit, une femme appellerait Namikawa « Reiji »? se demande-t-il. Une femme différente chaque soir, c'est ce qu'imaginent de lui ses collègues.
Lui, il n'a personne pour l'appeler par son prénom ni pour une nuit ni pour la vie et jusqu'ici il ne pensait pas non plus à la situation d'aucun de ses collègues. Et pas question que ça change juste là maintenant. C'est par leurs noms qu'ils se connaissent l'un l'autre, utiliser artificiellement leurs prénoms mettrait de la distance entre eux au lieu de les rapprocher.
Et puis de toute façon, ils ne vont pas beaucoup parler, là.
Midō se retrouve enfin sur son terrain. La partie d'échecs grandeur nature qu'ils viennent de subir, Namikawa était plus à même que lui à s'en tirer. Une partie d'épée à deux jambes, même si ça ne s'apparente que de très loin à l'escrime, c'est déjà plus son rayon.
Pourtant, il se laisse dominer. Il reconnaît le talent, la supériorité de Namikawa. Et maintenant qu'il ne risque plus sa vie ça n'a rien de si terrible, de se laisser faire. Entre les mains de cet homme ça serait même rassurant.
Un coussin glisse dans son dos. Il perd pied.
Quand Namikawa le pénètre, Midō se dit que si en cet instant, il se trouvait sous l'emprise de Kira, il ne regretterait rien pour autant. L'instant d'après, Kira disparaît entièrement de ses pensées, ses pensées elles-mêmes s'évanouissent, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que les sensations pures de la présence de Namikawa.
