Première variation.
Enjoy it
Une histoire de myrtilles.
Leur dernière chasse avait failli mal tourner.
Epuisés et blessés par les sorts jetés par la sorcière démoniaque de ce coin perdu d'Alabama, les frères Winchester n'avaient eu la vie sauve que grâce à l'intervention de Castiel. Le protecteur attitré de Dean.
L'ange leur avait lancé un regard lourd de reproches mais s'était abstenu de tout commentaire. Avisant rapidement leurs blessures et considérant qu'aucune n'était potentiellement vitale, il avait disparu dans un bruissement d'ailes. Les laissant au milieu de nulle part. Visiblement en colère.
Pour une fois, Dean n'avait pas eu l'audace de pousser ses sempiternelles plaisanteries sur l'attitude minimaliste de l'ange. Conscient que sans lui, ils ne seraient plus de ce monde.
En silence, cheminant cahin-caha, ils avaient rejoint l'impala déposant leurs armes désormais inutiles dans le coffre.
D'un simple regard, ils s'étaient compris. Ils s'étaient installés tant bien que mal et avaient repris la route.
Direction le Dakota du Sud.
Sioux Falls.
Vers leur "seconde maison".
Vers Bobby Singer. Leur "père de substitution".
Ils savaient qu'il leur ouvrirait sa maison. Le temps nécessaire.
Dean jeta un dernier regard au miroir de la salle de bain. Son reflet n'avait plus rien de commun avec le jeune homme hébété et fourbu que Bobby avait accueilli la semaine précédente. Les traces d'épuisement commençaient enfin à disparaître. Ses cernes étaient réduites à peau de chagrin. Sa musculature ne le faisait plus autant souffrir.
Il retrouvait son physique de jeune premier. Ses yeux verts étincelaient. Ses cheveux châtain foncés étaient de nouveau courts. Sa barbe rasée. Il était en pleine forme.
Refermant la porte, il descendit avec célérité les escaliers. Simplement heureux d'être en vie.
Bobby et Sam s'étaient absentés pour le week-end à la recherche d'un livre très rare. Ouvrage qui leur serait soit disant nécessaire à leur prochaine enquête. Mouais. Dean doutait que ce fut la raison principale à ce qu'il considérait comme une fuite pure et simple mais avait finalement accepté de rester à demeure.
Ainsi, il aurait la maison pour lui seul et il la surveillerait comme il l'entendrait. Plus besoin de partager les toilettes et la salle de bains. Il pourrait passer la journée à bichonner son Bébé, mettre ses pieds sur la table basse du salon pendant sa sieste. Il pourrait visionner en toute tranquillité les derniers épisodes du Docteur Sexy sans qu'on vienne lui rabattre les oreilles. C'était tout bénéf. pour lui.
Aujourd'hui c'était samedi. Ce soir, il irait dans un des bars de la ville. Sortir lui changerait les idées. Boire quelques bières. Draguer des filles. Et peut-être plus qui sait. Son programme était déjà tout tracé.
Mais avant, il avait quelque chose à réaliser. D'une nature un peu particulière.
Il se dirigea vers la cuisine et prépara tous les ustensiles et les produits dont il aurait besoin pour confectionner le produit de ses rêves.
Il se rappelait encore de la tête de Sam lorsqu'il lui avait demandé la veille de lui rapporter ces ingrédients. Il avait même cru un instant que son frère allait tenter un exorcisme pour vérifier son état mental.
"Non mais franchement. Tout se perdait dans cette famille. Ce n'est pas parce qu'il se contentait de hamburgers et de tartes aux pommes à longueur de journées qu'il n'aimait pas autre chose !"
Sans se soucier de ses gestes parfois maladroits, Dean s'investissait dans la confection de son dessert. Lisant et relisant les astuces pour la réaliser sans mauvaise surprise.
Etaler la pâte et la piquer. Ok.
Faire une crème pâtissière. C'était en bonne voie au vu de l'odeur qui se dégageait doucement de la casserole.
Laver et disposer délicatement les myrtilles sur la crème. Dernière étape avant la cuisson au four. A réaliser.
Gourmand, il ne pouvait s'empêcher de goûter au fur et à mesure de sa préparation.
La crème semblait exquise.
Picorant plusieurs myrtilles lavées sous le jet d'eau, il les portait à sa bouche pour en savourer toute la douceur et l'amertume.
Alors qu'il éteignait le feu de la gazinière et s'apprêtait à laisser refroidir la crème avant de la transvaser dans la pâte, il ressentit une présence derrière lui. Silencieuse. Comme toujours.
Il n'eut pas besoin de se retourner pour savoir de qui il s'agissait. Seul un être arrivait ainsi à le surprendre malgré toutes ses remarques sur son espace personnel. Un ange en trench-coat. Castiel.
- Alors Cas ? C'est une visite de courtoisie ou une visite professionnelle ?
Inconscient de l'image qu'il projetait avec ses lèvres maculées de bleu, c'est un Dean prêt à s'amuser qui se tourna vers l'ange un large sourire vissé aux lèvres.
Mais le regard qu'il perçut de Castiel l'intrigua. Il semblait littéralement figé. Limite catatonique. Son sourire s'effaça.
- Hey, Cas ! Buddy. Ca va ?
- Dean…
- Oui Cas ?
Il devait faire un petit effort. Il n'était pas très causant non plus mais là il s'attendait à tout. Alors peut-être qu'en insistant un peu il s'ouvrirait.
Pour sa part, Castiel n'arrivait plus à détourner son regard des traits de son humain. De Dean, son protégé. C'était au dessus de ses forces. Son corps semblait prendre vie bien malgré lui. Des fourmillements le démangeaient. Il désirait toucher sa peau, goûter le parfum de ...
- Ta bouche…. Tes lèvres….
Dean songea aux expressions parfois abruptes et inadaptées de Castiel et se maîtrisa avant de répliquer et de le blesser inutilement.
Il souffla intérieurement. "OK. Pourquoi lui parlait-il soudain des traits de son visage ? A peine une demie-heure plus tôt, tout était en ordre. Y aurait-il un effet secondaire quelconque lié à un sort de sorcière qu'il avait combattu une semaine plus tôt ? "
- Quoi "ma bouche, mes lèvres" ?
Seul le silence lui répondit. Là son ange le faisait franchement flipper. Il explosa :
- Mais parles bon sang !
La réaction de Castiel ne fut pas ce à quoi s'attendait Dean.
Incapable de comprendre les émotions qui le saisissaient à la vue de ses lèvres tentatrices, Castiel décida de se laisser emporter par la vague qui le submergeait.
En quelques secondes, il était collé à Dean. A son corps. A sa peau. A ses lèvres.
Ses doigts tremblèrent d'anticipation. Lorsqu'il les caressa enfin dans un frôlement il ne put s'empêcher de soupirer. Un léger gémissement franchit ses lèvres.
Mais cela ne lui suffisait pas. Un désir puissant s'éveillait au plus profond de son corps mortel.
D'un mouvement lent et léger Castiel posa sa main derrière la nuque de Dean et l'attira vers lui rapprochant leurs visages. Leurs fronts se touchèrent. Leurs souffles se heurtèrent et se mélangèrent.
Les yeux céruléens de Castiel brillaient de convoitise, de luxure. Sa grâce vibrait doucement. Il devait goûter à cette bouche. Lèvres contre lèvres. Maintenant.
Le contact doux mais ferme l'électrisa et s'amplifia au point de le dévorer.
Castiel se perdait dans ce flot de sentiments et de sensations : choix, risque, douleur, Bien, Mal, déchu, passion, rejet, amour, désir. Peu importait. Il vivait là sa plus belle expérience érotique d'ange. Avec Dean. Un homme qu'il avait sauvé dans la profondeur des Enfers. Enfin, il était à sa place, au creux de ses bras.
Trop surpris par le geste, Dean n'esquissa aucun mouvement au départ bien conscient que Castiel ne maîtrisait pas ses réactions. Définitivement quelque chose clochait chez lui. Il devrait rapidement déterminer de quoi il en retournait. Sinon il s'exposait à de grands dangers. Pour lui. Pour autrui.
Pourtant il se surprit à apprécier ce contact viril et masculin. Lorsque les lèvres de Cas prirent possession des siennes, il ressentit un étrange bien-être qu'il n'avait jamais connu. Il laissa donc Cas mener sa propre expérience. Fermant les yeux à son tour, il se détendit contre lui. La marque sur son épaule le brûlait preuve que la grâce de Cas s'insinuait dans son corps par ce point et se propageait l'inondant de chaleur et d'amour. Il l'accepta.
Le baiser prit fin aussi soudainement qu'il avait débuté.
Castiel se tenait à nouveau devant lui à quelques pas. Droit et stoïque. Les yeux baissés vers le sol en signe de gêne voire de honte.
Alors que Dean s'apprêtait à dire un mot, Castiel le devança :
- Bleues.
- Pardon ?
- Ta bouche, tes lèvres étaient bleues.
Dean réfléchit un instant associant toutes les idées lui venant à l'esprit et éclata d'un rire libérateur lorsqu'il comprit l'origine de son comportement.
Castiel releva ses yeux vers lui et le dévisagea inquiet de voir la joie illuminer les traits de Dean.
- Cas. Les anges auraient-ils par hasard un attrait particulier pour les myrtilles ? Genre une odeur ou une couleur qui agirait comme une phéromone ?
- Non. Seule la myrrhe a ce pouvoir.
- Eh bien. A présent ce n'est plus le cas. Lorsque tu es apparu, je venais de manger des myrtilles. J'avais donc les lèvres bleues. Ce qui t'as interpellé et conduit à ce geste. La myrtille a tout l'air d'avoir un effet dévastateur sur toi et tes hormones, mon petit Cas ! Que ce soit divin ou pas !
Pâlissant à vue d'œil, Castiel ne semblait pas goûter à sa plaisanterie.
Dean cessa ses piques et s'approcha rompant ses principes. Avec ce qu'ils venaient de vivre, ses règles n'avaient plus lieu d'être.
Il prit la main de Cas et la posa sur son épaule à l'exact endroit de son empreinte d'ange. Il devait lui montrer par des gestes à défaut de mots. Il ne saurait dire s'il l'aimait ou pas mais il était au moins sûr d'une chose : il voulait revivre cette expérience.
Ses yeux émeraude plongèrent dans le bleu troublé de son homologue. Cette fois-ci il allait initier de son propre chef un tout autre baiser. Plus fougueux. Plus poussé.
Mais au moment où il allait mettre son projet à exécution, il fut interrompu par un bruit de pas venant dans leur direction.
S'armant d'un couteau de cuisine, il se glissa dans un angle mort. D'un signe de tête, Castiel se dématérialisa. Retenant sa respiration, il allait porter un premier coup lorsqu'une voix connue résonna à ses oreilles.
- Dean. T'es dans la cuisine ?
- Sam. Bobby. Vous êtes déjà revenus ?
- Oui. Ton frangin si intelligent n'a rien trouvé de mieux que de nous envoyer dans un bled paumé à l'opposé de celui où on était censé récupérer le grimoire ! Résultat : 16 heures de route pour rien ! A l'avenir, on s'en tiendra aux bonnes vieilles méthodes : la carte routière. Je vais me coucher je suis mort.
Si Sam n'osait pas relever la tête un peu honteux de leur mésaventure; Dean lui songeait à tout autre chose : Adieu tarte aux myrtilles. Adieu Cas et ses baisers angéliques. Bienvenue à la famille.
FIN
La suivante jeudi soir.
Au plaisir de vous lire
Biz
Marianclea
