Un rire, un cri de victoire. L'homme vaincu était à terre, le flanc couvert de sang et ne pouvant plus bouger. Le vainqueur ne cessait de rire et s'en alla avec des grands cris, tenant d'une main sa propre baguette, de l'autre brandissant une deuxième qui n'était pas la sienne. Avec lui des rugissements d'animal résonnaient dans la tête du sorcier blessé, laissé là pour mourir de ses blessures dans la honte. Celui-ci serrait encore son épée de rubis entre ses doigts avec rage, tentant par tous les moyens de se relever pour faire taire cet impotent. L'effort fut cependant de trop et sa vue se brouilla sur une silhouette inconnue qui s'avançait vers lui...

Ce fut en sursaut que Godric se réveilla, le cœur battant. Il sentît une grande douleur là où son adversaire l'avait grièvement blessé et une frêle main se posa sur son torse pour lui intimer de se recoucher.

« Du calme voyons…vous ne craignez rien ici, le plus sage pour vous serait de vous octroyer un peu de repos. »

Godric obéit en posant son regard vers le vieil homme devant lui. Il semblait très âgé et plus fragile qu'une branche morte, bien que les restes d'une carrure anciennement robuste étaient visibles. Une courte barbe blanche non soignée entourait son menton. Il gardait les yeux fermés tout en replaçant la couverture sur le sorcier.

« Qui êtes-vous ? » demanda Godric avec stupéfaction, se demandant où il était et l'identité de ce qui apparaissait comme son sauveur.

« Oh Seigneur, je suis l'ermite du village, un pauvre homme sans pouvoirs qui se contente de vivre paisiblement dans cette forêt. »

« Ermite ? »

Quel était cet homme ? Un cracmol ? Il n'en avait jamais entendu parler, il doutait qu'il y eut une once de civilisation dans cette partie de la forêt.

« Quel est ton nom ? Est-ce toi qui m'as sauvé d'une mort certaine du à ma déroute ? »

Le vieil homme opina du chef tout en écrasant des plantes avec un mortier.

« Bedwyr Seigneur. J'étais effectivement avec mon cheval lorsque j'ai entendu cet homme avec ce dragon partir en vous laissant avec l'intention de vous laisser pourrir ici. »

« Je pense que je te dois une fière chandelle en ce cas Bedwyr » répondit alors Godric avec un sourire franc.

« Si je puis vous donner un conseil Seigneur, un duel n'est pas une chose à accepter sans connaître son adversaire ou le lieu du combat. »

« Je le sais mais je me suis emballé comme à mon accoutumée, à mon âge je réponds encore aux brimades et insultes. Je ne sais répondre que par le combat et celui-ci était de trop. C'est une bonne leçon et dès que je serais guéri je repartirai affronter ce malotru et récupérer ma baguette. »

Le vieil homme eut un sourire amusé tandis qu'il s'écartait pour aller chercher une petite fiole dans un placard et revenir pour en incorporer deux gouttes dans son bol où il écrasait les plantes. Godric se demandait comment il pouvait se repérer en gardant obstinément les yeux clos.

« A votre « âge » ? » reprit alors l'ermite. « Et quel âge avez-vous ? Vous semblez de noble famille, je l'ai remarqué à vos habits et votre épée. » il fit un geste de la main pour désigner les riches vêtements de Godric ainsi que son épée de rubis, posés sur un tabouret. « Etes-vous du comté ? »

« Qui suis-je ? Ne le vois-tu pas, vieil homme ? » s'interrogea Godric en se demandant comment même un ermite pouvait ignorer son identité. Celui-ci eut un autre sourire en ouvrant les yeux en direction du sorcier. Des yeux vides, d'un bleu trop pâle et flou qui ne voyaient rien.

« Oh…je te pris de m'excuser. »

« Ce n'est rien Seigneur, mais contez-moi, qui êtes-vous et comment en êtes-vous arrivé à répondre au duel déloyal de cet homme ? »

« Hum…il n'est pas le premier qui me lance un duel, qui cherche à me descendre de mon piédestal et me ridiculiser, vouloir se vanter de m'avoir battu. Je suis habitué aux jaloux et aux lâches de son genre, mais je n'aurais pas dû y répondre cette fois-ci. J'ai des responsabilités et ce geste était idiot. De plus, je me suis laissé surprendre par ce dragon qu'il a su apprivoiser par je ne sais quels noirs moyens. Il m'a poussé à me réfugier dans ce marécage, où il connaissait la présence de ce Kelpy, ah le lâche ! »

« Je connais cet endroit par cœur, et j'avoue avoir failli méprendre ce Kelpy avec mon cheval, et j'ai bien failli être dévoré ! » dit-il avec un éclat de rire comme s'il racontait un plaisant souvenir. Il termina sa mixture et la donna à boire à Godric en lui promettant de se sentir mieux. « C'est un remède efficace qui vous aide à soigner votre blessure de l'intérieur. Je suis conscient que si vous aviez votre baguette…un simple sort et vous pourriez guérir bien plus vite. »

« Ce n'est rien, c'est parfait, merci de tout cœur pour ton aide si précieuse. » répondit Godric en prenant le bol et l'avalant. Il se sentit ensuite fatigué et s'endormit sans s'en rendre compte.

Lorsqu'il se réveilla, un bol de soupe était posé à côté de lui. Il le but sans ménagement, étant affamé et se demanda où était le vieil homme. Il était un cracmol…c'est pour cela qu'il était un ermite. Il paraissait qu'avoir un cracmol chez soi était une malédiction, et que si on le gardait on risquait de perdre soi-même sa magie, et qu'on était maudit par les dieux. Godric n'avait jamais cru à cette croyance et ne comprenait pas comment des parents pouvaient abandonner leur enfant sous prétexte qu'il n'avait pas de pouvoirs. Il avait déjà entendu que certains étaient allés jusqu'à tuer leur progéniture…

C'est à ce moment que Bedwyr rentra avec un lapin pour dîner et le posa sur la table. La maison ressemblait plus à une cabane, et ne comportait qu'une pièce. Godric utilisait l'unique lit de la maisonnée, et se trouva honteux de sa richesse et de son confort face à ce démuni.

« Vous êtes réveillé Seigneur ? La soupe vous a-t-elle convenu ? »

« Elle était délicieuse. J'ai honte de profiter ainsi de tes services et de ta nourriture, tout en te privant de ton lit. »

« Ce n'est rien du tout, et puis vous m'offrez un peu de compagnie, il y a longtemps que je n'ai pas eu l'occasion de converser avec quelqu'un. » répondit-il avec calme en prenant le tabouret où la veille étaient posés les affaires de Godric pour s'asseoir à côté du lit.

« Où sont mes vêtements et mon épée ? » demanda le sorcier avec inquiétude.

« Votre épée est au pied de votre lit, et vos habits avaient besoin d'être lavés. »

Godric fut une fois de plus surpris par la bonté du vieil homme et perdit ses mots.

« Maintenant Seigneur, j'avoue être curieux et vouloir vous connaître un peu plus. Et si vous me contiez vos exploits, vos expériences ? Je suis un peu coupé du monde ici, et j'aimerais tellement vous entendre en parler, me conter ce que vous avez vécu. »

Godric resta coi et dit après quelques secondes, souriant avec amabilité :

« C'est bien la moindre des choses que je puisse faire. »

Le vieil homme acquiesça en s'installant plus confortablement sur son tabouret, prêt à tout entendre de cet homme qu'il abritait.

« Je suis né bien loin d'ici, dans les landes sauvages, fils unique de riches sorciers qui possédaient ces terres. Je n'ai jamais accordé d'importance à la richesse ou aux origines des gens que je rencontrais, moldus ou sorciers. J'ai toujours été très curieux, et j'ai vite développé ma soif d'aventure. Ainsi alors que je n'étais pas encore un homme j'ai quitté mon foyer, pour le grand désespoir de ma mère. » Godric eut un faible sourire en se remémorant ces années.

« J'ai toujours eu le sang chaud et l'esprit rempli des exploits héroïques qu'on me contait dans mon enfance. Je voulais devenir quelqu'un d'important, aider les gens, devenir l'égal de mes héros, et surtout je voulais y arriver par moi-même, et non grâce à mes origines. Je suis donc parti avec les affaires auxquelles je tenais le plus, coiffé de mon chapeau et habillé de ma courte épée dont j'avais appris à me servir, sous les yeux médusés de mes parents. Mon maître, Kian, m'a tout enseigné des duels à l'épée, il était comme un second père pour moi. Mais il ne voulut pas que je parte si jeune, il disait que j'allais me faire tuer et nous avons eu une grande dispute. Je suis finalement parti, sans son accord. »

Il se pencha légèrement en avant, de la manière de celui qui avoue un secret.

« Je peux te le dire Bedwyr, j'ai traversé tout le pays sur mon cheval, devenant plus fort mais pas moins fou à chaque obstacle que je rencontrais. Pendant mon voyage je faisais la connaissance d'un autre sorcier avec qui je me liai de suite d'amitié. » il s'arrêta, emprunt du souvenir de sa rencontre et voyant que le vieil homme l'attendait, il reprit avec un sourire bienveillant.

« Lui connaissait les marécages, tu peux me croire, Bedwyr. Nos caractères étaient opposés, et nous nous chamaillions sans arrêt, mais malgré nos différences nous avions le même but. Nous voulions montrer au monde que les sorciers étaient forts. Je voulais prouver aux moldus que les sorciers n'étaient pas mauvais tandis que lui avait plus d'ambition et voulait se faire connaître. Lui aussi était d'une noble famille, mais avait une aversion pour les moldus qu'il considérait comme nous étant inférieurs. Il s'est d'ailleurs souvent raillé de moi en me voyant avec une arme moldue en plus de ma baguette. Je n'ai jamais aimé ce côté de sa personnalité, mais j'avais tant d'affection pour lui que l'on avait décidé de ne plus aborder le sujet « moldu ». »

Il raconta ensuite comment Salazar l'avait rejoint dans son aventure pour explorer le monde, bien que préférant vivre dans le luxe et la richesse. Il décrivit les lieux qu'ils avaient traversés en remontant vers le nord en suivant les fleuves, allant là où les courants les menaient et allant là où l'aventure les appelait. Bedwyr s'émerveillait de ces récits, bien qu'il sût qu'il y en avait encore d'autres à venir, sûrement encore plus fantastiques. La journée passa vite et après avoir partagé un autre repas, Godric dut se reposer de nouveau pour récupérer, pendant que le vieil homme reprenait ses soins. Les jours qui suivirent, Godric continuait son récit en racontant comment ils avaient rencontré une jeune sorcière qui réussissait à régler n'importe quel conflit, en trouvant les mots justes et ayant un sens aigu de la justice. En passant par ce village en pleine forêt, Salazar et Godric avaient été impressionnés par sa patience et son calme qui lui avait permis très jeune d'être demandée par le Seigneur des terres pour le conseiller. Lorsque les deux amis s'étaient retrouvés en ces lieux et avaient expliqué qu'ils comptaient explorer tout le pays et se faire connaître du monde, la jeune femme en avait été interpelée. C'est lors d'une dispute entre Godric et Salazar que la jeune femme était intervenue et leur avait permis de se réconcilier. Eux qui finissaient toujours leurs querelles par des menaces et disaient qu'ils rentreraient chez eux, les mots de la sorcière avaient éteint leurs différends. Ils lui avaient dès lors proposé de les accompagner dans leur périple afin de vivre l'aventure, elle aussi. Ils la protègeraient et en contrepartie elle les aiderait grâce à ses qualités d'oratrice. S'ennuyant de son comté, Helga accepta et quitta donc son village pour se joindre aux deux garçons.

Elle leur fut d'une très grande aide et leur évita bien des malheurs, tout en s'avérant être une merveilleuse cuisinière, ce qui avait amélioré considérablement leur confort. Ils étaient devenus vite amis et de plus en plus puissants au fil des semaines, se faisant connaître de partout. Les sorciers étant chassés des moldus ils devaient bien souvent fuir, sous les conseils d'Helga, même si Salazar ne craignait pas les moldus et que Godric était toujours prêt à se battre.

Ils étaient arrivés en Ecosse, où ils avaient été transportés par ses magnifiques châteaux, sans conteste les plus beaux qu'ils n'aient jamais vus, dans un décor de montagnes. Le Seigneur des lieux était un moldu qui craignait par-dessus tout les sorciers et leur faisait une véritable traque. Il s'était montré suspicieux en les voyant et les avait menacés de les tuer s'ils ne prouvaient pas qu'ils n'avaient pas de pouvoirs. Salazar n'en avait eu que faire mais Godric et Helga l'avaient retenu, se pliant aux volontés du Seigneur. Ils avaient été alors enfermés dans les cachots du château en se voyant désigner une épreuve à chacun, selon leurs aptitudes. Il vivait dans ce château une érudite qui se trouvait être une sorcière, mais n'avait jamais été découverte. Elle avait eu vent de l'histoire et était allée voir les prisonniers pour leur donner des conseils et leur permettre de réussir leurs épreuves. Son intelligence hors du commun leur avait permis de passer les épreuves du Seigneur sans difficulté majeure. Godric avait voulu la remercier pour sa sagesse et l'aide précieuse qu'elle leur avait apporté en lui promettant de construire un château pour elle, dont elle serait maîtresse. La jeune femme avait refusé mais s'était prise de sympathie pour les trois sorciers, en particulier Helga qu'elle ne lâchait plus. La jeune femme se trouvait être aussi douée en magie et sortilèges qu'en sagesse, ce qui n'avait pas déplu aux trois autres qui l'avaient bientôt considérée comme leur égale par la puissance. Elle s'était proposé de les accompagner dans leur aventure, voulant elle aussi découvrir de nouveaux paysages et rencontrer d'autres gens.

Quelques jours plus tard donc, Godric en était là de son récit lorsque Bedwyr lui demanda, comme chaque jour à la même heure, de continuer son histoire qui semblait le passionner.

« Qu'avez-vous fait tous les quatre ? Où êtes-vous allés ? Par Merlin, Seigneur, continue ton récit. »

Godric rit en le voyant si pressé et fit rapidement la grimace en sentant la douleur à son flanc.

« Vous avez encore mal ? Voulez-vous une autre potion ? » s'inquiéta le vieil homme.

« Non Bedwyr je te remercie de ta sollicitude, d'ailleurs ça me fait bien moins mal qu'auparavant, grâce à toi. »

Le vieil homme sourit et revînt sur son tabouret, abandonnant la potion sur la table de chevet.

« Et si, pour une fois, c'était à toi de me conter quelque chose ? » proposa gentiment Godric en lissant sa barbe mordorée teintée de gris.

« Oh moi, ma vie n'est rien, elle n'est pas très attrayante ni très passionnante. Ce que je désire, c'est vous écouter, car votre vie me semble bien plus remplie que la mienne. »

« Une autre fois alors…mais ce n'est que partie remise, vieil homme. » le taquina le fondateur. « Où en étais-je…ah oui, ça me revient ! Dis-moi Bedwyr, savais-tu que les enfants manquent gravement d'éducation magique ? Les sorciers sont pourchassés dans tout le pays par les moldus qui en ont peur, ils sont contraints de se cacher et ne peuvent déployer leur magie. Les enfants ne savent pas utiliser leurs pouvoirs et parfois leurs parents ne leur consacrent pas assez de temps ou ne peuvent pas, seuls les riches peuvent se le permettre et ont des professeurs…vois-tu où je veux en venir ? »

« Pas vraiment Seigneur… » avoua le vieil homme en fronçant les sourcils.

« Durant notre long voyage, nous rencontrions partout des enfants qui dépensaient leur magie sans retenue, ne la maîtrisaient pas, parce que personne ne leur avait appris à la contrôler ou s'en servir convenablement. Sans compter que comme tu dois le savoir, les sorciers sont en grande minorité par rapport aux moldus qui ont peur de nous, et les sorciers doivent se cacher. Ce n'est donc pas pratique pour de jeunes enfants de faire face à cela, et d'apprivoiser leur magie puis de savoir utiliser leur baguette de la bonne manière qui soit. Nous sommes tous les quatre tombés d'accord. Les enfants sont notre avenir, ce sont eux qui seront les maîtres quand nous ne serons plus. Les éduquer est donc la base même de notre avenir. »

Le vieil homme avait eu le sentiment d'être face à un excellent orateur parlant à une masse.

« Il faut que tu saches Bedwyr, que bien qu'étant des sorciers accomplis, notre projet n'était qu'une ébauche. Ce qui nous était apparu au départ comme une idée folle, lancée en l'air, devînt bientôt une obsession. Nous sommes retournés chacun dans nos chez nous, décidant de réaliser ce projet grâce à notre argent à moi et Salazar, et à notre volonté. Etant tombé amoureux des paysages de l'Ecosse, et trouvant ce décor parfait pour nous cacher, nous décidâmes de créer une école à cet endroit. »

Godric eut un air nostalgique que Bedwyr ne vît pas, mais devina. Il demanda tout à coup au vieil homme, comme piqué d'une inspiration :

« Bedwyr, as-tu entendu parler des « Quatre de Poudlard » ? »

« Certes Seigneur, seriez-vous l'un d'eux ? J'ai entendu des histoires tragiques à leur encontre…»

Godric perdit son sourire et se relaissa tomber sur son oreiller.

« Tu as raison en tout point…mais nous n'en sommes pas encore là. »

« Veuillez me pardonner, poursuivez donc. »

Godric eut un faible sourire et se replongea dans son histoire, se redressant de nouveau quelque peu.

« Très bien. Nous sommes donc retournés en Ecosse, ici, pour construire notre école de sorcellerie. Nous étions tous les quatre très excités, et alors que nous proposions nos idées aux villages alentours, aucun n'acceptait de nous aider, les portes se fermant devant nous. Nous commencions par désespérer de ne trouver aucune âme qui approuve notre plan et mette son village à notre service pour construire notre école et nous héberger tout le long des travaux. Ce fut en entendant des rumeurs de loups-garous sévissant dans un des villages sorciers où nous étions passés que j'allais voir, muni de ma baguette et de mon épée, sans que mes compagnons ne le sachent. Je ne mesurais pas à ce moment les conséquences que mon geste allait entraîner. Je repoussais les loups en y mettant toute ma hargne envers ces monstres qui sous forme humaine, pillaient le village et brûlaient les maisons, et sous leur forme démoniaque massacraient sans distinction hommes, femmes et enfants. A cette bataille je montrais autant d'adresse à la baguette qu'à mon épée, et j'imposais le respect et l'admiration des habitants qui ne savaient comment me remercier d'avoir chassé les loups. C'était simple, la seule récompense que j'acceptais était que les habitants nous aident à construire notre école, juste à côté de leur village. Ils ne purent qu'accepter et j'en informai mes compagnons. Salazar me félicita, Rowena critiqua mon élan irréfléchi et Helga mon manque de prudence. Mais bientôt nous pûmes discuter des plans divers et complexes, et construire peu à peu notre école. La construction fut longue, très longue, et les rumeurs de mon exploit commençaient à se répandre, ainsi que notre projet. Le forgeron du village me conseilla de me trouver une plus puissante épée, une épée qui indiquerait à chaque personne que je croisais qui j'étais. »

Godric demanda à Bedwyr de lui passer son épée et après l'avoir sorti de son fourreau, la tourna entre ses mains en se rappelant le jour où il l'avait obtenu.

« Je ne vais pas me perdre en détails inutiles, mais un gobelin à qui j'avais rendu un service lors d'un de mes voyages (car on commençait à m'appeler de partout en me réclamant mon aide) m'a promis mon épée. Les gobelins sont les meilleurs forgerons du monde mon ami, mais ce sont des créatures très fières et ne sont pas du genre à avouer qu'elles ont travaillé pour un sorcier parce qu'il les avait aidé. Ainsi le gobelin qui me forgea mon épée trouva comme excuse à ses semblables que je lui avais volée cette épée après l'avoir obligé à écrire mon nom dessus… » il sourit amusé et la mit entre les mains de Bedwyr pour qu'il puisse la toucher, sentir sa puissance. Il fut déçu que le vieil homme ne puisse voir sa superbe couleur argentée ainsi que les rubis qui y étaient incrustés.

« Comme me l'avait dit Dallan, le forgeron, cette épée me fit connaître de tous. Mais revenons à nos hippogriffes. Au fur et à mesure que la construction avançait, nous commencions en même temps à enseigner, définissant les matières principales dont avaient besoin les enfants et nous les répartissions entre nous. Les débuts furent difficiles, je ne te le cache pas, et les élèves peu nombreux. Mais bientôt l'écho de notre projet retentit dans monts et vallées. Des parents voulaient que leurs enfants soient protégés et reçoivent une éducation digne de ce nom, et de plus en plus de sorciers nous confièrent leurs enfants, vivant dans l'école même. Bien qu'ils ne soient pas si nombreux, nous devions nous les séparer en groupe, chacun s'occupant des siens. Là nos différences ressortaient, et nous voulions tous des enfants qui nous ressemblaient. Pour moi les valeureux qui osent affronter les dangers étaient ceux qui méritaient mon enseignement. Ma devise était « Tout apprentissage ira d'abord aux enfants de courage ! » Rowena elle, me laissait volontiers ces têtes brûlées et regroupait plutôt les enfants sages, avides de savoir, pour elle les clés de la réussite. « Tout homme s'enrichit quand abonde l'esprit » disait-elle. Salazar se montrait quant à lui bien plus restrictif, et ce que je n'aimais pas chez lui ressortit alors dans ses choix d'élèves. Il refusait tous ceux qui n'avaient pas le sang pur, et privilégiait ceux qui avaient de l'ambition et étaient assez malins pour réussir dans ce monde. Helga était tout le contraire, et acceptait avec elle ceux qu'aucun de nous trois n'avaient pris, en leur disant bien que la tenacité et la patience menaient à tout ce qu'ils pouvaient désirer. Nous créâmes des blasons pour que nos élèves soient différenciés entre eux, et ce fut le début du concept des maisons, portant nos noms respectifs. »

Godric s'arrêta dans son récit étouffant un bâillement.

« Quand pourrais-je sortir de ce lit Bedwyr ? » dit-il alors en sortant de son récit.

Le vieil aveugle qui semblait perdu dans un rêve sursauta et tâta la blessure de Godric, sous les grimaces de celui-ci.

« Bientôt Seigneur, la plaie est presque guérie, vous pourrez marcher dans un ou deux jours je dirais. »

« Ce que tu dis me console, j'avoue ne pas avoir l'accoutumance des repos prolongés et de ne pouvoir bouger et me défouler. »

Bedwyr fit un large sourire en se levant du tabouret, rangeant l'épée du sorcier sans dire mot, tandis que celui-ci s'endormait.