CHILD
1. Un enfant?!
Greed
Je m'allonge à côté de lui, il est épuisé et moi, je suis au meilleur de ma forme. Il se blottit contre moi et me fait savoir qu'il a apprécié. Je l'embrasse une fois de plus à pleine bouche, me délectant de ses fines lèvres. Je lui fait comprendre que j'ai encore envie de lui faire l'amour, mais il me repousse gentiment. Il est fatigué, alors je ne le brusque pas et j'essaye de m'endormir. Je le serre dans mes bras, comme quelque chose que l'on ne veut perdre pour rien au monde, et je passe lentement ma main dans ses longs cheveux couleur ébène. Il soupire d'aise, il adore. J'aime le savoir près de moi, j'aime tant sa présence (bien qu'il soit particulièrement dangereux). Je voudrais rester avec lui toute ma vie; seulement, mon espérance de vie est bien plus longue que la sienne, et c'est là tout le problème. Je ne veux pas qu'il meure mais je sais que c'est inévitable, le glas sonnera pour lui bien plus tôt que pour moi; je ne peux pas accepter une telle évidence. Je ne VEUX pas l'accepter. Ne pas vieillir et être quasi immortel me déplaît de plus en plus depuis que je le connais. Je ne le laisserai pas mourir avant moi, quitte à me suicider autant de fois qui le faudra jusqu'à ce que toutes mes vies soient épuisées.
Il s'est endormi. Je le serre un peu plus fort. Peut-être ai-je peur? Dire qu'il n'y a pas si longtemps encore, mon seul but était de dénicher l'immortalité. Mais en avais-je vraiment envie? Pour sûr que oui! Après tout, j'incarne le péché de l'avidité. Pourtant, lorsque j'ai découvert qu'il me jetait fugitivement des regards et qu'il détournait vivement ses yeux alors que le rouge lui montait aux joues, la vie éternelle que je convoitais tant, a perdu peu à peu de son attrait. Il n'y avait plus qu'une chose qui m'importait: savoir ce qui forçait cet homme à me regarder par à-coup.
Un jour donc, je l'ai coincé dans le couloir et je lui ai demandé. Il a feint l'ignorance en ne cessant d'éviter mon regard. Alors je l'ai attrapé par le menton et l'ai forcé à me regarder en face. Quelques instants après avoir fixer mes yeux mauves et dénués d'humanité, il s'est mit à rougir et a fait une chose à laquelle je ne m'attendais vraiment pas: il m'a embrassé, puis s'est tiré en courant. J'avoue que je suis resté là un moment sans comprendre, mais par la suite, j'ai fait le point et me suis rendu compte que ce baiser, je l'avais apprécié. Etrange... Moi qui étais plutôt un homme à femme, comme me le suggère mon instinct, voilà que je me prenais à penser à cet homme qui, pourtant, était réputé sans scrupule et sans une once d'humanité. Par cet acte, il n'en était devenu que plus intéressant à mon goût; il prouvait par là qu'il n'était pas aussi insensible qu'il voulait bien le faire croire. Et cela me plaisait.
Je suis donc retourner le voir un soir pour parler. Je frappai contre le bois et quand il me reconnut, il tenta de me fermer précipitamment la porte au nez. Heureusement que je suis plus fort que lui dans ce domaine. Il tomba à la renverse et pendant qu'il se trouvait à terre, je fermai la porte à double-tour. En entendant le bruit de la clé tourner dans la serrure, il m'a semblé qu'il paniqua et renonça à s'approcher de la porte pour s'éloigner le plus loin possible de moi. Je prenai la clé et la fourrai dans la poche intérieure de ma veste. A chaque fois que j'avançais d'un pas, lui reculait d'un autre; au final, son dos rencontra le mur et j'eus le loisir de l'approcher sans qu'il puisse m'éviter de quelque façon que ce soit. Il avala difficilement sa salive pendant que je souriais d'un air goguenard, face à cette situation qui avait l'air de l'embarrasser plus qu'il n'en fallait, à la vue de ses joues aussi rouges que des pivoines. Je ne bougeai plus et lui demandai une seule chose:
- Embrasse-moi.
Là je peux dire que j'étais fier de moi; je ne l'aurais pas plus abasourdi si je lui avais annoncé qu'il pouvait me transformer en bombe autant de fois qu'il le souhaiterait. Il devint encore plus rouge, si c'était possible. Il hésita, puis approcha son visage du mien, lentement. Il frôla mes lèvres des siennes en un baiser timide; je ne lui répondai pas, attendant de voir ce qu'il allait faire. Comme je l'espérais, il osa plaquer complètement sa bouche sur la mienne, détruisant ainsi toutes les barrières que j'avais érigées. Je l'embrassais goulûment tandis qu'il passait ses mains dans mes cheveux. Je m'étonnais moi-même, jamais je n'avais ressenti pareille sensation lorsque j'embrassais quelqu'un; même toutes les femmes qui sont tombées dans mes bras n'ont pas été autant à la hauteur de mes attentes. Elles, ce n'était que par ce que j'étais le beau et riche patron du Devil's Nest, rien d'autre. Avec lui, je découvrais autre chose, il venait de m'apprendre le sens du verbe "aimer". Il était là par amour et moi je continuais de l'embrasser avec toute la passion que j'étais capable de lui donner. Moi, l'avarice incarnée, je suis tombé amoureux; et pas de n'importe quelle personne: un criminel réputé pour sa violence, son goût aberrant pour le sang et sa non-humanité. Mais je suis surtout tombé amoureux de cette facette cachée qu'il ne montrait habituellement à personne.
Ne tenant plus, je collai mon corps au sien et je commençais à flatter ses hanches et son corps quelque peu frêle, depuis ses années passées en prison. Il interrompit net notre baiser et me repoussa légèrement. Il me fit comprendre qu'il avait adoré cet échange, mais qu'il souhaitait en rester là, pour le moment. Je me dégageai donc et fixai ses yeux dorés; il souriait comme un bienheureux, cela changeait beaucoup de ce sourire narquois qu'il arborait en public. J'étais heureux de savoir que j'étais le seul à pouvoir profiter d'un aussi beau visage souriant. Je déposai un dernier baiser sur ses lèvres et m'en allai rejoindre mon bar, plus joyeux que jamais.
La phase du "je veux bien apparaître avec toi en public" fut très difficile à mettre en place, surtout pour lui. On l'avait toujours considéré comme un assassin imperturbable et incapable de sentiment; cela aurait fait bizarre s'il s'était amené en ma compagnie devant tous les membres du Devil's Nest. J'eus beau tenter par tous les moyens de le faire plier, mais il ne voulut rien savoir. Cependant, un jour, il n'eut plus la force de résister. Alors que je débarquai au bar, une jolie blonde accrochée à mon bras, je le vis se lever et s'avancer vers nous. Il vira avec nonchalance la blonde, qui l'invectiva, et m'embrassa devant une assistance choquée. Pas plus que lui je ne fis attention à ceux qui nous entouraient, et je le serrai dans mes bras pendant que je répondais à son baiser fougueux. Tout le monde nous regardait mais je n'avais que faire de ce qu'ils pouvaient bien penser, en cet instant il n'y avait plus que lui et moi, unis dans ce baiser. Alors qu'il séparait ses lèvres des miennes, il rougit fortement en remarquant l'assemblée subjuguée, et je dois avouer que moi-même je m'étais senti embarrassé ce jour-là. A notre plus grande surprise, Martel, une jeune femme transformée en chimère que j'avais sortie du laboratoire numéro cinq, nous vint en aide en hurlant à tout le monde de retourner à leurs activités, que ce n'était pas respectable de nous lorgner comme des bêtes de foires et que nous avions bien le droit de choisir nos préférences. Apeurés, les chimères et les poivrots s'exécutèrent sans demander leur reste, de peur de devoir subir le courroux de la jeune femme. Elle se tourna vers nous et nous jaugea du regard en souriant d'un air malicieux. Elle jeta néanmoins un regard en biais à l'alchimiste qu'elle n'appréciait pas particulièrement; puis, elle soupira. Peut-être avait-elle fini par croire que mon ami n'était pas irrécupérable. Malgré cela, elle nous avoua quelque chose qui me ravit:
- Je trouve que vous formez un couple sympathique.
Et elle rejoignit les autres chimères. J'avais l'impression d'être aux anges, lui, il avait l'air complètement abasourdi. Il faut dire que c'était la première fois que Martel acceptait de lui parler sur un ton aussi gentil; généralement, c'était une véritable prise de becs entre eux deux, alors il avait de quoi être sous le choc. Gai comme un pinson, je prenai sa main et l'entraînai dehors. Nous entrâmes dans un vieux parc pour enfant désaffecté, et là je le fit tomber dans le sable et je me tins au-dessus de lui. Il plongea ses yeux dorés, pétillants de joie, dans les miens tout aussi excités. Il se redressa un peu et posa un baiser sur mes lèvres; je me penchai plus pour reprendre possession des siennes. Ces câlins n'en finissaient pas et moi je ne m'en serai lassé pour rien au monde. Nous nous arrêtâmes pour reprendre notre respiration et j'en profitai pour lui parler.
- Désormais, il n'y a plus aucune barrière qui nous retienne. J'espère pouvoir exprimer tout l'amour que j'ai pour toi dans chaque circonstance.
- Et moi donc, murmura-t-il.
Je m'allongeai sur le dos, les yeux rivés sur le soleil printanier, pendant qu'il se blottissait contre moi. En cet instant de paix intérieur, j'étais si amoureux, que je voulais croire que rien ne pourrait jamais nous séparer. Il était la prunelle de mes yeux, l'être irremplaçable, celui que j'attendais... Il était toute ma vie et rien que pour cela, je ne l'aurai jamais abandonné. En cet instant d'éternité, il n'y avait que nous deux. Et je ne m'étais jamais senti aussi bien, même en trois cent ans de vie.
Je sens quelque chose tout près de moi, alors je me force à ouvrir les yeux. Deux iris dorés me fixent intensément et je viens embrasser la bouche de l'homme à qui appartiennent ces yeux. Il me rend mon baiser.
- Tu es enfin réveillé, dit-il.
- Hum? Cela fait longtemps que tu es levé? lui demandès-je.
- Depuis environ une heure.
- Pourquoi ne m'as-tu pas secoué à ce moment-là?
- Tu dormais si bien. Mais dis-moi, ton rêve devait vraiment être intéressant pour que tu souris dans ton sommeil.
- J'ai rêvé de notre premier baiser.
- Ah, je vois.
- Allez, je vais me doucher.
Je fais mine de me lever, mais il me retient et me force à me recoucher.
- Non, c'est moi qui y vais, dit-il sans retour, vu que je suis réveillé depuis plus longtemps que toi.
- Quelle excuse! C'est toi qui a voulu profiter de moi, puisque je dormais profondément.
- Tu te trompes sur toute la ligne, je n'ai aucunement profité de toi.
- Même pas un tout petit peu?
- Qui est l'avidité incarnée, toi ou moi?
- Tu as raison, ce n'était pas la bonne question. Je vais tenter de me rattraper... Hum... Que dirais-tu de prendre ta douche avec moi?
Tout à coup, il fait noir. Je retire la couverture qui me cache la vue, pas assez vite malheureusement pour apercevoir mon amant entièrement nu. Et de la salle de bain, il me lance en rigolant:
- Dans tes rêves!
Je soupire, déçu, et me rallonge dans mon lit. Je prends le temps de réfléchir à des tas de choses et une en particulier qui ne me lâche pas, depuis quelques semaines déjà. Je m'étais promis de lui en parler, mais je n'ose de peur qu'il ne réagisse mal. Je dois avouer que ce n'est pas une chose à prendre à la légère, mais j'en ai tellement envie. Je veux qu'il accepte mon idée et je ferai tout pour arriver à mes fins. Après tout, ce n'est pas quelque chose de si terrible, je ne vois donc pas pourquoi il refuserait. C'est décidé, je me lance! Mais avant cela, j'ai envie de rigoler un peu.
Je me lève et me rend dans la salle de bain. J'entends l'eau couler à flot dans la cabine et sans prévenir j'en ouvre la porte teintée et entre. Lorsqu'il me repère, il se colle instinctivement au mur carrelé et me jette un regard meurtrier qui en dit long. Je le contemple et me rend compte que je le trouve encore plus séduisant avec toute cette mousse sur son corps et ses longs cheveux noirs ruisselant d'eau. Je m'approche jusqu'à me coller à lui et tente de l'embrasser. Seulement, il détourne son visage et cela m'étonne.
- Je croyais m'être bien fait comprendre, Greed, avance-t-il exaspéré.
- Allez quoi, ne fais pas ton rabat-joie, dis-je alors que je l'embrasse dans le cou.
- J'ai dit non.
- Mais qu'est-ce que tu as tout à coup?! Tu n'étais pas aussi froid il y a quelques heures!
- C'était il y a quelques heures, maintenant, si cela ne te dérange pas, j'aimerais me laver en paix.
- Pas tant que tu ne m'auras pas dit ce qui ne va pas. Je ne veux pas qu'on se dispute pour des broutilles, Solf.
- Des broutilles... Tu parles de broutilles! Tu n'as certainement pas rêvé que de notre premier baiser cette nuit.
- Que veux-tu dire?
- Tu as parlé dans ton sommeil et une phrase m'a particulièrement sonné.
- Qu'ais-je donc dit qui ai pu autant te perturber?!
- ... Rien.
- Ca ne marche pas avec moi.
- Je n'aurais jamais du te parler de ça.
- Bon, on va faire un marché. Il y a une chose dont j'aimerais te parler, mais j'ai mis un certain temps à me décider, donc si tu acceptes de me dévoiler ce que j'ai raconté cette nuit, je te dirais par la suite ce que j'ai en tête.
- Un échange équivalent c'est cela? C'est d'accord, mais je tiens à te préciser que j'exigerai des explications.
- C'est parfait!
- Je peux continuer de me doucher?
Je m'empare de la grosse éponge, ronde et enduite de mousse, et commence alors à la passer sur le haut du corps de mon ami. Il rougit et se crispe, mais il ne dit plus rien.
- On va se laver à deux, cela ira plus vite, annonçès-je pour le taquiner.
- Tu ne t'arrêtes donc jamais? me demande-t-il avec résignation.
- Jamais.
- Mince. J'ai peut-être choisi un mauvais parti.
- Tu le penses vraiment?
Il prend mon visage entre ses mains et dépose un baiser sur mes lèvres.
- Pas le moins du monde, reprend-il.
- Et puis, comme tu n'as pas voulu le refaire hier soir, je me suis dit... insistès-je.
- Ca va, ça va... Je te rappelle quand même que je ne suis qu'un simple être humain, je ne suis pas inépuisable comme toi.
- Ne t'inquiètes pas, je le ferai en douceur.
Il passe ses bras autour de mon cou et colle son corps au mien. Je ressens chaque parcelle de peau humide et chaude de mon amant; ma tension monte et j'ai de plus en plus envie de lui.
- Greed, si tu veux me faire l'amour, ne te retiens pas, murmure-t-il à mon oreille. Donne-moi tout l'amour que tu es capable d'exprimer.
C'est ce que je voulais entendre. Tandis qu'il m'embrasse à pleine bouche, je m'empare de lui et j'unis nos deux corps dans une symbiose parfaite. L'eau de la douche continue de nous couler dessus et émet une forte chaleur qui, couplée avec nos ébats, crée un épais nuage de bué. Nous atteignons l'apogée de notre amour et je me détends enfin. Je le soutiens car il est exténué et peut à peine tenir sur ses jambes. Il pose sa tête sur mon épaule et je me prend à le bercer comme un enfant. Il est si doux quand il est avec moi, si je ne savais pas qui il est réellement, je pourrai croire que c'est un homme doué d'innocence et dépourvu de malveillance. Ce qui, en réalité, n'est pas le cas. Néanmoins, il est là près de moi, à me demander chaque jour un peu plus d'attention; mais dès qu'il s'adresse à une autre personne que moi, et vas-y qu'il te l'enfonce et le menace. J'ai tout de même noté une nette amélioration lorsqu'il parle à Martel, ils se regardent et usent toujours d'un ton très froid, mais au moins ils ne s'engueulent plus. Je suis très fier de ses progrès en matière de socialisation.
Il interrompt notre étreinte et me demande s'il peut enfin finir de se laver. Je lui réponds ce que je lui ai dit plus tôt, que nous nous laverions ensemble. Il rit et constate qu'il n'y a que moi pour m'obstiner autant, puis il accepte que je m'occupe de décrasser son corps. Une fois lavés et rincés, nous sortons de la douche et nous enveloppons nos corps de serviettes moelleuses. J'empoigne un peigne et m'empresse de dénouer les cheveux de mon amant. Je lui demande s'il veut bien les laisser long pour une fois; il accepte après avoir bougonné quelques secondes. On finit par s'habiller et il sort de la salle d'eau avant moi. Je prend tout le temps nécessaire qu'il faut pour que je sois présentable - je suis le patron tout de même! Ensuite, je pousse la porte pour retourner dans ma chambre où il m'attend, assis sur le bord du lit. Je m'assois à ses côtés et passe un bras autour de ses épaules.
- Alors, qu'ai-je donc dit lorsque je dormais? demandès-je.
Son regard s'assombrit et il tourne la tête de façon à ce que je ne puisse pas l'observer.
- Tu étais d'accord pour tout me révéler tout à l'heure. Tu ne vas pas de nouveau bloquer.
- "Je voudrais un enfant de toi".
- Quoi?!
- C'est ce que tu as dit dans ton sommeil.
- Ah.
Je ne savais pas trop comment réagir à cela, cette phrase prononcée inconsciemment n'avait pas l'air de l'enchanter. Pourquoi? Je ne vois pas ce qui le gêne. Je lui pose la question:
- Cela n'a pas l'air de t'emballer, qu'est-ce qui te dérange là-dedans?
- Je sais qui tu es Greed et si tu veux que je te fasse de l'air, tu n'as qu'à me le dire.
- Mais qu'est-ce que tu racontes?! Je tiens plus à toi, Solf, qu'à n'importe qui d'autre!
- Je comprendrai parfaitement que tu ais du mal à accepter notre couple et que tu ais finalement trouver une femme à ta convenance.
- Attends un peu là... Tu es en train de me dire que tu crois que je te trompe?!
- ...
Il se dégage de mon bras, mais reste néanmoins assis. Il ne veut toujours pas me regarder dans les yeux. Moi, je suis sidéré par une telle révélation.
- Alors ça! Si je m'étais attendu à cela! Mon cher Kimblee est jaloux!
Il tourne vivement la tête vers moi et me toise de son regard d'assassin, avant de me hurler à la figure.
- Je ne suis pas jaloux!!
- C'est toi qui le dit! Mais ton attitude prouve tout le contraire.
J'ai l'impression qu'il a reçu comme un choc électrique; il se fige et rougit progressivement. Finalement, il me présente son dos, croise les bras et fulmine. Je me rapproche de lui et passe mes mains sur ses épaules.
- Je suis heureux de constater que tu tiens autant à moi, sussurès-je.
- Lâche-moi!
Il se dégage violemment et se lève pour se diriger vers la porte d'un pas décidé. Hors de question que je le laisse partir avant que l'on ne se soit expliqué. Je me place entre lui et la porte et avant qu'il ne réagisse, je le prends dans mes bras et l'embrasse. Il se débat furieusement et arrive à dégager ses lèvres. Il veut s'échapper de mon étreinte, mais je fais tout pour l'en empêcher. Lassé, il se calme mais me jette un regard noir. Moi, je le regarde avec le plus grand sérieux.
- Tu peux ne pas me croire, commençès-je, mais il n'y a que toi dont je sois tombé amoureux.
- Et qu'est-ce qui me le prouve?
- Pourquoi as-tu cru une chose pareille?
- Tu as dit que tu voulais un enfant, cela va de soi quand je pense que tu vois une femme en cachette dans mon dos.
- Tu n'as raison qu'en partie.
- Comment cela?
- Je te le répète, tu es la personne qui compte le plus à mes yeux. Je n'entretiens aucune liaison avec une femme.
- ... Je peux vraiment te faire confiance sur ce point là?
- Je te le jure.
- Mais alors, en quoi avais-je raison?
- Tu te souviens que je voulais moi aussi te parler de quelque chose.
- C'est juste. Mais quel rapport avec ce que je t'ai raconté?
- Je veux un enfant de toi.
Il me jauge, il ne comprend pas le sens de ma phrase; ou plutôt, il ne veut pas comprendre. Il se met à rire nerveusement.
- C'est une blague... dit-il.
- Je ne suis on ne peut plus sérieux.
- ... Je vois. Tu ne supportes pas que je t'ai cru infidèle, donc tu te venges.
- Arrête. Je ne rigole pas, je veux avoir un enfant avec toi, Solf.
Il ne rigole plus et le sourire nerveux, qu'il arborait quelques minutes plus tôt, s'estompe pour laisser place à une moue dubitative. Son regard est fuyant et je sais que dans sa tête flottent milles questions. Il retourne s'asseoir sur le lit et enfouit sa tête dans ses mains. Nous restons là sans que rien ne se passe; ce silence pesant m'éprouve et je le rejoins. Je m'accroupis devant lui et prend ses mains dans les miennes. Il continue de baisser les yeux. Je relève son menton, parce que je veux qu'il me regarde. C'est bien la première fois que je n'arrive pas à lire quelque sentiment dans son regard; comme s'il était partagé. Je me décide à rompre ce mutisme qui me gèle le coeur.
- Donc, qu'en penses-tu? demandès-je avec un grand sourire.
- Greed... soupire-t-il. C'est une idée ridicule.
- Et qu'est-ce qui te fait croire ça?
- Allô Greed, reviens sur Terre! Je te rappelle que nous sommes deux hommes.
- Et alors?
- Et alors, il nous est impossible d'engendrer un bébé! Tu fais exprès d'être bête ou quoi?!
- Non, je sais très bien qu'il n'y a que les femmes qui en sont capables. Mais je ne vois pas où est le problème.
- Je ne vois vraiment pas où tu veux en venir... Bah! De toute façon tu es un homonculus, tu es donc stérile. Impossible d'avoir un enfant dans ces conditions.
- Ah, c'est vrai que j'avais oublié ce petit détail... Ce n'est pas grave, cela fait juste une solution en moins.
- Comment cela?!
- Et bien au départ, j'avais deux solutions à te proposer pour que l'on ait un enfant.
- Et quelle était la première que tu viens d'éliminer d'office?
- A dire vrai... Je suis bien content de ne pas avoir à te la proposer.
- Accouche!
- En fait... J'avais pensé à Tucker, tu sais c'est un spécialiste de la transmutation humaine. Je me suis dit qu'il pourrait... Enfin... Te transformer un peu, le temps que le bébé vienne au monde...
Il me regarde d'un air choqué et rapproche dangereusement ses mains l'une de l'autre. Je savais bien que c'était une idée qui ne lui plairait pas, je suis bien content qu'elle soit irréalisable. Je m'affole alors qu'il claque ses paumes, je me jette sur lui pour l'en empêcher et me retrouve allongé sur mon ami. Il se débat comme un beau diable pour tenter de m'étriper, mais je lui tiens trop fermement les mains et il abandonne le duel. Toutefois, il ne cesse de me toiser avec son regard de meurtrier.
- As-tu encore de belles idées comme celle-ci?! s'exclama-t-il, furieux. Parce que si c'est le cas, je te réduirai en cendres!
- S'il te plaît calme-toi, suppliès-je. Après tout, cela ne risque pas d'arriver puisque cette solution est une impasse.
- Nous sommes peut-être ensembles, Greed, mais ne crois pas que je suis prêt à tout pour satisfaire tous tes petits caprices.
- Solf, la seule chose que je souhaite c'est vivre en paix avec toi, et pourquoi pas avec notre enfant.
- ... Et selon toi, il y aurait une autre solution?
- Tout à fait!
- Quelle est-elle?
- On pourrait avoir recours à une mère porteuse.
- Tu as oublié ce que je t'ai dit il y a cinq minutes?! Tu es infécond, comment veux-tu t'y prendre pour avoir un gosse, même avec une femme?
- Ne t'en fais pas, je n'ai pas oublier. Mais si moi je ne suis pas en mesure de procréer, ce n'est pas ton cas.
- Quoi?! Tu me demandes de coucher avec une femme, simplement pour combler ton désir?!
- Ben quoi, cela ne te tente pas d'avoir un enfant avec moi? Je croyais que ça te ferait plaisir...
- Je ne peux pas faire ça! De toute manière, qui aurait envie de copuler avec moi? Je te signale au passage que les femmes qui adorent les assassins, ça ne court pas les rues.
- Je sais mais...
- Donc c'est une mauvaise idée. Fin de la discussion.
- Hé! On pourrait l'adopter notre enfant!
- Mais bien sûr! Tu crois vraiment que l'on va confier un gosse à deux hommes et, qui plus est, qui sont recherchés dans tout Amestris?!
- Flûte. Il faut toujours que tu trouves quelque chose à redire!
- Et oui. Comme tu vois, il n'y a aucun moyen pour nous d'avoir un enfant, alors à bon entendeur, salut!
Puis, il m'écarte et se lève. J'entends la porte claquer et je reste assis en tailleur sur mon lit, à réfléchir. Je suis déçu, moi qui croyais que la perspective d'avoir un enfant lui plairait... J'avais tout faux, il n'a pas franchement l'air d'en avoir envie. Seulement, moi je veux en élever un avec lui; il ne peut pas me faire ça! Je ne vois pas en quoi demander à une femme de porter notre enfant, le gêne. Il va falloir que je lui donne toutes les raisons possibles pour qu'il revienne sur la question et surtout pour qu'il accepte. Je sens que ce ne sera pas une mince affaire...
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