La bijouterie de l'arrondissement d'Arlington était inondée de soleil en ce beau mardi matin de Juillet. Il était cinq heures et quart du matin, il n'y avait donc que les employés sur le plancher.
Littéralement sur le plancher.
Allongé face contre terre, les mains en l'air, ils jetaient occasionnellement des regards anxieux à la femme cagoulée qui les tenait en joue de son Browning. Apeuré, ils pouvaient entendre une voix douce et un peu rocailleuse parvenant de l'arrière boutique. Si la scène qui se déroulait à l'avant de la bijouterie paraissait critique, celle à l'arrière était singulière, voir surréaliste. Penché sur un microscope industriel servant à s'assurer de la qualité des pierres et de leur numéro de séries, un des braqueurs vérifiait des diamants. Il se trémoussait légèrement en chantonnant en même temps que la radio une chanson pop au rythme entraînant.
Contre le mur du fond, le gérant et son assistant se tenaient le bras croisé au dessus de leur tête en tremblant sous le regard noir du troisième et dernier braqueur. Il était armé d'un Firestar. Une petite arme de poings discrète, mais en matière d'arme à feu, ce n'était pas la grosseur qui comptait. Une balle en pleine tête, qu'elle soit de trois ou douze millimètres vous tuait tout aussi implacablement.
" Dit, tu préfère Take me on the floor ou Untunched ? demanda soudain celui qui se servait du microscope.
- Bof, la musique pop et moi, souffla l'homme les tenant en joues sur un ton indifférent.
Ils entendirent bien l'autre braqueur rire à cette affirmation, mais ne parvinrent pas à détacher leurs yeux du canon du revolver pointé sur eux.
L'homme qui les surveillait les fixait sans discontinuer, suivant le moindre tremblement, analysant le moindre soubresaut de peur. Les braqueurs avaient affirmés que s'il faisait tout se qu'ils demandaient, personne ne serait blesser. Mais ce type les regardait comme un serpent ayant aperçut un oisillon bien dodu et sans défense.
- Je préférais Untunched. Ça avait plus d'ambiance, continua l'homme au microscope comme s'il était en train de faire les courses, ou marcher dans un parc, pas du tout comme s'il était en train de vérifier des diamants pendant que ses deux complice avaient leurs armes pointés sur des otages. Enfin Take me on the floor n'est pas mal non plus, c'est juste une question de préférence. Toi je sais déjà que t'as un gros faible pour le prélude de l'opus 28 Adante de Chopin. Tu l'écoutais en boucle l'autre jour."
- Je suis une âme sensible, ironisa, l'homme face à eux.
- Je sais, je t'entends quand tu parles à ton bébé," se moqua Monsieur Microscope. "Vous me croyiez, fis-t-il en prenant à témoins les deux otages, si je vous disais que ce dingue parle à sa Winchester comme à un enfant ?
Le dingue en question soupira. Puis eut un petit sourire en voyant le gérant trembler un peu plus fort.
- Je crois que ça rend les gens anxieux quand tu dis que je suis dingue alors que je pointe une arme sur eux.
- OH ! Vraiment ? fis monsieur microscope comme si c'était saugrenu. Il ne faut pas. Ce type est un dieu avec les armes. Aucun coup ne partira si vous ne bougez pas. Il est à l'épreuve des erreur ce con ! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle c'est toujours moi qui fait le boulot de larbin. Il n'aime pas que je tienne une arme, il a toujours trop peur que je me tire dans le pied.
- Ouai, quand t'aura finit de conter ta vie, tu penseras à t'activer un peu ! Il nous reste seulement cinq minutes, imbécile ! »
