Cela faisait des mois maintenant qu'elle était Setsuka Hell. Des mois qu'elle tentait de découvrir qui était vraiment Tsuruga Ren. Et surtout, des mois qu'elle avait entendus le son d'un cadenas sautant dans les fins fond de ses entrailles.
Elle, Mogami Kyoko, ne voulait absolument pas réfléchir à ce que cela pouvait signifier, bien qu'elle en avait une idée. Elle ne voulait faire attention qu'à son principal souci qui était l'état dans lequel était Tsuruga-san en ce moment. Jouant la sœur de Cain Hell, elle était la personne la plus privilégiée pour savoir comment il se comportait au quotidien … Et les comportements qui n'avait aucun rapport avec le personnage qu'il interprétait ! Et si ces écarts ne venaient pas du frère Hell, ils ne pouvaient provenir que de l'acteur.
Depuis qu'elle interprétait Setsuka, elle voyait le personnage de son frère se développer d'une manière si sombre … Une aura de ténèbre qu'elle retrouvait parfois chez Tsuruga-san en-dehors de leur jeu d'acteur. Elle voulait l'aider. Tellement. A tel point même que son esprit en était obnubilé en cours ou le soir, quand elle rentrée chez elle … Ce qui se vérifiait de nouveau !
Kyoko releva la tête d'un coup, laissant voir la marque de sa main sur sa joue, rouge tellement elle s'était appuyée dessus longtemps. Elle était chez elle, dans la propriété du restaurant Darumaya, installée confortablement près de sa table basse où elle s'était servi un thé encore trop brûlant pour pouvoir être bu. De là, son esprit s'était mis à papillonner. Désormais, son thé était froid et son esprit bouillonnait de rage de s'être encore laissé prendre à ce jeu qui durait depuis trop longtemps à son goût. Mais elle ne savait vraiment pas quoi faire pour pouvoir aider Ren …
Kyoko soupira profondément, l'air triste et perdu. Puis une sorte de spasme parcourut son visage tout entier, la faisant froncer ses sourcils et ouvrir sa bouche de moitié. Elle se leva d'un coup en hurlant un « NONNNNNNNNNNNNNNNNNNNN ! » retentissant.
Un étage en-dessous, les époux Daruyama se dirent que, une fois de plus, ils trembleront toute la nuit.
Le lendemain, Kyoko se rendit au travail les traits tirés et une mine affreuse, ce que s'empressa de souligner sa meilleure amie, Moko.
« Tu es affreuse à regarder » lui dit-elle l'air sévère dans les vestiaires de la LoveMe section. Pour Kyoko, cette remarque fit l'effet d'un volcan en éruption que l'on pouvait voir derrière elle en même temps que son air choqué et désemparé.
« Tu es hooooorrriiiibllle ! Moko-san, comment toi, ma meilleure amie … HIIIIIIIIII ! » cria-t-elle en pleure tout en se contorsionnant. La concernée la regardait, totalement aberré par le comportement de Kyoko. Cela faisait bien longtemps qu'elle était habituée à ses expressions étranges.
« Alors ?, répartit Kanae de la manière la plus indifférente qui soit.
Alors ? … », répéta une Kyoko qui ne voyait absolument pas où voulait en venir son amie.
Kotonami Kanae n'était pas du genre patiente.
« TU VAS ME FAIRE CROIRE QUE TU ES COMME CELA PAR L'OPERATION DU SAINT ESPRIT PEUT-ETRE ?, éructa-t-elle.
Mais ... Non, je n'ai rien de …, tenta de répondre la jeune fille aux cheveux roux.
SI TU NE ME LE DIS PAS TOUT DE SUITE, JE NE SUIS PLUS TA MEILLEURE AMIE !
! »
pour Kanae. On voyait Kyoko agenouillée par terre, déversant toutes les larmes de son corps.
« … Est-ce que cela a un rapport avec Ren ?, demanda-t-elle plus sérieusement.
… »
Le silence que lui offrait Kyoko ainsi que son visage devenu plus que sérieux malgré la position dans laquelle elle était étaient plus qu'éloquent. Kanae s'accroupit près d'elle pour mieux l'observer. Elle semblait perdue dans ses pensées, ce qui lui arrivait assez régulièrement en ce moment. Depuis qu'elle connaissait Kyoko, il y avait toujours eu cette relation ambiguë entre elle et Ren. Etant sa première amie également, elle avait toujours œuvré pour être la plus importante dans son cœur. Jusqu'à maintenant, elle pensait que son plus grand rival était Fuwa Sho et qu'elle avait dépassé Tsuruga Ren depuis le réveillon de Noël. Mais au vu de ce qui se passait, ils avaient perdu, elle et Fuwa. Kyoko cherchait toujours à aider les personnes qui avaient des problèmes. Mais elle est alors débordante d'énergie et cherchait son avis dans ces cas-là. Mais pas maintenant. Pas pour lui.
« Toi … Est-ce que tu serais amoureuse de Tsuruga Ren ? »
La réponse de Kyoko ne se fit pas attendre.
« ? MAIS NON ! ABSOLUMENT PAS ! IMPOSSIBLE !, cria-t-elle comme une folle, C'est juste que … Moko-san … Il a des problèmes et je m'en inquiète vraiment mais ….
Tu ne peux pas m'en parler, n'est-ce pas ? »
La jeune fille rousse secoua négativement la tête, les yeux baissés. Kanae la regarda et lui sourit.
« Ne t'en fais pas pour cela. Après tout, ce n'est comme si je m'y intéressais. Mais ne te rends pas malade pour cela.
Oui », répondit-elle avec un sourire éblouissant.
Puis elle partit en lui faisant des grands signes. Kanae prit appui sur son casier et la regarda partir avec un sourire triste.
Un jour, Kyoko, il faudra que tu te confronte à ce que tu ressens. Et si tu ne le fais pas toi-même, ce sera moi qui le fera.
Kyoko courait dans les couloirs de la LME en direction de la pièce principale : le bureau du président, Takarada Lory. Elle toqua timidement et la porte s'ouvrit en grand, dévoilant une blancheur qui l'aveugla. Elle ferma les yeux quelques secondes avant de les rouvrir brutalement quand elle entendit :
« Ma chèèèèèère Kyoko ! Comment vas-tu ? »
Lory se tenait dans la pièce, déguisé en torero, faisant des pirouettes tandis que l'air semblait se charger de pétales de rose.
« Euh … Et bien …, dit Kyoko qui essayait de reprendre contenance, Vous ne m'aviez pas demandé ?
Si si ! Je t'en prie, assied toi ma chère. »
Elle s'installa sur la chaise en face du président qui fit de même dans une sorte de trône majestueux. Il croisa ses mains et la regarda d'un air sérieux.
« Bien. Kyoko, j'ai un travail pour toi. Je sais qu'il y a eu des débordements sur le tournage de B. J. Le tournage de Dark Moon est terminé et celui de ce film l'est presque. La plupart des contrats que Ren à signer sont fini ou le sont pratiquement et j'ai refusé d'en renouveler de nouveaux. »
Kyoko était estomaquée. Le président ne souhaitait pas de nouveaux contrats pour Tsuruga-san ? C'est impossible. Qu'est-ce qu'il avait pu faire pour cela ? Serait-ce la fin de la carrière de son sempai ? Comment ? Impossible ! Elle se sentait aspirée dans un tourbillon infernal. Lory se mit à rire devant les yeux ronds de sa protégée.
« Pfffffff ..., pouffa-t-il, Je ne sais pas à quoi tu as pu penser mais cela n'a rien à voir avec une fin de carrière ou quelque chose de ce genre … Hihihiihi, c'est trop fort … »
Le voir plié en deux, indiquant clairement qu'il se fichait d'elle, la fit se sentir idiote.
« Hmmmm … Pffffff …. Enfin …. Pfffff, dit Lory en essayant d'étouffer son rire et de reprendre la conversation, J'ai imposé à Ren des vacances. Pour qu'il soit performant, il faut qu'il évacue les soucis avec lesquels il est en prise depuis quelques temps. Toi-même tu l'avais remarqué, n'est-ce pas ?, lui assura-t-il en la voyant tout de même hocher de la tête, J'ai réussi à lui négocier cela mais malheureusement, Yashiro a été appelé en urgence chez lui, sa mère a une grave maladie. Et donc, c'est à toi que je donne la mission de le surveiller. »
Kyoko le regardait désormais, dubitative.
« Humm, tu sais à quel point cela est difficile de lui faire avaler quelque chose de décent et, jusqu'à là, il n'y a que toi qui a réussi. De plus, si on le laisse comme cela pendant une semaine, il ne fera rien et ne tentera même pas de regarder d'un peu plus près ce qui ne va pas alors …
Je comprends, coupa Kyoko, cependant, quand vous dites le surveiller, c'est la journée, n'est-ce pas ?
Et bien …, lui dit-il avec un grand sourire, il faudrait vraiment le surveiller tout le temps donc … La nuit aussi, si cela ne te dérange pas. »
Tandis que Lory était tout sourire mode extra-white, Kyoko était passé au rouge tomate et à la confusion la plus spectaculaire de tous les temps.
« Voyons Kyoko, ce n'est pas si compliqué, …
Mais … Mais … Président !, dit-elle en cherchant des arguments à la vitesse de la lumière, Je ne peux pas ! Décemment pas ! Déjà que porter les habits de Setsu est déjà impur, je ne pourrais plus me marier en blanc après cela, c'est certain !
Parce que tu comptais encore te marier ? demanda-t-il en paraissant réellement surprit.
Et bien … Heu … » dit Kyoko en détournant la tête.
Psssshhhhttt, ce vieux renard m'a piégé !
« Et puis, j'ai le tournage de Box'R !
Ne t'en fais pas, j'ai déjà prévenu que tu ne serais pas disponible. Le producteur s'est montré très compréhensif et a dit que ce n'était pas grave puisqu'il y avait plein d'autres scènes qu' il fallait tourner sans toi » répondit-il joyeusement.
Je … Je suis cuite !
Kyoko s'effondra sur le bureau.
« … C'est d'accord, dit-elle la face collée contre le bois et en retenant un démon qui voulait faire la peau au président de la LME.
C'est paaaaaaaaaaaaaaaaaaarfait ! Je te remercie ma petite Kyoko ! Tu peux commencer dès maintenant. Tu sais déjà où habite Ren de tout façon ? Alors, adiiiooooooooooos ! »
Et il partit dans un nuage de fumé.
Ce type a toujours été étrange, pensa Kyoko. Elle poussa un grand soupir et décida d'aller chercher ses affaires chez elle.
Faites que je ne croise pas le boss !
Elle allait passer une semaine chez Tsuruga Ren, la star la plus adulée du Japon et la plus séduisante. Ce n'est pourtant pas cela qui la fait décoller de joie. Elle aurait même plutôt une envie de fuir. Cependant, cela était un bon moyen pour pouvoir mettre à exécution le plan n°1 qui était « Aidons Ren-sama à aller mieux !». Il n'était pas conçu mais cela viendra au fur et à mesure de cette semaine.
En plein milieu de l'escalier, on pouvait voir une jeune fille aux cheveux roux et à la combinaison rose dégager une aura de combattante et montrer un visage de bonne volonté qui semblait à tout épreuve.
Ren était allongé sur le canapé, la tête tournée vers la télévision qu'il ne regardait pas, dans une position lascive qui aurait fait succomber bon nombre de jeune fille. Il se rappelait inlassablement de la conversation téléphonique qu'il avait eue hier avec Lory.
Ton passé commence à ressurgir. Tu ferais mieux de l'affronter maintenant sinon, tu risques de te perdre. Il est temps pour toi de faire le point sur ces évènements une bonne fois pour toutes.
Puis il avait compris un truc du genre qu'il était en vacances pendant une semaine et qu'il n'avait pas intérêt de chercher à travailler pendant cette période sinon Lory lui en ferait payer le prix fort. Seulement, il ne pouvait pas rester ici sans rien faire, sans travailler, cela revenait à le voir dépérir lentement. Et il ne voulait pas faire le point. Il ne se sentait pas prêt. Il se sentait encore … tellement seul.
La sonnerie de son portable résonna alors dans l'appartement. Il se leva d'un bond, comme traversé par une onde électrique, et l'attrapa sur la table basse en face de lui. C'était Yashiro. Peut-être le directeur était revenu sur sa décision.
« Allo ? Ren ?
Yashiro ? On a quelque chose ?
Non … Enfin … C'est que je devais te prévenir …, dit le manager comme s'il souhaitait à tout prix se cacher.
De quoi ?, répondit froidement Ren
C'est que … J'ai un empêchement très important … Donc cette semaine … Je ne pourrais pas être avec toi », dit-il d'une traite.
Alors, en plus de se sentir seul, il sera réellement seul ? Yashiro était l'une des personnes qui atténuait son sentiment. Il allait devoir s'en passer.
« Ren ? Appela son manager, l'inquiétude traversant sa voix.
Désolé, s'excusa-t-il, ne t'en fait pas pour moi Yashiro et occupe-toi de ce que tu as à faire sans t'inquiéter. Je ne comptais pas faire grand-chose cette semaine alors … assura-t-il en espérant être convaincant.
Merci beaucoup mais ne t'en fais pas, le président Takarada a prévu quelqu'un pour me remplacer. Reposes toi bien.
Quoi ? Yashiro …
Tchao Ren ! »
Yashiro venait de raccrocher son portable. Il soupira tout en enlevant ses gants et continua de faire ses courses dans la petite supérette. Il n'aimait pas mentir à son ami mais il n'y avait plus que cela pour l'aider. C'est un marché entre lui et le président. Ils étaient tous les deux convaincus qu'il n'y avait que Kyoko pour le sortir de cette culpabilité qu'il trainait depuis 5 ans, bientôt 6.
Et puis, pensa-t-il avec des étoiles dans les yeux, peut-être avanceront-ils enfin tous les deux dans les sentiments qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre.
« Raaaaah … Mais cet idiot pourrait bien tout faire rater ! »
Une sonnerie venait de retentir chez Tsuruga Ren, toujours sous le choc de la révélation de son ami. Il reposa son téléphone et s'avança vers la porte. Il était certain de pousser la personne qu'on lui avait assignée à partir. Jusqu'à ce qu'il découvre des cheveux orange et un visage illuminé d'un sourire.
