J'ai écrit ceci il y a longtemps. Je l'ai relu hier, juste après avoir réécouté l'épisode Doomsday. Et j'ai décidé de lui ajouter deux courtes parties. Mais comme je n'avais jamais posé le OS, je m'en excuse.
Spoilers : Doomsday.
Disclaimers : Doctor Who et les personnages de la série ne m'appartiennent pas et c'est dans un but sentimental que j'ai écrit cette fic.
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Bad Wolf Bay - 2005
Qu'est-ce que j'étais pour lui ? Une compagne, une complice, une amie. Un moment agréable, quelques instants dans une existence immortelle. Une simple Terrienne de vingt ans. Rien de plus. Il m'avait promis un certain nombre de choses, mais il n'avait jamais été question de sentiments entre nous. Rien de plus que l'amitié.
Et pourtant.
Je me suis surprise à envier les gens avec qui il était capable de parler de grands sujets auxquels je ne comprenais rien. Parce que je n'étais qu'une gamine fraîchement sortie de son Angleterre post moyenâgeuse. Rien de plus. Je ne savais rien des déplacements temporels, des lois universelles, je ne parlais que l'anglais et l'argot british.
Et pourtant.
Combien y en avait-il eu avant moi ? Combien de compagnons, de robots, d'extraterrestres ? Et pourquoi ne restait-il rien qui marquait leur passage auprès de lui ? Le Tardis était comme une chambre d'hôtel. À part quelques objets à l'usage réservé aux Seigneurs du Temps (ou à ceux qui les connaissaient mieux que moi), il n'y avait rien.
Et pourtant.
Je ne comprends pas comment j'ai pu me laisser avoir à l'aimer. Mais c'est vrai qu'il émane de lui tellement de solitude qu'on ne peut s'empêcher de vouloir l'en guérir. Et parce qu'il est formidable, bon, généreux, drôle et surprenant, n'importe quelle femme voudrait attirer son attention. Et je ne suis qu'une femme moi aussi. Alors, je suis tombée sous le charme. Mais jamais je n'ai osé le lui dire. Après tout, je ne suis pas à la hauteur. Je ne suis qu'une simple terrienne ignare, une compagne parfaitement heureuse de savoir que je suis son amie. Pour son propre bien, il lui faudrait quelqu'un comme lui.
Alors, malgré moi ou parce que c'était lui qui m'éveillait à tant de choses, ma personnalité a changé. Je me suis mise à réagir aux mêmes choses, trouvant ordinaire l'inattendu et appréciant les petits riens, prenant tout avec une apparente insouciance. Et lui devenait un peu comme moi. Il s'ouvrait de temps en temps et je le sentais à la fois plus triste et plus heureux. Plus humain. Mais j'étais émue de le voir réagir à ma présence. Je sentais que je devenais importante à ses yeux. Plus qu'humaine. Il ne m'aurait pas détrompée, mais ses gestes prouvaient combien j'étais importante. Autant que lui l'était à mes yeux, rêvais-je. Et c'était le plus beau présent que l'univers pouvait m'offrir. Une pensée du Doctor vaut des millions de trophées, de médailles et d'honneurs. Un sourire de lui pouvait faire exploser un soleil, mais mon cœur se contentait de palpiter un peu plus fort. J'aurais tout donné pour qu'il m'embrasse une seule fois, je lui aurais donné ma vie pour qu'il trouve le bonheur avec moi ou avec une autre, pour le voir abandonner derrière lui la solitude, la tristesse, le poids de l'éternité. J'aurais tout donné.
Et lui aussi, comme d'habitude.
Je le compris à la toute fin. Pour mon bonheur, pour ma sécurité, pour que je reste avec ma famille dans un monde un peu meilleur, il avait choisi la solitude. J'ai payé le prix pour revenir vers lui. Ma décision avait été prise depuis longtemps : entre l'univers et ma planète, entre le Doctor et ma famille, c'est lui que j'avais choisi. De toute façon, être loin de lui, c'était tuer la meilleure part de moi, le morceau de mon cœur auquel il avait donné naissance et que j'avais entretenu malgré moi. Pire, c'était m'arracher mon âme. On peut être vivant et incapable de bouger, de parler, de communiquer. On peut vivre avec un bras en moins, avec les jambes paralysées. Mais alors la vie n'est qu'une photographie en noir et blanc sans une âme. On ne vit réellement qu'avec un cœur qui bat. Et mon cœur battait au rythme des siens. Alors, j'ai choisi de tout envoyer au diable et de retourner à ses côtés.
Et puis, il y a eu Canary Wharf et nous avons été séparés. J'aurais pu mourir. Mais le destin avait décidé que je vivrais dans un univers alternatif avec mes parents, mon meilleur ami et le futur. Mais ce serait un futur sans le Doctor. Les premières semaines ont été atroces. Je me souviens d'un long moment où je n'étais plus capable de respirer entre mes larmes, d'une douleur cuisante comme si on ouvrit ma poitrine avec un scalpel pour le poignarder encore et encore. Et instinctivement, je me tournais vers lui pour réaliser qu'il n'était plus là, qu'il ne serait plus jamais là.
Il continuerait d'être seul. Et je le serais aussi.
