Jeune étudiante parisienne paumée dans les rues de Londres. Voilà comment je me définis à l'instant présent. Londres, ça m'a toujours fait rêver. J'y avait été, plus jeune, mais bon. Un voyage scolaire, c'est juste une façade. Moi, je voulais voir l'envers du décor. Alors, j'ai attendu de finir mes études (5 ans, c'est long!) pour m'y rendre.
Big Ben n'a pas changé de place, depuis la dernière
fois. Le Picadilly Circus a toujours son enseigne 'SANYO' qui brille.
Le Buckingham Palace a toujours sa horde de touriste, en face. J'y
suis passée tout à l'heure. Le drapeau est levé,
la Reine est là.
Là, tout de suite, maintenant, je
sors du Underground. Et... je suis paumée. Je me retrouve pas,
pourtant le type que j'ai accosté tout à l'heure m'a
bien dit (oui, parce que je parle anglais plutôt pas trop mal)
qu'en sortant à Tottenham Court Road, je trouverai sans peine
Oxford Street. Je veux faire les magasins, moi ! Ah, la voilà.
Il est 17h35 à ma montre. Il fait déjà nuit. Vive l'hiver. Pourquoi avoir choisi l'hiver pour mes vacances londoniennes? Parce que y'a moins de touristes. Et que quitte à subir la pluie, je ne me dise pas: 'et j'ai laissé Paris ensoleillée derrière moi!'. J'aime me promener quand il fait nuit. C'est une atmosphère plus... intime. Et puis, surtout, les rues ne sont pas envahies. là, il n'y a plus grand monde. Les gens sont, pour la plupart, déjà rentrés du boulot. Il ne reste que moi, et quelques couples qui se promènent.
Les couples, parlons-en de ceux là! Moi, je suis seule. J'ai été en couple, c'est super, on fait attention à personne, on s'embrasse, on plane, on est sur notre petit nuage. Mon point de vue actuel, c'est plutôt : c'est re-lou, ils font attention à personne, ils nous font des soupes de langues en public - manque plus que la chambre! -, mais redescendez sur terre ! On est aigri, quand on est célibataire. Je suis aigrie, quand je suis célibataire.
Vu comme ça, ma balade peut paraître déprimante. Mais non. Je ne remarque pas les couples, sur Oxford Street. Je préfère regarder les vitrines. J'aime cette rue. Elle me fait penser à la Rue de Rivoli. J'aime. On se demanderai presque pourquoi je suis venue jusqu'à Londres pour me promener sur une rue qui ressemble à celle sur laquelle je traine 3 samedis sur 4. C'est parce que, justement, c'est Londres. Et puis, Paris a beau être la plus belle ville au monde, il faut bien le voir, le monde.
Le Ritz est droit devant. Je ralentis à l'approche. Une enseigne comme celle-ci, ça force le respect. Je jette un coup d'œil à l'intérieur. Et je le vois. Il est beau. Moi qui suis du genre grand brun ténébreux... Ses yeux d'abord. Gris. Non, bleus. J'arrive pas à me décider. Métalliques, je dirais pour finir. Il est pâle. Très. Les traits de son visage sont tracés. Durs. Comme un masque. Ses mâchoires sont carrées. Il est beau. Ses cheveux blonds sont tellement blonds qu'on pourrait les croire blanc. Mais non, c'est blond. Il doit pas être plus vieux que moi. Pour finir, sa bouche. Mais quelle bouche! Fine. Pas pulpeuse. Pas charnue. Fine. Celle qui t'offre un baiser volé, et qui t'oublie. Je la vois comme ça, sa bouche.
Il m'a vu. Je continue mon chemin. Bientôt, la connexion de nos regards se brise. J'ai dépassé le Ritz. It's electrifying! (quand je vous dis que je parle anglais!) Là, sur le moment, c'est cette phrase qui me viens. Celle de Travolta, dans Grease. C'est la phrase la plus juste pour définir ce que je viens de ressentir. 'Ce genre de choses, ça n'arrive qu'aux autres...' Cette phrase, je ne la prononcerai plus. Je viens de ressentir un de ces 'love at first side' made in Harlequins. De ceux auxquels on a envie de croire en lisant, mais qu'on fini par trouver stupides et invraisemblables.
Un coup de foudre. Un vrai. Mon cœur a raté un battement - ou plus - juste en croisant le regard d'un inconnu. Au Ritz en plus! Dans le genre amour impossible, on fait pas mieux! D'ailleurs, pourquoi parler d'amour ? C'est juste... un coup de cœur. Oui, c'est ça. Un coup de cœur. Rien de plus.
Il sortait. Peut-être avait-il rendez-vous avec une femme. Qui elle lui correspondra mieux. Une femme qui fait partie de sa vie. De son monde. Quelqu'un qui a la chance de le côtoyer. Quelqu'un d'autre que moi. Peut-être qu'il payait sa note (élevée, c'est sûr - même très élevée), tout simplement, et qu'il rentrait chez lui, dans son monde. Loin, très loin de moi.
Je continue de marcher. Je ne me retourne pas. Je suis trop fière. Finalement, cette promenade aura été vraiment remarquable. Différente de la Rue de Rivoli. Ça valait la peine de venir jusqu'à Londres. Juste pour ça. Pour cet instant là. Mais ne gâchons pas tout. La prochaine bouche de métro, je la prends et je rentre. Ce soir, je vais sûrement rêver de lui. Un doux rêve. Un beau rêve.
J'ai rêvé de lui. Mais aujourd'hui, en me réveillant, j'ai décidé qu'il fallait passer à autre chose. Je ne le reverrai sans doute jamais. Alors je continue, comme si de rien était. Mon programme de la journée, c'était Musée de Madame Tussaud le matin, et promenade romantique en solo dans Kensington Gardens. C'était une belle journée.
Pourtant, il est 17h37 à ma montre, et je sors de la bouche de Tottenham Court Road. Je ne sais pas ce que je fais là. Je ne sais pas ce que j'espère. En fait si. Je sais très bien ce que je fais là, et ce que j'espère. Je suis venue dans l'espoir de le croiser à nouveau. Parce que je n'ai pas cessé de penser à lui toute la journée. Même devant la statue de Hugh Grant. Même en admirant le Boating Pond. Lui. Son regard. Sa bouche. Ce baiser volé que j'espère, dont j'ai rêvé.
Comme hier, je prends Oxford Street. Comme hier, je flâne dans les vitres, j'ignore les couples et leurs soupes de langues. Sauf qu'aujourd'hui, je me torture à flâner. Je n'ai qu'une seule envie: me précipiter au Ritz et l'attendre dans le hall. Mais non. Je fais semblant. Je veux que son regard accroche de nouveau le mien. Je veux qu'il croie à un nouveau tour du hasard. J'approche donc tout doucement. Le Ritz n'est plus très loin.
Il est là, devant. Il attend quelque chose. Ou quelqu'un. Son rendez-vous d'hier soir, peut-être. Sûrement. Je continue de marcher. Il m'a vu. Je fais semblant de rien. Je regarde loin devant moi. Il est trop proche pour une rencontre oculaire. Je me fait discrète et passe devant lui.
Ma main. Il a pris ma main. Je me retourne. Je lève mes yeux sur son visage. Il est magnifique. Plus beau qu'hier. Je ne pensais pas que c'était possible. La différence ? Il ne s'est pas raser, ce matin. Il a un début de barbe. Il est beau. Il a relâché ma main. Alors je me retourne et je continue mon chemin.
Ma main. Il y a quelque chose dans ma main. Je regarde. Une carte. Elle a la taille d'une carte de visite, mais ça n'en est pas une. Il n'y a aucun numéro, aucune adresse de bureau. Rien de tout cela. Juste une adresse. Un manoir. Mon coup de foudre vit dans un manoir. Et un nom. Son nom.
Draco Malfoy.
Le 23/12/2007
