Tout avait commencé par une innocente discussion entre Rose et Mylène.

Suite à l'absence aussi imprévue que bienvenue de l'un de leurs professeurs, l'ensemble des élèves disposait d'une heure de libre. Les collégiens s'étaient aussitôt dispersés dans toute la salle de classe, formant de petits groupes pour bavarder joyeusement ou s'adonnant à diverses activités extrascolaires.

Mylène s'était ainsi glissée sur le banc occupé par Juleka et Rose, et bavardait à présent tranquillement avec cette dernière.

De l'autre côté de l'allée, Kim et Ivan discutaient avec animation avec Max, tout en se penchant par-dessus son épaule pour guetter l'écran d'une console de jeux que leur ami tenait entre ses mains. Indifférent à toute cette agitation, Nathaniel avait quant à lui manifestement décidé de mettre à profit ce temps libre supplémentaire pour avancer sur sa prochaine bande dessinée. Il s'attaquait à présent à la mise en couleur de sa page à grand coups de feutre, retenant parfois son souffle alors qu'il bougeait la main avec application.

Pendant ce temps, Sabrina et Chloé parlaient à voix basse, fusillant régulièrement du regard la brune Lila qui les toisait fièrement depuis l'autre extrémité de la pièce.

Refusant de rester assise durant ces instants de liberté, Alya s'était levée pour rejoindre Nino et Alix qui bavardaient debout près de l'une des fenêtres de la salle. Au vu de la manière dont elle brandissait maintenant fièrement son téléphone, nul doute que la jeune blogueuse avait réussi à orienter la conversation sur le sujet de son cher Ladyblog.

Marinette était quant à elle restée attablée à son bureau pour travailler sur de nouveaux designs tous droit sortis de son imagination fertile. La pointe de son crayon courait avec agilité sur les pages de son carnet de croquis, ne s'interrompant que lorsque la jeune fille relevait la tête pour jeter d'amoureux et forts peu discrets regards à Adrien, qui lisait tranquillement assis devant elle.


Une dizaine de minutes s'était tranquillement écoulée, quand le doux bourdonnement qui emplissait les airs fut brusquement troublé par des éclats de voix plus perçants que la moyenne.

Alix avait rejoint Mylène et Rose, et Chloé n'avait manifestement pu s'empêcher d'intervenir elle aussi dans cette conversation auparavant plus que paisible. Sous le regard effaré de la discrète Juleka, à présent debout aux côtés de sa meilleure amie, la blonde fille du maire s'était fendue de quelques acerbes piques qui avaient aussitôt déclenché l'hostilité d'Alix. La collégienne s'était immédiatement dressée face à Chloé pour défendre la pauvre Rose, qui peinait à répliquer à sa vindicative camarade de classe.

Et au vu des tempéraments explosifs des deux collégiennes, le ton était rapidement monté.

- « Et puis de toute façon, c'est ridicule de se demander qui a déjà embrassé quelqu'un», s'exclama dédaigneusement Chloé. « On est au collège. C'est évident qu'à part les deux autres extraterrestres, personne n'a embrassé personne », poursuivit-elle en désignant successivement Mylène et Ivan du doigt. « Tout le monde serait déjà au courant dans le cas contraire. »

- « Oh, je serai toi, je n'en serai pas si sûre », répliqua Alix, un sourire goguenard aux lèvres. « Ce n'est pas parce que les gens sont moins démonstratifs qu'il ne se passe rien. »

- « C'est complètement stupide », renifla orgueilleusement la blonde fille du maire. « J'en aurais forcément entendu parler. Tout fini par se savoir. »

Les lèvres d'Alix s'etirèrent en un sourire plus large encore, tandis que leur propriétaire croisait les bras en un geste de défi. Quand une telle expression se peignait sur le visage rayonnant de la jeune fille, cette dernière n'avait généralement que deux mots à la bouche.

- « On parie ? »


Chloé se figea un instant, stupéfaite.

- « Je ne suis pas Kim, je te signale », répliqua l'irascible fille du maire en jetant un regard incendiaire à sa camarade de classe. « Tout ceci est absolument ridicule. »

- « Oh, allons, tu n'as pas envie de savoir ? » la taquina Alix tandis qu'Alya s'approchait à son tour, vivement intéressée par ce scandaleux sujet.

- « Moi j'aimerai bien », lança malicieusement la jeune blogueuse. « Qui sait, on aura peut-être des surprises. »

En proie à un visible dilemme intérieur, Chloé dévisagea longuement les deux jeunes filles. Lèvres pincées, la blonde collégienne semblait peser le pour et le contre, manifestement partagée entre une volonté manifeste de montrer qu'elle ne se souciait guère des amours du commun des mortels et une indéniable curiosité.

Cette dernière l'emporta finalement, et Chloé jeta un regard assassin à ses deux camarades de classe, tout en tentant de feindre un indicible ennui.

- « Pourquoi pas… », lâcha-t-elle en contemplant négligemment ses ongles. « Ce n'est pas que ça m'intéresse, mais ça pourrait permettre de passer un peu le temps. »

- « Ok, on va voir ça ! », répliqua Alix en éclatant de rire. « Votre attention, s'il vous plait ! », hurla-t-elle à l'ensemble de la classe, sa voix claire faisant aussitôt sursauter tous ses camarades. « J'aimerai savoir qui d'entre vous a déjà embrassé quelqu'un. Peu importe les circonstances, à partir du moment où vos lèvres ont déjà touchées celles de quelqu'un d'autre, ça compte comme un baiser », poursuivit-elle en jetant un regard interrogateur à Chloé et Alya, qui hochèrent la tête en signe d'approbation. « Et défense de mentir ! », conclut-elle triomphalement.

Alix se déplaça au milieu de l'allée d'un pas conquérant, avant de pointer tour à tour son crayon sur chaque élève, attendant visiblement d'eux qu'ils répondent avec la plus grande sincérité.

Que Mylène et Ivan lèvent la main ne surprit personne. Après tout, l'un des baisers qu'ils avaient tendrement échangé était même immortalisé dans le film que leur classe avait réalisé quelques mois auparavant.

Que Nino puis Alya secouent négativement la tête était déjà plus étonnant.

- « Sérieusement ? », laissa machinalement échapper Kim. « J'étais persuadé que… que vous… »

S'empourprant légèrement, l'immense collégien s'interrompit.

- « Que nous quoi ? », le taquina Alya avec un petit sourire goguenard.

- « Rien, rien… », marmonna Kim en rougissant de plus belle. « Vous êtes toujours tout le temps ensemble, alors je pensais que… Je pense qu'on pensait tous que vous vous étiez déjà embrassés, c'est tout. »

- « Comme quoi, il faut se méfier des fausses impressions », lança Nino avec un léger clin d'œil, mais non sans se rapprocher pour passer un bras familier par-dessus les épaules d'Alya. « Chacun son rythme. »

- « Tout à fait », approuva Alix, avant de pivoter sur ses talons pour chercher sa prochaine victime.

Avec un large sourire, la collégienne pointa son crayon droit sur Chloé. Cette dernière tressaillit légèrement, avant de laisser échapper un soupir ennuyé.

- « Non, je n'ai jamais embrassé personne », lâcha-t-elle de sa voix perçante. « Bien sûr, ce ne sont pas les occasions qui ont manquées », poursuivit-elle en relevant fièrement le menton, ses yeux d'un bleu polaire semblant défier quiconque de vouloir mettre en doute le succès de l'illustre fille du maire. « Mais je préfère me réserver pour quelqu'un de spécial », conclut-elle en jetant un vif coup d'œil en direction d'Adrien.

Ce dernier sentit un désagréable frisson lui traverser la colonne vertébrale.

Il détestait le regard de prédateur avec lequel le dévisageait à présent Chloé, et était soudain profondément soulagé que sa blonde camarade se trouve à l'autre bout de la classe en cet instant précis. L'allusion de Chloé était tout sauf subtile, et il était heureux de voir la présence de quelques mètres de sécurité entre son entreprenante amie d'enfance et lui.

Alix laissa échapper un petit éclat de rire moqueur, avant de se tourner à son tour vers le jeune mannequin.

- « A toi, Adrien », lui lança-t-elle en souriant. « Alors, est-ce que tu as déjà embrassé quelqu'un ? »

- « Il passe son temps à fréquenter des jolies filles, bien sûr qu'il a déjà embrassé quelqu'un », répliqua aussitôt Kim en levant les yeux au ciel.

- « Non ! », rétorqua immédiatement Chloé, tout en serrant les poings de colère. « Pas mon Adrichou. Ce n'est pas son genre. »

- « Et si on laissait le principal intéressé répondre ? », les interrompit Alix, brandissant toujours son crayon sur Adrien.

Alors que tous les regards étaient à présent braqués sur lui, le jeune garçon rougit légèrement.

Se gratta nerveusement le crâne.

Toussota en se tortillant fébrilement sur son banc.

Puis, finalement, il hocha timidement la tête en signe d'approbation, brisant sans le savoir plusieurs cœurs au passage.

L'hésitation du jeune homme était parfaitement compréhensible. Bien qu'il n'en ait aucun souvenir, Adrien savait de source sûre que Ladybug l'avait embrassé alors qu'il était sous l'apparence de Chat Noir, afin de rompre le sortilège que lui avait jeté le Dislocoeur. Plagg s'était fait un plaisir de raconter cet intéressant fait au jeune homme, qui avait à peine osé y croire. Chat Noir avait ensuite littéralement harcelé sa Lady jusqu'à ce qu'elle lui confirme que oui, son sombre kwami ne lui mentait pas en lui affirmant qu'il avait été délivré par un baiser de l'héroïne de Paris. Oui, elle l'avait bien embrassé. Oui, elle avait remarqué qu'il ne s'en rappelait pas. Non, ce n'était pas SI triste, il pouvait très bien vivre sans ce souvenir. Et non, elle ne le réembrasserait pas pour le consoler.

Bien sûr, Adrien savait pertinemment qu'il n'était peut-être pas prudent d'admettre devant ses camarades de classe qu'il avait déjà échangé un baiser avec quelqu'un. Et que l'explication « être embrassé par Ladybug pour être délivré d'un envoûtement » était difficilement envisageable si des questions indiscrètes venaient à être posées. Mais en dépit du fait qu'il n'ait gardé aucun souvenir de ce précieux moment, Adrien refusait fermement de renier ce baiser de sa Lady.

La fille de ses rêves l'avait bel et bien embrassé, et il n'admettrait jamais le contraire.

De plus, Alix avait été claire sur le sujet de son petit sondage. A partir du moment où l'on avait ses lèvres qui avaient touché celle de quelqu'un d'autre, quelques soient les circonstances, cela comptait comme un baiser. Le furtif échange entre Chat Noir et Ladybug rentrait parfaitement dans cette définition.

C'est ainsi qu'après de nombreuses hésitations, Adrien avait finalement décidé de hocher affirmativement la tête en réponse à la question de sa camarade.


Assise derrière lui, Marinette était maintenant pétrifiée de désespoir.

Adrien avait embrassé quelqu'un.

SON Adrien avait déjà embrassé quelqu'un.

Elle aurait dû le savoir. Il était impossible que quelqu'un d'aussi beau, d'aussi parfait, d'aussi merveilleusement extraordinaire qu'Adrien Agreste ait atteint l'âge vénérable de quinze ans sans que personne ne se soit déjà emparé de ses si attirantes lèvres.

Elle n'osait pas penser à qui pouvait bien être son inattendue rivale.

Probablement une fille qu'il avait rencontrée au cours de l'une de ses nombreuses séances photos. Une superbe mannequin, à n'en pas douter, et certainement blonde. Avec laquelle il aurait un jour de non moins superbes enfants blonds.

Ce qui voulait dire que jamais Marinette n'épouserait Adrien. Que jamais ils ne deviendraient les heureux parents de deux garçons et d'une fille, pas plus qu'ils n'auraient un jour un chien ou un hamster.

Alors que l'imagination fertile de Marinette l'entrainait au loin, la jeune fille fut soudain brutalement ramenée à la réalité par Alix, qui laissa échapper une fort peu discrète quinte de toux. L'héroïne de Paris réalisa brusquement que sa camarade s'était à présent tournée vers elle, et qu'elle braquait son regard inquisiteur droit dans sa direction.

Le sujet du sondage improvisé auquel etait soumit l'ensemble de la classe ressurgit aussitôt dans l'esprit de Marinette, et immédiatement, ses inquiétudes concernant Adrien disparurent de ses pensées, balayées par une violente vague de panique.

- « Marinette ? », poursuivit implacablement Alix, dirigeant à présent son crayon sur la jeune styliste en herbe. « Est-ce que tu as déjà embrassé quelqu'un ? »

- « Oh », s'exclama Alya, un large sourire aux lèvres, « Pour ça je peux répondre à sa pla- »

Les paroles de la blogueuse s'étranglèrent dans sa gorge quand ses yeux se posèrent sur sa meilleure amie.

Marinette était rouge.

Indéniablement, complètement, extrêmement rouge.

Nuque, oreilles, nez, pommettes, la moindre surface de peau de la malheureuse jeune fille s'était parée d'une couleur écarlate presque insoutenable.

- « C'est donc un 'oui' ? », nota Alix avec un petit sourire narquois, tandis que Marinette s'empourprait de plus belle, sous le regard compatissant de ses camarades de classe.

Alors qu'Alya s'apprêtait à faire un pas vers son amie, Alix la retint fermement par le bras, manifestement décidée à ne pas laisser le moindre esclandre perturber son méthodique inventaire.

Alors que l'attention se dirigeait à présent vers Nathaniel, Marinette enfouit ses mains dans son visage, retenant difficilement le gémissement de désespoir qui tentait de franchir ses lèvres.

Chat Noir.

Elle avait déjà embrassé Chat Noir.

Mais ça ne devrait pas compter, se martelait la jeune fille mortifiée. Officiellement, c'était Ladybug qui l'avait embrassé. Pas elle. Pas la elle-Marinette.

Et elle ne l'avait pas embrassé.

Elle l'avait délivré d'un envoûtement.

Ce n'avait rien à voir.

ABSOLUMENT rien à voir.

Si ça avait été un réel baiser, elle se serait très certainement souvenue avec une parfaite précision de la douceur des lèvres de Chat Noir.

De la chaleur de sa peau.

Des bonds incontrôlables qu'avaient effectué son propre cœur à ce contact certes nécessaire, mais pour autant loin d'être désagréable.

Et elle se serait certainement demandé ce qu'elle aurait ressenti s'il lui avait rendu son baiser, s'il avait passé ses doigts dans ses cheveux, si le mouvement de ses lèvres avait épousé celui des siennes...

Ce qui n'était pas le cas.

ABSOLUMENT pas le cas.

Et le souvenir du baiser qu'elle avait échangé avec Chat Noir était UNIQUEMENT gravé dans son esprit parce qu'elle avait une excellente mémoire.

Rien de plus.

- « Raaaaa, cet idiot de Chat ! » maugréa instinctivement Marinette entre ses doigts, tandis que ses joues s'empourpraient de plus belle.

Heureusement pour la jeune fille, les mots qui s'étaient bien malgré elle échappés de ses lèvres avaient été prononcés à voix suffisamment basse pour que personne ne les entende.

Personne, sauf son voisin de devant.


Hello, me revoilà déjà ! Bon, en vrai j'ai écrit ce début de fic entre deux chapitres de "La chasse au Papillon" et il traînait sur mon ordi depuis genre... deux mois je crois... x) . Je n'ai pas envie de laisser encore cette histoire en plan pendant trop longtemps alors hop, la voici !

ça sera une petite fic en deux chapitres, maintenant il faut que je la finisse xD .

J'espère que ça vous a plu, et à la prochaine pour la suite et fin de cette histoire ! ^^