Le son de la guitare entamant les premières notes du solo firent vibrer son corps. L'envie de se dandiner au rythme de la musique se fît sentir jusqu'au plus profond de ses entrailles. Elle s'en empêcha. Les gens autour d'elle la dévisageraient d'un regard méprisant. Elle jeta un coup d'œil vif à sa gauche tandis que la mélodie qui se jouait dans ses oreilles se faisait plus intense. Elle vit au loin la devanture du bus qu'elle attendait depuis quelques minutes. Une brise glaciale d'hiver vint fouetter son visage le rendant rouge. Elle s'emmitoufla un peu plus dans son manteau, fouilla ses poches et en sorti son titre de transport. Son moyen de locomotion s'arrêta un peu plus loin. Elle avança de quelques pas avant de s'engouffrer à l'intérieur. La chaleur, légèrement suffocante, la fît frissonner. Elle défila jusque dans la deuxième partie de l'autobus, la première étant en partie réservé aux personnes âgées. Elle s'assit sur un siège vides et posa son sac sur celui d'à côté. Le véhicule redémarra en trombe avant de ralentir.
Juvia regarda avec attention autour d'elle. Il y avait toujours, à cette heure-ci, la vieille ménagère, décoiffée, ridée et assez mal vêtue, accompagnée de son caddie rempli de produit provenant du supermarché. Il y avait aussi une poignée d'adolescentes, riant à gorge déployée, sans gêne. Elles fréquentaient sans doute un autre lycée, elle ne les avait jamais vues dans le sien. La femme aux cheveux blanchis par le temps, l'homme en costume ainsi que d'autres personnes qui ne lui étaient pas familières se trouvaient dans le bus. Elle se concentra de nouveau sur sa musique augmentant dans le courant le volume qui lui semblait trop faible.
Le véhicule tanguait souvent et tremblait lorsqu'il s'arrêtait à un feu. Il finit par se stopper au premier arrêt depuis sa montée. Une voix off annonça le nom du stop. Des gens descendaient, d'autres montaient bruyamment. Voilà pourquoi elle préférait garder ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles, elle ne supportait les sons de la « nature ».
Les sons aigus de la guitare électrique, mélangés à ceux de la basse et aux coups puissants donnés à la batterie transmettaient aux tympans de la lycéenne un magnifique air, très apprécié de la jeune femme. La voix du chanteur, rauque, virile, lui plaisait beaucoup et le sens caché des paroles donnait à la chanson un côté mystérieux. Elle adorait ce morceau, c'était l'un de ses préférés.
Son moyen de transport « favori » s'arrêta de nouveau, laissant monter d'autres individus. La jeune adolescente aux cheveux bleus en connaissait certains. Ils prenaient le même bus qu'elle. De plus, elle les avait sans doute déjà croisés dans les couloirs de son école.
Le chauffeur ne se souciait pas des voyageurs, ceux qui rentraient en fraudant, il ne s'en préoccupait pas. La dernière personne fût à peine montée que le conducteur du bus redémarra en vitesse, ignorant au passage une femme qui courrait en direction du bus.
Tandis que la musique se faisait ressentir comme une douce drogue dans le corps de Juvia, celle-ci observait sans grande attention les lycéens de son école s'amuser. Alors qu'elle, elle était seule avec ses écouteurs.
Le bus s'arrêta plusieurs fois avant d'atteindre la destination attendu par la jeune femme. Elle passa enfin les portes arrières et, au contact de l'air glacial de cet hiver, frémit. Elle marchait avec hâte, n'attendant qu'une chose, son lit.
Elle bouscula une vieille qui râla et elle faillit se faire écraser au feu. Les joues et les oreilles en feu, c'est avec soulagement qu'elle atteignit enfin le portail de sa résidence. De nouvelles constructions, toute neuves. Cela faisait un an qu'elle y habitait. Les bâtiments ressemblaient plus à des maisons qu'à des appartements, mais c'en étaient.
Elle fouilla sa poche pour y dénicher ses clés. Elle passa son badge ignorant la voix off qui lui permettait d'entrer. Elle poussa le portail marron et s'engouffra dans l'allée.
Elle passa le premier bâtiment avant de tourner à la vue du deuxième. Elle monta les escaliers d'extérieur, mouillée par les dernières pluies. La musique toujours à fond, elle passa ses clés dans le serrure qui n'effectuèrent qu'un demi-tour. Sa mère était rentrée. Elle entra à l'intérieur de sa demeure. La chaleur la fit frissonner et le choc thermique la fit éternuer. Ses écouteurs, toujours enfoncés dans ses oreilles, l'empêchèrent d'entendre le salut que lui faisait sa génitrice. Elle monta les escaliers qui la conduiraient dans sa chambre. Une fois arriver dans celle-ci, elle déposa son sac et son manteau sur son lit défait et s'attabla de suite à son bureau où son P.C. était resté en veille toute la journée. Tout en vérifiant ses mails, elle enleva ses chaussures à l'aide de ses pieds. Les bottes rejoignirent deux autres paires de souliers qui demeuraient sous la table. Elle retira son pull en laine blanc et resta en Tee-shirt. Elle soupira. Elle était fatiguée.
Appuyant frénétiquement sur le clavier de son ordinateur, elle recherchait sur le net des news sur ses groupes préférés. Elle avait débranché ses écouteurs et avait mis sa musique à l'air libre. Elle ne cessait d'augmenter le son, à tel point que celui-ci atteignit son seuil maximum. Cela lui convenait parfaitement. Mais tout le monde n'était pas de cet avis car quelques minutes plus tard, sa mère arriva en trombe.
« Juvia baisse le son, bon sang, c'est la troisième fois que j'te le répète ! »
L'adolescente soupira mais obéit tout de même à sa mère.
« Encore… » entendit-elle.
Elle obéit de nouveau. Le son du rock envahissait encore la pièce.
« Encore… »
La bleue fronça les sourcils et se résigna à l'arrêter.
Sa mère, sans doute en colère, se tenait debout, adossée à la porte de sa chambre entrouverte. Le bureau était situé juste à côté. La mère regardait la fille et la fille regardait la mère. Les cheveux blonds de la plus vieille contrastaient avec le bleu de ceux de la plus jeune.
« Juvia, c'est inadmissible… »
La concernée soupira bruyamment. Voilà que sa maman se comportait comme une mère responsable.
« Regrade-moi tout ce bordel ! »
Juvia se tourna. En effet, une montagne de vêtements se formait peu à peu sur son lit. Son armoire était entrouverte, surchargée. Sur le sol trônaient des livres et des cahiers.
Elle se tourna de nouveau vers sa mère. Elle tapotait nerveusement du pied.
« C'est bon, c'est bon, j'rangerais… »
Elle balaya l'air d'un geste de la main. Elle reprit sa musique, évitant de mettre le volume au maximum tant que sa mère était encore là. Toujours la même chose. Une guitare aux sons électrifiant, une batterie aux coups puissants et une basse pour adoucir le tout, surmonté de la fantastique voix du chanteur, ou même de la chanteuse. Mais chaque morceau était différent. Très différent.
