Introduction
Ceci est donc une histoire se déroulant dans le monde des Pokémon, avec des personnages que j'ai inventés moi-même.
Ils étaient à la base faits pour le forum Pokémon Adventure RPG sur lequel je joue Ambre Kwanita, une éleveuse possédant à ce titre une pension, dans laquelle travaillent Jared et Grégoire. Il s'agit d'un flashback, un retour en arrière dans leur passé, pour apprendre comment ils se sont rencontrés, sympathisé, voyagé ensemble, puis finalement se sont séparés pour se réunir à nouveau des années plus tard pour travailler dans l'auberge Pokémon d'Ambre :) il y aura sans doute un léger yaoi (je suis incapable d'écrire sans en mettre, de toute façon), mais rien de très, heu, intense. Je pense.
C'est surtout l'histoire d'un gros coup de cœur de votre humble serviteur qui a complètement craqué sur ses personnages et qui a voulu aller plus loin que le simple PNJ :D si vous voulez également suivre leurs aventures à l'heure actuelle (car ça ne s'arrête pas ici), je vous invite à aller vous inscrire sur le forum afin de pouvoir lire leurs posts, via ma pension (Calabrun) qui se trouve à Mérouville. Ou alors demandez-moi et je vous envoie ça ^^

Bonne lecture !
GalopaWXY

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En entrant dans le bureau, Grégoire remarqua immédiatement l'absence totale de Pokémon, ne serait-ce que les chiens ou un chat qui se ferait dorer le poil sur ce canapé de cuir. Il n'y avait pas de panier ni de gamelle : c'était évidement un lieu réservé aux seuls humains. Peut-être était-ce un moyen d'impressionner le visiteur, mais Grégoire se sentit plutôt dubitatif. La pension qu'il avait visitée avant ce ranch était un joyeux chaos de poils, d'écailles et de griffes, où l'on ne pouvait aller nulle part sans croiser la fille des propriétaires en train de faire la course avec la dernière portée de Medyena ou un Mimigal endormi sous une charpente. Passer de ça à un haut lieu digne et d'une netteté impeccable était comme sortir d'un bain chaud pour trouver la fenêtre ouverte sur l'hiver.

L'homme qui entra derrière lui referma la porte, et contourna la bureau pour aller s'assoir derrière, offrant dans le même geste un siège à Grégoire.

- Bienvenue au ranch de Rochechoir, monsieur Maeda. Laissez-moi entrer dans le vif du sujet : je ne pourrais pas vous servir moi-même de guide, étant comme vous avez pu le remarquer très occupé. Nous sommes en pleine saison de vêlage et je dois être partout à la fois. En revanche, nous avons l'habitude d'embaucher pour cette période une dizaine de ranchers saisonniers ; ce sont des hommes qui sillonnent en général le pays pour se faire embaucher dans les établissements d'élevage de Pokémon le temps d'aider aux moissons, aux réparations et constructions, ou en l'occurrence, aux naissances. L'un d'entre eux est un habitué de Rochechoir, et sera sans doute heureux de vous montrer le quotidien d'un ranch tel que le nôtre en cette saison.

Grégoire se contenta de hocher la tête. Il n'aimait pas se perdre en paroles inutiles et il n'y avait visiblement rien à dire : la décision avait été prise, avec ou sans son consentement. Le directeur se leva, lui serra une nouvelle fois la main en lui assurant que c'était un plaisir de travailler avec un journaliste, qu'il avait hâte de lire l'article, et sortit du bureau. Grégoire lui emboita le pas en ayant l'impression de suivre une tornade en costume cravate.

A l'extérieur, les deux hommes longèrent une série de boxes puis s'engouffrèrent dans un bâtiment en longueur où davantage de boxes abritaient les Écremeuh pleines qui devaient mettre bas cette saison. Deux d'entre elles avaient déjà un petit à leur côté et mâchonnaient paisiblement le foin. Il y avait un homme qui passait le balai, qui s'inclina quand ils passèrent, mais ce n'était pas lui qu'il étaient venus voir. Grégoire se demanda à quoi pourrait ressembler son futur collègue. Un rancher saisonnier ? Il avait vaguement entendu parler de ces nomades sans aucune possession, dont la vie s'apparentait fortement à celle du dresseur moyen : voyager, encore et toujours, à cette différence près qu'ils ne recherchaient pas la gloire ni la puissance, mais simplement une vie facile et la liberté. Avec cette image en tête, il ne fut pas surpris en découvrant pour la première fois le visage de Jared E. D. Duncan. Enfermé dans un box avec une vache récalcitrante qu'il essayait de convaincre de prendre son vermifuge, le rancher finalement triomphant tourna vers eux un visage que Grégoire grava presque immédiatement dans sa mémoire sans bien comprendre ce qui l'avait frappé. Sous un chapeau de cow-boy en cuir élimé, son visage encadré de mèches blondes rappelait une œuvre d'art sculptée qui aurait été exposée trop longtemps aux caprices du ciel... battu par la pluie, bruni par le soleil, fouetté par le vent. Il semblait malgré tout bien jeune - Grégoire lui donna la vingtaine juste passée. Quand on l'appela, Jared rengaina son tube de vermifuge, sortit du box et se découvrit devant le visiteur.

- Jared Duncan, Grégoire Maeda. C'est le journaliste de Pokémon Sunday dont je t'avais parlé. Je compte sur toi pour l'assister de toutes les façons possibles pendant l'écriture de son article, hein !

- Pas de problèmes, boss, répondit le jeune homme en souriant gentiment à Grégoire.

- Tenez-moi au courant, répondit ledit boss avant de repartir à grands pas dans l'autre sens.

Les deux hommes se retrouvèrent subitement seuls et Grégoire fut un peu embarrassé, mais ça ne semblait pas être le cas de son nouveau collègue de travail qui recoiffa son chapeau et agita sa seringue en l'air.

- Et bien, on va commencer par le plus reluisant : le vermifuge. Les Écrémeuh ont horreur de ça mais attends un peu de voir les Tauros.

- On se tutoie déjà ?

- Sauf si ça pose un problème, évidement, répondit Jared aimablement.

- Et bien... non... je n'ai pas l'habitude. Pardonne-moi si ma langue fourche de temps en temps alors.

Ils passèrent le reste de la matinée à administrer leur vermifuge aux pensionnaires, que Grégoire découvrit par la même occasion. Il y avait une énorme majorité de vaches, celles-ci produisant le lait qui constituait apparemment la principale source de revenus de l'entreprise, et quelques taureaux qui étaient regroupés dans un solide enclos à l'écart. Une seconde partie, marquée par une haie et une dépression du terrain qui avait été piquetée d'escaliers à intervalles réguliers, contenait les chevaux. Jared lui expliqua que ces derniers étaient moins « rentables » pour le patron puisqu'il s'agissait d'élevage de Galopa de loisir ou de course, pour la vente. Les poulains étaient promptement amenés à évoluer, puis débourrés et apprenaient les bases du métier. Quelques uns courraient dès leurs trois ans pour allécher les acheteurs, mais la plupart d'entre eux étaient eux-mêmes des fils de cracks et partaient rapidement avec leurs nouveaux propriétaires. Grégoire ignorait tout du monde des courses. Le précédent élevage qu'il avait visité était une pension, une auberge d'élevage nettement orientée vers les dresseurs et les compagnons de maison. On y trouvait de tout, alors qu'ici, il y avait surtout des vaches et des chevaux, en plus d'un certain nombre de chiens et quelques matous discrets dans les buissons. Le rancher l'entraina ensuite dans un moulin désaffecté où logeaient les quelques coursiers de Rochechoir, des Roucarnage pour la plupart - prix bas, haute endurance, mais pas très prestigieux. Le journaliste se serait attendu à plus de soin de la part d'un élevage qui se voulait visiblement impressionnant.

- Ça, c'est à moi, dit Jared en tendant le poing.

Un Piafabec vint aussitôt se percher dessus depuis les niches, et planta un regard perçant dans l'œil de Grégoire, comme pour analyser si oui ou non ce dernier méritait d'être avec son maître. Lorsqu'il sembla décider que oui, le journaliste tendit un doigt pour lui lisser les plumes de la tête.

- Il a l'air en bonne santé !

- Il n'avait pas l'air aussi reluisant quand je l'ai récupéré. Il s'était coincé dans un piège à rongeurs et s'était cassé une aile et une patte.

- Charmant... vivent les gens qui posent ce genre de saloperie...

- Oui. Il est très méfiant normalement, reprit le rancher en grattant la gorge de son oiseau. C'est la première fois qu'il se laisse toucher aussi vite par un étranger. Tu dois avoir un don avec les Pokémon !

Ce n'était pas une question, aussi Grégoire ne répondit pas, se contentant de hausser les épaules. Jared lui montra la piste d'entrainement des chevaux qui encerclait le ranch d'une bande d'herbe rase de deux mètres de largeur, puis le bâtiment de traite où l'on récupérait le lait. Le journaliste eut aussi l'occasion de rencontrer les deux autres oiseaux de son collègue, un Vibranif d'une taille assez impressionnante et un Insécateur qui était occupé à entretenir les haies.

- Je l'avais en partant sur les routes. Un peu comme mon Pokémon de départ !

- Mais tu ne te considères pas comme un dresseur ? Jamais de combat, ne serait-ce que pour manger le soir ?

- Jamais. Je n'aime pas le principe, de toute façon. Je sais que mon boulot ressemble un peu à celui des dresseurs, et je connais des ranchers qui font les deux, mais je suis un peu puriste, je suppose, dit-il en riant. Mes Pokémon sont avec moi comme compagnons de route et collègues de travail. Ils ont chacun leur pokéball mais je n'en ai pas contraint un seul à me rejoindre. C'était toujours leur choix.

Grégoire hocha la tête en silence. Voilà qui en disait long sur le personnage qu'il avait en face de lui.

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Le soir venu, se posa le problème du couchage.

- La plupart des employés rentrent chez eux le soir. Les saisonniers plantent leur tente à côté dans le champ qui est là-bas. Le boss t'a dit où tu devais dormir ?

- Non... je vais bien trouver une auberge dans le coin ?

- Oui, il y a la ville tout de suite en bas de la colline. Mais j'ai un sac de couchage de rab', si tu veux.

- Non, ça ira, ce n'est pas loin.

- Bonne nuit alors, fit le cow-boy avec un geste de la main, avant de s'éloigner vers la clôture.

A vrai dire, Grégoire n'avait jamais dormi ne serait-ce qu'en dehors d'un lit de sa vie. Il venait d'une famille d'un sens pratique à toute épreuve, et pour bien appréhender sa vie, il considérait comme essentiel d'être bien reposé, entre des draps propres et un matelas bien ferme.

Il devait changer d'avis avant la fin de son séjour.

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Le lendemain, il paya son hôtel et remonta à pied jusqu'au ranch qui était perdu au milieu des champs, le long de la petite route. Il devait être déjà dix heures, mais Grégoire n'était pas matinal et c'était déjà tôt. Cependant, pendant les jours qui suivirent, il dut faire un sérieux effort sur lui-même car les ranchers étaient tous debout et au travail dès l'aube ; à chaque fois qu'il arrivait, il les trouvait toujours auprès des Écreumeuh, les nourrissant, les nettoyant, et souvent, nettoyant un petit veau à leur côté. Une fois qu'elles avaient mis bas, on leur accordait quelques jours supplémentaires dans le box spacieux et confortable de vêlage, avant de les remettre au champ avec le reste du troupeau. Grégoire resta de nombreuses heures à observer les jeux des petits. Ils passaient beaucoup de temps à dormir, mais le matin, on pouvait les voir se lancer dans des séries de cabrioles, de galops effrénés, de bousculades amicales qui réjouissaient le cœur du journaliste. Il aimait les Pokémon. Souvent, il était tiré de sa contemplation par une bourrade amicale de Jared qui venait le chercher.

- Allez, aujourd'hui, on prend le tracteur et on regarnit les râteliers.

Et de le faire grimper à côté de lui dans l'imposant véhicule, pour faire le tour de la dizaine de prairies que comptait le ranch, faisant des allers-retours entre le hangar à foin et les réserves de fourrage des Pokémon.

- Tu sais conduire ? demanda Jared.

- Hein ? Heu... je sais conduire une voiture... j'ai jamais touché aux engins agricoles...

- C'est pas bien compliqué, tu verras. Prends ma place.

Avec appréhension, il échangea sa place pour le siège du conducteur. Après tout, il avait vu des fils de fermiers qui lui arrivaient à la taille conduire ce monstre... il apprit rapidement le maniement des leviers qui contrôlaient la fourche, et puis la planter dans une balle de foin et la relever pour l'emmener n'était pas particulièrement difficile. A chaque champ, Jared sautait lestement du tracteur pour ouvrir la clôture et la refermer après le passage de l'engin, puis remontait dedans, et redescendait à côté du râtelier pour ouvrir la porte et défaire les ficelles qui maintenaient le foin en balle.

- C'est plus pratique d'être à deux pour faire ça, non ?

- Tout à fait. Je t'ai donc réquisitionné, répondit le rancher avec un sourire.

- Tu n'aurais pas plutôt dû prendre un de tes collègues ?

- Tu t'en sors comme un chef. Et ça te permet de mettre un peu les mains dans la pâte. Tu n'écriras pas ton article de la même façon que si tu t'étais contenté d'être spectateur.

Grégoire pesa cette phrase et dut admettre qu'il avait raison.

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Au fil des jours qui semblaient défiler à toute vitesse, il apprit les doses de granulés nécessaires à la bonne alimentation d'une vache, comment brosser un Pokémon avec une étrille puis un bouchon, à leur demander le sabot un par un pour en nettoyer l'envers à l'aide d'un cure-pied - il apprit même à traire à la main, chose que Jared tenait absolument à lui enseigner « juste pour voir ta tête quand tu t'enverras un jet de lait en pleine figure », ce que le journaliste parvint heureusement à éviter en atteignant le rancher à la place.

- Bon, et bien... de toute façon, il fallait emmener deux juments et leurs poulains à la rivière, soupira ce dernier en s'essuyant de la manche de sa chemise. Tu vas monter à cheval, mon cher ami.

Ils allèrent chercher les concernées et Jared hissa Grégoire sur la selle du dos de la plus calme des deux Galopa, tandis que lui-même sautait lestement sur le dos nu de sa monture. Il la dirigea en tête à l'aide des mains et de la voix, tirant derrière lui par sa longe la jument de Grégoire qui n'en menait pas large, accroché à la corde au cou de son cheval. Il n'était jamais monté sur un Pokémon de sa vie. Sa famille n'en n'avait jamais possédé et il avait toujours préféré les caresser et leur parler depuis la terre ferme. Il s'expliqua ce revirement d'avis par le fait qu'il s'impliquait vraiment dans cet article et dans ce ranch et qu'il comptait bien goûter à toutes les facettes de son quotidien. Peut-être aussi pour ne pas perdre la face devant Jared dont il avait progressivement l'impression de gagner le respect. Lui-même lui accordait une admiration sans réserve. C'était un homme nature, qui effectuait ses tâches avec bonne volonté et se pliait docilement aux tâches qu'on lui confiait. Il semblait plein de respect pour son boss - il l'avait toujours vu se découvrir lorsqu'il le croisait. Ainsi avait-il accepté de prendre en charge le journaliste qu'on lui avait mis entre les mains, avec son sourire habituel et sans broncher, comme n'auraient pas manqué de le faire la plupart de ses collègues. Chevauchant devant lui, il se retournait souvent pour vérifier comment son passager s'en sortait et lui donner des conseils, le visage rieur devant sa gaucherie. Les deux poulains, effrayés par ce changement d'environnement, restaient collés au flanc de leur mère, et Grégoire donnait souvent des coups de pieds au sien sans faire exprès, s'excusant à chaque fois. Après cinq minutes d'un sentier qui serpentait entre les arbres qui séparaient les champs de culture, ils finirent par entrer dans un petit bois traversé par une rivière large comme un tracteur, et descendirent de cheval. Pendant que Jared dessellait sa jument, Grégoire s'accroupit au bord de l'eau pour se rafraichir. Qu'il faisait donc chaud... lorsque les Galopa entrèrent dans la rivière, suivies de leurs poulains qui faisaient nombre de moues comiques en touchant l'eau, il sortit son carnet de croquis et entreprit de dessiner la scène. Jared avait retroussé son jean. Torse-nu, il entra à la suite des Pokémon pour frotter sa chemise tâchée de lait et se débarbouiller la figure ; il fut alors rejoint par son Piafabec, qu'il cueillit sur son avant-bras en souriant.

- Salut toi ! On se balade sur le domaine ?

La scène fit sourire Grégoire aussi, et il entreprit de croquer rapidement ce qu'il avait sous les yeux, délaissant temporairement les chevaux pour esquisser les traits de son compagnon avec son oiseau. La tâche s'avéra plus ardue qu'il aurait pensé. Il commençait à bien connaître le rancher, et ce qu'il dessinait se mêlait avec le ressenti qu'il avait de lui. Finalement le résultat lui plut assez pour qu'il tourna à nouveau la page et reprit son croquis des poulains.

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Absorbé dans sa tâche, il ne remarqua pas que Jared était sorti de l'eau et s'était assis silencieusement à côté de lui, son Piafabec blotti dans le cou sous ses mèches blondes, et qu'il regardait par-dessus son épaule. Sa chemise séchait sur un rocher au soleil. Les chevaux étaient sortis de l'eau et paissaient tranquillement sur la berge moussue.

- Voilà bien une chose que je serais incapable de faire. Je n'ai jamais été doué pour dessiner.

Grégoire sauta en l'air quand il réalisa que Jared avait parlé à quelques centimètres de son oreille, penché sur son carnet par-dessus son épaule. Le dessin était fini : le rancher lui prit des mains gentiment pour regarder.

- Tu as vraiment un don !

- Mais non, grommela Grégoire qui était gêné par leur proximité. C'est quelque chose que je fais depuis tout petit, voilà tout.

Jared trouva le début du carnet et se mit à feuilleter les dessins, prenant garde de ne pas poser les doigts sur les traits. Il vit défiler un bon nombre de Pokémon, quelques esquisses des villes que Grégoire avait trouvées dignes d'être croquées, quelques personnes. Quelques combats de Pokémon. Des objets.

- C'était pour illustrer un article sur les items des dresseurs Pokémon, finit par dire Grégoire, incapable de se taire tandis qu'on examinait ses dessins. Celui-ci a été acheté par Trainer Mag pour leur couverture de mai 2008... ça aussi, deux mois plus tard.

Jared écoutait silencieusement tout en tournant les pages, regardant le voyage de Grégoire se dérouler sous ses yeux. Il finit par arriver à un croquis d'Écreumeuh avec un Tauros nouveau-né qui fixait le spectateur d'un air féroce.

- Mais c'est à nous, ça ! s'exclama joyeusement le rancher en effleurant la feuille. Et voilà la volière... c'était après que je t'ai emmené la voir, non ? Il n'y a pas mon Piafabec dedans.

Grégoire hocha la tête, se sentant soudain rougir. Il venait de se souvenir de ce qui venait juste après ce dessin. Jared tourna la page, et se trouva face à un portrait de lui en compagnie de son Insécateur.

- Tiens ! Il n'y a pas que les Pokémon du ranch, là-dedans, dit-il avec simplicité en se découvrant entre les pages du carnet. J'étais en train de débiter des planches, là, non ? C'était mardi. Il me semblait bien que tu étais dans le secteur, mais je ne t'ai pas vu.

- J'étais sur le banc derrière les buissons.

- Si tu voulais me dessiner, tu pouvais me demander, dit gentiment Jared en lui décochant un sourire. Ah, et là encore. C'est Moonlight, ça, non ? L'étalon de Hugo ? Hey, je me tiens pas mal en selle, finalement. Le boss râle toujours que je suis trop penché en avant, mais il exagère.

De plus en plus rouge, Grégoire vit défiler ses croquis, quelques Pokémon, mais surtout moitié autant de portraits de Jared. Par rapport, il n'avait dessiné que deux de ses collègues dans leurs tâches quotidiennes. Le cow-boy le fascinait par sa personnalité insouciante et pourtant tranquille, ses manières spontanées, la façon détachée et naturelle qu'il avait de l'inclure dans tout ce qu'il faisait alors qu'il n'en n'avait certainement pas l'habitude. Quelques autres saisonniers lui ressemblaient de loin, mais pas avec cette intensité dans la personnalité. Lorsqu'il le regardait faire, il avait l'impression de se trouver en face d'un Arcanin allongé qui sourirait sincèrement tout en respirant une calme puissance. Il n'avait jamais croisé personne comme lui et tentait, de croquis en croquis, de rendre correctement le ressenti qu'il en avait. Ce qui se traduisait par un certain nombre de tentatives. Finalement, le rancher tomba sur le portrait tout juste terminé de lui et de son Piafabec dans la rivière. N'ayant pas l'habitude de dessiner quelqu'un sans vêtements, il était assez fier du torse de Jared sur l'image.

- Quelle discrétion, dit ce dernier à mi-voix après un court silence. A aucun moment dans toutes ces scènes je ne me suis douté que tu étais en train de me dessiner.

- Question de pratique, finit par dire Grégoire pour murer le silence. C'est pour ça que normalement, je ne fais que les Pokémon ou les paysages - enfin, des choses qui ne parlent pas.

- Alors je suis spécial ! s'écria joyeusement le rancher en lui rendant son carnet.

Ils remontèrent à cheval pour ramener ceux-ci au ranch, et mangèrent leurs dîners respectifs assis sur des ballots de foin. Lorsque vint le moment pour Grégoire de retourner en ville vers son hôtel, Jared réitéra sa proposition.

- J'ai toujours mon sac de couchage supplémentaire sous la tente. Ça t'éviterait de faire le chemin tous les matins.

- C'est vrai...

Grégoire hésita, vraiment. Ça lui permettrait en prime d'être réveillé avant neuf heures, heure à laquelle il arrivait normalement au ranch pour trouver chacun déjà en train de s'activer. Combien de temps depuis qu'il avait campé hors d'un lit ? Combien de semaines avant que son dos n'ait cessé de lui reprocher ? De plus, une partie de son inconscient craignait de briser l'image qu'il avait du cow-boy s'il partageait sa tente, sans parler de l'intrusion dans son espace personnel.

- C'est très gentil, Jared.

- Je sais. Ce serait bien que tu acceptes.

Ils se séparèrent sur ces mots, le journaliste redescendant de la colline vers la civilisation, le rancher retournant vers sa vie à demi sauvage en pleine nature.

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