Prologue

Antoine avait appelé les secours puis le commissaire Leclerc dès qu'il avait comprit la situation. Les cris de Candice avaient résonné dans la mine à ciel ouvert, puis elle lui était tombée dans les bras. Il l'avait serré fort contre lui pour ne pas la laisser tomber. Après quelques longues minutes, elle avait réussi à prononcer deux mots, pas une phrase, juste ces mots : « bombe » et « David ». Puis le flux des larmes avait reprit. Antoine avait comprit. La jeune fille qu'ils venaient d'arrêter, avant de se rendre à la mine d'époxy, avait déposé une bombe au domicile de Candice. Alors que cette dernière elle était au téléphone avec David Canovas, la bombe avait explosé. Durant tout le trajet vers son domicile, Candice était restée muette prostrée au fond du fauteuil passager, ne se donnant pas la peine d'essuyer le flot incessant de larmes qui perlaient sur les joues. Aucun mot n'avait été échangé. De tout façon Antoine n'aurait pas su quoi dire. Il n'était pas le genre de type à vous assener de banalités du style « ca va aller » « ce n'est peut-être pas si grave ». Ses phalanges étaient engourdies. Il serrait le volant avec force. Il transpirait d'une sueur froide qui vous remonte le long de la colonne vertébrale. Cette journée était un enfer. Il repensa à Michel, leur collègue victime de la voiture piégée dans laquelle Antoine aurait dû se trouver. A sa connaissance il était toujours en soins intensifs. C'est lui-même qui devrait être à l'hôpital en ce moment. Et maintenant c'est David qui se trouvait la cible inopinée d'un explosif qui ne lui était pas destiné.

Antoine se gara à la hâte sur le bas coté à une dizaine de mètres de l'entrée de la maison. Les pompiers et la BRI étaient déjà sur place leurs camions bloquant la vue et l'accès à la maison. Candice sauta en dehors de la voiture et contourna le camion de pompier. Il n'y avait pas un bruit. Que des visages sombres, et des regards fuyants. Et du sang sur le sol, et dans la haie de thuya qui bordait l'allée menant à l'entrée principale, beaucoup de sang, dont l'odeur mélangée à celle de l'explosif formait un cocktail nauséabond. Candice fit volte face, elle cherchait des réponses, elle cherchait David, quand elle sentit une légère pression sur son épaule droite. C'était Louis, le second de David. Il la regardait droit dans les yeux comme s'il voulait s'assurer qu'elle était bien là, qu'elle était prête à recevoir ce qu'il avait à lui dire. Mais il ne prononça aucune parole. Lentement il leva la main et indiqua un deuxième camion de pompier en contre bas de la rue. Les deux portes du coffre étaient grandes ouvertes, on distinguait un brancard à l'intérieur. Dans un grand sac noir de l'institut médico-légal, on devinait la silhouette d'un corps sans vie.

- Tu ne peux pas rester ici Candice, lui murmura Antoine en lui prenant le bras.

- Mes enfants, fit-elle en mettant sa main sur sa bouche mais sans réelle émotion dans la voix. Ils sont chez la mère de David.

Candice avait l'air perdu, son regard d'ordinaire si pétillant, errait dans le vide. Les larmes avaient maintenant cessé.

- Chrystelle s'en est occupée, Candice. Laurent va venir les chercher à Montpellier, il les gardera à Marseille pour les prochains jours. Mais en attendant tu ne peux pas rester ici, répéta Antoine un peu plus fort cette fois-ci. Viens avec moi on va prendre des affaires pour quelques jours dans ta chambre, j'ai un endroit tranquille où tu pourras rester.

Elle le suivit à l'intérieur de la maison sans broncher. Est-ce qu'elle comprenait ce qu'il lui disait ou était-elle trop fatiguée pour protester ? Il n'en n'avait aucune idée. Mais il était soulagé, car lui pour sûr, il n'avait pas la force d'argumenter.

La petite maison de quatre pièces était plutôt isolée à la sortie de Mèze en allant vers Marseillan, derrière un bois et de l'autre coté de la petite route, en direction de l'étang, les vignes. Dans cette maison avaient vécu les grands parents paternels Antoine. Le père d'Antoine y séjournait souvent, particulièrement depuis son divorce, pour fuir la foule et les ennuis de Montpellier. Mais ce dernier étant parti en Asie pour un mois en voyage d'affaire, il lui avait confié les clefs. L'intérieur était un peu sombre, les petites fenêtres à carreaux ne favorisant pas l'entrée massive de lumière, mais l'endroit était très chaleureux. Les meubles anciens et les objets désuets faisaient tout le charme de la demeure.

- Attention prépares-toi à un petit un voyage dans le temps, avait lancé Antoine, dans une vaine tentative de sortir Candice de sa torpeur.

Pas de réaction.

- Est-ce que tu veux boire ou manger quelque chose ?

Candice fit non de la tête.

- D'accord, viens, je vais t'installer dans la chambre d'ami.

Le père d'Antoine avait fait nettoyer les lieux au cas où Antoine aurait voulu y séjourner pendant son absence. Il avait bien fait. La chambre était toute petite le plafond assez bas, avec au centre un lit double rustique en bois sombre qui devait faire 120cm de large tout au plus. La fenêtre donnait sur le jardin. La nuit allait bientôt tomber. Antoine posa le sac contenant les affaires de Candice sur la chaise de la liseuse, se retourna, Candice était allongé sur le lit, recroquevillée faisant dos à la fenêtre. Antoine s'approcha et s'assis au bord du lit pour lui enlever ces chaussures. Il défit doucement les lacets puis posa une chaussure après l'autre aux pieds du lit. Puis il lui enleva son grand manteau marron, Candice étant trop extenuée pour manifester quelconque forme de protestation. Finalement, il la soulagea de son sac à main, puis saisit la couverture pliée au bout du lit et recouvrir Candice de la tête aux pieds. Il retourna dans la pièce principale chercher un verre d'eau pour le déposer sur la table de nuit. Il s'assit à nouveau au bord du lit, et cette fois-ci retira ses proches chaussures. Il regarda Candice un long moment. Il tentait de capter ses pensées. Elle ne dormait pas, son regard était fixé dans le vide comme si tout était en suspend dans son esprit. Alors avec une extrême douceur il s'allongea en face d'elle. Il plaça son visage contre le sien, ses mains autour de sa taille. Antoine avait toujours aimé l'odeur de Candice, un mélange sucré et fleuri, le lilas, la lavande, il n'était pas sûr, peut-être aucun des deux. Il réalisa pour la première fois qu'il avait faillit la perdre aujourd'hui. Il resserra son étreinte. Il senti les larmes couler sur ses joues. Il aimait cette femme, infiniment, jamais il n'avait connu ca avant elle. Bien sûr, il avait eu de nombreuses relations, mais jamais de son coté il n'y avait eu une telle intensité. Les mains d'Antoine prirent le chemin du visage de Candice, il croisa son regard, puis déposa un baiser sur ses lèvres. Elle ferma les yeux. Antoine lui murmura un sobre « je t'aime » à l'oreille.

Parce que ni l'un ni l'autre n'aurait dû se trouver dans cette chambre ce soir. Parce qu'ils avaient échappé à la mort de peu et que d'autre n'avaient pas eu cette chance, ils restaient immobiles dans les bras l'un de l'autre dans un silence proche du recueillement.