En faisant un peu de tri dans mes dossiers j'ai retrouvé quelques scénettes que j'ai commencé il ya un moment déjà en me posant les questions suivantes : mais qui sont les Malefoy et comment ont-ils vécu ? Mes réflexions ont abouti sur l'écriture de petits textes indépendants, mais complémentaires, qui m'ont permis de dresser une sorte de « portrait impressionniste » de ce qu'aurait pu être cette famille atypique.

Le premier texte que je vous propose est un portrait de Drago. Il revient sur une partie de sa vie, selon angle particulier, mais prend place à la veille de la première rentrée à Poudlard de Scorpius. Je me suis basée sur les éléments laissé par J.K. Rowling (à qui tout appartient) à la fin de sa saga et je suis parti de l'idée que les Malefoy vivent tous ensembles, reclus depuis la fin de la guerre.

Je classe cette fanfiction en T par précaution, à cause de tous les sous-entendus que je me sais capable de laisser (volontairement ou non). J'espère qu'elle vous distraira autant que je me suis amusée à l'écrire.


L'alchimie dans le sang

Personne ne connaissait le passe-temps de Drago Malefoy. Personne ne savait qu'il aimait cuisiner ses propres plats, de ses propres mains, sans utiliser ne serait-ce qu'une once de magie. On lui avait appris que la cuisine n'était qu'une basse besogne, une tâche ingrate dont seulement les elfes de maison devaient s'acquitter. Seulement voilà, Drago ne mangeait pas seulement pour se nourrir, il mangeait aussi pour son plaisir et ça changeait tout. Un plat ne se devait pas d'être bon, il se devait d'être exceptionnel. Chaque bouchée devait éveiller les sens et mener à un tourbillon de sensations, une ivresse de délices. Cependant, de tels résultats ne pouvaient être que l'œuvre d'un virtuose c'est ce qui avait poussé Drago à composer lui-même ses plats et à faire de cette passion un art.

Son engouement pour les plaisirs du palais remontait à sa plus tendre enfance où, chaque jour, sa mère déposait devant lui une pâtisserie provenant d'un des plus grands établissements du monde sorcier. Cette simple mais néanmoins délicate attention était devenue sa source de bonheur quotidienne, elle lui permettait d'échapper aux tristes réalités du monde le temps de quelques bouchées. Avide de développer ses sens, il avait rapidement entrepris de se rendre aux cuisines une fois la nuit tombée afin de gouter aux divers ingrédients puis de débuter ses premières compositions, des sandwichs. Il avait commencé ainsi, en sublimant deux tranches de pain dorées avec un mélange d'ingrédients simples, dans le souci d'une harmonie parfaite.

Lors de son adolescence, Drago avait eu le loisir d'initier son palais aux saveurs d'ailleurs en se rendant dans de nombreux restaurants et des épiceries fines aux contenus exotiques. Il avait mémorisé chaque texture, chaque parfum et avait approfondi ses connaissances en s'accordant un tour du monde gastronomique après sa dernière année d'études. A ce moment là Drago en était déjà convaincu : la cuisine est un art, un art tout aussi subtil, mystérieux et délicat que celui des potions. Cet art s'était mué au fil des années en véritable art de vivre, conditionnant son rapport au monde. C'est certainement la proximité entre ces deux pratiques alchimiques qui avait éveillé son intérêt pour la confection de potions, intérêt qui n'avait fait que s'accroitre au fil des années.

Ainsi Drago Malefoy inventait aussi ses propres potions. Il les testait parfois en usant des procédés peu éthiques, mais ça personne n'en savait rien, ou du moins personne ne pouvait le prouver. Un jour il lui était venu l'idée saugrenue de mélanger les deux, de créer des mets aux propriétés atypiques et l'exercice lui avait tellement plu que ça en était presque devenu une habitude. Ce type de mélange demandait une maîtrise absolue des deux disciplines afin que les propriétés des potions ne soient pas mises à mal par les ingrédients des plats et que ces derniers ne perdent rien de leurs qualités gustatives. Le niveau de difficulté était tel chaque création poussait Drago à se dépasser et que chaque réussite pouvait être qualifié d'œuvre à part entière, voire de chef-d'œuvre.

Drago était particulièrement fier de son somni-fondant aux trois chocofères, mélange d'une potion de sommeil complètement inoffensive et d'un parfait au chocolat revisité. Sa femme en raffolait. Qui aurait cru que l'amertume de la mandragore, et son arrière goût de rance, pouvaient être effacés grâce à un morceau provenant du chapeau de ce rarissime champignon qu'est le metafungus mors et qu'en plus cela donnerait au chocolat noir un goût délicatement truffé ? Cette découverte lui fit l'effet d'une révélation et l'aida quelques temps plus tard à mieux supporter les crises de nerfs de sa femme enceinte, lui épargnant ainsi des heures de sommeil et l'accentuation de sa calvitie déjà naissante.

Astoria n'était pas la seule bénéficiaire de ses talents. Pour son père Drago avait inventé l'euphorôti, un rôti de porc cuisiné façon Orloff, mais avec une sauce très spéciale, afin de prévenir ses tendances à la dépression. Dès qu'il voyait les premiers signes poindre chez son paternel : mélancolie, perte de cynisme, susceptibilité, désirs de vengeance mais aussi hausse de la consommation de digestifs chez sa mère, Drago servait ce met à Lucius et ça le remettait d'aplomb. Cette recette avait pour effet collatéral de fonctionner également sur l'état neurasthénique latent de sa mère et de l'éloigner de ses travers pendant quelques temps. C'est suite à cette constatation que Drago avait compris que la flamme entre ses parents ne s'était jamais éteinte et que son intensité avait une lourde incidence sur leur bien être quotidien. Pour vérifier ses déductions, il avait repensé pour sa mère la traditionnelle soupe miso japonaise, pour laquelle elle avait un fort penchant, afin de créer la misophrodisiaque. Servie dans les mêmes circonstances que l'euphorôti et à la place de ce dernier, Drago avait noté que les résultats étaient identiques et servait donc ces plats en alternance. Tout un chacun sait que l'efficacité d'un traitement réside dans la régularité et la posologie.

Malgré ces succès, Drago avait tendance à culpabiliser pour une autre de ses recettes, les décontract'cake, des petits calmants onctueux à la nougatine et à la crème de noisettes. Tout d'abord pensés pour réguler les humeurs de sa mère, il les avait finalement développés pour calmer l'hyperactivité de son fils. Après avoir mis la recette au point, il avait hésité plusieurs semaines avant d'en faire usage mais l'irruption de son fils dans le salon ce jour là l'avait fait changer d'avis. Si vous croyez impossible qu'un enfant de huit ans fasse irruption dans la pièce dans laquelle vous recevez un contrôleur du Ministère de la magie, nu, en brandissant un balais dont la paille est en feu en criant « brûlez-le, brûlez les infidèles ! », le tout à dos de poney et que le dit poney, affectueusement surnommé « Poppy », décide de surcroit de se soulager sur les chaussures de votre visiteur, c'est que vous ne connaissez pas Scorpius Malefoy. Depuis ce jour là, Drago n'hésitait plus à offrir ces douceurs à son fils quand il le jugeait utile.

Ainsi, Drago Malefoy droguait tous les membres de sa chère petite famille et ça ne l'empêchait aucunement de dormir sur ses deux oreilles. Après tout, n'avait-il pas de bonnes raisons ? Ne leurs apportait-il pas bien être et tranquillité tout en développant son art et en ravissant leurs estomacs ? Il avait bien entendu essayé chacune de ses recettes avant de les faire manger à son entourage, il ne prendrait jamais le risque qu'il leur arrive quoi que ce soit. Il le faisait sur lui-même hormis quand il avait de trop gros doutes. Être son propre cobaye lui permettait de savoir si le goût, les effets et le dosage étaient bons. En général c'était parfait. Tellement que, parfois, sa gourmandise le rattrapait et il craquait pour un met qu'il savait corrompu. Ces expériences entrainaient de temps à autres des états anormaux mais aucun des membres de sa famille ne lui avait jamais posé une seule question, à commencer par sa propre épouse, et il en était ravi.

C'est en se remémorant ces derniers souvenirs que Drago porta à ses lèvres la part de tarte aux pommes qu'il tenait en main et pour y mordre impunément dedans. Il ferma les yeux de contentement et poussa un soupir de plaisir quand il sentit le caramel naturel de la pomme se mélanger avec la crème custard pour faire ressortir le goût du fruit et des épices, le tout enveloppé dans la douceur d'une crème chantilly gourmande. Tous les ingrédients et toutes les textures se mêlaient parfaitement les unes aux autres, explosaient en bouche et continuaient de la ravir quand le tout coulait le long de sa gorge. La jouissance à l'état pur. Il caressa d'une main distraite les cheveux de sa femme qui dormait contre lui et sourit quand il vit un reste de chocolat au coin de sa bouche. Il jeta ensuite un coup d'œil et son regard tomba sur son fils qui était tranquillement entrain de feuilleter ses nouveaux livres sur le sol. Drago ferma à nouveau les yeux et apprécia le silence qui régnait dans la pièce : il n'y avait pas un seul bruit, si ce n'est celui des pages que tournaient son fils, et surtout il n'y avait pas la moindre trace de ses parents. Il soupira de contentement. Après le tumulte de la semaine et le parcours du combattant qu'il avait subi en amenant son fils au Chemin de Traverse pour préparer sa première rentrée à Poudlard, il avait bien mérité un peu de repos. Tout s'annonçait sous les meilleurs hospices. Son dimanche après-midi allait être parfait et surtout parfaitement calme. Merlin soit loué la nourriture.