Le Dr. Emil Langston était diplômé en psychologie depuis presque quinze ans maintenant, cela en faisait trois qu'il exerçait pour les diverses agences des forces de l'ordre et qu'il animait les séances de groupe de gestion de la colère. Autant dire qu'il avait du vécu dans ce domaine et que, des cas étonnants, il en avait vu dans sa carrière. Et pourtant, depuis quelques temps, une patiente attirait particulièrement son attention. Teresa Lisbon.
Cela faisait presque 2 mois qu'elle suivait les séances de groupe et elle n'avait prit la parole qu'une seule fois afin de se présenter. La jeune femme n'avait pas évoquée la raison de sa présence d'elle-même. Bien sûr, le Dr Langston avait plus ou moins été briefé sur sa situation mais les raisons de son excès de colère restaient indéterminées. Après avoir consulté son dossier et l'avoir observé durant les séances, il avait pu constater que l'agent savait contenir ses émotions, et les dissimuler assez bien même. De plus, elle est très respectueuse des lois et du règlement, à ce qu'il savait. En revanche, elle a un côté protecteur très développé envers ses proches, probablement causé par le fait qu'elle ai dû élever ses deux jeunes frères et les protéger de leur père alcoolique. Cela, il l'avait déduit en apprenant que la Chef d'Equipe avait couvert deux de ses agents lorsque ceux-ci entretenaient une liaison contraire au règlement, auquel elle était pourtant très attachée, et qu'elle avait défendue l'honneur de sa supérieur accusée de meurtre jusqu'au bout. Il avait également entendu parler d'un certain consultant mais, il n'avait pas encore eu le temps d'approfondir ses recherches à ce sujet.
Ses réflexions l'ont donc amenées à en déduire que l'agent Lisbon avait frappée ce suspect afin de protéger l'un des membres de son équipe. Elle n'avait donc rien à faire ici, et elle en était parfaitement consciente. Comme beaucoup de ses patients, elle détestait être à ses séances qu'elle considérait comme inutiles (qui l'étaient dans son cas), elle détestait même la psychologie dans son ensemble. Pourtant, même si elle montrait assez souvent son ennui, elle écoutait toujours attentivement les témoignages des autres patients et semblait participer mentalement aux différents débats. Mais aujourd'hui, quelque chose avait changé dans son comportement. La jeune femme fixait ses chaussures sans vraiment les regarder, elle n'écoutait pas, ne faisait pas attention aux personnes qui l'entouraient, elle se trouvait à milles lieux d'ici. Le thérapeute l'observa plus attentivement. Ses sourcils étaient froncés et une petite ride était apparue entre ses sourcils.
« Intéressant… » pensa-t-il.
Pour la première fois depuis plus d'un mois, Teresa montrait autre chose que de l'ennui. Un subtil mélange de tristesse et de colère. Enfin il naviguait en terrain connu.
Le Dr Emil ne forçait jamais ses patients à parler ou à participer aux activités durant les premières séances, mais à présent, il était grand temps pour Teresa Lisbon de s'exprimer.
Lisbon avait mal à la tête… au dos… au bras… au cœur… partout. Et pourtant, elle restait assise sur cette chaise inconfortable à faire semblant d'écouter tout ces gens se plaindre. LaRoche ne lui avait pas laissé le choix, il lui avait déjà épargné deux séances à cause des récents évènements.
Cela faisait deux semaines qu'elle ne dormait plus, toutes ses nuits étaient hantées de coups de feu, de sang et… de lui. Elle revoyait Cho entrer dans sa chambre d'hôpital et lui annoncer que John Le Rouge était mort. Soulagée, voilà ce qu'elle avait ressentit à ce moment là. Elle avait même sourit, ca avait été plus fort qu'elle. Elle ignorait alors que ce serait le dernier avant longtemps… Puis il avait rajouté « C'est Jane qui l'a tué. Trois balles à bout portant en plein centre commercial. ». Elle était alors restée figée, avec ce vestige de sourire sur le visage. Son cœur s'était emballée et une infirmière avait aussitôt rappliquée. Fichu moniteur…
Ils en avaient parlés aux infos le soir même, elle avait éteint avant même la fin du reportage à cause des larmes qui l'empêchaient de voir quoi que ce soit. On lui avait tiré dans l'épaule et pourtant, c'était à la poitrine que la douleur était la plus forte.
La brunette repensait au consultant, à tous ses sourires charmeurs qu'il lui lançaient pour se faire pardonner, son regard perdu lorsqu'il repensait à sa famille, à la façon dont il posait sa main dans son dos pour la laisser passer… Toutes ces années où elle s'était jurer de l'en empêcher, la promesse qu'elle s'était faite… Elle avait échouée. Maintenant, il était en prison à attendre un procès où il serait sûrement condamné pour très longtemps.
Il était devenu un tueur, et elle n'avait rien fait pour l'y en empêcher. Il les avait abandonnés, elle et l'équipe. Ils ne comptaient pas suffisamment pour le dissuader de tirer. N'avaient-ils été que des simples outils pour lui durant toutes ces années ?
« Teresa ? »
Le regard toujours rivé sur ses bottines, la jeune femme ne broncha pas à l'appel de son prénom. Esquissant un léger sourire, le thérapeute se pencha légèrement vers elle et répéta son nom, de la même voix calme que la première fois.
- Teresa ?
Elle releva légèrement la tête, tel un automate, puis remarqua que tous les regards étaient braqués sur elle. Mal à l'aise, elle se redressa dans son siège et voulut croiser les bras, réflexe d'autoprotection, mais un début de douleur lui rappela qu'elle avait le bras gauche immobilisé par une attèle.
- Quoi ? Marmonna-t-elle.
- A quoi pensiez-vous ?
La voix douce et le regard bienveillant du psy énerva encore plus la brunette.
- Pourquoi je vous le dirais ? Résista-t-elle.
- C'est un sujet trop honteux pour le partager à voix haute ?
Elle leva les yeux au ciel.
« Bonne technique, Docteur ! Maintenant je suis obliger d'en parler ou on va croire que je pense a des trucs bizarres… »
- Je pensais au travail, c'est tout… soupira-t-elle.
C'était en partit vrai.
- Pas si honteux que ca, vous voyez ? Plaisanta Emil.
Il savait bien que ce n'était pas la vérité mais, au moins, elle avait parlée.
- Comment vous êtes-vous blessé, Teresa ?
- C'est juste… Attendez, pourquoi vous vous intéressez à moi aujourd'hui ? C'est ma journée ou quoi ? S'emporta Lisbon.
« Sur la défensive, intéressant… »
- Quand votre supérieur vous à forcer à venir ici, vous avez vraiment cru que c'était pour rester assise sur une chaise à écouter les autres ? Teresa, les personnes qui sont assises ici - il désigna les gens assis en rond au centre de la pièce - ont partagées des expériences dont-ils ont honte, avec vous. Je ne fais que vous poser une simple question que n'importe qui pourrait vous poser.
L'agent sembla reconsidérer la chose et assimiler le fait que le Dr Langston n'avait rien fait pour être la cible de son humeur massacrante.
- Je suis désolé - bredouilla-t-elle. J'ai eu une mauvais expérience avec les psy… Le dernier qu'on m'a forcé à consulter a voulu me faire accuser d'un meurtre, et il a presque réussit alors…
Elle haussa les épaules et le regretta de suite à cause de sa blessure. Elle retint à grand mal un hurlement de douleur.
- Ne vous inquiétez pas Teresa, je ne vous veux aucun mal, je vous assure - sourit-il.
Les autres agents présents rirent aussi, ce qui allégea un peu l'atmosphère.
- Alors - reprit-il - qu'est-il arrivé à votre bras ?
- Un accident de travail. Je suis agent, ce sont les risques du métier…
« Se faire tirer dessus par un agent du FBI fiancé à une de ses agents ne devrait pas en faire partie cela dit… » se retint-elle d'ajouter.
Sentant la colère revenir, elle se pinça les lèvres et se força à sourire. Le thérapeute hocha la tête, réponse peu satisfaisante mais il s'en contenterai pour l'instant. Ses années d'expériences lui soufflant que, s'il continuait à lui poser les bonnes questions, la brunette ne tarderait pas à exploser.
- Et puis, ce n'est pas vraiment mon bras - rajouta-t-elle. La balle a traversée mon omoplate, juste sous ma clavicule, alors je dois juste éviter de remuer ce côté-là, c'est tout… précisa Lisbon sur un ton plus ou moins indifférent.
Tiens, tiens… S'être fait tirer dessus n'a pas l'air très important pour elle… C'est que quelque chose d'encore plus grave est arrivé. Tellement grave que le fait d'avoir presque perdue l'usage d'un bras paraît n'être qu'un détail insignifiant. Le cas Teresa Lisbon devenait de plus en plus intéressant…
- Nous espérons tous que vous vous rétablirez le plus vite possible
Il parcourut la pièce du regard pour faire approuver les autres patients, qui hochèrent tous la tête en prononçant des encouragements.
N'étant plus sous le regard perçant du Dr Langston, Lisbon se cru enfin libérée de toutes ces questions et de l'attention de tout le monde, et, soulagée, se renfonça dans son siège pour retourner à sa torture mentale. Mais celui-ci revint à la charge avec son satané air serein.
- Qu'est-ce qui vous a amené à ces séances, Teresa ?
La jeune femme soupira. Ne pouvais-t-on pas la laisser en paix ?
- Ordre de mon supérieur - dit elle sèchement.
- Qu'aviez-vous fait pour mériter cela ?
- J'ai frappée un suspect.
- Et pourquoi ?
L'agent se leva, plus qu'irritée par ce harcèlement.
- C'est bon, je commence à en avoir ras-le-bol de toutes vos questions ! Ca suffit !
Emil ne se démonta pas pour autant et resta tout aussi calme. Comment pouvait-il être aussi serein alors qu'elle-même bouillonnait à l'intérieur ?
- Teresa, vous êtes en colère. Savoir pourquoi est important et en parler vous ferait du bien…
Lisbon émit un rire sarcastique et, à cet instant, Emil Langston savait qu'il avait gagné.
- Je suis en colère, c'est vrai. Je suis toujours calme, j'ai été calme toute ma vie mais là, je ne peu plus ! C'est au-dessus de mes forces !
- Personne ne vous oblige à le rester, Teresa. Exprimez-vous, vous êtes là pour ca.
Elle se mit donc à arpenter l'intérieur du cercle formé par les chaises d'un pas rageur.
- Tout ca, c'est de sa faute ! C'est un manipulateur remarquable, y a pas à dire ! Je le détestais, oh ca oui ! Il faisait son possible pour me pourrir la vie et je n'avais qu'une envie, c'était de l'assommer avec mon flingue jusqu'à ce que son idiot de sourire disparaisse de son visage !
Plusieurs des autres patients se mirent à rire, ayant surement déjà éprouver ce sentiment envers un de leur collègue. L'agent ralentit ses pas et plaqua ses cheveux en arrière da sa main valide.
- Je sais pas comment il s'y ai prit mais, c'est comme si au fil du temps, il s'était insinué en moi sans même que je ne m'en rende compte. Et voilà que tout à coup, je me retrouve prête à faire n'importe quoi pour lui…
La jeune femme baissa la tête et son expression de colère se mua en tristesse.
- Teresa, de qui parlez vous ? Intervint Emil.
Cela eu l'air de la sortir de sa transe et elle braqua son regard sur lui.
- Je parle d'un homme à la vie brisée par un tueur en série, un homme bien qui a vu les cadavres de sa femme et de sa fille parce qu'il aidait la police à faire son boulot… Je parle de l'homme avec qui j'ai travaillée pendant presque 7ans, qui faisait partie de ma famille...
La brunette parcourue la salle des yeux, relevant les acquiescements autour d'elle. Toutes les personnes présentes à cette séance étaient des agents des forces de l'ordre, tous combattaient le mal et éprouvait le danger avec un partenaire. Ils connaissaient tous cette notion de famille à laquelle elle faisait référence.
- Lorsqu'il m'a dit que je pouvais avoir confiance en lui, que quoi qu'il arrive, il serait toujours là pour moi et qu'il me sauverait toujours, je ne l'ai pas cru. Tous ce qu'il voulait, c'était retrouver l'assassin de sa famille et le tuer alors, il est évident que son but et sa promesse n'étaient pas compatibles…
Elle émit un rire ironique et son regard se perdit à nouveau dans ses souvenirs.
- Mais il m'a sauvé la vie, au détriment de sa vengeance. Là, je l'ai cru et, je me suis dit que, peut être, je pouvais arriver à le sauver. Lui faire abandonner cette satanée quête de vengeance…
Un sourire nostalgique étira ses lèvres.
- C'Est-ce genre de promesses qui m'ont fait croire un peu plus en lui, qui m'ont poussées à avoir une confiance aveugle en ce qui le concerne…
- C'est à cause de cet homme que vous êtes là, n'est-ce pas ? Demanda le Dr. Langston.
Elle soupira à nouveau et son sourire disparut.
- Il y a deux mois, il a fait une énorme connerie, vraiment énorme, et il n'y avait qu'un moyen pour lui éviter la prison alors, j'ai frappée ce suspect. Résultat : 6mois de thérapie de gestion de la colère
Le thérapeute allait lui poser une nouvelle question mais elle l'interrompit.
- Ce n'est pas finit, Docteur. Vous voulez connaître toute l'histoire, non ?
Il acquiesça et lui fit signe de continuer.
- Il y a deux semaines, il s'est retrouvé confronté au tueur qui a assassiné sa famille. Il lui a tiré trois balles dans le ventre en plein centre commerciale. Je n'ai pas pu l'en empêcher parce qu'au même moment, le fiancé d'une de mes agents m'avait tiré dessus…
La brunette essuya une larme du revers de la main et regarda les différents murs de la pièce, laissant le silence s'installer. Enfin, elle pointa son regard noir dans celui d'Emil Langston.
- Alors oui, je suis en colère, c'est vrai. Et vous croyez vraiment qu'en parler arrangera les choses ? Je viens de tout vous raconter, comment je me suis blessée, pourquoi j'ai frappé ce type, pourquoi je suis en colère… Et est-ce que je me sens mieux ?
Elle regarda le plafond, comme si quelqu'un allait répondre à la question, mais le silence régnait dans la pièce, tout le monde écoutait avec attention. Son regard finit par revenir sur le psychologue.
- Non, pas du tout. Je suis en colère et j'ai de quoi l'être ! Alors, jusqu'à ce quelqu'un arrive à me faire changer d'avis, je resterais en colère.
Lisbon finit par se taire et le silence se réinstalla dans la salle. Le visage du Dr Langston n'était plus aussi serein, il affichait un air grave. Un des patients interrogea l'agent.
- Attendez, l'homme dont vous parlez, c'est Patrick Jane c'est ça ? Ils ne font qu'en parler à la télévision !
Emil le fit taire d'un signe de main, inutile d'aggraver les choses.
- Teresa, commença-t-il, vous êtes en colère contre lui parce qu'il vous a trahis vous, vos principes et ses promesses.
Elle mit sa main valide dans sa poche en grommelant une approbation. Elle détestait qu'on l'analyse.
- Mais vous êtes aussi en colère contre vous-même, n'est-ce pas ?
- Quoi ? N'importe…
Il ne la laissa pas l'interrompre.
- Vous êtes en colère parce que vous n'avez pas réussit à l'arrêter. Vous vous étiez donnée pour mission de l'empêcher d'accomplir sa vengeance et vous avez échouée.
Lisbon leva les yeux au ciel, même si elle savait très bien que c'était la pure vérité. Un autre des patients leva la main.
- Je peu me permettre de dire quelque chose ?
Le thérapeute acquiesça et l'homme se tourna vers Teresa.
- Là où je travail, nous avons beaucoup entendu parler de Patrick Jane. Vous pouvez déjà être très fière d'avoir réussit à travailler avec lui pendant toutes ces années, je crois que personne d'autre n'en aurait été capable.
La jeune femme lui sourit du mieux qu'elle put. Et dire qu'elle ne se rappelait même plus son prénom.
- Lui avez-vous reparlez depuis ? Demanda Langston.
- Je… Non.
Et malgré ce qu'il avait fait, il lui manquait terriblement.
- Si nous parler à nous n'arrange rien, alors c'est à lui qu'il faut aller parler. Vous devriez allez le voir, Teresa.
Celle-ci se laissa tomber sur sa chaise.
- Ca paraît si anodin quand cela sort de votre bouche - ironisa-t-elle.
Mais elle savait qu'elle devait le faire parce que, en vérité, elle en avait assez d'être en colère.
TBC ?
