Salut à ceux qui arriveront jusque là (et aux autres aussi). Je tente une nouvelle histoire, j'espère qu'elle plaira. J'avais dit courte mais j'ai un peu peur que ce ne soit pas tellement le cas (après j'ai quelques chapitres en avance donc ça devrait le faire).

J'ai mis le rating M car ça le deviendra sans aucun doute.

Alors évidemment, tous ces personnages sont à la queen Rowling et on la remercie fort pour ça

Enjoy


Chapitre 1

Le Duplex- Triangle d'or, Paris

26 novembre 2006.

- Excusez-moi, apostropha Blaise Zabini, nous aimerions passer aux desserts.

Malgré son accent anglais qui tintait délicatement aux oreilles de Draco Malfoy, bilingue depuis son plus jeune âge, son meilleur ami parlait très bien français.

- Je vous en prie Monsieur, le Duplex vous propose ce soir un grand classique de la cuisine français, une crème brûlée à la vanille de Madagascar. Nous avons aussi un parfait glacé praliné et caramel au beurre salé, un Potiron gris du marais confit à la vanille, ananas et écume de coco ou bien une palette de sorbets et glaces de saison.

Blaise se tourna vers Draco.

- Alors, qu'en penses-tu ? Demanda-t-il les yeux gourmands et étincelant comme un enfant dans un magasin de farces et attrapes.

- J'imagine que je vais devoir t'accompagner puisque ces dames ne désirent pas de dessert, mais comprends que moi aussi, je suis repu, répondit son ami avec flegme.

- Mais j'y compte bien ! La gastronomie française regorge de trésors à ce qu'on dit et je me suis promis de vérifier ces rumeurs durant mon séjour, reprit Blaise joyeusement.

Ce dernier reposa son regard sur le serveur, un jeune homme assez grand au regard doux qui attendait patiemment.

- Je prendrai la crème brûlée.

- Et pour moi, ce sera l'assortiment de sorbets, déclara finalement Draco. Ce sont des fruits, ça ne causera sans doute pas trop de dommages à ma ligne tenta-t-il en se tournant vers ses amis.

- Oh, arrête ça, ton hygiène de vie est quasi irréprochable pour un type de 26 ans !

Le métis s'adressa plus particulièrement à Hannah Abbott et Susan Bones qui partageaient leur table.

- En guise d'anecdote, dit-il, pour empêcher Draco de faire son jogging quotidien, il vous faut être soit un voleur qui aurait cambriolé l'intégralité de son coffre, soit le meilleur coup qu'il n'ait jamais eu !

Les jeunes filles rosirent tout en riant un peu tandis que Blaise recevait un coup de coude dans le ventre et un regard faussement vexé de son ami.

- Ravi d'apprendre que tu me connais si bien Blaise. Je crois pourtant, bien que le quotidien d'un Malfoy soit tout à fait passionnant, qu'il serait préférable de changer de sujet. En plus nous sommes en si bonne compagnie. Alors Hannah continua Draco, tu apprécies ce voyage en France ?

- Oui beaucoup. Évidemment, j'étais déjà allée à Paris, mais je n'avais jamais pris la peine de visiter autre chose que les nids à touristes : les Champs Élysées, la Tour Eiffel, la Basilique du Sacré Cœur de Montmartre… J'en étais déjà très heureuse mais grâce à Blaise, j'ai pu découvrir d'autres endroits magnifiques, ajouta cette dernière plus doucement.

Blaise l'écoutait avec un sourire sincère, Hannah était sa secrétaire, mais aussi son adjointe depuis bientôt trois ans.

Contre toute attente, l'ancien Serpentard avait repris la boutique Honeydukes, le paradis gustatif de Pré-au-Lard, et il s'y plaisait. Il avait toujours aimé manger, certes pour se remplir le ventre, mais aussi parce qu'il voyait la cuisine comme un art et que cela le fascinait de transformer un aliment basique en quelque chose de renversant. Ainsi, il avait développé la boutique avec beaucoup de succès. Les sorciers du monde entier venaient s'inspirer de ses créations et les goûter. Mais le jeune homme, loin de s'enorgueillir de ces prouesses culinaires, partait toujours aux quatre coins du monde à la recherche de nouvelles saveurs.

- Hannah m'est d'une grande aide. Sans elle, la boutique ne tournerait jamais aussi bien !

Il savait que cette dernière avait un faible pour lui, mais il n'était pas intéressé. Au grand dam des nombreuses filles qu'il fréquentait, Blaise Zabini n'avait pas envie de se poser. À vingt-six ans, il était un riche et bel homme et il continuait d'en profiter.

Draco regardait la scène narquoisement, le regard énamouré que lançait Hannah Abbott à son meilleur ami était tout à fait significatif. Elle allait être déçue. Depuis que le blond avait emménagé en France il y a sept ans, il ne voyait plus Blaise aussi souvent. Pourtant il le connaissait toujours par cœur et pour cause, ils avaient partagé le même dortoir pendant sept ans. Le blond se surprit à penser que les temps de Poudlard étaient déjà bien loin lorsque les desserts arrivèrent.

Alors qu'il entamait son sorbet à la framboise et au thym, les lumières se firent plus tamisées.

La salle principale de ce restaurant moldu était dans un style baroque qui avait été revisité par des designers modernes, lui offrant un aspect déstructuré qui restait toutefois très classe. Le bleu Tiffany et le gris perle des Fauteuils cabriolets se mariaient très bien avec le jaune topaze des murs.

Au milieu de la pièce trônait un piano à queue gris métallisé, légèrement surélevé par une estrade ronde. Depuis le début de la soirée, différents pianistes d'ambiance se succédaient et comme le voulait la coutume, on les entendait assez pour apprécier le fond sonore sans pour autant écouter la musique qui n'était jamais transcendante, il fallait bien l'avouer.

Pourtant, le restaurant semblait réserver un traitement différent au prochain musicien qui approchait d'un pas léger. En effet, pendant que ce dernier se préparait tranquillement, les clients se firent discrets et on parlait naturellement plus bas.

Draco aimait beaucoup la musique, bien que le monde sorcier en écoutait considérablement moins que les moldus. Ses parents l'avaient malgré tout initié au Classique et à différents instruments lorsqu'il était jeune ; le piano, la flûte, le violon, et même la harpe y étaient passés. Il avait aussi reçu une formation en solfège, tout cela faisant partie du programme d'éducation des familles de sang pur traditionnelles. Pourtant, jeune enfant qu'il était, il n'avait pas approfondi la pratique, malgré une indéniable préférence pour le violon.

Finalement, il avait fini par abandonner la musique lorsque Voldemort avait refait surface. À sa décharge, il s'était vu occupé par des tâches bien moins délicates que celle de faire glisser son archet sur les cordes de son instrument.

Draco distinguait mal ce pianiste qu'il avait vu marcher de dos bien que sa petite taille et sa silhouette un peu androgyne lui semblait familière.

- Cette crème brûlée est vraiment un délice ! S'extasia Blaise.

- Les sorbets sont bons aussi, exprima plus pudiquement Draco.

Ce dernier voyait bien que Bones lui lançait des coups d'œil réguliers. Elle s'était sans doute attendue à plus de considération en acceptant de dîner avec lui. Non pas qu'elle eût été réticente au contraire, elle s'était sentie flattée mais Draco ne lui avait quasiment pas adressé la parole de la soirée. Ce dernier ne savait pas très bien si son prénom était Susy ou Susan, bien qu'ils aient été à Poudlard ensemble. Au fond, il s'en fichait comme de sa première chaussette. Il la trouvait insignifiante, comme la plupart des femmes qu'il fréquentait. Pourtant, elle n'était pas laide avec ses cheveux blonds vénitiens qui tombaient délicatement sur ces épaules, son petit nez droit et ses quelques taches de rousseurs. Ni même complètement stupide, il avait au moins fait l'effort de le remarquer pendant le repas. Toutefois, elle lui paraissait fade et il n'arrivait pas à s'y intéresser.

Soudain, doucement, dans le calme incertain qui régnait dans la pièce, le piano se fit entendre. Les premières notes semblaient lourdes et dures, comme si elles cherchaient à s'ancrer dans la salle pour toujours.

C'était un morceau de Beethoven, le premier mouvement de sa « Sonate au Clair de Lune ».

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Draco avait toujours trouvé ce morceau empreint d'une certaine tristesse. Lorsqu'il l'écoutait, c'était la mélancolie qui s'insinuait souvent en lui, doucettement. Encore plus aujourd'hui puisque c'était sa défunte mère qui appréciait autrefois Beethoven. Pourtant, ce soir, c'était plutôt l'aspect majestueux du morceau qui était mis en valeur, comme si une force indéfinissable s'en dégageait. Une force qui semblait être en contradiction avec l'apparente fragilité de son interprète.

Il était doué. Plus que Draco ne l'avait jamais été et ne le serait jamais sans aucun doute. Le blond se rendit compte qu'il avait oublié à quel point, il pouvait apprécier la musique classique.

- Draco ?

Ce dernier ouvrit les yeux qu'il ne se souvenait plus avoir fermés pour voir Blaise qui le regardait avec un air goguenard. Mince, il n'avait absolument pas écouté ce qui se disait depuis un petit moment. Pourtant, c'est non sans se défaire de son masque assuré qu'il répondit :

- Qu'y a-t-il Blaise ?

- Susan te demandait simplement si tu avais une journée chargée demain car elle espérait pouvoir partager un déjeuner avec toi, expliqua le métis d'une voix presque mielleuse.

L'intéressée rougit brusquement sous le regard de Draco, un regard pourtant sans émotion aucune.

- Excuse-moi Susan, je pensais à autre chose, mais malheureusement, j'ai une journée bien remplie demain. Je dois m'occuper de trois clients avec des dossiers assez lourds alors il faudra reporter cela à plus tard, dit-il placidement. Ou à jamais, pensa-t-il.

Sa journée ne ressemblait pas vraiment à cela, mais bon, elle n'avait pas besoin de le savoir. Sa compagne de ce soir avait réellement imaginé qu'ils se reverraient, il secoua la tête pour s'empêcher de sourire.

La jeune femme qui arborait maintenant une teinte cramoisie ainsi qu'un regard déçu assura piteusement :

- Oui, je comprends ne t'inquiète pas. Une autre fois peut-être..

Draco lui sourit avec une bienveillance feinte en guise de réponse. Le pianiste terminait son morceau dont les dernières notes résonnaient encore dans la tête de ce dernier. Le jeune homme se leva et quitta le centre de la salle en se dirigeant vers la petite porte derrière le bar. Encore une fois, Malfoy ne put qu'apercevoir son dos et ses jambes fines se mouvoir gracieusement dans son costume trois pièces noir.

Sa démarche plutôt flegmatique paraissait si familière à Draco qui pensait en outre, que ce petit pianiste devait être vraiment habile pour avoir joué sans partition.

- Bon, assena finalement Blaise, c'est moi qui invite ! Cela faisait longtemps que je n'avais pas autant apprécié un repas.

- Tu es sûr ? On peut partager… Contra son ami.

- Ce n'est pas tous les jours que je peux passer du temps avec mon meilleur ami et manger dans un restaurant du Triangle d'or alors j'invite !

Le métis se dirigea tranquillement vers le comptoir tandis que Draco allait chercher leurs manteaux à l'accueil.

C'est une nuit particulièrement fraîche qui les accueillit, et Draco pris le temps de mettre ses gants et de bien serrer son manteau bleu marine ajusté en cachemire.

- Draco ? Tu veux passer prendre un verre à l'hôtel ? Demanda Blaise.

- J'aurais apprécié, mais comme je l'ai dit, ma journée est chargée demain et j'ai besoin de repos. En plus, tu ne pars pas avant la semaine prochaine donc ce n'est que partie remise.

Le grand brun eût un sourire narquois puis après un regard vers Susan, il fit une accolade à Draco et embrassa cette dernière. Il transplana ensuite dans la nuit hivernale suivi de Hannah.

Susan restait plantée là et Draco ne savait pas s'il avait besoin de sexe au point de lui proposer de venir chez lui. Il était las de ses réflexions et commençait à marcher dans la rue François Ier quand il se sentit rudement poussé par quelqu'un.

Draco se retourna vivement, histoire de molester cet empoté, mais lorsque son regard tomba sur une silhouette bien trop connue, il bloqua. L'autre n'avait pas changé, pas du tout : la même tignasse ébouriffée, le même stigmate sur le front, les mêmes prunelles, exagérément vertes. C'est étrange, il avait même l'air d'avoir comme.. Rajeuni. À moins que ce soit sa mine déboussolée qui le rendait plus innocent.

- Potter !? Interpella Draco, sa voix n'étant pas aussi sûre qu'il l'aurait voulu.

Ce dernier leva les yeux, une expression de surprise puis d'horreur se peignant sur son visage.

- Quoi !? Couina-t-il.

- Tu devrais lever la tête parfois, tes affreuses binocles sont faites pour ça, assena l'ancien serpentard alors que les yeux de son interlocuteur s'écarquillaient.

- Non, non, ce n'est pas possible.. Tu.. Tu ne peux pas.. Pourquoi tu.. Bégaya le survivant en se reculant, les fesses encore par terre, clignant furieusement des yeux et fuyant Draco comme s'il avait été un revenant.

- Eh Potter, je ne vais pas te jeter un impardonnable ici, en plein milieu de la rue, lança Draco railleur.

L'attitude du brun le surprit quand même. Jamais Potter ne l'avait fui ou fait quelque chose qui s'en approchait. Celui-ci parvint enfin à se remettre sur pied, mais il fixait toujours Draco l'air complètement affolé. Il regarda alors frénétiquement de chaque côté et transplana dans un « pop » silencieux.

Draco était abasourdi, le balafré avait transplané dans une avenue moldue, de façon totalement inconsidérée. Il avait du mal à intégrer ce qui venait de se passer. Mais après tout, ça allait bientôt faire huit ans qu'il avait délaissé la communauté sorcière britannique, cessant par la même occasion d'entendre parler de Harry Potter. Peut-être ce dernier avait-il sombré dans la folie ? Cela ne le concernait pas ou plus de toutes façons.

Bones le scrutait, ayant l'air de questionner profondément la scène à laquelle elle venait d'assister. Le blond haussa les épaules et reprit sa marche, un sentiment paradoxal l'étreignant furtivement : alors c'était ça la déchéance du survivant ?

.

Avenue Foch, Paris

POV Harry

La Gazette du sorcier, 26 novembre 2006

« Une nouvelle agression à Poudlard !

L'école de sorcellerie la plus emblématique du Royaume-Uni, est-elle encore capable de faire régner l'ordre ?

Il semble de plus en plus difficile de l'affirmer puisque ce 24 novembre dernier, un nouvel élève de Serpentard s'est violemment fait frapper par un groupe d'élèves. Il a été transféré d'urgence à l'hôpital Sainte-Mangouste, son état semblant toutefois stable pour le moment…

Sont-ce les mêmes étudiants à l'origine de ces attaques répétées ? Faut-il réellement se méfier des Serpentards ?

Il est vrai que depuis la destruction définitive du Mage Noir il y a huit ans, la crainte de voir un sorcier mal tourner ne quitte personne…. »

.

Je referme la Gazette d'un coup sec. Je ne sais pas pourquoi je m'évertue à consulter ce quotidien quasiment chaque jour alors qu'il a toujours été peu fiable et sensationnaliste.

Je soupire. C'est comme essayer de garder un lien avec un monde auquel je n'appartiens plus.

Je me lève, pose ma tasse dans l'évier en granit et contourne l'îlot pour rejoindre l'escalier en colimaçon. À l'étage, il n'y a que ma chambre que j'ai voulu séparer du reste. La pièce est très simple, caractérisée par des tons ocre et crème qui ne sont pas sans rappeler mon ancienne maison à Poudlard. J'ai un lit king size, séquelles d'avoir dormi dans un placard jusqu'à onze ans, et une immense fenêtre qui me sert de toit.

L'appartement que j'occupe depuis une année maintenant se situe dans la fameuse avenue du Maréchal Foch. J'imagine qu'elle est célèbre parce que lorsque les Dursley jouaient au Monopoly, Dudley ne connaissait que cette rue en plus des Champs Élysées.

L'immeuble de style Haussmannien dans lequel je vis est un bijou architectural, mais il est surtout quasi inoccupé à l'année. C'est un peu triste quand j'y pense. Ce sont des industriels italiens qui ont mis la main sur le duplex et les autres propriétaires sont des hommes d'affaires saoudiens, chinois et belges. Si peu de gens pour un si grand espace.

Mon loft n'existe que grâce à un sortilège, la porte apparaît seulement pour moi et c'est très bien comme ça. J'ai installé mon appartement au deuxième étage grâce à un sort d'extension et mes quatre-vingt-dix mètres carré me sont amplement suffisants. Après tout dès mon arrivée chez les Weasley avant ma deuxième année, j'avais été émerveillé par le fait de pouvoir transformer notre monde grâce à la magie.

Un petit pincement au cœur me rappelle que mes visites aux Terriers remontent à une autre vie.

Il est presque dix-neuf heures et le soleil a déjà fui Paris. Malgré le fait que les journées soient courtes, ça ne me contrarie pas, j'aime le temps de l'hiver. Puis ça n'est jamais pire qu'en Angleterre.

Je contourne le lit et choisis rapidement un smoking dans mon armoire. Si on m'avait dit il y a quelques années que je serais devenu un habitué des costumes j'aurais ri. Oh il ne faut pas se leurrer, si ça ne tenait qu'à moi je passerais mon temps en jean et en sweat mais étant donné mon travail ça ne serait sûrement pas au goût de tout le monde. Je sors donc un de mes trois pièces noir Saint-Laurent et l'enfile rapidement.

Mon reflet dans le miroir en pied me laisse indifférent. Ça pourrait être pire mais je me trouve toujours trop maigre, trop petit, victime de ce côté enfantin dont je n'arrive pas à me défaire. Avec ce corps frêle et ces bras fluets, on peine à croire que je suis le sauveur d'un monde. En même temps personne ne se poserait plus la question à présent.

Mon regard dévie sur le piano droit Steinway & Sons à côté du miroir. Je le trouve vraiment magnifique, entièrement restaurée sa table d'harmonie est en épicéa et son sommier en hêtre est d'une teinte caramel. Datant de 1902 il possède une sonorité particulière, différente de celle des pianos récents et je l'apprécie aussi pour ça.

Quand on dit que la musique peut être une thérapie, j'avoue sans honte ne pas savoir ce que j'aurais fait sans le piano. Pourtant ça semble étonnant. Harry Potter est un sorcier, un survivant, il est l'élu et le sauveur mais nulle part on prévoyait qu'il soit pianiste. Un tel projet d'avenir aurait été considéré plutôt comme une mauvaise blague et c'est certain que je ne l'avais pas prémédité. Dans un passé lointain, je m'imaginais bien devenir le nouvel Attrapeur des Canons de Chudley même si tout le monde me prédisait une carrière d'auror.

Mais ça, c'était avant l'ultime bataille, avant la fin du règne des ténèbres. Je n'avais plus voulu faire partie du monde sorcier d'après-guerre.

Je récupère ma baguette sur la table de chevet pour la glisser dans ma chaussette. Bien que je vive dans le monde moldu, ne pas l'avoir auprès de moi me fait me sentir vulnérable.

Je vérifie mon apparence une dernière fois. J'ai abandonné depuis bien longtemps l'idée de dompter ma chevelure et quelques mèches tombent devant mes yeux. J'attrape ma veste et dévale l'escalier.

L'horloge du hall sonne vingt heures quand je quitte l'immeuble. Je m'engage dans l'avenue jusqu'à trouver la bouche de métro la plus proche. Je me rends au Duplex, un très beau restaurant sur les toits de Paris que je commence à bien connaître. Enfin je n'y ai jamais dîné mais je suis entré dans les bonnes grâces du patron, j'y joue donc trois soirs par semaine depuis un mois. Je n'ai pas réellement besoin de travailler mais j'aime ce train de vie. Tenir compagnie aux pianos des hôtels ou des restaurants et faire, quand le temps s'y prête, quelques représentations dans de petits comités comble le vide dans ma vie.

Ça y est, j'y suis. En passant la porte tambour, je fais un sourire à Jean, le portier et vais rejoindre les autres pianistes. Généralement, nous mangeons un morceau ensemble dans une petite salle jouxtant les cuisines. Je reste souvent discret même si j'apprécie ces moments, la plupart des musiciens présents sont honorés de pouvoir jouer dans un tel lieu. Ils sont tous très doués et jouent un peu partout pour tenter de vivre de leur passion et je les admire pour cela.

Ce soir je pense interpréter la sonate au Clair de Lune, un morceau fragile et digne à la fois. Je l'apprécie beaucoup. J'ai de la chance d'être assez apprécié pour pouvoir sortir des sentiers battus et ne pas me cantonner aux musiques d'ambiance qui sont certes relaxantes, mais fréquemment sans profondeur.

La plupart des clients n'écoutent pas la musique. Beaucoup sont là pour exhiber l'épaisseur de leur porte-monnaie, d'autres sont en rendez-vous galant ou en dîner de famille et certains meurent de solitude. Pourtant, parfois, j'arrive à créer une bulle, une parenthèse qui retient leur attention et ça me plaît.

Ce soir, c'est le premier jour de Julie, une jeune étudiante en Histoire de l'art. J'ai discuté un peu avec elle tout à l'heure et elle semblait angoissée, j'ai remarqué sa fâcheuse tendance à se ronger les ongles. Toutefois, elle m'avait paru plutôt gentille. C'est son tour de passage et l'aiguille de ma montre pointe déjà le dix. Je souris, lui faisant un signe de la main avant qu'elle ne passe la porte.

Après une petite demi-heure, c'est à moi d'y aller. Partant, je rentre dans la salle tranquillement. Certains habitués me connaissent et l'ambiance semble naturellement plus douce, comme s'il y régnait une sorte de maîtrise de soi. Certains sont dans l'expectative ou ont simplement le cerveau légèrement grisé par l'alcool en cette fin de soirée.

Je m'installe sur le tabouret, pose mes doigts sur le clavier et ferme les yeux. J'oublie agréablement les tables autour, les serveurs qui vont et viennent et les clients qui dégustent leur dessert.

Certains ne comprennent pas le fait que je joue sans support, beaucoup sont impressionnés et d'autres désapprouvent cette pratique non-conventionnelle. C'est juste que, je n'ai pas besoin de regarder, je sens. Certes lorsque je déchiffre un nouveau morceau j'ai besoin d'une partition, mais ensuite il se grave dans mon esprit et dans mes mains. C'est à la fois mécanique et abstrait, comme si la musique restait imprégnée quelque part en moi puis qu'elle renaissait au bout de mes doigts.

Je commence ces quelques notes graves, doucement, infligeant au morceau un rythme lent. Je puise dans ce que j'ai à l'intérieur pour essayer de rendre mon interprétation singulière, même pour ceux qui connaissent la mélodie. J'essaie de créer quelque chose d'intime, un moment particulier pour tous ceux qui sont réceptifs à la musique et je sens ma magie crépiter au bout de mon index. Étonnement, jamais je ne la discerne aussi nettement que lorsque je suis au piano.

Les minutes passent et le moment s'éternise sans que je ne m'en rende vraiment compte et quand je joue le dernier accord, la douce torpeur qui m'avait envahie s'envole. C'est toujours comme ça, je reprends conscience de ce qui m'entoure non sans une pointe de regret pour ce moment de grâce déjà délaissé. Je vois certaines personnes qui me fixent sans gêne, d'autres ont le regard brillant et les tables les plus proches applaudissent délicatement. C'est déjà bien, ce n'est pas souvent.

Je m'apprête à me lever lorsque j'aperçois une silhouette étrangement familière sur une des tables du fond, à côté de la colonne de verre. Je tressaille imperceptiblement. Ça ne peut pas être lui. Des cheveux blonds presque blancs, une pose digne d'un aristocrate et un masque insolent. Je me tourne promptement pour éviter d'être replongé huit ans en arrière et feins une démarche insouciante en quittant la salle.

- Ouah, c'est dingue, tu as un talent fou, tu as dû commencer le piano très jeune ! S'exclama la petite Julie en me rejoignant.

Encore un peu déstabilisé, j'observe la jeune fille quelques secondes puis ris légèrement en comprenant ce qu'elle vient de me dire. Je repense à mon enfance minable, mon oncle Vernon aurait bien été le dernier à me payer des cours de piano.

- Mmh non pas vraiment, répondis-je sommairement, mais merci !

Elle me regarde comme si j'étais la réincarnation de Beethoven, ce que je trouve assez embarrassant. Elle enchaîne ensuite nerveusement :

- Euh, je suis désolée d'être aussi abrupte mais tu joues si bien alors je me demandais si tu accepterais de me donner quelques cours ? Oh, pas souvent, une fois par semaine si tu as le temps, pour m'améliorer peu. Non pas que je sois nulle, non je me débrouille, mais ça serait vraiment sympa si ça ne te dérange pas, on trouverait des moments, je pourrais me déplacer…

Elle me fixe avec des yeux implorants, rougissant un peu et s'empêtrant dans sa logorrhée sans fin. Espérons qu'elle ne soit pas folle parce qu'avec son regard de chien battu je suis bien parti pour accepter. Je lui fais un sourire conciliant avant de déclarer :

- Oui bien sûr ! Je n'y connais rien en pédagogie, mais si tu penses que ça peut t'aider pourquoi pas !

Son regard s'illumine. Elle est assez jolie, elle me rappelle un peu Ginny sauf qu'elle n'est pas rousse, mais châtain clair et qu'elle est un peu trop bavarde.

- Oh merci, merci ! On se retrouverait où ? Je sais qu'il y a des pianos à la gare, je dis ça parce que j'économise encore pour pouvoir m'acheter un synthé même si je ne sais pas encore où je pourrais le mettre dans mon seize mètres carré…

Je décroche un peu, j'avais accepté en ayant oublié que je ne pourrais jamais l'amener chez moi. Il fallait trouver une idée, vite..

- Alors ?

- Et bien, je vais demander au gérant du Duplex si l'on peut utiliser le piano quelques heures durant l'après-midi pendant qu'il n'y a personne, qu'en dis tu ?

- Oh ça serait énorme ! Dit-elle aux anges.

- Bon, ben, je vais y aller, informais-je. Je la quitte alors prestement sans lui donner le temps de vraiment répondre.

Rah, j'ai recommencé. Les relations sociales ce n'est vraiment pas mon truc. Je ne me considère pas timide, mais je n'ai pas grand chose à dire à ceux que je rencontre. Peut-être parce qu'ils sont des moldus mais j'ai surtout l'impression que ça vient de moi, de ce côté asocial. Des fois on n'est simplement pas en phase, comme si je réfléchissais sur une fréquence parallèle. Pourtant si je le souhaite, je trouve assez facile de répondre aux attentes des gens. Il suffit de les cerner et de leur dire ce qu'ils veulent entendre tout en leur donnant l'impression que c'est eux qui mènent la conversation. Je n'ai pas la prétention de comprendre chaque personne, je pense simplement que les conversations quotidiennes sont prévisibles et que beaucoup de gens se perdent dans la futilité.

Je range hâtivement mes affaires et enfile ma veste avant de m'engouffrer dans le froid ardent de la nuit bientôt hivernale. J'aurais dû mettre un manteau plus chaud. Je tourne à gauche les bras serrés contre mon corps et la tête légèrement baissée. Je presse tellement le pas que je ne vois pas la silhouette qui marche lentement devant moi et je lui rentre complètement dedans.

La force de l'impact me surprend et je tombe en arrière sur les fesses, mon coccyx n'appréciant pas trop ce choc. La personne se retourne sèchement et je me fustige d'avoir été aussi stupide lorsque de grands yeux cendrés se posent sur moi.

- Potter !?

- Quoi ? Dis-je, ma voix partant beaucoup trop vers les aiguës.

Il s'est trompé. Je n'ai plus entendu ce nom depuis huit ans. Draco Malfoy continue pourtant de me scruter de ses prunelles grises et froides.

- Tu devrais lever la tête parfois, tes affreuses binocles sont faites pour ça, crache alors l'ancien serpentard.

Mais c'est impossible, il a vraiment l'air de savoir à qui il parle. Et pourtant, comment le pourrait-il ?

J'ai l'impression d'être propulsé à Poudlard des années plus tôt, quand j'avais le droit à ce mépris chaque jour durant. Je me sens tomber dans un puits sans fond. Il faut que je parte. Osant quand même croiser son regard moqueur quoiqu'un peu soupçonneux, je baragouine :

- Non, non, ce n'est pas possible.. Tu.. Tu ne peux pas.. Pourquoi tu…

Respire Harry me dis-je, du calme. Oui, tu es en train de rêver. C'est seulement un rêve, un cauchemar. Même si ça a l'air très très vrai.

Je me lève pour faire face au blond et entr'aperçoit une faible lueur presque inquiète dans son regard, pour ma santé mentale sans doute.

- Eh Potter, je ne vais pas te jeter un impardonnable ici, en plein milieu de la rue, assène-t-il railleur.

Je ne peux pas rester ici. Merde, il faut vraiment que je bouge.

Rapidement, je vérifie l'avenue. Les moldus sont loin et la fille derrière Malfoy est une sorcière. Je me souviens d'elle, une poufsouffle. Alors, sans plus réfléchir et même si ce n'est pas très prudent, je transplane en pensant bien fort à mon appartement.