Assassin Et Gentleman
Chapitre 1 – Course Folle
Mayline Rosebury agrippa fermement ses jupes pour les remonter au-dessus de ses genoux et prenant appui sur la roue de métal de la carriole chargée à bloc, elle se hissa sur le petit banc en cuir où reposaient les rênes. Derrière elle, elle pouvait entendre son oncle, Thomas Saddler, vociférer comme une brute en la sommant de revenir sur ses pas sur le champ. Elle se retourna brièvement et jeta un coup d'œil par-dessus son épaule son oncle était encore bien loin au bout de la rue. Elle n'hésita pas une seconde de plus, prit les rênes fermement dans ses mains et les secoua violemment en s'écriant : ''Allez !'' Les lanières de cuirs épaisses et rigides ondulèrent pourtant comme des serpents agiles et vinrent claquer sourdement sur le dos des chevaux qui hennirent en guise de protestation en prenant immédiatement le pas de course. Elle put sentir les mèches de ses cheveux tombées de son chignon se soulever tandis qu'elle accélérait sa course. Mayline avait souvent conduit une carriole, son père le lui avait enseigné très jeune, afin qu'elle puisse plus tard l'aider dans ses livraisons de remèdes et d'elixir. Mais jamais elle n'avait pu livrer quoi que ce soit pour son père, celui-ci ayant perdu la vie 2 ans auparavant, écrasé par une diligence alors que sa générosité et son assiduité sans borne l'avait poussé à faire une livraison très tard en soirée. Il faisait noir, et le conducteur de la diligence l'avait aperçu trop tard alors qu'il traversait la rue, les bras chargés d'une caisse pleine de bouteilles. Elle n'avait pas pleuré en apprenant sa mort, jamais elle ne se serait permis de le faire devant son petit frère. Leurs deux parents disparus, elle avait dut se montrer forte et courageuse. Elle fouetta une nouvelle fois les rênes et se concentra sur la route qui défilait à grande allure devant elle. Il était encore très tôt et les rues étaient plutôt dégagées, elle filait à grande vitesse sans encombres. Mayline se félicita pour son plan, qui jusqu'à maintenant, se déroulait parfaitement. La veille, elle avait repéré la carriole chargée d'armes que son oncle Thomas avait fait venir et qu'il avait camoufflé avec soin dans une ruelle en bordure de sa belle et luxueuse demeure. Il comptait revendre ses armes à bon prix. Apparemment, le fait d'avoir envoyé son petit frère aux usines pour pouvoir couvrir le coût de leur charge n'avait pas été suffisant. Une fois leur père décédé, c'est leur oncle Thomas qui avait dut les prendre en charge, Sebastian et elle. Malgré le fait qu'il croulait sous l'argent, il n'avait pas hésité à les prévenir que, puisque leur père ne lui avait laissé qu'un commerce boiteux et deux enfants inutiles, il allait remédier à cela en les rendant…utiles. Sebastian, âgé d'à peine 6 ans, se trouvait donc aux usines, envoyant ses chèques de paie directement à leur oncle, et Mayline s'était retrouvée cloitrée dans sa grande maison située dans le quartier de Strand, vouée à un mariage forcé. Elle serra les dents à cette pensée et les larmes lui montèrent aux yeux. Prit d'un élan de colère, elle fouetta les chevaux à nouveau et ceux-ci protestèrent vivement en se décalant légèrement de la route. La carriole tangua dangereusement et Mayline tira sur les rênes pour calmer les bêtes, et se reprendre un peu. Elle n'eut toutefois pas le temps de souffler quand elle entendit derrière elle un raffut qui n'annonçait rien de bon. Elle se retourna et ouvrit la bouche de stupeur quand elle aperçut derrière elle tout un convoi de voiture, de calèche et de diligence qui progressait vers elle à toute allure. ''Allez ! Allez !'' S'écria t-elle en agitant les rênes. Les chevaux reprirent leur course, mais elle constata rapidement que le bruit des sabots qui frappaient le sol bruyamment n'arrivait même pas à couvrir le vacarme que créaient les assaillants qui la rattrapaient à une vitesse folle. Tous ses espoirs s'effondraient à mesure que les voitures se rapprochaient. Et alors qu'elle se croyait perdue, elle sentit une présence sur sa gauche. Mayline se tourna et sursauta quand elle vit le jeune homme qui venait de prendre place sur la banquette à côté d'elle. Il lui offrit un grand sourire lumineux et elle le fixa, stupéfaite. Pendant une fraction de seconde, elle relâcha son étreinte sur les rênes et la carriole dévia légèrement. L'intrus réagit au quart de tour. ''Wooooooo !'' Lâcha t-il d'une voix grave qui vint chatouiller les oreilles de Mayline. Elle continua à le regarder avec insistance, sans se soucier de la route devant elle, ni des 4 ou 5 voitures qui les suivaient à un rythme effréné. Devant son air béat, il lui prit les rênes des mains et les chevaux se calmèrent instantanément, poursuivant leur route à plus vive et solide allure.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Jacob Frye flânait dans le quartier de Strand, profitant du calme de l'aube pour laisser s'évaporer de sa tête les derniers effluves de bières qu'il avait consommé en grande quantité la veille au soir. Il respira une grande goulée d'air et s'étira en portant ses bras par-dessus sa tête. Il fut toutefois interrompu dans son geste de paresse quand une carriole le dépassa à toute allure, manquant de le frapper au passage. Il plissa les yeux et put voir que la conductrice de cette voiture folle peinait à contrôler ses chevaux. Sans hésiter, il actionna sa tyrolienne et grimpa sur le toit le plus proche. Alors qu'il courrait à toute vitesse, il vit du coin de l'œil que plusieurs voitures pourchassaient la jeune fille qui conduisait la carriole. Il accéléra sa course et glissa sur sa tyrolienne une fois de plus. Une fois au-dessus de la carriole, il se laissa tomber et atterrit doucement sur la charrette. Accroupit et prenant appui sur ses mains, il se glissa discrètement sur la banquette, à côté de la jeune fille, et attendit qu'elle le remarque. Quand elle se tourna vers lui, il ne put s'empêcher de sourire devant son air surpris. Pendant un instant, il fut hypnotisé par le mouvement que les mèches de ses cheveux créaient autour de son beau visage. Ses joues étaient empourprées et ses lèvres entrouvertes alors que sa poitrine se soulevait au rythme de sa respiration frénétique. Quand il sentit la voiture tanguer dangereusement, il sortit de sa torpeur et lui prit les rênes. Tous les bruits ambiants qui étaient disparus durant sa contemplation, revinrent à la surface comme une vague scélérate. Jacob reporta son regard devant lui et se concentra sur leur poursuite. Alors qu'il prit un virage serré, il vit du coin de l'œil que la jeune fille glissa brusquement sur sa droite. Il lui attrapa le poignet juste à temps et la tira violemment vers lui. Dans un geste fluide et confiant, il se leva brièvement et passa une de ses jambes de chaque côtés de la jeune fille, de sorte qu'il se retrouva coller contre son dos. Il passa ses bras sous les siens et reprit les rênes fermement. Il pouvait sentir sa tête taper doucement contre sa mâchoire et il huma son odeur pendant une fraction de seconde. De la lavande.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Mayline était figée. L'inconnu qui s'était incrusté dans son plan venait de s'assoir derrière elle et lui serrait la taille avec ses bras, tout en tenant les rênes des chevaux. Quelques secondes auparavant, elle avait failli tomber de la carriole, mais il l'avait retenu. Il avait dut penser qu'elle était faible car désormais, il l'enveloppait de façon très protectrice. Elle sursauta légèrement quand elle l'entendit lui parler à l'oreille.
''Quel est votre nom ?'' Il avait presque crié, pour couvrir le bruit infernal qui les entourait. Elle demeura muette, jugeant que le moment des présentations était inopportun. Elle se força à se concentrer sur la route devant eux, et non sur la chaleur que son corps dégageait contre son dos. Elle pouvait sentir chaque secousse qui faisait que leurs corps se pressaient l'un contre l'autre pendant une milliseconde. Puis soudain, elle poussa un cri aigu de surprise quand l'une des voitures qui les poursuivaient vint les bousculer agressivement. L'homme derrière elle jura sans retenue, et elle se retourna vers lui pour le dévisager.
''Quoi !?'' Lâcha t-il en haussant les épaules. Puis il reporta son regard devant lui. Quand Mayline retourna elle aussi les yeux devant elle, cette fois elle fut trop apeurée pour laisser échapper le moindre son. Devant eux, la Tamise se rapprochait plus rapidement qu'un train qui défilait à plein régime. Elle retint son souffle, appréhendant ce qui allait arriver.
''Vous êtes prête ?'' Lui dit-il tout bas dans l'oreille. Et elle fut surprise de l'avoir entendu. Non ! Elle n'était pas prête ! Il lâcha les rênes et les laissa tomber pour les immobiliser en les tenant avec son pied. Il la serra par la taille et se leva, la faisant se mettre debout également. Puis sans prévenir, il sauta sur leur gauche. Ils atterrirent lourdement au sol et allèrent rouler sur plusieurs mètres. Dans leur roulade, l'inconnu se retrouva par-dessus elle, la tenant toujours fermement par la taille. Il plongea ses yeux dans les siens et lui offrit le même sourire que lorsqu'il avait atterri dans sa carriole, qui se trouvait désormais….dans la Tamise! Maudit soit-il ! Il avait gâché tous ses plans. D'un geste brusque, elle le repoussa violemment et se leva.
''Mais pourquoi avez-vous fait cela ?!'' Demanda t-elle.
''Regardez par vous-même.'' Répondit-il calmement, un air satisfait sur le visage.
Elle se retourna et fut surprise de constater qu'elle n'avait même pas remarqué que les carrioles qui la poursuivaient quelques instants auparavant avaient elles aussi continué leur route vers la Tamise. Tous ses assaillants étaient disparus !
''Mais, ma carriole ?'' Dit-elle en se retournant vers lui.
''Il fallait choisir, la cargaison, ou la mort.'' Répliqua t-il avec un peu plus de sérieux.
Elle soupira, complètement découragée. Jamais elle ne pourrait saisir une telle opportunité à nouveau. Et les conséquences de ses actions allaient lui coûter cher. Il fallait qu'elle parte d'ici au plus vite.
''Alors merci mille fois monsieur.'' Lui dit-elle d'une voix très faible. Elle lui adressa une brève révérence et prit ses jambes à son cou. Toutefois, elle fut retenue par une main ferme qui serra son bras droit.
''Non attendez. Je veux savoir votre nom.'' Insista t-il. Elle se retourna brusquement et se libéra de sa poigne en prenant un air faussement offusqué. La vérité, c'est que chaque contact qu'elle avait avec lui la brûlait comme du feu et filtrait en elle comme l'eau dans la terre.
''Pourquoi vous donnerai-je mon nom ?'' Lui demanda t-elle avec un air de défi. Il esquissa un petit sourire et son amusement l'hérita au plus haut point.
''Parce que vous me le devez bien. Je viens de vous sauver la mise.'' Dit-il d'une voix grave et suave.
'Je…je m'appelle Mayline.'' Elle se maudit intérieurement d'avoir flanchée. Mais il avait raison, elle lui devait bien cela, c'était peu cher payé pour ce qu'il avait fait pour elle, même si elle avait perdu sa cargaison.
''Mayline…'' Murmura t-il. Il osa lui prendre à nouveau la main, puis la baisa en soutenant son regard. Cette fois, elle refusa de se laissa distraire et leva le menton avant de lui demander.
''Et le vôtre ?''
''Jacob Frye, pour vous servir.'' Lâcha t-il en la fixant de ses yeux malicieux.
''Et bien encore une fois, merci Mr. Frye. Je dois maintenant vous quitter.''
Sur ce, elle tourna les talons et entreprit de se sauver sans tarder.
''Pourquoi les Blighters vous poursuivaient ?''
Elle se figea immédiatement.
''Les…les Blighters ?'' Marmonna t-elle sans se retourner.
''Oui, les Blighters.'' Continua t-il sur un ton sérieux. ''Tout ce qui concerne cette bande de filous, j'en fais mon affaire personnelle.''
Elle n'en savait que très peu sur ce gang, mais elle était au courant qu'ils dirigeaient l'usine dans laquelle son petit frère croupissait. C'était donc eux que son oncle avait envoyé à sa poursuite.
Mayline ouvrit la bouche, sur le point de se confier au mystérieux inconnu, quand elle entendit des bruits de sabots sur sa gauche. Elle tourna sa tête et vit une élégante diligence s'arrêter devant eux. La voiture de son oncle Thomas.
Elle voulut avertir son sauveur de s'en aller mais quand elle se retourna dans sa direction, il avait disparu.
