Bonjour ! Il y a longtemps que je n'ai rien publié dans ce fandom. Je le fais aujourd'hui car ce texte est ma participation à un défi d'écriture sur le Thème du Nouvel An Chinois et son dragon de légende le Nian Shou (la Bête de l'An).

Initialement postée comme OS, l'histoire a été scindée pour le confort de lecture. Bug du chapitre 4 réparé !


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DEEP SPACE TEN

par OldGirl-Nora Arlani

Un crossover Doctor Who / Star Trek Deep Space 9

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Oh mais toute l'affaire n'est qu'une mise en boîte
Vous verrez la romance et serez abusés
Le héros est un autre, par une ruse adroite,
Vous saurez enfin qui, dans ma chute rusée !

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Perchée en orbite au surplomb d'une planète de classe M, Terok Nor était une station orbitale de taille relativement modeste. Offrant à peine une surface d'un kilomètre de diamètre, cette plateforme circulaire, structurée par trois grands pylônes incurvés, était le lieu de vie et de travail de plusieurs centaines de personnes. La moitié appartenait au personnel de Starfleet venu là récemment en tant qu'administrateur neutre. Un quart s'avérait être des ressortissants de Bajor, la planète s'étendant sous leurs pieds. Et les autres venaient manifestement des quatre coins de l'univers. Il y a quelques années, Rose aurait tout simplement pensé que ça n'était là qu'une simple expression : les quatre coins de l'univers. Mais ici, tout le monde parlait très sérieusement des Quadrants Alpha, Bêta, Gamma et Delta…

Comme de juste, lorsqu'elle et son alien maigrichon visitaient le futur – et accessoirement des stations spatiales – la place grouillait d'extraterrestres exotiques et bariolés, tous attirés comme des lucioles par ce gigantesque trou de ver stable qui reliait le Quadrant Alpha au Quadrant Gamma. Le supposé nouvel Eldorado des entrepreneurs, s'était-elle laissé dire quand le Doc lui avait fait le topo avant de se poser discrètement.

D'après ce qu'elle avait compris, la station venait de tomber dans le giron de Starfleet (des explorateurs), après avoir été un poste militaire "cardassien" (quoi qu'un Cardassien puisse être). Elle le croyait sans peine car chaque élément de son design rappelait sa fonction première. L'architecture du lieu conservait un indéfectible côté sombre et métallique, plus fonctionnel que confortable, mais semblait comme envahie par une autre civilisation colorée, protéiforme, bruissant d'une activité trépidante aux va-et-vient mystérieux et incessants. Indifférents à ce passé récent et toujours plus nombreux, les pragmatiques cargos spatiaux y accostaient pour commercer ou s'y ravitailler, avant de faire un saut dans le vortex.

La blonde londonienne, et ancienne vendeuse dans un grand magasin explosé par le Docteur, trouvait qu'ironiquement, l'ambiance rappelait l'effervescence qui régnait dans les grands centres commerciaux. Peut-être n'était-ce pas un hasard. La section commerçante de la station appelée "Promenade", où ils déambulaient présentement les mains dans les poches et le nez en l'air, avait justement bien l'air d'une petite galerie marchande. Et rien ne ravissait autant le Docteur que les marchés ou petites échoppes...

Rose n'était donc pas sûre que leur vaisseau ait réellement eu besoin d'un plein sur l'énergie dégagée par le trou de ver, qu'ils appelaient ici "vortex". Face à l'inexactitude du terme, le Docteur avait brièvement levé les yeux au ciel, mais avait entraîné sa compagne, en refermant à clé la porte bleue de leur vaisseau-cabine. Protégé par un filtre à perception, le TARDIS se requinquerait dans le coin tranquille d'une salle de chargement à la prochaine ouverture du tunnel spatial.

"Ce n'est que pour quelques heures !" avait argué le Seigneur du Temps. "Nous pourrons prendre une navette pour aller sur la planète et visiter."

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En dépit des vues enchanteresses et prometteuses de verts paysages embellis par des constructions ocrées ayant la noblesse de l'antiquité gréco-romaine, Rose n'était pas sûre non plus qu'une planète sortant tout juste d'une longue guerre soit un lieu de villégiature idéal. Toutefois, elle connaissait son alien. Quelque chose l'avait attiré ici. Il avait beau avoir changé d'apparence récemment, en troquant inopinément son allure de jeune quinqua baroudeur contre celle d'un trentenaire hyperactif, il aimait toujours fourrer son long nez dans les affaires des autres… Elle ne mit pas dix minutes à le faire lâcher enfin le mot "Dal'Rok" au détour de la conversation. Et cinq autres minutes patientes pour qu'elle parvienne à comprendre que c'était une créature orageuse et nuageuse qui terrorisait les villageois bajorans, tous les ans après les moissons…

Des aliens éperdus, une légende éculée et un mystère impossible, tels étaient les habituels "pièges à Docteur" parmi les plus efficaces de l'Univers… Bien sûr qu'il allait vouloir voir ça, et tenter de les aider sans doute... Ça le démangeait toujours autant. Elle n'arrivait pas à savoir si c'était la même culpabilité que celle de son "ancien lui" qui le poussait à vouloir "réparer l'univers" avec une telle constance. Pour tout dire, elle s'en fichait. Du moment qu'il voulait bien la garder à ses côtés en lui évitant l'horizon bouché d'une simple caissière chez Henrick's… il pouvait bien réparer tout ce qu'il voulait !

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Debout sur le pas d'une boutique de vêtements, un grand brun blafard au teint gris-vert, le front sculpté par un exosquelette particulièrement flippant, la regardait droit dans les yeux avec un sourire indécis. Nerveuse, elle évita de le fixer en se tournant précipitamment de l'autre côté et tomba involontairement sur le lieu le plus animé de la Promenade : un bar, si elle comprenait quelque chose au concept. Un bar, c'était rassurant, non ?

Ou pas !

Planté au milieu de la pièce entre le long comptoir sinueux et les tables, l'œil rapace veillant au grain, un petit alien au crâne protubérant bilobé – encore plus vilain que le tailleur précédent – houspillait un très jeune serveur. Il tirait sa proéminente oreille, tout en fulminant des ordres entre ses mauvaises dents en pointe. Puis d'un air las, il secoua son gros nez plissé d'un mouvement impatienté. Lorsqu'il s'aperçut qu'il était l'objet de la curiosité d'une jeune humaine fort charmante, il sourit toutefois onctueusement, s'inclinant dans un costume multicolore rebrodé qui aurait fait passer celui du 6e Docteur pour un modèle d'élégance… Ses yeux gris vifs, luisants au fond de cavités orbitales violacées donnèrent envie à Rose de rentrer au plus vite au TARDIS... Sa petite main tremblante chercha instinctivement la paume fraîche du Docteur pour s'y glisser.

— Quoi ? demanda-t-il assez bas en se penchant à son oreille délicate, volant au passage une bouffée subreptice et coupable de son shampooing aux agrumes.

— Rho, mais vous avez-vu ces deux-là ? chuchota-t-elle. Je sais pas lequel fait le plus peur, franchement…

— Mhh, moi je trouve que c'est le grand en beige là-bas, celui qui surveille tout et n'a qu'une esquisse de visage. Peut-être parce qu'il me rappelle des mauvais souvenirs ? A vue de nez, je parierais sur un Korrigan levé du mauvais pied !

— Oui bah, n'en profitez pas pour lui refaire le portrait ! J'ai vu ce que vous valez avec un marqueur feutre ! commenta-t-elle en lui prouvant qu'elle avait parfaitement compris à quelle précédente aventure il faisait allusion…[1]

Le Docteur lui adressa un petit regard de biais mais ne pouvait pas rater la moue moqueuse qu'elle avait pour le taquiner. Il devinait que l'épreuve avait été plus dure pour lui que pour elle. Chaque fois qu'elle était en danger par sa faute, l'idée de la perdre dévorait sa bonne humeur à belles dents.

— Mais je ne comprends pas, se rengorgea-t-il pourtant alors en l'imitant, j'ai pourtant étudié l'Art avec Michel-Ange et Léonard de Vinci… Viens, tu as bien mérité que je te paye un truc à boire…

— Vous ? Payer ? Mazette ! Vous avez bien fait de changer. Votre "ancien vous" était un radin de la pire espèce et fier de l'être…

Son petit sourire coquin s'était encore accentué. Il fallait vraiment qu'elle arrête de faire ça… et de le regarder comme s'il était merveilleux et en chocolat.

Mais il n'avait pas le cœur de le lui demander si tôt.

Tout semblait redevenu si fragile entre eux depuis qu'il s'était régénéré. Oh, pas officiellement bien sûr. Elle n'avait pas fui. Elle lui souriait. Elle l'écoutait… En apparence, elle avait dit comprendre ce qui s'était passé sur le Satellite 5.

Mais en réalité, Rose, allait encore dans ce qui avait été la chambre de Jack pour pleurer leur ami, croyait-elle, en secret. Et ce qui rendait le Gallifréen plus perplexe encore, c'était qu'elle avait retourné la garde-robe du TARDIS pour y retrouver son ancienne veste de cuir épais. Il l'avait vue y enfouir le nez dans sa doublure et laisser échapper des sanglots silencieux : la pauvrette pleurait aussi celui qu'il avait été. L'homme autoritaire aux cheveux ras et aux yeux d'acier, sarcastique et blessé par les horreurs de la Guerre du Temps… Celui qu'elle avait sauvé, celui qui l'avait conquise. Quel degré de schizophrénie était donc atteint, selon les standards terriens, lorsque l'on commençait à devenir insidieusement jaloux de soi-même ?

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Notes de l'auteur

[1] Cf Doctor Who S2E7 "L'hystérique de l'étrange lucarne"