La perte d'un être cher est ce qu'il y a de plus horrible en ce monde. Peu importe la façon dont on le perd. Il y a toujours au fond de notre cœur un déchirement insupportable et cette envie constante de pleurer.
Moi, j'ai perdu plusieurs êtres chers, et de toutes les façons possibles.
Ma meilleure amie est devenue ma meilleure ennemie.
Mon petit ami m'a laissée tomber.
Mon meilleur ami est décédé.
Mon frère a quitté la famille pour ne plus jamais revenir.
Oui, j'ai connu toutes les sortes de pertes. Chacune ayant son lot de douleurs et de tristesses.
C'est pourquoi, aujourd'hui, je me retrouve dans un hôpital psychiatrique. Vous allez me dire, que j'exagère. Mais je pense que les douleurs accumulées m'ont rendue complètement folle.
Je ne suis pas aussi folle que vous le pensez. Non, je n'ai pas cette camisole de force et la chambre avec les murs capitonnés. Non, loin de là.
Mais je suis bel et bien enfermée dans cet asile pour fous.
Pourtant, à ma façon de vous parler, je pourrai passer pour quelqu'un de sain d'esprit. Mais non. Non, je suis loin d'être une sainte et d'avoir un esprit aussi clair.
D'autant plus, que mon calme légendaire, parfois effrayant, est dérangé par des crises de violence et d'angoisse.
Mon psy est très inquiet pour moi. Il pense que je n'arriverai jamais à me sortir de cette folie si je ne lui parle pas de ce qui l'a causée. Sauf que je ne veux pas en parler. Pas à cet inconnu qui croit qu'il est important. Parce qu'il n'est pas important, il n'est qu'un simple inconnu… il n'est pas important, hein ?
Je vous avouerai que je suis perdue. Perdue dans ce monde trop blanc pour être vrai.
En fait, je pense que je suis enfermée dans mon subconscient et que je n'arrive pas à m'en sortir. Seulement mon psy me dit que non.
Mais, puis-je croire un seul mot de ce qu'il me dit ? Si je suis réellement dans mon subconscient, alors oui. Oui, je peux le croire puisqu'en fait il est moi. Mais, si je suis dans la vie réelle, je ne peux pas lui faire confiance.
« A quoi pensez-vous Yuuki ? »
Sa voix rauque me sort de ma rêverie et je pose un regard ennuyé sur lui.
« Vous n'êtes pas réel. »
Ma phrase a pour conséquence de le faire sourire. Un sourire doux.
Cet homme est trop parfait pour être réel. Alors, tout est dans ma tête. Je ne suis donc pas folle. Du moins, en quelque sorte.
« Comment en êtes-vous arrivée à cette conclusion ? »
Mon regard part vers la fenêtre et je soupire.
« Pourquoi vous le dirai-je ?
-Puisque pour vous je ne suis pas réel, cela veut dire que je suis dans votre tête. Donc vous pouvez me faire confiance.
-Qui me dit que je ne me trompe pas ?
-Telle est la question. Alors, comment en êtes-vous arrivée à cette conclusion ?
-Je ne sais pas. Vous êtes trop … trop parfait pour être réel. Vos cheveux sont trop blonds. Vos yeux sont trop bleus. Votre visage est trop beau. Ce n'est pas réel. Ça ne peut pas être réel. »
Il pousse un petit soupire et note quelque chose dans son dossier. A tous les coups, je vais avoir des médicaments en plus.
« Yuuki, vous avez une imagination débordante. Pourquoi ne serai-je pas réel ?
-Parce que. Pourquoi le saurai-je ? Il y a beaucoup de questions auxquels nous, êtres humains, ne pouvons répondre.
-Comme ?
-Comme, pourquoi vous perdez votre temps à poser des questions stupides alors que vous vous en foutez ? »
Il fronce les sourcils et je souris.
« Vous voyez, j'ai raison.
-Non, vous avez tort. Je cherche à avoir des réponses pour trouver un traitement qui permettra de vous soigner.
-Qui vous dit que je veux être soignée ?
-Le fait que vous soyez ici.
-Je n'y suis pas de gaité de cœur, Docteur. »
Il approche sa chaise de la mienne et me prend une de mes mains.
« Yuuki, je veux vous aider. »
Je retire ma main brusquement et il soupire à nouveau.
« Parlez-moi de votre enfance.
-Pourquoi faire ?
-Je veux mieux vous connaitre.
-Très bien. Je suis née un 18 février il parait. Mon père est un connard, ma mère une salope et mon unique frère est parti de la maison à ses 18 ans. Ça vous va ?
-Non. Vous m'avez parlé de votre famille. Parlez-moi de vous.
-Il n'y a rien à dire sur moi. Je suis folle.
-Non. Vous n'êtes pas folle. D'après votre mère, vous avez subit un …
-Ma mère ne sait rien ! »
La crise de colère approche. Je sens la haine monter en moi. Je sens toute la rancœur de ma vie au bord de mes lèvres.
« Ne vous énervez pas Yuuki.
-Ne me donnez pas d'ordres ! Je ne reçois d'ordre de personnes ! VOUS AVEZ COMPRIS ? »
Je me lève et je fais face à la fenêtre, espérant ainsi me calmer. Le ciel gris orageux me donne encore plus envie de hurler et de frapper.
Alors je me retourne et je fais face à l'homme trop blond pour être vrai. Il s'est levé et ne fait qu'une tête de plus que moi. Je le regarde dans les yeux et je sens toute la colère retomber d'un coup.
Ses yeux sont tristes. Pourquoi sont-ils tristes ?
Je recule d'un pas, comme si j'avais été frappée.
« Yuuki, que se passe-t-il ?
-Vous êtes triste. Pourquoi ?
-Je… vous… je ne suis pas triste Yuuki.
-Vous ne savez pas mentir Docteur. Pourquoi êtes-vous triste ? »
Il prend son bloc note qu'il a laissé sur sa chaise et rejoint la porte.
« Je reviendrai plus tard.
-Vous n'avez pas répondu à ma question.
-Si je suis triste, c'est parce que je me suis attaché à vous Yuuki et je n'aime pas vous voir dans cet état.
-Alors il vaudrait mieux qu'un autre Docteur prenne votre place.
-Vous avez surement raison. »
Et sans me regarder, il sort.
Voilà, j'ai encore perdu quelqu'un à qui je tiens…
