Bonjour ! Voici le premier chapitre de ma fic sur Dune ! Si vous la lisez, n'hésitez pas à me laisser vos avis dessus et à la faire lire à d'autres ! Faisons vivre la partie Dune de ! If you want me to translate this in English, please let me know, I'll try !
Playlist :
Where the wild roses grow – Nick Cave.
A Girl Called Harmony – Attrition.
CHAPITRE UN : La Chevelure.
« Le cœur a ses raisons que la raison ignore » - Pascal (Pensées)
Irulan regardait Paul. Ou plutôt, elle regardait l'Empereur. Elle regardait l'homme qu'elle trahissait, qu'elle aimait. Mais elle ne regardait plus Paul depuis longtemps. Elle avait cessé depuis leur nuit de noces, quand il avait osé la refuser alors qu'elle s'offrait entière à lui, pour aller se réfugier dans les bras de sa gazelle Fremen.
Ses regards se dirigèrent vers elle. Elle était assise à ses côtés. Entre Paul et elle, comme d'habitude. Elle était assise là, dans toute la sage simplicité des gens du désert. Vêtue d'une simple robe noire qui ressemblait fortement à un distille, elle écoutait calmement Paul diriger. Elle n'avait rien de la potiche qu'elle-même était.
Sa position l'énervait. Elle s'en voulait presque d'apparaître aussi jolie et aussi soignée tous les matins au Conseil. Elle accentuait son statut de jolie potiche, avec ses longs cheveux blonds attachés en un chignon soigné, son petit chapeau de fourrure verte et sa jolie robe à corset. Mais elle se sentait aussi obligée de tenir son rang. Il coulait dans ses veines. Elle était princesse avant tout parce qu'elle le ressentait profondément et que ses actions étaient entièrement conditionnées par ce statut, sans doute plus que par son entrainement Bene Gesserit.
En face, Korba se leva pour honorer le peuple, mettant son turban pour se faire passer pour Muad'Dib. Irulan se demanda s'il était vraiment crédible. Korba n'avait rien de l'aura mystique et forte que respirait l'Empereur, même du haut d'un balcon, en ouvrant les bras et en criant comme un fanatique. D'ailleurs, Irulan le soupçonnait grandement d'être un fanatique.
La voix de Stilgar la ramena au Conseil qu'elle devait suivre. Il essayait de ramener l'Empereur à des sujets plus terre à terre. Il voulait des preuves, des choses concrètes. Malgré sa foi dans le pouvoir de son Empereur, il commençait à douter, à être plus demandeur. Apparemment, leur superstition pouvait être entamée par leur vie pragmatique. Irulan fronça légèrement les sourcils en se tournant vers lui, utilisant tout son pouvoir pour ne pas laisser apparaître son soudain intérêt pour le Fremen.
Stilgar. Voilà un autre homme qu'elle n'avait pas regardé. Pas assez. Récapitulons : c'était un Fremen. Il avait occupé une place assez importante parmi eux et continuait à faire autorité. Il avait le droit de parler comme bon lui semblait à l'Empereur mais n'abusait jamais de ce droit. Il avait toujours assisté Paul, depuis les années difficiles du désert jusqu'à la bataille contre son père. C'était un homme redoutable, mais humble. Cependant, il avait l'air d'un chef. C'était comme écrit sur ses traits, marqués par la bataille, la soif, le soleil et le sable. Il n'avait rien des canons des jeunes filles de sa suite. Il était assez grand et musclé, certes, mais… Il n'avait pas de jolies mains longues et fines : les siennes étaient usées par la vie, ses ongles courts et les doigts épais, respirant non pas la grâce, mais la force. Ses cheveux noirs n'avaient rien de la douceur des canons féminins : ils étaient hirsutes, peignés avec difficulté et retenus en arrière par des bijoux dorés. Sur son menton carré, une barbe de plusieurs jours poussait et lui donnait un air farouche. Il respirait la sagesse, la force…
Que faisait-elle ? Etait-elle en train de… d'observer Stilgar ? Irulan dut utiliser tout son contrôle Bene Gesserit pour ne pas secouer la tête, regarder ailleurs, rougir ou prouver qu'elle avait été, pendant un court instant, sous le charme de la voix du Fremen profonde, grave, douce et aux accents mélodieux d'une langue qu'elle ne connaissait pas. Elle jeta un rapide regard à Chani, mais elle ne semblait pas l'observer. Pour Chani, elle devait en effet avoir bien peu d'intérêt. Elle n'était que l'officielle, la jolie potiche qui ne l'empêchait en rien d'avoir Paul dans son lit toutes les nuits. Ses regards se tournèrent vers Korba qui marchait en direction de la table du Conseil pour se rasseoir : il était dans sa rêverie fanatique, trop aveuglé pour remarquer la réalité. Puis, elle tourna délicatement son cou blanc vers l'Empereur qui venait de finir sa phrase. Il la regardait déjà. Il planta ses yeux dans les siens. Elle soutint son regard, même si avec ses pensées impures, la tâche était difficile. Un petit sourire très ironique apparut sur ses lèvres inquisitrices et il retourna ses yeux sur Stilgar qui continuait son interrogatoire. Il savait.
Mon Dieu, quelles pensées impures se permettait-elle de nourrir et de laisser transparaître ! Qu'avait-elle donc retenu de son entrainement Bene Gesserit ? Non, il ne fallait pas s'emporter contre elle-même, pas maintenant. Il était temps de regagner un contrôle total sur ses muscles et ses pensées pour suivre le reste du Conseil. La jeune femme se calma lentement et osa enfin relever les yeux vers Stilgar qui était en train de parler de son Ordre.
Il détourna les yeux dès qu'elle posa les siens sur lui. Il n'avait pas le contrôle Bene Gesserit et, même s'il n'était pas un homme très expressif, Irulan put lire de la gêne dans ses gestes raides. Que se passait-il ? Savait-il ? Non. La télépathie n'existait pas. Il n'était pas au courant, il ne pouvait pas. La jeune femme tira un peu sur son corset pour l'arranger avant de se replonger dans le Conseil. Elle était l'envoyée Bene Gesserit ici, elle était la traîtresse et tout ce qui concernait les relations entre l'Etat et l'Ordre la concernait aussi.
Ce Conseil avait été dur et tendu. Stilgar avait vu beaucoup de ses certitudes bouleversées et il se rendait compte que, peu à peu, Paul lui échappait. Loin de lui l'idée de le manipuler, le Fremen voulait juste comprendre Paul assez pour pouvoir l'aider, le guider dans le tunnel ténébreux du règne. Mais son temps au Conseil était révolu, il le sentait. Son rôle se limitait désormais à apporter les décisions à prendre à l'Empereur. Il se sentait diminué et inutile. Au fond, il n'était plus qu'un simple homme de terrain.
Le Fremen jeta un regard aux documents logés dans ses bras. Paul était parti rapidement du Conseil : d'autres affaires urgentes l'appelaient. Mais Stilgar savait bien qu'il en aurait besoin plus tard. Le mentat en l'Empereur avait besoin de données pour raisonner. Il les mettrait bien à l'abri chez lui, dans sa chambre du Palais qu'il n'occupait que lorsque les choses devenaient corsées au Palais et que sa présence était requise. Sinon, il retournait au sietch dans le désert, parmi les siens et sa femme.
Il se retourna et heurta subitement un autre corps. L'impact n'était pas très violent, mais joint à la surprise, il lui fit perdre tous ses moyens et donc les documents dans ses bras qui se répandirent au sol. Stilgar s'apprêtait à s'excuser, peut-être même à rire avec la personne qu'il avait bousculée s'il s'agissait de Paul ou de Chani. Mais en réalisant qu'il venait d'heurter la princesse Irulan (lui-même ne l'appelait même pas l'Impératrice ou la Reine), il abandonna toute idée de légèreté et reprit un visage grave et concerné :
- Tout va bien, Majesté ? Vous ne vous êtes pas fait mal ?
Mais Irulan ne semblait pas disposée à lui répondre tout de suite. A vrai dire, cela valait mieux vu l'agacement qui se lisait sur ses traits tendus. Il savait que c'était une Bene Gesserit : elle aurait très bien pu, si elle l'avait voulu, masquer ses émotions. Si elle ne le faisait pas, elle avait une bonne raison. Bonne raison que Stilgar ne tarda pas à trouver.
En effet, horreur ultime, le choc avait déstabilisé le chapeau élégant de la princesse et, en tombant, avait libéré la masse sublime de ses cheveux blonds qui se rependaient désormais en cascade de boucles sur ses épaules jusqu'à sa taille. Stilgar souffrait déjà intérieurement de l'outrage qu'il venait de commettre.
Oubliant tous ses documents top-secrets d'une importance extrême qui étaient répandus à terre, Stilgar se précipita vers la jeune femme pour qu'elle ne s'abaisse pas à se pencher pour récupérer son chapeau. Sa cour, répandue dans tout le couloir, regardait le spectacle comme tétanisée. Tout le monde savait le soin que la princesse accordait à ses cheveux, comme à son apparence en général. Stilgar ne comprenait pas très bien, quant à lui. C'était peut-être un rituel qui avait rapport avec sa religion ou l'entraînement Bene Gesserit.
Le temps qu'il se relève, Irulan avait déjà passé ses mains dans ses cheveux et essayait tant bien que mal de les rassembler pour en faire une tresse. Il essaya de s'excuser mais, dès qu'il se sentit bredouiller, arrêta complètement. Il était inutile qu'il se ridiculise encore plus. Les merveilleuses joues blanches de la jeune femme se teintaient déjà de rouge. Il allait entendre parler de cette affaire pendant des mois encore. Il préférerait largement qu'on s'en moque plutôt qu'on en parle avec sérieux.
Les cheveux de la jeune femme étaient-ils vraiment une affaire politique, d'ailleurs ? Il avait même du mal à comprendre pourquoi elle les attachait. Peut-être était-ce plus pratique ? Parce qu'ils étaient magnifiques, longs, épais, rayonnants dans la lumière écrasante de l'après-midi. Il ne savait pas trop quoi faire avec ce chapeau et comme personne ne l'aidait (évidemment…) il s'approcha de la jeune femme pour l'aider à nouer ses cheveux. Puisqu'il y était, il osa porter ses mains (qu'il n'avait pas lavées dans de l'eau bénite, ni dans de l'eau tout court depuis le début du Conseil) dessus et frissonna presque au contact comme on frissonne au contact d'un objet sacré. Il ne savait même pas quel symbole avait ce geste. Il ramassa tous ses cheveux et, supportant les ongles de la princesse sur sa peau sèche, les tint le temps qu'elle en fasse quelque chose avant de porter son chapeau dessus pour les faire tenir.
Même si sa coiffure n'était pas aussi docile et domptée qu'avant l'accident, ses cheveux gardaient les accents de la noble beauté avec la nuance de la spontanéité, de l'emportement. Quelques mèches fines tombaient sur ses yeux et caressaient ses joues. Stilgar avait terriblement envie de les repousser, mais il devait être interdit de s'approcher de la sorte de la princesse. Paul ne le supporterait pas. Elle, encore moins.
Elle releva le menton en silence et, lui jetant un dernier regard noir, détourna les talons en silence. Là, sa suite se remit en mouvement et tout ne fut que bourdonnement d'abeille et de bavardages scandalisés par rapport à ce qu'il venait de se passer. Irulan ne sembla pas y prêter énormément d'attention et marcha d'un pas raide et rapide vers ses appartements pour réarranger sa chevelure.
Le Fremen resta planté là un instant, juste le temps de la voir disparaître. Il sentait encore la douceur de ses cheveux sur le cuir de ses mains abîmées. Il humait encore l'odeur distante des forts parfums fruités dont elle couvrait ses cheveux ainsi qu'une odeur un peu plus humaine : l'odeur de sa peau, humide et florale. On aurait dit ces fleurs empoisonnées qui attirent leurs proies grâce à leur odeur sucrée avant de les dévorer. Stilgar n'essaya pas de se rappeler leur nom. Il préféra se pencher et ramasser les documents tombés à terre. Il ne prit pas le temps de les ranger, juste de les fourrer sous son bras sans les froisser et de s'en aller. Le couloir était désormais désert et sa présence semblait déjà de trop.
Le Palais n'était pas un endroit pour lui. Il s'y sentait mal à l'aise, entouré d'êtres éthérés et sublimes. Le fait de pouvoir croiser Irulan à nouveau l'emplissait d'une certaine crainte superstitieuse qu'il n'avait pas ressentie depuis qu'il côtoyait Paul et sa sœur Alia. Il se dépêcha de quitter le couloir d'un pas aussi rapide que la princesse, direction ses quartiers. Demain, à l'aube, il partirait au sietch.
Depuis la salle du Conseil, Paul sourit en refermant son dossier. Qui l'eût cru ?
Il était vrai qu'il aurait pu faire un peu plus attention à ces deux êtres qu'il côtoyait pourtant depuis le début de son règne. Douze ans déjà.
Toute personne qui n'avait aucun sens de l'observation aurait pu dire qu'ils étaient à l'opposé l'un de l'autre et qu'ils n'avaient rien à faire ensemble. Il était vrai qu'ils ne se côtoyaient jamais et qu'ils étaient opposés physiquement. Elle était blonde comme un ange, il était brun comme un guerrier. Elle avait une peau délicate et fragile comme un prêtre et il était aussi rude d'un forgeron. Il était son conseiller, son homme de terrain, elle était sa potiche. Les seuls moments où ils se voyaient étaient ceux où ils les convoquaient tous les deux. Ils ne s'étaient sans doute jamais adressé la parole hors du protocole et restaient indifférents, presque froids l'un envers l'autre. Au fond, ils venaient de deux mondes très différents et ils n'avaient probablement rien à faire ensemble.
Mais Paul savait mieux que ça. Il les observait. Il savait tout de leurs relations, d'eux. Tous deux en marge du pouvoir officiel, mais occupant un rôle tout de même, ils étaient l'ombre du pouvoir. Destinés au pouvoir par leur rang, sans y accéder véritablement. De plus, ils étaient tous les deux des personnes très effacées, presque timides. Ils ne parlaient pas plus que nécessaire et restaient discrets en public, même Irulan sous ses belles robes, entourées de sa cour. Elle faisait pâle figure aux côtés d'Alia. Ils n'avaient pas non plus de véritable relations : il savait que le mariage de Stilgar avec Hanna n'était qu'une mascarade, Stilgar ne l'aimait plus. Et il savait également qu'Irulan n'avait pas d'amant, donc aucune relation amoureuse d'aucune sorte malgré sa grande beauté et sa belle position. Ils vivaient seuls, même entourés d'une femme, d'un sietch ou d'une cour.
En réalité, Paul était persuadé qu'ils étaient faits pour être ensemble. Pour dire vrai, il ne l'avait jamais vraiment pensé, seulement soupçonné. Jusqu'à ce conseil… Là, il avait vu Irulan regarder Stilgar avec un certain trouble avant de détourner rapidement les yeux avec une certaine gêne. Puis, il avait observé sans un mot le curieux spectacle de leur accident. S'en était presque comique. S'il n'avait pas mieux connu Stilgar, il aurait juré qu'il l'avait fait exprès. Mais cela sembla gêner Irulan de la façon la plus délicieuse qu'il soit. Elle avait rougi et l'avait laissé toucher à ses cheveux.
En vérité, le chef Fremen n'avait pas véritablement comprit le symbolisme. Ce n'était pas étonnant, il n'avait pas vécu comme lui sur Calladan. Mais Irulan savait. C'était pourquoi elle avait rougi. Toucher les cheveux détachés d'une jeune fille (bon, Irulan était censée être mariée mais tout le monde savait que ce mariage était caduc) avait un fort symbole sexuel.
Paul en riait encore intérieurement devant la maladresse de la situation. Si seulement il savait. Il prit note intérieurement de glisser ça dans une conversation. De plus Stilgar ne savait pas cacher ses émotions : c'était encore plus drôle.
Oui, il fallait vraiment être naïf pour croire que Stilgar et Irulan n'étaient pas faits pour être ensemble. L'Empereur avait hâte de voir comment les choses allaient évoluer entre les deux. Peut-être même ferait-il en sorte de convoquer un peu plus de Conseils ces derniers temps.
- Paul ? Pourquoi ce sourire ? demanda Chani, visiblement inquiète.
- Pour rien, pour rien… Juste… Quelque chose qui risque de changer le destin de l'Empire plus qu'on ne le croit.
