Talking is hard

L'adage dit que toute vérité n'est pas bonne à dire. John Watson n'est pas d'accord : toute vérité est bonne à dire. Si on ne le dit pas, c'est que l'on n'a pas trouvé 1) le courage et/ou 2) la bonne façon et/ou 3) l'opportunité et/ou 4) l'intérêt de le faire, c'est… tout. C'est tout !

Voici donc trois choses que John ne dit pas à Greg Lestrade.

John ne dit pas à Greg qu'il n'aurait pas su choisir entre lui et Sherlock Holmes. Que c'est plutôt une bonne chose que le détective consultant ne soit pas intéressé par les « sentiments amoureux », parce qu'il se serait jeté sur lui comme la misère sur le monde s'il y avait eu la moindre chance. Mais que d'un autre côté, il aurait tout fait pour que le policier et lui deviennent plus que de simples « vieux amis ». D'ailleurs, il a tout fait et il ne regrette rien. Ce qu'il regrette, ce sont les occasions ratées avec son colocataire et meilleur ami. Ce qu'il regrette, c'est de ne pas pouvoir obtenir le meilleur des deux… Ça, c'est dingue. Oui, l'ancien soldat est conscient d'être en train de se prendre la tête pour rien, puisqu'il est exactement en train de vivre dans le meilleur des mondes : des aventures et une amitié extraordinaires avec Sherlock Holmes et une histoire d'amour plus intense que l'éclat d'un soleil avec Greg Lestrade. Peut-être qu'il devrait juste arrêter de laisser traîner ses yeux sur les magazines insipides du cabinet ? Peut-être qu'il ne devrait pas répondre machinalement aux questions non pertinentes comme : « Peut-on tomber amoureux de deux personnes à la fois ? ». Bref, John ne lui dira jamais.

John ne dit pas à Greg à quel point ça lui pèse qu'ils ne soient pas mariés. Bien sûr, ils sont tous deux traumatisés. Bien sûr, l'ex-femme de Greg n'y est pas allée de main morte. Bien sûr, John a peur de ressembler à sa sœur… et au reste de sa famille. Mais ce n'est pas une raison valable. L'espoir ne doit pas être étouffé par les mauvaises expériences. Le blond aime tellement son beau lieutenant aux cheveux gris qu'il a besoin d'une cérémonie officielle, de papiers officiels, de témoins officiels, de Dieu et des hommes pour affirmer au monde entier que le destin les a réunis pour toute la vie. John ne sait pas comment lui expliquer qu'il n'est pas elle, que jamais il ne le trahira, qu'il est un homme de parole. Un homme de parole, amoureux. John ne lui dira jamais.

John ne dit pas à Greg qu'ils feraient mieux de se dépêcher pour avoir des enfants, avant qu'il ne soit trop tard. Bon, d'accord, il ne connaît pas la bonne méthode pour le lui faire remarquer, alors il tourne autour du pot, en bon britannique qu'il est. Il a tellement envie d'insister sur le fait qu'ensemble, ils feraient de bons parents. Que peu importe qu'ils aient des filles ou des garçons, il meurt d'envie de les encourager au foot, que Greg ferait un merveilleux coach, qu'ils n'auraient rien à envier à ces pubs débiles. Que ses yeux brillent de larmes retenues chaque fois qu'il imagine les drôles de poses qu'ils auraient sur les cartes de vœux de Noël. Qu'il serait à la fois hilarant et dangereux de les confier à la garde de l'oncle Sherlock en cas d'urgence, parce que la moyenne d'âge mental baisserait de dix points. Non, il n'ose pas dire à l'amour de sa vie que depuis qu'il est avec lui, son désir de famille unie et heureuse n'a fait que grandir. Que l'amour qu'il ressent est tellement énorme qu'il risque de lui exploser le cœur. Enfin, tout ça semble un peu trop mièvre et pas du tout approprié. Il ferait mieux de se contenter de ce qu'il a et d'arrêter la télé-poubelle. John ne lui dira jamais.