Me revoilà pour une nouvelle fiction (je sais ça fait un bail désolée) et je remercie chaleureusement ma bêta Marina Ka-Fai
Bilbon s'installa timidement sur une chaise sans regarder les gens qui l'entouraient. C'était la première fois qu'il venait à ce genre de réunion, il avait envie de pleurer en permanence et il ne voulait pas que ça se voit, même si il savait qu'ici personne ne le jugerait. Bilbon avait décidé de rejoindre un groupe de parole pour les gens qui avaient perdu un proche. Rien que cette idée lui donna à nouveau envie de fondre en larmes. Toutefois le petit blond ferma les yeux, inspira profondément et se reprit, il pleurait depuis plus d'un an déjà, il était temps qu'il reprenne sa vie en main. Une femme arriva et sourit :
-Bonjour, pour les nouveaux je me présente, je suis Molly, j'ai 26 ans, je suis l'animatrice de ces réunion. J'ai perdu mes parents il y a cinq ans, et c'est grâce à un groupe de soutien de ce genre que j'ai réussi à remonter la pente. Je suis donc là pour vous aider autant que je le peux. Nous allons faire un tour de chaises ok ? Évidemment si vous ne vous sentez pas de prendre la parole aujourd'hui ce n'est pas grave, je sais que ce n'est pas toujours facile d'en parler.
Elle sourit gentiment en regardant l'homme assis à sa gauche. C'était un homme d'une cinquantaine d'années, à l'allure banale :
-Bonjour, je suis Edgard, j'ai 53 ans et j'ai perdu ma femme il y a deux mois des suites d'un cancer du sein. Depuis je dois donc élever nos quatre enfants : des jumeaux de 15 ans, une petite de 10 ans et notre dernier de 2 ans... j'avoue que je ne m'en sors pas du tout.
Edgard était au bord des larmes, Molly lui prit doucement la main en lui offrant un nouveau sourire réconfortant. La femme à côté d'Edgard lança :
-Bonjour, je suis Ludmila, j'ai 37 ans, j'ai perdu mon père avec qui j'étais très proche il y a un peu plus de huit mois. Il était ma seule famille.
-Bonjour à tous, je suis Theresa, j'ai 42 ans. Je suis ici parce que j'ai perdu mon mari et mon fils dans un accident de la route alors que nous revenions de vacances en famille. Je me demande encore pourquoi j'ai survécu alors qu'ils n'ont pas eu cette chance. Mon mari John avait 45 ans et notre fils Drew en avait 16, c'est arrivé il y a six mois. »
Bilbon se sentait si mal, et plus il entendait les histoires de chacun, plus cette tristesse augmentait. Un homme prit la parole :
-Bonjour, je suis Thorin, j'ai 33 ans et j'ai perdu mon meilleur ami lors d'une agression à l'arme blanche il y a un peu plus de quatre mois.
-Bonjour je suis Elizabeth, j'ai 68 ans. Ça va sûrement vous paraître ridicule, peut-être même allez-vous rire et me renvoyer mais peu importe. Je suis ici car j'ai perdu mon époux George il y a un peu plus de sept ans, mes enfants ne me parlent plus car ils me tiennent pour responsable de la crise cardiaque de mon époux, je n'ai même jamais vu mes petits-enfants. Il ne me restait donc plus que Fox, le chien que nous émions tant George et moi, nous l'avions adopté quand nos parents étaient parti vivre leur vie. Et il y a deux semaines, Fox est parti lui aussi, c'était un colley de 12 ans.
-Voyons Elizabeth, nous ne sommes pas là pour juger la tristesse de chacun, les animaux peuvent être des proches aussi chers que des personnes. Je comprends votre douleur, et c'est courageux à vous d'être venue alors que vous pensiez essuyer des moqueries. Intervint Molly.
La jeune femme regarda Bilbon :
-Bonjour, c'est à vous, si vous le voulez bien.
-Bonjour... je m'appelle Bilbon, j'ai 30 ans et j'ai perdu mon mari, l'homme qui a partagé ma vie pendant quinze ans l'année dernière. Benedict, mon mari, s'est suicidé parce que son patron l'a renvoyé car il y avait réduction d'effectif dans son entreprise et puisqu'il était le plus ancien il a donc était l'un des premiers à être mis à la porte. Il avait trop honte pour me l'avouer, car il a toujours été un homme très fier, il était dans cette entreprise depuis qu'il avait été en âge de travailler. Il ne supportait pas l'idée d'avoir perdu son emploi à 38 ans et il se trouvait du coup indigne de moi... désolé.
Bilbon sentait les larmes qui coulaient sur ses joues et sa voix s'était cassée. Molly se leva et vint lui frotter le dos :
-Mais non c'est normal d'extérioriser sa tristesse, c'est même plus sain que de la garder en soi ! C'était très courageux de parler de tout ça, merci.
-Je me sens si bête ! Je... enfin... ça fait un an et je ne peux toujours pas parler de lui sans pleurer ni regarder de photos de lui !
-C'est normal puisque vous avez partagé sa vie pendant très longtemps. Ne vous inquiétez pas, nous sommes là et je vous jure que la tristesse finira par céder la place à de la nostalgie, à tous ces bons souvenirs que vous avez avec lui.
Bilbon sentit ses larmes diminuer, puis s'arrêter. Molly sourit et retourna s'asseoir, il ne restait plus qu'une personne. C'était une adolescente asiatique :
-Bonjour, je suis Ling-Pi, j'ai 17 ans et... mon bébé a succombé à la mort subite du nourrisson il y a une semaine et... mon petit-ami n'a pas supporté le choc et m'a quittée. Pour lui c'était de ma faute, mais le médecin m'a expliqué après tous les examens qu'ils ont fait sur mon petit Tao qu'il faisait partie des vingt-cinq pourcent, dont aucune cause n'est retrouvée. Je crois aussi que mon ex petit-ami n'a pas supporté de devoir assister aux examens de notre fils, c'est vrai que c'était très dur à voir, mais ça m'a aidé à réaliser que malheureusement il était bel et bien parti.
-Quel âge avait votre enfant ?
-Il... il aurait eut un an demain.
La gorge de Bilbon se noua un peu plus en entendant cette dernière révélation. Cette pauvre petite n'avait pas été épargnée par la vie elle non plus. Molly lui prit la main et se contenta de hocher la tête en silence :
-J'ai moi-même un enfant de cet âge et je vis chaque jour avec la crainte de me le voir arraché par cette fichue maladie. Je suis vraiment désolée pour vous.
Elle se redressa :
-Je propose qu'on fasse une pause pour boire et grignoter quelque-chose, ensuite nous reprendrons. Servez vous autant que vous le voulez, c'est fait pour ça.
Derrière elle se trouvait une table remplie de nourriture et de boissons en tout genre.
Bilbon se servit un thé et prit un gâteau. Il était assez mal à l'aise d'avoir étalé sa vie de la sorte. Elizabeth s'approcha :
-Je suis vraiment désolée pour vous, mon pauvre George avait aussi perdu son boulot pendant une période. Il a finit par en retrouver heureusement car il ne lui restait plus longtemps avant d'être à l'âge de la retraite. Mais bon, il s'est fait du soucis pendant cette période.
-J'imagine oui, je suis désolé pour votre chien.
-C'est gentil à vous.
Elle lui tapota la joue et ils finirent de prendre leur petite collation. Après ça le blond se redirigea vers sa chaise. Thorin qui était assis à côté de lui le regarda :
-Je n'arrive même pas à imaginer à quel point ça doit être dur.
-Pourquoi, vous n'avez jamais été amoureux ?
-Si, mais j n'ai jamais perdu quelqu'un de cette manière. Toutes mes histoires se sont terminées par une séparation mais jamais par le décès.
-Heureusement pour vous, sinon vous seriez dans le même état que moi. Est-ce que... votre meilleur ami a été agressé pour une raison précise ?
-Il était dans un bar, il a enchaîné les bières et s'est disputé avec d'autres gars. Après ça il a fini par partir du bar, sauf que la bande avec qui il s'était embrouillé l'attendait dehors avec des couteaux. Du coup voilà ils se sont battus et malheureusement mon meilleur ami ne s'en est pas sorti.
-Je suis désolé, c'est vraiment moche comme situation.
-Oui, mais la votre est pire.
Bilbon sourit, il trouvait cette politesse très étrange. Ils avaient tous ici différentes raisons d'être triste, mais c'était comme si chacun voulait soutenir les autres. Le brun se passa une main dans les cheveux et regarda :
-Comment vous étiez-vous rencontrés? J'ai cru comprendre que votre mari était plus âgé que vous.
-En effet il était plus âgé. C'était pendant des vacances d'été. J'étais en Italie avec mes parents, comme tous les étés puisqu'on louait une résidence là-bas. Un jour j'étais sur la plage en train de lire, comme chaque jour car je suis un intellectuel pas un sportif. Un ballon m'a atterri dessus en plein sur la tête. Je me suis retourné et je l'ai vu, magnifique dans la lumière. Il était en train de jouer au volley avec une bande de gars, ils étaient en vacances entre amis. Il m'a demandé si j'allais bien, j'ai dit oui, et ensuite il m'a proposé qu'on aille prendre un verre plus tard pour se faire pardonner. J'ai accepté, on a pris un verre et on s'est jamais quittés, on est toujours restés en contact nous étions tous les deux de Londres ça a aidé. Donc on a continué de se voir après la fin de l'été et voilà, une chose en entraînant une autre nous étions ensembles, puis mariés.
-Donc ça a été votre premier et unique amour ?
-Oui, on le sait tout de suite quand on a trouvé la bonne personne. Je l'ai su quand j'ai vu Benedict, même si j'avais seulement 15 ans, j'ai su. J'étais si flatté qu'il s'intéresse à moi, car pendant ce verre il a appris à me connaître et il ne faisait pas semblant pour être poli. Je crois qu'on a eu un coup de foudre sur la plage ce jour-là, en tout cas c'est toujours ce qu'on s'est dit quand on en parlait. Et il m'a même avoué qu'en réalité il avait fait exprès de m'envoyer le ballon sur la tête pour avoir une bonne excuse pour m'inviter à prendre un verre.
-C'est vrai ?
-Oui, et c'était tout à fait son genre, timide et audacieux à la fois. Il avait un peu de mal avec le fait que je sois si jeune, mais ça a vite disparu le jour où on s'est embrassés pour la première fois. On était allongés sur l'herbe, on discutait et puis je ne sais pas pourquoi j'ai été pris d'un courage inhabituel et je l'ai embrassé. Il a souri, m'a fait reculé pour me laisser une chance de me ressaisir puisque je n'avais pas d'expérience mais je lui ai dit que ça ne changerait rien, que j'avais envie de le faire. Pardon, je me perds dans mes souvenirs, je vais m'arrêter là.
-Mais ça ne me dérange pas, c'est une très belle histoire.
-C'est gentil, mais... non c'est pas intéressant pour les gens de l'extérieur.
-Au contraire, c'est bien d'en parler je pense.
-Non, je... je crois que je ne suis pas prêt à évoquer autant de souvenirs. Déjà là je me demande comment ça se fait que je ne suis pas encore roulé en boule sur le sol à pleurer.
Bilbon se passa une main dans les cheveux et il but tranquillement son thé pour reprendre contenance. Le blond avait toujours été sensible, et ce soir il sentait que son self control était vraiment mis à rude épreuve.
Au bout de quelques minutes ils retournèrent tous s'asseoir à leurs chaises, la pause était terminée. Molly lança en souriant :
-Bon, alors maintenant nous allons reprendre. Qui veut évoquer un souvenir avec la personne qu'il ou elle a perdu ? Ce souvenir peut être joyeux ou non, le but est de parler du défunt ou de la défunte et ça va être dur, mais avec le temps, ça deviendra de plus en plus facile. Vous voulez que je commence ?
-Oui, répondirent tous les autres.
-Très bien, alors j'avais environ 7 ans, et j'apprenais à faire du vélo sans les petites roues. Je suis tombée et je me suis écorchée au genou. Je pleurais bien sûr car j'avais mal, mais surtout parce que j'avais cassé le guidon de mon vélo contre le trottoir. Mon père est arrivé et m'a portée à l'intérieur. Il m'a désinfecté le genoux, m'a mis un pansement de la Petite Sirène et m'a pris dans ses bras. Il m'a murmuré que le vélo il m'en rachèterait un, que ce n'était pas un problème, mais que par contre il n'avait qu'une fille, et que ça il ne pouvait pas en acheter. Mon père était un vrai papa gâteau, très protecteur et le moindre de mes bobos était aussi importants que la plus grave des blessures à ses yeux. Et après il a passé la journée à jouer à la dînette avec moi, pour que j'oublie que j'avais mal à mon genou.
Tout le monde sourit avec émotion, c'était un beau souvenir. Elizabeth lança :
-Lorsque nos enfants sont partis de la maison j'ai fait une forte dépression. George ne supportait plus de me voir comme ça, j'étais vraiment inconsolable. Du coup un jour que j'étais en train de faire la vaisselle, George est revenu du travail. Il m'a dit qu'il était rentré, comme chaque soir. Je suis donc allée dans l'entrée pour l'embrasser, comme chaque soir depuis qu'on vivait ensemble. Et là je l'ai vu avec une grosse boîte dans les mains, une boîte qui gesticulait. J'ai doucement ouvert le couvercle et j'ai vu un magnifique chiot, tellement mignon. Il était blond tirant sur le caramel et blanc. George m'a expliqué qu'il était tout juste sevré et qu'au moins maintenant je ne serai plus seule pendant qu'il était au boulot. Car oui, j'ai toujours été femme au foyer. George me connaissait à la perfection, il savait que j'avais toujours rêvé d'avoir un chien de cette race, et que maintenant j'avais l'occasion d'en avoir enfin un à chouchouter. Avec nos enfants ce n'était pas possible car ils n'ont jamais été intéressés pas les animaux et en plus une de nos filles est allergique aux chiens. Mais mes enfants ont rapidement arrêtés de me parler du moment qu'ils étaient partis de la maison, ils gardaient contact avec leur père mais pas avec moi. Ils trouvaient que j'avais été une mère trop étouffante apparemment. Enfin bon, j'avais ce manque de mes enfants, je les aimais tellement mais ils ont préféré me tourner le dos, alors j'ai donné tout mon amour à Fox, ce chiot qui était si heureux quand j'ai ouvert le couvercle. C'est grâce à lui que j'ai réussi à tenir le coup après la mort de mon George, grâce à Fox je n'étais pas totalement seule. Puis au fil des ans sa santé a commencé à se dégrader puisqu'il était âgé lui aussi, après tout les chiens vieillissent beaucoup plus vite en équivalent humain. Alors un matin quand je me suis levée pour qu'on parte faire notre promenade matinale je l'ai trouvé sur mon lit, inerte. Il n'avait jamais fait ça avant. Je pense qu'il sentait que c'était la fin et qu'il a voulu être contre moi. Il n'avait jamais dormi sur le lit depuis qu'on l'avait on avait instauré cette règle dès le départ. Et me voilà, ça fait quinze jours que je suis vraiment seule, que je ne vois personne. J'ai fait enterrer Fox avec George, nous avions décidé que nous serions enterrés tous les trois. »
Elizabeth était vraiment triste et Bilbon se sentait mal pour elle. Ils continuèrent de parler puis la réunion se termina. Thorin s'approcha de Bilbon :
-Tenez, voici ma carte. Je pensais à une chose, votre mari était votre meilleur ami aussi n'est-ce pas ?
-En effet.
-Alors je pensais qu'on pourrait peut-être se voir à l'occasion hors des réunions pour parler de tout ça.
-Euh... oui c'est une bonne idée. Alors je vous appelle bientôt.
-Parfait, bonne soirée.
-A vous aussi.
Ils échangèrent un sourire et partirent chacun de leur côté. Bilbon regarda la carte qu'il tenait toujours dans sa main et la mis dans sa poche. Il espérait vraiment que ça finirait par s'arranger, il aimait plus que tout Benedict, mais il ne voulait plus souffrir. Il voulait que cette tristesse disparaisse enfin, qu'il ne lui reste que les bons souvenirs comme l'avait dit Molly. Il rentra chez lui et se coucha. Le blond s'endormit aussitôt, les émotions de cette soirée l'avaient épuisé.
