Titre : Espèce de psychopathe
Auteur : ylg/malurette
Base : LastMan
Personnages : Howard McKenzie, Dave, Crucifère
Genre : déni
Gradation : PG-13 / T
Légalité : propriété de Balak Vivès Périn etc ; je ne cherche ni à tirer profit ni à manquer de respect.
Prompt : journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, subverted – bon sang il faut que j'arrête d'écrire Howard comme Asperger alors qu'il n'est certainement pas autiste, c'est un putain de sociopathe !
Continuité/Spoil éventuel : épisodes 8 & 17
Nombre de mots : 1300
oOo
« La ferme, espèce de psychopathe ! »
Tels furent les mots de Laura Liones cédant le pas à Crucifère. Martin Liones refusait encore de voir la réalité en face à ce moment.
Ce n'étaient que des mots, de quelqu'un, non, quelque chose qui ne doit pas le concerner. Ça ne devrait pas le blesser. Moins que les épines de ses lianes en tout cas, qui pour le coup ont manqué de l'étouffer.
Dire que quand il avait seize, dix-sept ans, Crucifère était sa préférée !
Un écho dans sa mémoire, il se souvint comment le grand Jack Clete à l'orphelinat s'était moqué du Livre.
« Ça fait bander ta petite bite ? »
Quand il avait neuf, dix ans, le sein dénudé de la Reine soutenant Vévrier Ier mourant ? Non jamais.
Adolescent et travaillé par les bouleversements hormonaux, relisant les légendes avec un œil nouveau, Crucifère découpant les trois chevaliers... là oui ça lui fit plus d'effet. Il avait honte de lui sur le moment, et même si c'est de l'histoire ancienne, il avait encore honte quand il y repensait. Quel manque de contrôle...
Heureusement il était au-delà, au-dessus de ça maintenant.
Dans la réalité, Crucifère n'avait rien de désirable. C'était un démon, un monstre, et ses tentacules végétaux enserrant son corps n'avaient rien d'agréable.
Il n'a jamais cru qu'il risquait vraiment de mourir, avant. Là non plus. Il était certain que Martin Liones finirait par entendre raison. Il le fallait bien ! Et effectivement, il vit la nécessité de l'abattre.
Il s'en était toujours sorti, même si c'était souvent de justesse.
Cette fois cependant, l'affrontement laissa des traces, et pas juste les accrocs des épines dans son pardessus. Il en ressorti... agacé. De viser tellement moins bien de la main gauche. Agacé aussi par ses mots. Et agacé encore plus d'y réagir autant.
Il s'est renseigné entre-temps, à l'époque où Dave le prenait pour un fou. Il avait entièrement raison pourtant ! La magie existait, la Vallée des Rois aussi, puisque ces Démons qui en venaient étaient ressortis des Limbes.
Pourtant, même devant l'évidence criante, Dave eut du mal à reconnaître son erreur.
« Tu admettras que pour y croire tu devais avoir une case en moins.
- Les preuves étaient toutes là.
- Ouais, ouais... »
Pour quoi le prenait-il, enfin ?
Son propre frère le croyait fou, sans mettre de mot exact dessus. Pour lui prouver qu'il avait doublement tort, à côté de leur traque des Roitelets, il avait également cherché un diagnostic possible, pour lui montrer qu'il n'entrait pas dans les critères.
Un psychopathe était capable de tuer des gens de sang-froid parce qu'il ne les considérait pas comme humains... mais enfin, les Roitelets n'étaient pas des personnes de toute façon, et c'était au contraire la sagesse même de ne pas les considérer pas comme humains. Parce qu'ils ne l'étaient pas.
Donc non, les traquer, prévoir à l'avance comme les tuer, et mener froidement son plan à exécution, pour protéger les habitants humains de cette ville de la destruction, c'était la seule chose à faire. Oh, il n'allait pas dire non plus que c'était presque chevaleresque. C'était une simple question de responsabilité. Réparer son erreur de jeunesse, tout ça...
Il faisait la part des choses, tout de même.
Un sociopathe, au contraire, massacrerait des gens sur un coup de sang. Et il n'avait jamais agressé quiconque sous le coup de la colère. Charles ne comptait pas : il était déjà mort, remplacé par Rizel, et quand il lui arracha un œil c'était de la légitime défense.
Il n'était sûrement pas schizophrène non plus : il faisait la différence entre la réalité extérieure et ses réflexions intérieures.
Schizoïde ? Il devait reconnaître qu'il avait bien eu quelques moments de doute. Peut-être. Il ne pouvait pas nier qu'il était détaché de ce monde pourri, froid, sordide, et du reste de l'humanité et de ses désirs prosaïques : il s'y sentait coincé et avait rêvé pouvoir s'en échapper, à tout prix, vers la Vallée des Rois, tellement idéale en comparaison. C'était peut-être parti d'escapisme adolescent, même s'il avait raison au final. En revanche, que ça s'accompagne d'une vie intérieure riche ? Ça non, il n'y croyait pas. La Vallée des Rois était extérieure, très extérieure à lui. Il ne l'avait pas fantasmée de toute pièce, elle existait réellement. Il finit donc par rejeter aussi cette hypothèse.
Il n'allait quand même pas s'imaginer atteint de tout et n'importe quoi !
À chaque description, il compta soigneusement les symptômes qui pouvait lui ressembler, mais également tous ceux qui ne collaient pas, et la balance penchait toujours en sa faveur. Il n'avait rien de tout ça.
Il se pencha même sur les diagnostics différentiels, et s'effara d'à quel point ils étaient éloignés de sa réalité.
Autiste ? Et puis quoi encore ! Il s'intéressait à son Livre depuis l'enfance plus qu'à n'importe quoi d'autre, il ne l'avait jamais abandonné même en grandissant. Il le connaissait pas cœur, il en avait extrait tous les détails importants, recopiés les croquis utiles, recoupé les informations disséminées, et tout ça formait un travail réfléchi, c'était une preuve de sérieux, d'intelligence, d'esprit de synthèse. Il allait au fond des choses.
Non mais vraiment...
Il était capable de lire une situation sociale. C'était juste que souvent, il n'était pas intéressé à y participer. Il aurait des réactions inappropriées ? Il était réservé voilà tout. Bien élevé.
...Traumatisé par son éducation ? Non. Il allait bien, merci, aussi bien que possible quand sa seule famille le traitait de fou, juste parce qu'il ne correspondait pas à ce qu'il espérait... He bien, il était désolé d'être différent.
Oui, vraiment. Désolé pour de vrai. Il avait des émotions, réelles, violentes même. Il choisissait juste de ne pas les exprimer devant autrui, en qui il n'avait pas confiance. Et il souffrait en silence d'être différent des humains lambda. Il était sans cesse blessé par cette impression d'inadéquation. Il détestait, d'ailleurs, en souffrir, comme si le jugement de ces humains devait lui importer. Il avait besoin, un besoin vital, de changer de monde.
Il n'était pas à sa place ici, il en voulait donc un autre, meilleur.
Ça ne faisait pas de lui un faible, un malade, un fou pour autant ! Alors ça n'était pas la peine d'investir des efforts pour discuter là-dessus.
Il partirait un jour, c'est tout.
Et pour ça il était capable de manipuler le monde s'il le fallait ; il avait appris à jouer la comédie, à se comporter comme quelqu'un qu'il n'était pas. Ça ne l'amusait pas, ça serait trop épuisant au quotidien, et jamais il ne souhaita que ce masque devienne sa vraie vie. Il savait faire, ponctuellement.
Est-ce qu'il avait du charme, pour réussir cela ? Il ne savait pas bien, à vrai dire. D'après son miroir il ne devait pas être laid. Il n'y avait jamais bien réfléchi, ne s'étant jamais trouvé d'intérêt pour ça non plus. Toutes les choses du sexe ou de l'amour... non merci. L'enluminure de Crucifère ou une femme réelle, aucune ne lui faisait envie. Ni un homme non plus, comme Dave semblait avoir soupçonné à une époque. Non, rien ni personne. La Vallée des Rois seulement.
Ça n'est pas sur lui-même qu'il était replié : il était focalisé, tendu entièrement vers ce but unique, grandiose, qui demandait pour l'atteindre de se dépasser, de transcender la réalité. Sa valeur propre ne serait jamais reconnue dans ce monde, mais il n'accordait pas lui-même de valeur au jugement des autres, à ce que le commun des mortels considérait important comme accomplissement. Sa soi-disant valeur serait effacée devant celle de la Vallée, toujours la Vallée, tout ce qui donnait un sens à sa vie.
Pour en revenir aux craintes et aux accusations de Dave... ça ne faisait pas de lui un fou, mais un visionnaire. Évidemment, l'Histoire avait prouvé maintes fois qu'on traitait les visionnaires comme des fous, mais ça n'avait aucune espèce d'importance puisqu'il ne serait bientôt plus là où le jugerait pour cela !
