L'odyssée d'un pirate

Crossover Ulysse 31/Harlock

"Quiconque ose défier la puissance de Zeus doit être puni."


Chapitre 1

Une rencontre imprévue étonne une jurassienne ; Un capitaine se montre téméraire.


La nuit artificielle avait enveloppé le sombre vaisseau depuis quelques heures déjà. Au fond d'une coursive, derrière une porte en bois sculptée d'un autre âge, le capitaine Harlock dormait profondément. L'Arcadia filait droit vers un système inconnu de la bordure, loin à l'abri de toutes les menaces qui pesaient, telles une épée de Damoclès, sur une bande de pirate.

Mimee, une jurassienne survivante qui suivait Harlock, assurait seule la veille en passerelle. Sa morphologie particulière lui permettait de se passer de sommeil pendant de longues périodes, caractéristique fort utile la nuit pour les humains.

Harlock se reposait pour la première fois depuis des semaines, et sa compagne de toujours ne souhaitait pas l'importuner dans ces moments privilégiés. Elle connaissait son besoin de solitude et de repli, surtout après une longue semaine de tension nerveuse.

L'écran radar n'indiquait plus rien depuis le passage de la planète de la mer de feu. Aucun vaisseau de quelque nature que ce soit n'avait croisé la route de l'Arcadia. Mimee ne savait même pas quelle route elle devait surveiller ou éviter.

- Va droit vers ce point, lui avait dit le capitaine avant de se retirer.

Or le point en question ne figurait sur aucune carte connue. Pourquoi s'aventurer dans des mondes inconnus ? Etait-ce pour être sur d'échapper l'espace de quelques instants aux hordes furieuses d'humanoïdes ou de mazones lancées à leur poursuite ?

Mimee se leva vers 3 heures du matin à l'horloge digitale et se dirigea vers un petit meuble poussiéreux en métal. Elle l'ouvrit précautionneusement et en sortit une bouteille au liquide transparent, à moitié pleine.

- Rien de tel qu'un petit verre pour calmer sa faim, se dit-elle.

Tout en sirotant son saké (enfin, celui d'un pirate qu'elle empruntait régulièrement), elle admira ces étoiles en formation au loin. L'univers connu s'arrêtait là, quelque part. Les théories physiques les plus complexes parlaient d'un univers en expansion permanente. D'autres scientifiques avaient émis l'hypothèse d'univers parallèle, existant à côté de son univers à elle.

Une fois, elle avait eu la mauvaise idée d'en discuter avec Tochiro, longtemps auparavant. Le seul résultat tangible de cette mémorable soirée alcoolisé fut une migraine épouvantable et ce que le petit ami d'Harlock appelait communément des "Nœuds au cerveau".

- Quelle idée, tout de même pour un cerveau humain d'essayer de concevoir ce qui est inconcevable.

Finalement, l'esprit des hommes se plait à imaginer des choses impossibles, irréelles, qui le dépassent totalement. Leurs dieux, leurs religions étaient pour cette jurassienne la manifestation des limites du cerveau humain, qui tente toujours d'expliquer l'inexplicable.

Un petit bip sonore tira Mimee de sa méditation et attira son attention. Machinalement, elle entra des instructions à l'ordinateur via un petit clavier.

- Une masse métallique qui bouge, c'est étrange. Cela ne ressemble pas à un vaisseau, à première vue. Mais ce n'est pas un objet naturel.

Elle estima que réveiller Harlock ou même Kei Yuki pour quelque chose de somme toute banal ne valait pas la peine. L'Arcadia dévia légèrement de sa trajectoire, afin de passer plu près de cette curiosité.

Mimee contourna les jeunes étoiles et découvrit une nébuleuse sombre, caractéristique de certains endroits reculés de la bordure extérieure. Les moteurs ne fournissaient aucun effort supplémentaire et la lente marche de l'Arcadia continuait, imperturbable. Grâce aux systèmes d'analyses et à l'esprit de son créateur logé au fond de l'ordinateur central, Mimee pourrait certainement analyser le phénomène seule sans réveiller un équipage qui méritait bien une nuit de sommeil.

La harpe était son seul péché mignon pendant ses quarts de nuit. Joueuse de talent, capable d'adoucir les personnages les plus intransigeants comme miss Masu, la cuisinière, Mimee aimait cet instrument par-dessus tout. Il ne s'agissait ni plus ni moins que du dernier objet intact de sa planète. Enfin, presque, car quelque part dans un coin reculé de l'Arcadia Mimee gardait depuis des années un petit flacon d'alcool jurassien. Un cadeau fait par un vieil ami, mort depuis longtemps par la folie des mécanoïdes.

La musique emplit la passerelle déserte, résonnant sur les parois froides métalliques du vaisseau. Mimee ne pouvait s'empêcher de jouer des airs tristes lorsqu'elle était seule. Ces airs languissants, capables de faire pleurer certains membres d'équipage, étaient pour elle une source de plaisir intense.

La masse métallique détectée s'approchait délicatement de l'Arcadia. Le scanner à longue portée commençait à égrener les résultats obtenus, au fur et à mesure de l'analyse. Mimee jetait un œil distrait aux informations techniques. Ce domaine était celui du capitaine. Elle devait juste se contenter de l'alerter si un danger menaçait directement le vaisseau.

Masse métallique inconnue.
Composition inconnue.
Taille : 12 km.
Vitesse : inconnue.
Trajectoire : vecteur 25-5h.

Mimee entamait la partie la plus délicate de son chant, là où les notes de musique devaient s'enchainer parfaitement sous peine de provoquer des sonorités fort déplaisantes à l'oreille humaine.

Analyse perturbée. Signal fragmentaire.
Présence d'énergie inconnue.

- Tiens, c'est la première fois que le scanner de l'Arcadia n'achève pas une analyse.

L'écran principal, à la demande de la jurassienne, afficha en gros plan la masse métallique. Une forme ronde gigantesque, de couleur orange, évoqua à première vue un agrume titanesque. Le zoom progressif sur un point rouge fit apparaître au fur et à mesure un signe distinctif. Cela ressemblait à un trident, mais ce symbole n'était pas utilisé par une race intelligente d'après l'ordinateur.

La conclusion s'imposait d'elle-même : l'Arcadia croisait simplement un vaisseau d'une race inconnue, aux confins de l'univers.

Analyse de formes de vie : négative
Masse métallique vide de toute forme de vie artificielle ou organique.

Le résultat fut assez surprenant pour Mimee. Elle se leva et alluma l'interphone, attendant une réponse. Une voix grave et un peu endormie répondit au bout de quelques minutes

- Ici Harlock, que se passe-t-il Mimee ?
- Un vaisseau inconnu, impossible à analyser. Le scanner de l'Arcadia n'arrive à rien.
- Très bien, j'arrive, fit le capitaine avec un grognement pouvant signifier "ok" ou "mince" ou quelque chose de moins poli.

Encore dans le noir, la passerelle de l'Arcadia s'illumina peu à peu. Mimee voyait très bien dans l'obscurité, mais les humains avaient des yeux bien plus faibles. Une porte verte s'ouvrit au fond et un pas lent, avec un tintement métallique caractéristique, se rapprochait doucement. Le capitaine aimait inconsciemment jouer avec ce genre d'effet dramatique, même si la jurassienne ne comprenait pas pourquoi.

- Me voilà Mimee, qu'as-tu donc vu ? Demanda-t-il en mettant de côté son manque de sommeil.
- Regardez, un vaisseau en forme d'orange, de 12 km. Le scanner n'indique rien ni personne à son bord.
- Hum, étrange en effet. Aucune trajectoire ? Aucune information ?
- Non, je n'ai aucun élément, à part cette inscription curieuse : un trident rouge brillant sur son flanc.
- Curieux, en effet.

Harlock croisa les bras et prit la pose typique d'une personne en proie à une intense réflexion. D'un côté, il pouvait ignorer ce vaisseau et poursuivre son périple. Mais de l'autre, un vaisseau apparemment abandonné était du pain béni pour un pirate comme lui. Cette occasion de butin facile remonterait le moral de son équipage et romprait la monotonie du quotidien.

- Mimee, réveille tout le monde. Nous allons prendre d'assaut ce cargo.
- Est-ce bien prudent, capitaine ? Répliqua Mimee. J'ai un mauvais pressentiment, quelque chose de puissant est à l'œuvre ici. Une force qui nous dépasse tous.
- Personne ne me fera peur Mimee, pas même un Dieu ! Aux postes de combat !