Pour commencer, un petit mot :

Bonjour à vous, lecteurs et lectrices qui passez par là, et bienvenue ! :)

J'ai commencé cette fic il y a de ça plusieurs années déjà et récemment il m'est revenue l'envie (et l'inspiration) de la continuer et d'essayer d'en faire quelque chose.

Cette histoire n'a pas d'autre prétention que le plaisir d'imaginer la vie (pas si sage) d'une bande de Serpentards de 17 ans, favorisés et jouissant d'une réputation plus ou moins discutable, qui doivent eux aussi affronter les changements qui ont lieu durant leur dernière année d'études. Le récit se déroule au moment où Harry, Ron et Hermione décident de partir à la recherche des Horcruxes.

C'est ma toute première création, alors j'en appelle a votre indulgence en espérant que vous passerez un bon moment à la lecture de ces quelques chapitres et de ceux à venir.

N'hésitez pas à me laisser vos petits mots, je serais ravie de les lires !

Très bonne lecture,

Coquille de Noix


Chapitre I - Cap ou pas cap ?

7 juillet 1997 – Poudlard Express

_Ok les gars, vous êtes prêts ?

_...

_...

_...

Adossé contre la fenêtre, Blaise leva les yeux vers elle et lui adressa un regard vaguement interrogateur. Quand aux autres, ils manifestèrent un intérêt plus que limité envers cette soudaine intervention, venue rompre le silence écrasant qui régnait dans leur compartiment.

Ce qui n'eut, pour ainsi dire, rien de tout à fait satisfaisant.

Loin de se laisser décourager, elle les regarda tour à tour avec insistance et attendit un moment que l'un d'eux fasse preuve d'un soupçon d'enthousiasme, ou tout du moins lui donne le change.

Elle fut néanmoins rapidement forcée de se rendre à l'évidence : aucun de ses amis ne semblait disposé à se laisser embarquer une fois de plus dans un plan douteux.

Voyant ses espoirs réduits à néant par le manque d'engouement dont faisaient preuve ses compagnons de route, elle croisa les bras sous sa poitrine et entreprit de leur faire connaître l'étendue de son mécontentement. Sourcils froncés, regard noir, lèvres pincées, elle se mit à faire la moue dans une expression savamment étudiée. Blaise dirigea à nouveau son regard sur elle mais ne fit aucune remarque, se contentant d'esquisser un sourire tout en reportant son attention sur le livre qu'il faisait semblant de lire.

Et tout continua à se dérouler comme si elle n'avait jamais ouvert la bouche, ses cinq camarades poursuivant leurs occupations tandis qu'elle se désespérait intérieurement de les voir si apathiques.

Vaincu par tant d'indifférence, elle poussa un soupir ostensiblement agacé et jeta un regard morne par la fenêtre. Elle se demandait comment elle allait bien pouvoir survivre aux six prochaines heures dans de telles conditions, alors qu'elle se sentait déjà dépérir d'un ennui profond.

Cela faisait déjà une bonne demi-heure qu'ils avaient quitté Pré-au-Lard, et aucun de ses amis ne semblait d'humeur à décrocher un mot. Si Blaise se contentait de feuilleter son livre d'un air distrait, les autres avaient plutôt l'air de mener un important combat existentiel, nécessitant vraisemblablement de se murer dans le silence tout en tirant des têtes de six-pieds-de-longs. La mine basse, les traits préoccupés, le regard éteint, l'ambiance dans leur compartiment était digne d'un mauvais jour à Azkaban et Victoria jugea tout cela parfaitement exaspérant.

Elle avait bien songé à aller se balader dans le couloir pour voir si elle y trouverait un compartiment où l'ambiance était un peu moins déprimante que dans le sien, mais elle doutait sincèrement que cela serve à quelque chose. Après tout, cela faisait plus d'une semaine qu'elle n'avait pas croisé un seul sourire dans tout Poudlard, à croire que tous ses camarades avaient oublié comment on faisait. Même ces satanés Poufsouffles semblaient avoir perdu le goût du rire, Merlin pourtant savait à quel point ces Blaireaux suintaient la joie de vivre par tous les pores. C'était d'ailleurs en partie cela qui les rendaient si énervants.

C'était bien simple, les Poufsouffles étaient d'indécrottables optimistes. Si vous aviez un doute sur la gravité d'une situation, vous n'aviez qu'à vous tourner vers eux pour voir s'ils continuaient d'afficher leurs sourires d'imbéciles heureux. Si par malheur ils avaient l'air abattu, alors c'était le signe que tout allait mal dans le monde.

Autant dire que cela faisait un moment que Victoria n'avait pas croisé un Poufsouffle qui ne donnait pas l'impression d'avoir envie de se jeter de la tour d'Astronomie à son tour.

N'y tenant plus, elle renonça à regarder ses amis se noyer dans leur propre mélancolie et se décida à intervenir. Après tout, ils n'allaient pas rester là à tirer des têtes d'enterrement toute la journée, alors même que des tas de perspectives plus émoustillantes s'offraient à eux.

_C'est les vacances, merde. Vous n'allez tout de même pas passer tout le trajet à vous morfondre ? On devrait au moins fêter ça, avait-elle dit en levant les bras d'un air résignée.

Pour toute réponse, Blaise poussa un soupir las. Drago baissa la tête et Théodore fit mine de ne pas l'écouter, les yeux rivés sur le paysage qui défilait par la fenêtre. Daphnée et Pansy échangèrent discrètement un regard réprobateur, qu'elle ne le remarqua pas.

Le Poudlard express faisait route à toute allure en direction de la gare de King's Cross, laissant s'échapper derrière lui une épaisse traînée de vapeur qui s'évanouissait peu à peu dans les landes écossaises.

Les étudiants de Poudlard - tout du moins ceux dont les parents n'avaient pas demandé le retour anticipé suite aux récents évènement - rentraient chez eux pour les vacances d'été, ignorant pour la plupart s'ils reverraient un jour le prestigieux château au sein duquel ils avaient fait leurs premières armes en tant que jeunes sorciers.

Les circonstances dans lesquelles leur année avait pris fin avaient jeté un voile des plus sombre sur l'ensemble de l'école, et même plus largement sur l'ensemble de la communauté magique du Royaume-Uni. En des temps si troublés, il n'était pas franchement étonnant que l'humeur des passagers du Poudlard Express ne soit pas à rire ou à bavarder, comme si de rien n'était.

Comme si rien dans leur vie n'avait changé et que le chaos et la désolation ne menaçaient pas déferler dans leurs existences d'une minute à l'autre.

Bien sûr, ce n'était pas comme si cette menace datait d'hier. Il y avait eu des avertissements bien avant les conséquences désastreuses que l'on connaissait tous. Albus Dumbledore lui-même avait de nombreuses fois tenté de mettre en garde ses élèves ainsi que le reste de la communauté magique à propos du danger qui se profilait à l'horizon.

Durant les deux dernières années, le directeur de Poudlard avait œuvré sans relâche dans le but d'éveiller les consciences et d'inciter les autorités compétentes à prendre les mesures nécessaires pour empêcher le cataclysme qui était sur le point de se produire de nouveau. Le tout au prix d'un profond mépris et de mesures répressives visant à le discréditer aux yeux de tous.

Naturellement, plusieurs attaques de Mangemorts plus tard et après que Dumbledore eut payé de sa vie le fruit de son acharnement, beaucoup s'en voulaient d'avoir douté.

Pouvait-on réellement les en blâmer ? Ils n'étaient que des sorciers et des sorcières qui avaient simplement fait le choix de se bercer de l'illusion qu'ils étaient en sécurité et que l'histoire ne pouvait se répéter. A bien des égards, c'était bien plus facile que de vivre dans la crainte constante que leur monde n'éclate à nouveau dans une guerre qui avait déjà fait trop de dégâts par le passé. Cette tentative de fermer les yeux sur ce qui se déroulait juste sous leur nez avait d'ailleurs été largement facilitée par la position qu'avait choisi de prendre la Gazette du Sorcier - largement soutenue par le Ministère de la Magie - et qui avait consisté à soutenir bec et ongles à la population que Dumbledore n'était qu'un vieux gâteux qui ne savait plus ce qu'il disait, que Harry Potter était un adolescent instable recherchant désespérément à attirer l'attention, et que tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Dans le meilleur des mondes, peut-être. Mais à l'évidence pas dans le leur.

Il y avait un an de cela, Cornelius Fudge, ancien ministre de la Magie depuis privé de ses fonctions, avait été forcé d'admettre qu'il avait eu tort. Depuis lors, le Seigneur des Ténèbres n'avait cessé de sévir à différents endroits du pays, rependant insidieusement un climat de crainte et de terreur, tandis que tous vivaient dans l'attente anxieuse de voir le cauchemar se réitérer. La récente attaque de l'école de sorcellerie, dont l'une des conséquences tragiques avait été la mort de l'illustre sorcier qui en était le directeur, avait marqué le point culminant de cette période de tension, rendant la menace d'une guerre prochaine plus tangible que jamais.

Pourtant, Victoria en était certaine, ce n'était pas seulement la crainte de voir l'histoire se reproduire qui était à l'origine du marasme qui sévissait au sein de leur groupe depuis quelques temps.

L'ascension de Voldemort au pouvoir n'impliquait pas les mêmes enjeux pour eux que pour les nés-moldus ou les traitres à leurs sangs. Et bien qu'aucun d'eux n'ait jamais fait preuve d'un engouement particulier à l'égard des méthodes employées par les partisans du Mage Noir, chacun d'entre eux étaient issus de puissantes familles de sang-purs, pour lesquelles le retour de Vous-Savez-Qui laissait entrevoir des perspectives qui n'étaient pas entièrement dénuées d'intérêt.

Si Drago était pour l'instant le seul à avoir clairement affirmé ses appartenances politiques, il n'en restait pas moins que la tendance au sein de leur groupe penchait en faveur de la suprématie de la pureté du sang et de l'abolition du Code International du Secret Magique, afin que les sorciers - et notamment ceux qui l'étaient devenus par lignage - puissent évoluer librement dans le monde et s'affirmer auprès de la communauté moldue.

Et pourtant. En dépit de tous les avantages que pourraient leur conférer un tel revirement politique, chacun d'entre eux avait été ébranlés à sa manière par l'assassinat de leur directeur et aucun ne semblait avoir le cœur à faire la fête ou à se réjouir pour une quelconque raison. L'angoisse et l'incertitude liées aux changements qui se profilaient à l'horizon ne semblaient avoir épargné personne, peu importe que l'on soit fils de Mangemort ou issu d'une noble lignée.

Victoria, elle, avait du mal à supporter les moments qui ne se prêtaient pas à la désinvolture. Principalement parce qu'elle se sentait parfaitement inutile et très peu à sa place en de pareilles circonstances. Il fallait dire qu'elle était plus douée pour se moquer de tout et faire preuve de cynisme, que pour se montrer compatissante et apporter soutien et réconfort.

Les fins d'années étaient normalement pour eux l'occasion de faire la fête et de transgresser les règles. Ils avaient toujours jugé les quelques heures à tuer dans le Poudlard Express comme étant précisément le moment idéal pour cela, et l'idée de manquer à cette tradition la frustrait au plus haut point.

_Franchement Victoria, tu crois vraiment qu'on est d'humeur à s'amuser ? réprimanda Pansy avec humeur.

_Et moi qui pensait naïvement que pour une fois, tu pourrais avoir le bon goût de ne pas venir casser l'ambiance, soupira-t-elle en levant les yeux au ciel.

_C'est bon les filles, vous n'allez tout de même pas recommencer ? intervint Daphnée, alors que Pansy s'apprêtait à ouvrir la bouche pour répondre.

A ces mots, Victoria s'enfonça dans son siège et Pansy se retint de dire quoique ce soit, préférant se tourner vers son petit ami pour déposer un baiser sur ses lèvres.

Drago, peu réceptif au demeurant, esquissa un sourire forcé pour ne pas la vexer. Evidemment, Pansy n'était pas stupide au point de ne pas le remarquer, mais elle fit mine de s'en contenter.

Il ne semblait pas dans son assiette depuis quelques jours, affichant toujours un air absent, prenant à peine part aux discussions. Elle jugea qu'il valait mieux ne pas insister.

_Victoria n'a pas tort, l'ambiance est à faire fuir un détraqueur par ici…, fit Blaise après un moment de silence.

Tous, sauf Daphnée, se jaugèrent en hochant la tête en signe d'assentiment.

Cela faisait une semaine que la troupe de Serpentard n'avait pas vraiment eu réellement l'occasion de se retrouver, et il fallait bien reconnaître qu'un peu de légèreté ne leur aurait pas fait de mal.

Alors que Blaise s'apprêtait à sortir une bouteille de spiritueux de son sac, Daphnée s'insurgea.

_Franchement, je suis la seule que ça choque ?

_Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda-t-il alors qu'il commençait à verser le liquide ambré dans de minuscules verres finement gravés et que les autres de redressaient d'un air intéressé.

_Dumbledore est mort, et tout ce à quoi vous songez c'est faire la fête.

Elle avait dit ça sur un tel ton de reproche qu'il aurait été difficile de ne pas se sentir coupable.

_Rien de tout ça n'est de notre faute. Aucun de nous n'est responsable, objecta Victoria sur un ton ferme et définitif.

A ces mots, Drago détourna le regard, mais personne ne sembla le remarquer en dehors de Victoria.

_Victoria a raison. Ce qui est arrivé est arrivé. On a mauvaise réputation mais on n'y était pas, en haut de cette tour. On ne sait même pas ce qui s'est passé, soutint calmement Théodore.

_Je n'avais pas besoin de ton aide, siffla-t-elle entre ses dents.

Elle semblait agacée, comme à chaque fois. Théodore ne releva pas sa remarque. Les autres hochèrent la tête tandis que Drago fixait un point invisible à ses pieds.

Lui y était, en haut de cette tour. Et il savait précisément ce qui s'était passé ce soir-là. Mais ça, ses amis l'ignoraient, et il comptait bien qu'il en demeure ainsi.

Chaque fois qu'il fermait les yeux, il revoyait le visage de Dumbledore au moment où le sortilège de la mort l'avait frappé en pleine poitrine, juste avant qu'il ne bascule dans le vide comme une vulgaire poupée de chiffon. Jamais il n'oublierai l'expression de surprise qui avait écarquillé les yeux du vieil homme, à l'instant même où il avait sentit l'éclair le percuter et qu'il avait compris ce qui lui arrivait. Ce moment soudain où il avait compris qu'il était mort.

La suite, tout le reste était flou et il n'en gardait que des bribes indistinctes. Il se souvenait du professeur Rogue qui l'avait entrainé à sa suite et lui avait conseillé de retourner dans sa salle commune sans se faire voir, tandis que lui-même prenait la fuite pour échapper à tout soupçon.

Drago ne s'était jamais confié à propos de ce qui s'était passé en haut de la tour d'astronomie. Il n'avait jamais dit à ses amis qu'il avait fait partie du groupe de Mangemorts qui avaient poussés Dumbledore dans le vide. Seule Victoria, parce qu'elle s'était trouvée au mauvais endroit au mauvais moment, se doutait qu'il avait contribué d'une manière ou d'une autre à ce qui s'était produit.

Ce qui justifiait probablement les regards appuyés qu'elle lui lançait ainsi que sa détermination à clore cette discussion.

Pourtant, a bien des égards, il aurait préféré qu'elle ne se doute de rien au même titre que les autres. Si au début de l'année il avait d'abord eu l'audace de se vanter auprès d'eux de s'être vu confier une mission par le Seigneur des Ténèbres, il avait rapidement déchanté et compris la nécessité de se montrer le plus discret possible dans l'accomplissement de cette tâche. Il avait rapidement compris que les maigres instants de gloire qu'il retirait à évoquer cette fameuse mission ne faisaient en réalité que propulser ses amis dans un océan de danger dont lui-même ne mesurait pas l'entière étendue.

Aussi s'était-il évertué tout le reste de l'année, en plus de trouver le moyen d'accomplir sa mission, à leur faire oublier les maigres informations qu'il avait eu le malheur de leur fournir dans un excès de vanité.

Il n'avait tout simplement pas prévu que Victoria déboulerait dans la salle de potion où il s'était réfugié juste après la mort de Dumbledore.

A l'expression sur son visage au moment où elle était entrée, elle ne s'était pas non plus préparée à le trouver là. Mauvais concours de circonstances, hasard ou karma, il n'en savait foutrement rien. Toujours était-il qu'elle était tombée sur lui en s'y rendant elle-même pour une toute autre raison.

Pour une fois, elle n'avait pas posé de question. Et pas seulement parce que ça l'arrangeait bien de ne pas avoir à se justifier à son tour sur sa présence dans cette salle de cours. Lorsqu'elle avait poussée la porte et qu'elle l'avait trouvé là, seul et désemparé, qu'elle avait vu toute l'étendue de la détresse qui se bousculait derrière ses yeux, elle avait tout de suite compris. Ce soir-là, elle l'avait seulement pris dans ses bras lorsqu'il s'était effondré en larmes, le teint livide et le corps tremblant. Elle l'avait laissé pleurer durant de longues minutes, se contentant de lui caresser les cheveux et de lui promettre que tout irait bien, avant de finalement l'aider à se redresser et de rejoindre ensemble les autres élèves dans le grand hall, en silence.

Encore aujourd'hui, et bien que la marque sur le bras de Drago laissait peu de place au doute quant à son rôle dans toute cette histoire, Victoria ne savait pas vraiment dans quelle mesure il s'était retrouvé impliqué dans cette attaque. Tout ce qu'elle comprenait, c'était que quoiqu'il ait fait ce soir-là, quelles qu'aient été ses décisions, il n'en était pas ressorti indemne.

D'une certaine façon, et même s'il aurait définitivement préféré qu'elle reste en dehors de ça, Drago était heureux d'être tombé sur elle plutôt que sur n'importe qui d'autre. Victoria était son amie la plus proche depuis treize longues années et elle avait finit par développer l'étonnante faculté de lire en lui comme dans un livre ouvert. Ce qui, il fallait bien l'admettre, se révélait parfois relativement agaçant. Ils avaient traversés tellement d'étapes ensemble au fil des dernières années qu'elle était l'une des rares personnes, si ce n'était la seule, devant laquelle il ne craignait pas de se montrer vulnérable. La seule dont il était certain qu'elle ne trahirait jamais sa confiance.

Et puis, malgré ses nombreuses tentatives, il n'avait jamais rien pu lui cacher. Cette rencontre fortuite lui évitait d'avoir à inventer un autre mensonge qu'elle aurait surement découvert, et pour lequel elle lui en aurait voulu. D'une certaine façon, il valait mieux qu'il en soit ainsi plutôt qu'elle ne l'assaille de questions jusqu'à ce qu'il ne le supporte plus et qu'il lui prenne l'envie de l'étrangler, ou pire, de tout lui révéler. Ce qu'elle avait vu lui donnait suffisamment d'indicateurs sur la gravité de la situation pour qu'il ne lui prenne pas l'envie de lui soutirer plus d'informations.

Une chance pour lui que Victoria ne soit finalement pas le genre de personne à se jeter sur la moindre occasion d'aider son prochain. S'il y avait une personne au monde qui ne courrait pas après ce type d'actes socialement héroïques, c'était bien elle. Autant dire qu'elle avait même plutôt tendance à courir dans l'autre sens pour éviter toute rencontre émotionnellement sincère avec qui que ce soit. Encore plus lorsque cela impliquait de devoir se confronter à la détresse de l'autre ou tout simplement de devoir mobiliser son sens de l'empathie.

Elle ne lui avait jamais demandé ce qui s'était passé ce soir-là. Certainement pas par pudeur : ce n'était pas son genre. Peut-être qu'elle n'en avait tout simplement rien à faire, comme beaucoup d'autres choses.

_Alors, action ou vérité ?

La voix enjouée de Blaise l'extirpa de ses pensées, et il observa ses camarades qui semblaient tout à coup regagnés par un élan d'enthousiasme. Drago eut un soupir pour lui-même - il n'était pas vraiment d'humeur à jouer - mais il fit tout de même mine de se montrer intéressé.

_On doit d'abord faire des équipes, avertit Pansy qui s'était redressée sur son siège.

De son sac, elle sortit une petite sacoche en lin contenant six billes de trois couleurs différentes. Tour à tour, chacun plongea sa main dans la sacoche pour découvrir qui serait son coéquipier.

Les six amis ouvrirent leur main pour mettre en évidence la bille qu'ils avaient piochés au hasard. Drago et Blaise avaient tous les deux une bille verte, Pansy et Daphnée avaient piochées les billes noires, quant à Victoria et Théodore, et bien, ils avaient tous les deux une bille rouge au creux de leurs mains.

_Fantastique, souffla Victoria, qui ne cherchait même pas à masquer sa déception.

_Ne vas pas t'imaginer que ça m'enchante moi non plus, rétorqua Théodore tandis que Drago et Blaise se tapaient dans la main, et que Pansy et Daphnée s'installaient joyeusement l'une à côté de l'autre.

Comme il était aisé de le deviner, Victoria Ludchance et Théodore Nott n'étaient pas tout à fait ce que l'on pouvait appeler « les meilleurs amis du monde ». Ils entretenaient depuis plusieurs années un certain nombre de griefs l'un contre l'autre – du moins c'était ce qu'en avaient déduit leurs camarades, pour qui la raison de leur mésentente restait indubitablement un mystère – oscillant régulièrement entre climat de guerre passive-agressive et climat de paix toute relative.

En bons Serpentard, ils demeuraient toutefois capables de faire les meilleurs choix stratégiques en matière de réussite scolaire et professionnelle, ce qui les amenait régulièrement à collaborer assez brillamment en binôme durant les cours de potions et d'autres matières qui le nécessitaient, et ce malgré leur impossibilité de se piffrer dans un cadre plus privé.

_Ok, vous connaissez tous les règles. Les actions peuvent s'étendre à tout le Pouldard Express, la vérité sera toujours rétablie et si vous vous dégonflez, c'est avec votre coéquipier que vous devrez accomplir votre punition, rappela Blaise qui arborait fièrement la casquette du maître du jeu. Pansy, à toi l'honneur.

_Pourquoi toujours moi ? se lamenta la concernée.

_Parce que tu es la plus jeune.

_Qui a décidé de cette règle, déjà ? s'enquit-elle dans l'espoir de s'opposer à cette forme de dictature tout à fait injuste.

En effet, Pansy était du mois d'octobre, ce qui faisait d'elle la plus jeune du groupe. Daphnée la précédait de peu, étant née au mois de septembre. Elles étaient les seules de leur groupe à ne pas encore avoir 17 ans, et se voyaient par conséquent privées d'un certain nombre de privilèges, comme le droit de transplaner, de boire légalement de l'alcool, de quitter l'enceinte de l'école de manière autonome ou de faire de la magie en dehors de l'école.

_Allez, ne fais pas ta rabat-joie, on inversera la prochaine fois.

Sans trop se laisser bercer d'illusions, Pansy se saisit du petit verre rempli d'alcool et l'engloutit d'une traite avant de le poser bruyamment sur la table, telle une conquérante.

_Vérité, choisit-elle.

Un sourire malicieux se dessina sur les lèvres de Blaise et elle comprit – un peu trop tard – qu'elle aurait peut-être mieux fait de prendre un peu plus de temps pour réfléchir.

_En cinquième année, avec Hestia Clint… Les rumeurs étaient-elles vraies ? demanda-t-il sans détour.

_Oh, Blaise c'est vraiment un coup bas ! s'indigna Daphnée, tandis que les autres s'amusaient de la réaction de Pansy qui s'était raidit sur son siège.

_Et si je refuse de répondre ?

_Non seulement tu bois tous les verres sur la table, mais en plus Daphnée devra répondre à la question après avoir bu quelques gouttes de Véritaserum.

A ces mots, Victoria sortit une petite fiole de sa poche qu'elle agita d'un air triomphant.

_Où est-ce que vous avez trouvé ça ? s'étonna Daphnée.

_Je l'ai emprunté dans le bureau de Rogue l'autre jour, ça ne devrait pas trop lui manquer pendant les vacances.

_C'est pas juste, la dernière fois on n'en avait pas !

_Oh allez, ne fais pas ta prude. On sait tous que tu es allée faire un tour sous la jupe d'Hestia, ce n'est un secret pour personne ! Il n'y a même pas de suspens, fit remarquer Victoria avec désinvolture, tout en se roulant une cigarette moldu agrémentée d'un peu d'herbe spéciale.

_Tu te crois peut-être très maline, là tout de suite, cingla Pansy dont le visage avait viré au rouge. N'empêche que tout le monde sait aussi que tu passes un temps anormalement suspect dans le bureau de Rogue et pourtant il me semble que je ne me suis pas amusée à clamer mes conclusions haut et fort, si tu vois ce que je veux dire ?

A ces mots, Blaise ricanna tandis que Victoria venait de perdre le semblant de sourire qu'elle avait sur les lèvres.

_Qu'est-ce que t'es en train d'insinuer, là ?

Elle avait interrompu son roulage de cigarette et toisait Pansy d'un regard vénimeux. Réaction à la hauteur des attentes de la brune, qui la gratifia en retour d'un petit air satisfait. Daphnée se pinça l'arête du nez en soupirant.

C'était la guerre froide entre les deux amies depuis que Pansy avait mis le grapin sur Drago. Victoria vivait mal le rapprochement entre ces deux-là et elle s'était donnée pour mission de le faire savoir. Depuis six mois, l'ambiance était aux reproches, aux remarques cinglantes et autres joutes verbales exotiques, ce qui tendait de plus en plus à exaspérer leurs camarades, particulièrement Daphnée qui se retrouvait régulièrement coincée au milieu de tout cela.

Autant dire que les deux filles ne manquaient pas d'imagination lorsqu'il s'agissait de se tirer dans les pattes.

_Oh, je ne sais pas, reprit Pansy, peut-être que dans le fond tu es friande de quarantenaires à l'hygiène capillaire douteuse. Après tout on ne t'a pas souvent vu avec des garçons pour connaître tes goûts…

_Bon, on peut passer à autre chose ? s'enquit Drago qui sentait venir le scandale.

Si les yeux de Victoria avait pu balancer des Avada Kedavra, nul doute que Pansy serait morte depuis longtemps. Cette dernière vida un à un les verres disposés autour du plateau en faisant la grimace et passa la main à sa coéquipière, peu ravie de ce coup bas. Peut-être pensait-elle s'en sortir plus dignement si l'histoire était racontée par Daphnée, qui n'en maîtrisait pas tous les tenants et les aboutissants, même sous serum de vérité. Blaise versa trois gouttes de l'élixir dans un verre et le remplit d'alcool avant de le tendre à sa chère et tendre.

_On dirait que j'ai tout intérêt à ne choisir que des actions maintenant, dit Daphnée avant de boire le liquide d'une traite.

Lorsqu'elle reposa son verre sur le plateau, rien chez elle ne laissait paraître qu'elle avait ingérée un serum qui l'obligeait à dire absolument toute la vérité. Rien, si ce n'est un infime éclat qui dansait dans ses pupilles, un peu plus dilatées que la normale. Le veritaserum avait pour avantage de faire effet tout de suite après l'ingestion, ce qui rendait le jeu beaucoup plus intéressant.

_Alors Daphnée, tu peux nous dire ce que tu sais par rapport à la rumeur qui circule entre notre chère Pansy et Hestia Clint ? redemanda Blaise, qui se délectait d'avance de la réponse.

Les jeunes sorciers crurent percevoir un infime signe de lutte sur le visage de Daphnée, mais ses traits se détendirent aussitôt et elle répondit sur un ton détaché.

_Pansy et Hestia se sont fait attraper ensemble l'année dernière dans les toilettes du deuxième étage. Mimi Geignarde s'est empressée d'alerter McGonagall ainsi que tout le premier étage et le rez-de-chaussée au passage, en hurlant dans les tuyaux des couloirs après les avoir surprises en train de s'embrasser. Il parait qu'elles étaient toutes débraillées au moment où Mcgo' les a sorties de là. Mimi n'a pas arrêté de faire des remarques à toutes les filles qui venaient ensembles aux toilettes pendant des mois après ça.

A ces mots, le visage de Pansy se décomposa légèrement mais l'alcool aidant, cette dernière n'eut pas beaucoup de mal à se fabriquer un air parfaitement détendu.

_Et ces rumeurs, elles sont vraies ? interrogea le métis.

_Hééé, tu n'avais droit qu'à une seule question ! protesta Pansy.

_En partie oui, répondit Daphnée que rien ne pouvait empêcher de dire la vérité. Pansy m'a avoué avoir eu une expérience avec Hestia mais j'ignore si c'est allé aussi loin que la rumeur le dit.

Elle se tourna alors vers sa coéquipière et s'excusa avec sincérité.

_Je suis désolée, j'essaye mais je n'arrive pas à m'en empêcher !

_Vous n'en saurez donc pas plus ! s'exclama Pansy en tapant un grand coup dans ses mains, soulagée que son tour prenne fin.

Bien qu'elle ait toute confiance en son amie, elle se félicita intérieurement de ne pas avoir pris Daphnée pour un confessionnal à l'époque, d'autant que cette expérience avait été plus que décevante. Cela ne valait pas le coup de s'en vanter.

_Théodore, c'est ton tour.

_Vérité, annonça le Serpentard sans hésiter.

_C'est pas drôle ! se plaignit Pansy une fois de plus. Victoria et Théo se supportent à peine, il n'y a aucune chance qu'elle puisse nous révéler des choses compromettantes sur lui s'il se défile.

_C'est tout l'intérêt, répliqua Théodore.

Victoria et Théodore échangèrent un regard furtif qu'aucun de leur camarade n'intercepta. Aussitôt, Victoria détourna le visage et pris le parti de l'ignorer dans une expression dédaigneuse. Elle semblait toutefois un peu nerveuse, comme si elle appréhendait tout de même un peu ce qui allait suivre.

Théodore vida son verre d'un seul trait et le reposa calmement à son emplacement.

_Ça fait un moment maintenant que tu sors avec la Serdaigle… comment elle s'appelle déjà ?

_Héloïse Hackett, répondit Daphnée en fronçant les sourcils. Ça fait un an et demi qu'ils sortent ensemble, tu pourrais faire l'effort de retenir son prénom.

_Ah, oui. Héloïse, reprit Blaise. Alors, les Serdaigles ? Sont-elles aussi studieuses sous la couette qu'en classe, ou bien sont-elles au contraire complètement déchaînées, genre… folle du sexe ?

A ces mots, Drago pouffa, Pansy éclata de rire et Daphnée leva les yeux au ciel. Victoria, elle, dirigea vaguement son regard vers l'intéressé.

_C'est tellement indiscret, dit Daphnée sans pouvoir s'empêcher de sourire à cette question.

_Admettez qu'on se la pose tous, fit Blaise, qui ne se laissait pas duper par les mines faussement offusquées de ses amis.

L'absence de réponse dans l'assemblée fut plus qu'éloquente. Théodore n'avait pas vraiment l'air gêné mais il sembla réfléchir un instant.

_Non, Héloïse n'est pas ce genre de fille. Je dirais qu'elle est plutôt studieuse, dans tous les sens du terme.

_J'en étais sûr ! s'exclama Pansy, dont l'alcool semblait commencer à faire effet.

_C'est vrai que ce n'est pas vraiment une surprise, approuva Blaise.

_Ça doit être d'un chiant…

Comme toujours, Théodore fit mine de ne pas entendre la remarque de sa coéquipière et ne releva pas. Un Nott ne se laisse pas décontenancer par les attaques perfides, et Victoria en était tout particulièrement adepte. Rentrer dans son jeu consisterait forcément à y laisser un peu de dignité.

_Ne sois pas mauvaise, Vicky. D'ailleurs c'est à toi.

Victoria se mordit la lèvre en faisant mine de réfléchir. Action, c'était risqué, mais certainement moins risqué que de choisir l'autre option. Elle se doutait du genre de question qu'allaient poser ses amis et si elle n'avait aucune envie d'y répondre, elle souhaitait encore moins que ce soit Théodore qui le fasse à sa place.

_Action, dit-elle en vidant le contenu de son verre.

_Ah ! Enfin un peu de mouvement, on commençait à s'ennuyer, lança Blaise.

_Je sais ! Je sais ! s'exclama Pansy en se trémoussant sur son siège, l'air surexcitée. Londubat est au bout du train avec cette folle de Lovegood, la traitre-à-son-sang, Finnigan et deux filles de Poufsouffle. Tu dois aller là-bas et l'embrasser.

_Tu en as beaucoup, des idées brillantes comme celle-là ? demanda Victoria en levant un sourcil.

_C'est un peu risqué, tu ne crois pas ? Surtout avec ce qui s'est passé, Londubat et Finnigan pourraient surréagir, souligna Daphnée.

_Tu parles ! Ce gros ballot n'est un danger pour personne. Le temps qu'il se souvienne quel sort il veut formuler, Victoria aura eu le temps de rouler des pelles à tout le monde dans la cabine et de s'en aller. Moi je suis pour, affirma Blaise, particulièrement intéressé par cette perspective.

_Qu'est-ce qui se passe si je refuse ?

_La règle est claire, c'est avec Théodore que tu devras échanger ta salive, répondit Pansy, qui savourait déjà sa vengeance.

Tous se mirent à rire devant la mine scandalisée des deux coéquipiers.

Il fallait bien avouer que Pansy avait bien pensé son coup. Il ne faisait aucun doute que Victoria aurait le plus grand mal à déterminer quelle option était la moins dégradante entre Nott et Londubat.

Elle ne pouvait encadrer aucun des deux.

_Plutôt mourir, trancha Victoria.

_On est d'accord, enchérit Théodore.

[…]

Victoria et Théodore se dirigeaient vers le fond du wagon d'un pas lent. A en juger par la mine que tirait Victoria, cette dernière n'était pas ravie du sort que lui avaient réservés ses amis. Elle était encore en train de se demander si elle n'aurait pas mieux fait de révéler un secret tout compte fait. La perspective d'échanger un baiser avec ce raté de Londubat ne l'enchantait guère. Théodore, lui, marchait tranquillement derrière elle, les mains dans les poches. Il paraissait serein et aussi un peu amusée par la situation. Il était vrai que Victoria n'avait pas volé ce qui lui arrivait.

Derrière son air détendu, il restait toutefois vigilant. Difficile de savoir comment les Gryffondors réagiraient à leur présence, surtout après ce qui s'était passé. Il était évident qu'ils ne prendraient pas leur petite blague à la rigolade et il fallait se tenir prêt à réagir si les choses tournaient mal.

Lorsqu'ils furent à une cabine de leur objectif, Victoria s'arrêta brusquement et jeta un coup d'œil derrière elle. A quelques pas d'eux, les autres suivaient discrètement la marche pour ne pas perdre une miette de ce qui allait suivre. Cette situation semblait beaucoup les amuser et ils n'étaient pas très subtils. Excédée, elle leva les yeux au ciel et poussa un soupir las.

_Tu te dégonfles ? s'amusa Théodore.

A en juger par le regard antipathique qu'elle lui lança, cela ne semblait pas la faire rire le moins du monde.

_Jamais de la vie, se défendit-elle. Je trouve juste cette idée stupide et singulièrement puérile.

_Allez, dit-il en la prenant par les épaules dans une vague tentative d'encouragement. Ne sois pas mauvaise joueuse. Au moins tu sauras ce que ça fait de te retrouver à la mauvaise place pour une fois.

_Victoria fronça les sourcils et s'apprêtait à protester, mais Théodore ne lui en laissa pas l'opportunité.

_Tu ne peux pas nier que c'est de bonne guerre.

_Je suppose, oui, concéda-t-elle de mauvaise grâce.

Sur ces mots, elle se décida à marcher la tête haute jusqu'à la cabine du Gryffondor et ouvrit les portes d'un geste théâtral.

Tous sursautèrent devant cette brusque entrée en matière. Neville Londubat, Seamus Finnigan et Ginny Weasley se levèrent d'un seul coup et se postèrent devant elle comme pour lui barrer la route. Les sourcils foncés, le regard sombre, les traits tendus, tous trois ressemblaient à une armée de sentinelles prête à ouvrir le feu au moindre signe d'hostilité.

Et quelle armée ! Victoria balaya le compartiment d'un regard serein, en faisant de son mieux pour se retenir de rire devant leurs mines effarouchées.

La jeune Weasley avait déjà dégainé sa baguette et affichait un air féroce, visiblement prête à en découdre. Neville Londubat se tenait face à Victoria, raide et incertain, l'air de celui qui ne savait pas encore très bien comment il convenait de réagir. De toute évidence, sa présence ainsi que celle de Théodore leur déplaisait au plus haut point, mais elle n'était pas sure qu'ils aient remarqués les quatre autres qui se planquaient dans le couloir. Seules les deux Poufsouffles ne s'étaient pas mis en position de défense, mais il était évident qu'elles observaient la scène avec attention et méfiance. Au fond de sa banquette, Luna Lovegood la détaillait en silence derrière une paire d'étranges lunettes qu'elle avait pris l'habitude de porter sur le nez.

Victoria les regarda tour à tour, les bras de part et d'autre de la porte de la cabine. Elle affichait une attitude parfaitement détendue et ne semblait pas le moins du monde déstabilisée par cette démonstration d'animosité. Théodore, lui, s'adossa tranquillement à la vitre dans le couloir et observa la scène.

_Relax, les lionceaux, je viens en paix.

_Qu'est-ce que tu veux, Ludchance ?

Le ton agressif de Neville Londubat ne laissait rien présager de bon. Elle ignora sa question et dévisagea la rouquine - la plus jeune des Weasley si sa mémoire était bonne - qui pointait son arme sur elle.

_Ta mère ne t'a jamais appris à ne pas pointer ta baguette sur les inconnus ? C'est très impoli.

Ginny Weasley ne se laissa pas décontenancer par cette évidente provocation. Pour toute réponse, elle resserra ses doigts autour de sa baguette, prête à lui envoyer un sortilège de son cru au moindre signe d'hostilité. Victoria ne parut pas impressionnée, sa seule réaction fut seulement de sourire un peu plus.

_Je répète, qu'est-ce-que-vous-foutez-là ? reprit Neville en appuyant chacun de ses mots dans une intonation menaçante.

Victoria fit mine de réfléchir.

_Qu'est-ce que j'étais venue faire déjà ? dit-elle en faisant mine de s'interroger réellement sur la raison de sa venue. Ah, ça me revient maintenant…

Sans lui laisser plus de temps pour réfléchir, elle fit un pas en avant pour réduire le peu de distance qui la séparait du Gryffondor, attrapa son visage entre ses mains et écrasa ses lèvres contre les siennes, le tout devant les yeux ébahis de ceux qui assistaient à la scène.

Dans la cabine, tous s'interrogèrent du regard, stupéfaits par ce revirement inattendu. Neville, quant à lui, demeura interdit, incapable de réagir. Tout ce qu'il réussit à faire, ces froncer les sourcils, les yeux grands ouverts, complètement sous le choc. Il resta là, sidéré, recevant un baiser qu'il n'avait pas demandé et dont il ne comprenait foutrement pas la raison.

Ses lèvres étaient plutôt douces, songea Victoria alors qu'elle évitait un maximum d'y mettre la langue. Au moins, il était certain que Ginny Weasley ne prendrait pas le risque de l'attaquer et de blesser son ami. Cette fille était tellement impulsive, si peu réfléchie… Typiquement Gryffondor. Elle l'imaginait s'agiter nerveusement derrière eux, ne sachant trop quoi faire. Cette pensée ajouta quelque chose d'étonnement jubilatoire à cette situation.

Lorsque Victoria estima que cet échange de salive avait suffisamment duré, elle s'écarta de lui et lui donna deux gentilles petites tapes sur la joue en souriant, comme elle l'aurait fait à un petit animal obéissant. Sans dire un mot, elle tourna les talons et reprit le chemin de sa cabine en le laissant planté là, Théodore sur ses talons.

Neville Londubat resta figé sur place pendant un long moment, tentant de comprendre ce qu'il venait de se passer. Lorsqu'il recouvra ses esprits, les deux Serpentards étaient déjà loin.

A l'instant même où Victoria franchit les portes de la cabine dans laquelle se trouvaient ses amis, elle fut accueillie à grand renforts d'applaudissements.

_C'était… commença Daphnée, cherchant les mots.

_Absolument dégoûtant, termina Pansy dans un éclat de rire.

_Et encore, vous êtes loin de la réalité.

_Ceci dit, tu n'étais pas forcée d'en faire autant, souligna Théodore.

Victoria fit comme si elle n'avait rien entendu et retourna s'installer confortablement sur la banquette en cuir brun, prête à reprendre leur petit jeu. Elle avait bien l'intention de se venger et commençait déjà à élaborer des dizaines d'idées machiavéliques à mettre en application lorsque les tours de Pansy et de Blaise viendraient. Quelques-unes étaient particulièrement inventives.

Alors que Drago s'apprêtait à prendre son tour, ils furent interrompus par l'arrivée du chariot de friandises.

_Quelque chose vous ferait plaisir les enf…

La vieille dame qui poussait le chariot s'interrompit en plein milieu de sa phrase à l'instant même où son regard se posa sur la troupe de Serpentards. Ses yeux naviguèrent de Théodore à Drago, puis de Drago à Théodore, et sa mine s'assombrit.

Il ne fallait pas être génie pour se rendre compte que cette dernière les avait reconnus et les associait directement aux actions tristement célèbres de leurs pères respectifs.

Les récents événements n'avaient en rien arrangé l'opinion que les gens se faisaient des familles de sang-purs, encore moins ceux dont certains membres étaient soupçonnés d'être impliqués dans des histoires de mangemorts. La vieille dame, habituellement aimable et souriante, jeta un regard des plus froids sur les deux garçons.

_Un problème peut-être ? Une de nos têtes ne vous revient pas ? s'enquit Daphnée avec impatience.

Elle n'appréciait guère la façon qu'avait cette femme de les juger. La vieille dame ne répondit rien, un peu surprise par brutalité de la question.

Habituellement, Daphnée agissait avec plus de douceur et de tact, mais le veritaserum, l'alcool et les récents événements lui avaient visiblement fait perdre ce qu'il restait de son indulgence. Ce n'était d'ailleurs pas cette jeune fille qui dérangeait la marchande de friandises, mais cette dernière comprit rapidement que c'était le groupe entier qu'elle aurait sur le dos si elle exprimait le fond de sa pensée.

Elle se contenta donc de renifler d'un air dédaigneux.

_On n'a besoin de rien, vous pouvez circuler, expédia Daphnée avec froideur.

La vieille les toisa encore pendant un instant avec un air suffisant, avant de donner un petit coup dans son chariot pour le faire avancer, sans demander son reste. Lorsqu'elle eut disparu de l'encadrement de la porte, Pansy éclata.

_Non mais je rêve, qu'est-ce qui lui prend à cette mégère ?

_C'est à cause de nous, expliqua Théodore d'un ton calme.

_C'est pas une raison ! s'indigna-t-elle. Les cracmols dans son genre feraient mieux de ne pas oublier où est leur place.

_Pourtant il va falloir s'y habituer, répondit Drago avec une pointe d'agacement dans la voix. Il y a peu de chances que ça aille en s'arrangeant.

_Cette vieille gorgone nous doit le respect !

Pansy fulminait, mais elle voulait surtout se montrer rassurante. Drago ne l'entendit pas de cette oreille et il eut l'air contrarié.

_Ouais, c'est ça, soupira-t-il en se levant et en quittant la cabine sans dire un mot.

_Qu'est-ce qui lui prend ? demanda Pansy qui s'apprêtait à se lancer à sa poursuite.

_Laisse-le, il a juste besoin d'être un peu seul, répondit Blaise.

Victoria eut envie de le suivre elle aussi, mais elle se retint. Blaise avait sans doute raison, ces derniers temps avaient été plutôt difficiles et son meilleur ami avait probablement besoin d'un peu de calme.

Elle ne parvint cependant pas à dissimuler l'inquiétude qui tendait les traits de son visage.

Elle connaissait bien les conditions de vie dans lesquelles Drago avait été élevé. Elle savait qu'il était difficile pour lui de se soustraire aux exigences parentales, et qu'il subissait d'importantes pressions de la part de son père pour qu'il prenne part à des initiatives plus que discutables. Si Drago partageait naturellement les convictions de ses parents et de ses ancêtres - du moins la plupart du temps - il n'en restait pas moins que Lucius Malfoy attendait parfois de lui plus qu'il n'était en mesure de fournir. Aussi était-il souvent tiraillé entre les injonctions paternelles et ses propres aspirations personnelles, auxquelles l'illustre famille Malefoy ne laissaient que peu de place.

Elle n'aimait pas le voir ainsi mener un tel combat. Victoria avait toujours été fermement convaincu que les conflits de loyauté n'amenaient jamais rien de bon. Elle était d'ailleurs bien placée pour le savoir.

Si les autres parvenait à rationaliser face à son attitude, il était plus difficile pour elle de laisser les choses se faire.

Drago et elle avaient pratiquement grandis ensemble, et ils étaient arrivé à Poudlard en se faisant la promesse qu'ils resteraient soudés quelle que soit les décisions du Choixpeau concernant leur répartition au sein des quatre maisons. Promesse qui n'eut pas à être mise à l'épreuve, puisque comme ils l'espéraient, ils avaient tous deux été admis à Serpentard. Depuis lors, ils ne s'étaient jamais lâchés et ils avaient appris à avancer dans la vie côte à côte. Durant les cinq premières années d'études, ils avaient mis un point d'honneur à s'apporter un soutien mutuel et inconditionnel dans chacune de leurs initiatives, que cela concerne le désir insatiable de Drago à mener la vie impossible à Potter et sa clique ou bien les idées excentriques de Victoria qui avaient bien souvent failli leur apporter de sérieux ennuis.

Durant cette sixième année cependant, il lui semblait que leur amitié avait pris un tournant qu'elle ne parvenait pas à expliquer. A mesure que les mois avaient passés, Drago s'était fait plus distant, agissant souvent seul de son côté, se confiant de plus en plus rarement jusqu'à finalement ne plus se tourner vers elle du tout. Les choses ne s'étaient pas arrangées lorsqu'il s'était mis à fréquenter Pansy en des termes plus intimes. C'était d'ailleurs le point de départ qui était venu alimenter la rancœur que les deux filles avaient l'une pour l'autre, Victoria supportant mal qu'il accorde plus de temps à son amie tandis qu'elle le voyait s'éloigner inexorablement.

Oh, bien sûr, elle s'était douté que les choses allaient changer à partir du moment où Drago s'était ramené avec la marque des Ténèbres fraichement apposée sur le bras. Elle s'était bien douté que ses nouvelles responsabilités, bien qu'il n'en ait jamais évoqué les détails, allaient accaparer son temps et son attention, et qu'il ne pourrait peut-être plus se montrer aussi disponible qu'avant. Elle ne s'était tout simplement pas imaginée que ce serait au détriment de leur amitié.

Cette dernière pensée acheva de lui faire abandonner l'idée d'aller le retrouver. Victoria n'était peut-être pas la plus douée pour faire preuve d'empathie, mais elle connaissait suffisamment bien Drago pour savoir que forcer les choses ne conduiraient à rien d'autre qu'à le faire se braquer d'avantage. Elle estimait en avoir suffisamment fait les frais durant l'année scolaire.

Le reste du voyage se déroula dans le calme le plus total. L'intervention de la vieille dame avait définitivement mis fin à leur envie de s'amuser, et il était devenu difficile de trouver un autre sujet de discussion après le froid qu'elle avait jetée derrière son passage.

Théodore et Victoria passèrent le reste du voyage à regarder le paysage défiler par la fenêtre. Blaise s'était endormi, la tête posée sur les genoux de Daphnée qui lisait un livre, et Pansy avait entrepris de se vernir les ongles pour passer le temps.

Drago ne se montra pas jusqu'à l'arrivée du train en gare de King's Cross, et ne rentra dans la cabine que pour récupérer ses affaires. Lorsqu'ils descendirent du train, une foule de parents attendaient sur le quai, impatients de retrouver leurs enfants sains et saufs après la tragédie qui avait eue lieue à Poudlard une semaine plus tôt. Au regard des récents événements qui avaient agités le monde sorcier, il était évident que beaucoup d'entre eux ne renverrait pas leurs enfants à l'école l'année prochaine.

Les choses allaient changer, ils le savaient. Ils ne s'imaginaient simplement pas encore à quel point.

Mr. et Mrs. Greengrass attendaient Daphnée ainsi que sa sœur Astoria sur le quai. Ils semblaient sereins, comme toujours, et dégageaient autour d'eux une aura apaisante. Narcissa Malefoy se tenait non loin d'eux, avec sa coiffure toujours impeccable et son éternel air pincé sur le visage. Elle embrassa son fils sur la joue avec pudeur et ils transplanèrent aussitôt ensemble, avant même que ses amis aient le temps de lui dire aurevoir.

Mrs. Zabini, la mère de Blaise, faisait signe un peu plus loin. Elle se démarquait des autres parents par sa beauté qui transperçait la foule. Elle portait un tailleur parfaitement ajusté qui mettait en valeur sa silhouette et était, comme toujours, très apprêtée. Daphnée prit soin d'embrasser son amoureux avant de le laisser partir et de rejoindre ses propres parents. Blaise profita de cette proximité pour glisser un petit objet dans la poche de sa veste et salua ses amis avant de se frayer un chemin à travers la foule avec sa valise.

De la bande, sur le quai 9 3/4, il ne resta bientôt plus que Théodore, Victoria et Pansy. Cette dernière attrapa ses trois énormes sacs, tous remplis à ras bord de chaussures, de vêtements et de maquillage, avant de se tourner vers Victoria avec un sourire contrit.

_On va marcher un peu avec Théo, tu viens avec nous ?

_Non, merci. Je dois y aller.

Théodore et Pansy ne répondirent rien mais elle ne manqua pas l'œillade qu'ils échangèrent juste devant elle.

_J'ai des trucs à faire, se sentit-elle obligée de préciser, sans toutefois parvenir à masquer une pointe d'agacement.

_Comme tu veux, répondit Pansy en haussant les épaules. Alors on se voit bientôt !

_C'est ça, maugréa-t-elle tandis qu'ils tournaient les talons.

Victoria regarda Théodore et Pansy qui s'en allaient côte à côte le long du quai en traînant derrière eux leurs valises, puis elle enroula ses doigts autour de sa baguette et transplana.


Alors, qu'en avez-vous pensé ? Ca vous a plu, ou au contraire vous pensez qu'il vaut mieux que j'arrête le massacre ? haha

Je ne me donne pas de rythme d'écriture pour l'instant, toute l'histoire est prête dans ma tête et je sais exactement ce que je veux faire du début à la fin mais je me donne pour règle de ne jamais me forcer à écrire, donc certains chapitres arriveront peut-être très vite tandis que d'autres mettront peut-être un peu plus de temps.

Au plaisir de vous retrouver au chapitre suivant !